# 38-12-59
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Ave Maria\
gratia plena
Dominus tecum\
benedicta tu in mulieribus\
et benedictus\
fructus ventris tui Jesus\
Sancta Maria\
ora pro nobis peccatoribus\
nunc\
et in hora mortis nostrae\
Amen
2:38
La Salutation angélique résume, dans l'abrégé le plus concis, toute la théologie chrétienne sur la Sainte Vierge.
On y trouve une louange et une invocation. La louange renferme tout ce qui fait la véritable grandeur de Marie ; l'invocation renferme tout ce que nous devons lui demander, et ce que nous pouvons attendre de sa bonté pour nous.
La très Sainte Trinité en a révélé la première partie ; sainte Élisabeth, éclairée du Saint-Esprit, y a ajouté la seconde ; et l'Église, dans le premier Concile d'Éphèse, tenu en l'an 430, y a mis la conclusion, après avoir condamné l'erreur de Nestorius et défini que la Sainte Vierge est véritablement mère de Dieu. Le Concile ordonna qu'on invoquerait la Sainte Vierge sous cette glorieuse qualité, par ces paroles : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. »
GRIGNION DE MONTFORT.
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### La Royauté de Marie et la consécration à son Cœur Immaculé
LE PROCHAIN CONCILE œcuménique réalisera les conditions matérielles et spirituelles d'une consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie : une consécration faite cette fois non seulement par le Souverain Pontife mais, en même temps, par les évêques du monde entier en union solennelle avec lui. Si l'on objectait que cette consécration est déjà faite, ce serait oublier qu'elle n'a point été faite *ainsi.* Et, à y bien réfléchir, on peut même se demander si la requête d'une consécration ainsi faite n'impliquait pas, pour sa réalisation pratique, précisément la réunion d'un Concile. Au demeurant, la consécration du genre humain doit être renouvelée chaque année, le 31 mai, en la fête de la Royauté de Marie : « *Par Notre autorité apostolique Nous décrétons et instituons la fête de Marie Reine, qui se célèbrera chaque année dans le monde entier le* 31 *mai. Nous ordonnons également que ce jour-là on renouvelle la consécration du genre humain au Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie. C'est là en effet que repose le grand espoir de voir se lever une ère de bonheur où règneront la paix chrétienne et le triomphe de la religion.* » ([^1])
CE N'EST PAS à une « spiritualité particulière » que nous nous référons ici, mais à la *pensée commune* de l'Église, telle qu'elle est définie, exposée et enseignée par les Papes. Il est vrai que, trop souvent, on la connaît mal. Les enseignements pontificaux -- et point seulement en matière sociale -- les enseignements pontificaux les plus récents ne se sont pas encore inscrits dans les manuels et les traités, ils ne sont pas encore passés dans les cours et conférences. Quant aux enseignements pontificaux les plus anciens, eh bien, ils sont anciens précisément : on les oublie.
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C'est pourquoi nous publions ci-après 100 pages de documents pontificaux, où l'on pourra s'informer et s'instruire, comme nous-mêmes nous nous sommes efforcés de nous informer et de nous instruire. Nous sommes effroyablement pauvres en connaissances religieuses, effroyablement négligents et distraits quand il s'agit d'apprendre ce qui importe plus que tout. Nous ne prenons guère le temps, le soin, la peine de porter nos connaissances religieuses au même niveau de sérieux et d'approfondissement que nos connaissances profanes. C'est un grand mal et c'est un grand malheur de notre temps. Dès sa première Encyclique, Jean XXIII l'a dit à tout l'univers :
« La cause et pour ainsi dire la racine de tous les maux qui s'attaquent comme un poison aux individus, aux peuples et aux nations, et qui bien souvent bouleversent les esprits, est l'ignorance de la vérité (...). De nos jours, on s'adonne avec beaucoup de fatigue et de zèle à l'étude et au progrès de la science humaine et notre époque peut certes se glorifier des progrès accomplis dans tous les domaines de la recherche scientifique. Pourquoi donc ne devrait-on pas employer un zèle, une habileté et une activité plus grande encore pour acquérir ce savoir qui ne concerne pas cette vie terrestre et mortelle, mais bien la vie céleste qui ne passera pas ? » ([^2])
MAIS CETTE CONSÉCRATION, objecte-t-on encore, « c'est Fatima ». Et d'assurer que l'Église ne s'est point « engagée au sujet de Fatima », qu'elle a même marqué « beaucoup plus de réserve qu'à l'égard de Lourdes », et qu'enfin elle n'a pas *reconnu* Fatima.
La diffusion systématique d'une telle suspicion est lamentable.
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Car enfin, le Cardinal Roncalli, futur Jean XXIII, déclarait le 13 mai 1956 que Pie XII, « par son émouvant message (de 1946) et comme ravi lui aussi par une vision apocalyptique, *reconnaissait* désormais, attestait, proclamait la projection mondiale de Fatima ». Nous pouvons bien en dire autant. Ou même nous le devons. Et en tirer les conséquences ([^3]).
QU'IL CONVIENNE, cela dit, de formuler conjointement des nuances, des nuances précises, des nuances exactes, des nuances théologiques, des nuances qui ne sont pas secondaires, bien sûr : on les trouvera authentiquement exprimées dans les cent pages de documents pontificaux que nous publions ci-après.
Mais, s'il est permis de recourir à une telle métaphore, la nuance précise la couleur, elle ne l'abolit point. Nous annonçons donc la couleur, puis nous la précisons en marquant les nuances.
ON ÉQUIVOQUE vraiment trop quand on demande à l'Église, par exemple au sujet de « Fatima », une *reconnaissance explicite* et une *approbation formelle,* et quand on argumente pour démontrer premièrement qu'il n'y en a point, secondement qu'il faut « donc » conclure à la méfiance, à la suspicion, au refus.
Car il existe en la matière un comportement constant de l'Église. Un comportement de fait, toujours identique à lui-même, mais dont la règle n'avait pas été formulée, ou du moins, ne semblait pas l'avoir été avec la netteté explicite de Jean XXIII :
« Si les Pontifes romains sont constitués gardiens et interprètes de la Révélation divine contenue dans la Sainte Écriture et dans la tradition, ils se font aussi un devoir de recommander à l'attention des fidèles -- quand après mûr examen ils le jugent opportun pour le bien général -- les lumières surnaturelles qu'il plaît à Dieu de dispenser librement à certaines âmes privilégiées, non pour proposer des doctrines nouvelles, mais pour guider leur conduite. » ([^4])
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La dévotion et la consécration au Cœur Immaculé de Marie ne relèvent aucunement d'une spiritualité « particulière » ; elles ne sont pas seulement tolérées, avec une égale tolérance pour ceux qui les dénigrent ; elles ne sont pas seulement *permises,* comme on dit trop souvent. La dévotion et la consécration au Cœur Immaculé de Marie sont RECOMMANDÉES A L'ATTENTION DES FIDÈLES par les Pontifes romains dans l'exercice, de leur charge apostolique ; elles sont recommandées NON POUR PROPOSER DES DOCTRINES NOUVELLES, MAIS POUR GUIDER NOTRE CONDUITE. Et elles sont recommandées IMPÉRATIVEMENT, -- Pie XII a dit : « *Nous ordonnons...* » ([^5])
LA CONSÉCRATION PERSONNELLE, familiale, corporative, sociale, nationale, universelle au Cœur Immaculé de Marie n'est pas un acte qui *dispense* de quoi que ce soit dans l'ordre religieux ou dans l'ordre profane, et spécialement point de l'accomplissement du devoir d'état. Elle est au contraire l'engagement d'accomplir, avec la grâce de Dieu et par l'intercession de la T.S. Vierge, chacun des devoirs qu'apporte chaque jour. De les accomplir avec Jésus, par Jésus, en Jésus, pour tout restaurer dans le Christ et pour qu'Il règne sur nous, dans nos cœurs, dans nos familles, dans nos cités, sur l'univers entier.
Si, par exemple, le prochain Concile décide et accomplit une solennelle consécration du genre humain à Jésus par le Cœur Immaculé de Marie, ce ne sera nullement pour se dispenser d'étudier l'ensemble des questions doctrinales, apostoliques, disciplinaires, juridiques et administratives aujourd'hui posées à l'Église universelle. Ce sera, au contraire, pour implorer et obtenu d'avoir en plénitude la grâce de les examiner et de les résoudre avec l'assistance de l'Esprit Saint.
Aussi, la consécration au Cœur Immaculé de Marie, Reine des cieux et Reine de la terre, n'est-elle pas simplement ni d'abord une sorte de décret juridique. Elle est d'abord et surtout une grâce qui sans doute, dans le plan de Dieu, dépend mystérieusement, et d'une manière que nous ne pouvons mesurer, de l'avancement effectif du Règne de Marie dans les cœurs.
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La consécration au Cœur Immaculé de Marie n'est pas une simple formule d'étiquette. Et elle ne peut certainement pas être un mensonge. Il faut qu'elle soit vécue déjà dans ces âmes qui sont devant Dieu comme les répondants de tout un peuple. Nous ne savons pas lesquelles, -- bien que nous sachions que toutes y sont appelées. Nous ne savons pas leur nombre. Nous ne connaissons pas le regard de Dieu.
Nous savons que la consécration du genre humain est une grâce qui s'obtient par la prière et par la pénitence.
SI NOUS VOULONS cette consécration du genre humain, de toutes les races, de toutes les nations, de toutes les familles qui le composent, qu'y pouvons-nous ? -- *Ora et labora *: prie et travaille.
Toutes les nations chrétiennes ont été, à un moment de leur histoire, consacrées à Marie. Elles l'ont été en général par leurs princes agissant en leur nom. Depuis des siècles, le Portugal était « la terre de sainte Marie ». La France fut consacrée à Notre-Dame de l'Assomption. « Toute terre chrétienne est une terre mariale. » ([^6]). Consécration qui est *irrévocable.* Mais une consécration, même irrévocable, on peut la *renier, --* on peut l'oublier... Une consécration, même et surtout irrévocable, a besoin d'être renouvelée pour être vécue.
Or la transformation des esprits, des mœurs et des structures a pour conséquence qu'aujourd'hui, pratiquement comme juridiquement, les peuples n'ont plus de maîtres temporels qui puissent légitimement les engager sans leur aveu, ni de princes qui puissent parler en leur nom avec leur consentement seulement implicite.
C'est un motif supplémentaire, et impérieux pour que chaque nation chrétienne -- l'Italie, l'Espagne et le Portugal, entre autres, l'ont déjà fait -- procède à un renouvellement solennel de sa consécration à Marie ([^7]).
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Le Cardinal Tisserant l'exposait récemment : « Il n'était pas rare autrefois qu'un Prince consacrât solennellement à la Mère de Dieu le territoire qui lui appartenait en pleine souveraineté ou fief (...). (Aujourd'hui) il est difficile d'espérer que les initiatives viendront des chefs d'État ou de gouvernement. Même s'ils avaient une conviction personnelle qui les incline à consacrer leur pays au Cœur Immaculé de Marie, il faudrait encore, en raison des traditions politiques des États démocratiques, un mouvement d'opinion qui les encourage et qui les appuie. » ([^8])
Il faut donc un *mouvement d'opinion...* Non, certes, un mouvement d'opinion de type politique ou syndical, procédant par l'agitation et la revendication. Un mouvement d'opinion enraciné dans la prière. *Ora et labora *: prie et travaille. Un mouvement d'opinion qui vive, qui enseigne, qui explique le Règne de Marie, condition et moyen de la Royauté universelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Un mouvement d'opinion qui s'adresse au prochain le plus proche, dans la discrétion et l'humilité, avec la sainte ambition de progresser de proche en proche jusqu'aux limites de l'univers.
Nous y apportons notre contribution selon notre état, qui est de réflexion et de documentation, de témoignage et d'engagement, en publiant cent pages de documents pontificaux : beaucoup d'entre eux sont pratiquement introuvables isolément ; et l'ensemble n'avait point encore été réuni en un seul volume.
Des publications, des associations, des mouvements travaillent directement au Règne de Marie dans les cœurs et dans toute la vie sociale, professionnelle, nationale et inter nationale : les initiatives en ce domaine sont quasiment in nombrables ; nous avons réuni et nous publions les renseignements, certainement incomplets, dont nous disposons à leur sujet.
MARIE, mère de Dieu et notre mère, Reine de tous les peuples et Reine du ciel, devient plus visiblement présente dans l'histoire même du genre humain.
L'affirmer n'est pas une invention de notre temps : cette présence de plus en plus visible, cette action de plus en plus sensible sur les destinées des nations avaient été annoncées depuis longtemps, et depuis longtemps expliquées. Qu'on relise Grignion de Montfort...
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Aujourd'hui, il faudrait être aveugle et sourd pour ne rien remarquer.
Car aujourd'hui, le Pape parle.
« A notre époque, dit Jean XXIII, l'auguste Mère de Dieu fait sentir de façon spéciale sa présence dans les événements humains. » ([^9])
Et Jean XXIII dit encore :
« Des indices certains montrent le caractère marial de notre époque. Il apparaît de jour en jour plus clairement que le chemin du retour à Dieu pour les pécheurs est gardé par Marie ; que Marie est notre plus ferme assurance, le fondement de notre sécurité, le motif de notre espérance. » ([^10])
DANS LES DOCUMENTS pontificaux que nous publions s'exprime l'enseignement qui est la règle vivante, universelle et prochaine de notre foi ([^11]). Or cet enseignement nous concerne et il nous appelle. Notre adhésion, l'adhésion de chacun, à sa place et selon son état, ne peut être seulement implicite. *Oremus et laboremus *: prions et travaillons.
Tel est le domaine de nos réflexions. Elles sont de l'ordre de la réponse, du témoignage, de l'engagement personnels ; et de l'hommage à Marie Reine.
La pauvreté des fleurs que nous avons ainsi nouées en bouquet, nous la voyons bien : mais ce sont les nôtres, réunies de nos mains, comme nous pouvons. L'infirmité de nos commentaires, cela ne fait pas grand-chose. Mais les voilà et les voici. C'est ce que nous avons à donner. Nous le donnons. Avec notre cœur. A la très Sainte Vierge. *Ave Maria.*
Jean MADIRAN.
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### Le Cœur Immaculé de Marie
C'EST UNE BIEN GRANDE audace pour un pécheur d'oser parler du seul cœur humain qui ait été parfaitement pur, alors que les saints eux-mêmes en ont parlé avec un tremblement d'humilité. Mais la plupart de nos lecteurs ont des devoirs d'état de plus en plus absorbants dans un monde qui a la frénésie du changement. L'équilibre est perdu entre les devoirs de l'homme de ce monde et les devoirs d'enfant de Dieu. Combien trouvent le temps de faire la prière du soir en famille ? C'est pourtant un acte fondamental dans la vie chrétienne, la source la plus sûre d'entente, de respect et d'amour entre les parents et les enfants. Mais les heures s'y accommodent mal et on trouve quelque chose de plus pressé à faire.
Notre excuse pour parler du Cœur Immaculé de Marie est donc de mettre la pensée des saints à la portée de ceux de nos lecteurs qui ont à peine le temps de jeter les yeux sur les journaux professionnels eux-mêmes indispensables à leur travail.
NOTRE-SEIGNEUR était Dieu, mais la Vierge Marie était une simple enfant des hommes,
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*Fillote de quatorze ans*
*Fraîche comme en la prairie*
*Les violettes au printemps*
dit le vieux Noël.
Simple enfant des hommes mais pure, et seule pure. « *Et Dieu n'a donné son Unique au monde que par Marie, quelques soupirs qu'aient poussé les patriarches, quelques demandes qu'aient faites les prophètes et les saints de l'ancienne loi pendant quatre mille ans pour avoir ce trésor, il n'y a que Marie qui l'ait mérité et trouvé grâce devant Dieu par la force de ses prières et la hauteur de ses vertus.* » Ainsi s'exprime S. Louis Grignion de Montfort.
En effet l'ange Gabriel ne vint à Marie que lorsqu'elle eut environ quinze ans, aussi pure qu'à sa conception mais enrichie par quinze années de grâces, de prières, d'efforts vers l'amour et de mérites. C'est alors qu'il lui fit savoir « *qu'elle est pleine de grâce* ». Cela veut dire sans vides de concupiscences, sans trous de doutes et méfiances sur la volonté de Dieu, sans relâchement dans le désir du ciel. Et Marie fut troublée par ce propos de l'ange, parce que se sachant une simple créature sortie des mains du Très-Haut, elle se connaissait, comparée à sa Majesté Infinie « *moindre qu'un atome ou plutôt rien du tout puisqu'Il est seul* « *Celui qui Est* ».
Marie était dans la vérité : mais Dieu pour qui le temps n'est pas avait dans l'éternité prévu l'incarnation de son Verbe, et pour le recevoir une créature exceptionnelle qui fut Marie.
Exceptionnelle par sa pureté et l'absence en elle de toute trace du péché originel, nouvelle Ève, mais tellement pleine de grâce qu'elle ne vit même pas les tentations qui lui furent certainement proposées sans même qu'elle s'en aperçut, tant sa volonté était fixée dans celle de Dieu.
POURTANT, sous un autre aspect, encourageant pour nous, le cas de Marie est semblable au nôtre : Marie était libre et Dieu lui demande son consentement. Dieu l'a prévue de toute éternité pour l'œuvre à laquelle il la destinait, mais comme une cause libre. Dieu connaît de toute éternité ce que feront les causes libres jusqu'à la fin des temps, mais elles le font librement. Il sait que la faiblesse d'un père fera réfléchir le fils et sur cet exemple celui-ci choisira délibérément la voie du salut.
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Dieu est tellement transcendant à nos façons de penser, toujours subordonnées au temps, que nous avons peine à comprendre la connaissance éternelle en Dieu qui est, dit S. Denys l'Aréopagite « par-dessus et plus que l'être, par-dessus et plus que la divinité ». Mais son image en nous est précisément cette volonté libre que Marie a mise en action pour répondre : « qu'il me soit fait selon votre parole. »
Marie s'associait ainsi à la volonté divine de sauver les hommes et devenait l'instrument humain de ce salut.
Ce rôle de Marie continue. Ce qui est mis en doute par les chrétiens qui répugnent à honorer spécialement la Sainte Vierge, c'est la survivance des âmes dans l'état où elles étaient parvenues à l'heure de la mort et la constance des vues de Dieu, leur *immutabilité,* ce qu'on affirme en disant que les dons de Dieu sont sans repentance. Nous le voyons dans le peuple juif lui-même qui reste manifestement un peuple élu pour ce qu'il ne comprend pas encore, mais élu quand même comme gardien de la parole de Dieu et des prophéties. Lequel subsiste de ces peuples puissants qui jadis pouvaient mépriser la faiblesse d'Israël ? Où sont les orgueilleux militaires d'Athènes et de Sparte, les grands prêtres de Pharaon, les armées de Sargon, les processions de Babylone ? Leurs descendants vivent certainement, mais où ? Comment s'appellent-ils ? Le peuple juif, mêlé pourtant au sang de bien des peuples, sans terre, sans temple, sans prêtres, sans sacrifices, demeure, comme témoin des promesses de Dieu et les promesses de Dieu à son peuple qui sont répandues au travers des psaumes continuent de s'accomplir.
Le rôle de la très Sainte Vierge Marie, de même, continue. Dieu agit par les anges, il agit par la goutte d'eau que vous trouvez au matin au cœur d'une rose. Il *opère sans cesse* avec Jésus, par son action créatrice, par la grâce, mais la grande œuvre de l'Amour éternel a été l'Incarnation du Verbe en Marie. Humble fille des hommes, soumise aux conditions naturelles les plus humiliantes de l'humanité, elle eut, restant vierge, un enfant qui était Dieu, un petit homme qui possédait indissolublement unies la nature humaine et la nature divine. Marie est donc dans un rapport unique et exceptionnel avec la très Sainte trinité. Salut, fille de Dieu le Père ! Salut, Mère de Dieu le Fils ! Salut Épouse du Saint-Esprit ! sanctuaire de la très Sainte Trinité !
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Une autre enfant des hommes a été appelée par les anges fille de Dieu et ils ont ajouté : Va ! Va ! Va !
La sainte Vierge n'a pas manqué non plus d'agir. Elle fut instruite toute jeune dans les Saintes Lettres à connaître les misères promises au Messie qu'elle allait enfanter. Elle put donc consentir librement dès son *Fiat.* Éternellement humble, éternellement reconnaissante d'avoir été préservée de : tout mal sans mérite antérieur dès son Immaculée Conception, elle s'en va tout aussitôt dans la montagne visiter sa cousine Élisabeth et lui apporter le Messie dont elle n'avait senti encore en rien l'existence et qui ne lui était connu que par la foi. Et les miracles aussitôt abondent.
Mais les *Visitations* furent toute la vie de Marie. Elle allait dans les maisons de sa parenté à Nazareth y portant l'enfant Jésus, elle le tenait par la main allant à la fontaine ; quatre des apôtres furent cousins germains de Jésus ! Marie avait porté Dieu dans leurs demeures. Sans doute est-il vrai de dire d'elle, comme du vieillard Siméon, « qu'elle portait l'enfant mais que l'enfant la gouvernait ». Il reste que nous voici en présence d'un mystère exceptionnel : Marie exerçant librement la puissance maternelle sur le Verbe incarné. Pendant vingt-huit ou trente ans Jésus a accompagné sa Mère chaque fois qu'elle l'a désiré. Puis, un jour, il est parti pour Béthanie où Jean baptisait. Il a rangé ses outils et préparé du bois pour sa Mère. Il sait qu'il ne se servira plus des outils et comment Dieu pourvoira aux besoins de sa Mère. C'est elle qui maintenant le suivra ; sans faute personnelle, sans trace du péché originel, sauvée et sanctifiée d'avance par les mérites à venir de son Fils, et elle souffrira cependant comme lui, avec lui, participant ainsi au Salut de l'humanité. Sans péché comme son Fils elle suit la voie douloureuse, sans péché elle est au pied de la Croix où son Cœur est percé d'un glaive. Elle montre ainsi le chemin à tous ceux qui acceptent d'être victimes pour le salut des âmes, qui comme elle, sont de simples humains, comme elle lavés par le sang du Christ.
Les Visitations de la très Sainte Vierge continuent : elles deviennent de plus en plus fréquentes depuis que nous sommes entrés dans l'ère de l'apostasie. Dieu renouvelle ces moyens extraordinaires des temps apostoliques, où les apôtres posant les fondations de l'Église pouvaient consulter directement Marie toujours vivante à côté d'eux.
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A la Salette Notre-Dame a dit : « depuis le temps que je souffre pour vous » et Elle pleurait. Ce n'est qu'une révélation particulière, mais c'est en accord avec le Saint Sacrifice de la Messe qui continue le Sacrifice de la Croix, le rend présent à toutes les générations d'hommes pour assurer leur salut et leur communiquer le gage de la vie éternelle. Car la Sainte Vierge comme Notre-Seigneur jouit de la béatitude céleste qui est un état stable et en dehors du temps. Mais le temps continue et le rachat des hommes ; l'Église est, dans le temps, le Christ même « répandu et communiqué » par le Saint Sacrifice de la messe et les sacrements. L'agonie de Jésus y durera jusqu'à la fin des temps, car nos péchés hélas continuent et chaque génération est à convertir. Mais Marie sera mystiquement au pied de la Croix jusqu'à la fin des temps, compatissante avec son Fils et adorant la volonté du Père. Elle est et elle reste la pièce maîtresse du salut des hommes dans la pure et simple humanité ; et Dieu continue de l'utiliser dans le développement temporel de cette vue éternelle qu'il eut avant la création. La permanence des vues divines s'accomplit dans la permanence de l'Incarnation et du Sacrifice, dans la permanence de la prière des saints qui *ont* accepté son joug.
Personne n'a compris mieux que la très Sainte Vierge ces vues de Dieu, personne n'a accepté de joug avec plus de joie.
AUSSI LE SEIGNEUR est-il toujours reconnaissant à sa Mère d'avoir été sa seule consolation sur la terre au milieu de la puanteur de nos péchés qu'il voyait tous, qu'il connaissait tous : il lisait dans les cœurs et voyait sa mort inscrite dans les regards qui le dévisageaient au passage. Sa Mère était son œuvre la plus parfaite et elle le reste ; aucun des hommes en état de grâce, aucun des saints qui peuvent vivre en ce moment sur la terre, n'approche de la sainteté de Marie. Aucun non plus de ceux qui y vivront. Aussi, lorsque les anges servaient Notre-Seigneur au mont de la tentation, ils chantaient : *inviolata, integra et casta es Maria* car la nouvelle Ève avait précédé son Fils dans une résistance entière à la tentation, et elle devait son entière pureté au labeur de son Fils dans le désert.
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Lorsque l'Ange vint consoler Jésus lors de son agonie Il chantait : « *Tota pulchra es Maria* ». Car rien ne pouvait mieux consoler Jésus que le rappel, la vision de la plus parfaite de les œuvres déjà réalisée et pour laquelle son sang venait à l'instant de couler sous la pression de l'angoisse « comme des grumeaux ».
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JÉSUS a donc passé sa vie dans un cœur à cœur continuel avec Marie, dans un *échange* des *cœurs* que l'état de gloire ne saurait abolir. Le cœur de Marie a été sur terre l'unique consolation du cœur de Jésus et Jésus l'a faite « *trésorière de tout ce que son Père lui a donné en héritage et c'est par elle qu'il applique ses mérites à ses membres* »*.*
Dans la suite des étapes qui nous préparent au second avènement, la consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie *est* une grâce nouvelle et en même temps le signe d'un approfondissement dans la connaissance des voies de Dieu pour la création et le rachat de l'humanité. L'infinie délicatesse de l'amour du tout Puissant s'y découvre à nous plus avant. Le rôle de Marie dans notre salut n'est que le cas éminent de la communion des saints. Se confier à la Vierge Marie et lui confier le fruit de nos prières pour qu'elle en fasse ce qui plaît à Dieu c'est se mettre dans le courant de la volonté divine qui a voulu Marie comme le moyen de l'Incarnation et l'a placée comme une porte du ciel sur la voie providentielle du salut.
« *Si Jésus-Christ, le chef des hommes, est né en elle, les prédestinés qui sont les membres de ce chef, doivent aussi naître en elle par une suite nécessaire* » ... « *et S*. *Augustin se surpassant soi-même, dit que tous les prédestinés pour être conformes à l'image du Fils de Dieu, sont en ce monde, cachés dans le sein de la très Sainte Vierge, où ils sont gardés, nourris, entretenus et agrandis par cette bonne Mère jusqu'à ce qu'elle les enfante à la gloire...* » (Cf. Louis de Montfort : traité, 32-33.)
C'est toujours Dieu qui agit par Marie, c'est Dieu qui fait les miracles demandés par l'intercession de Marie ; il continue d'agir par elle comme il l'avait décidé une fois pour toutes avant la création du monde. Elle est la seule personne de toute l'humanité passée et à venir qui n'ait jamais voulu que ce que Dieu veut, et c'est une volonté d'amour. Elle continue au ciel suivant le plan éternel de la prescience divine à être le principal instrument de cette volonté d'amour.
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OSERONS-NOUS parler maintenant des chrétiens qui se refusent à honorer Marie ? De ceux qui vivent actuellement nous ne parlerons point ; ils suivent l'enseignement de leurs parents. Par ce qui précède on peut constater le peu d'intelligence qui leur reste du grand œuvre de Dieu au sein des membres de son Fils où le mystère de notre rédemption continue par les mêmes voies où il s'est accompli sous Tibère César, par le même sacrifice, les mêmes sacrements, les mêmes personnages, augmentés journellement dans la communion des Saints par la naissance au ciel des prédestinés.
Beaucoup de catholiques s'imaginent que les réformateurs ont été des hommes de grande foi, mais orgueilleux, passionnés et que les abus existant dans l'Église ont écarté de la prudence. Il n'en est rien. Luther était une personnalité puissante mais d'une sensibilité maladive et un esprit sans équilibre. Il a bouleversé la religion pour se tranquilliser dans ses angoisses morbides. Calvin était un rationaliste qui voulait rendre la religion entièrement intelligible, comme les hérétiques du IV^e^ siècle. Il est aisé de montrer que la foi était chez lui bien mince. Voici ce qu'il écrit sur l'Agonie : « Cette prière du Christ ne fut pas méditée, mais la force et la violence de la douleur lui arrache ce cri qu'il corrige aussitôt. Cette même véhémence lui enlève présentement la mémoire du décret céleste ; il ne pense plus en ce moment que cette loi l'envoie pour racheter le genre humain... »
Le Christ n'est pas maître de lui ! Le Christ oublie ! Il ignore un moment la volonté divine ! C'est-à-dire Dieu ignore, Dieu oublie !
Au sujet de l'apparition aux disciples après la résurrection, « *les portes étant closes* », Calvin dit que le Christ a ouvert les portes, ou qu'il est entré par une fenêtre ouverte. Cela pour pouvoir nier la pénétrabilité des corps et la présence de Dieu dans l'Eucharistie.
Non, il n'avait pas la foi. Le libre examen est une idée saugrenue car la foi qui est un don de Dieu est bien plus certain que tout ce qui peut se prouver par la raison, encore que celle-ci puisse arriver à quelques certitudes et qu'il soit très raisonnable d'accepter la foi.
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On dit que l'Église était très corrompue au XVI^e^ siècle ; cela est très certain lorsqu'on constate que Luther, Zwingli et Calvin étaient des prêtres catholiques... Et les évêques d'Angleterre ! Henri VIII voulut divorcer, après dix-huit ans de mariage, pour épouser une maîtresse ambitieuse d'être reine. Rome refusa d'annuler le premier mariage. Alors Henri VIII se déclara chef religieux de l'Église d'Angleterre ; il put ainsi aisément divorcer. Un seul évêque refusa de passer au Schisme et il eut la tête tranchée. Mais c'est moins la peur du martyre que la faiblesse de la foi qui arrêta les évêques : leur unanimité dans la foi les eût garantis du martyre.
NOTRE-SEIGNEUR a fondé une Église infaillible en matière de foi, et on se demande ce que pourrait bien être une Église véritable si elle n'avait ce caractère. Suivons donc la barque de Pierre. Lorsque Notre-Seigneur lui dit : « *gouverne en eau profonde* » les poissons accouraient et suivaient sous les flots l'ombre de la barque pour être pris dans les filets de Pierre. Telle est la voie normale du salut pour les chrétiens. Marie a obéi à Pierre comme elle avait obéi à Jésus. En consacrant l'humanité au Cœur Immaculé de Marie, le Saint-Siège veut l'aider de l'intercession de Celle qui de toutes les créatures a le mieux connu les voies divines et humaines de la conversion et qui est la « toute puissance suppliante » de la Jérusalem céleste, afin, comme dit S. Léon, « que nous aimions non seulement Lui mais tout ce qu'Il aime ».
D. MINIMUS.
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### Le Cœur Immaculé de Marie et la paix du monde
par le R.P. CALMEL, o.p.
NOUS RÉFLÉCHIRONS ici sur les paroles de la Sainte Vierge à Fatima. Quand il s'agit de commenter les paroles de Notre-Seigneur, tout chrétien qui fait attention à ce qu'il dit ou écrit ne peut se défendre d'une certaine crainte révérencielle. Ce qu'il dit ou écrit ne passera-t-il pas à côté de la vérité divine ? Fera-t-il au contraire pénétrer, ne serait-ce qu'un petit peu, à l'intérieur d'une parole qui est d'abord un mystère ? Cette appréhension le saisit également lorsqu'il s'agit de commenter les paroles de Notre-Dame. Pourtant il est aussi normal de commenter la parole divine que de réfléchir et de méditer. Encore que le silence de l'Amour soit l'hommage le plus digne (en attendant l'éternel matin de la vision) il est impossible de ne pas dérouler notre discours, de ne pas amener notre faculté discursive au-devant de la vérité divine. Une telle attitude a toujours été encouragée par l'Église qui est théologienne aussi profondément qu'elle est mystique. Que la confiance l'emporte donc sur la crainte et que notre réflexion essaie de pénétrer dans le message que la Reine du Rosaire faisait entendre à ses humbles privilégiés ([^12]), à Jacinthe et François et surtout à Lucie.
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UNE DES PREMIÈRES IDÉES qui nous viennent à la lecture de ce message c'est que la paix du monde, la paix politique, est un don de Dieu et du Cœur Immaculé de Marie. « Récitez le chapelet pour obtenir la fin de la guerre. » La paix est donc suspendue à l'intercession de Notre-Dame, et à la toute-Puissance de Celui que nous saluons aux Matines de Noël comme *Princeps Pacis.* On ne doute pas que ce soit vrai de la paix surnaturelle, celle qui réside dans le secret du Cœur, qui procède de l'Amour de Dieu, à l'intérieur de la Sainte Église qui est la *Beata Pacis visio.* Comment en effet une paix de cet ordre, proprement céleste, une paix de cette qualité, proprement divine et surnaturelle, ne serait-elle pas un don de Dieu et un fruit de l'intercession de la Vierge rédemptrice ? Par contre, un certain naturalisme politique pourrait amener à penser que la paix des *empires, des nations, des peuples et des langues,* puisqu'elle est une réalité d'ordre naturel et périssable, est à la portée de la nature abandonnée à elle seule. Il n'est pas douteux que certains chrétiens aient glissé sur cette pente. C'est Une pente d'erreur. Et cela pour deux raisons : d'abord en vertu du principe tout à fait général que nulle réalité bonne ne ; commence, ne se poursuit et ne vient à terme sans la bienveillance du tout-Puissant et si Dieu ne lui accorde sa bénédiction ; ensuite pour une raison tout à fait particulière et qui tient à l'essence même de la paix politique. Elle est en effet un fruit de justice *opus justitiae pax ;* or, il n'est pas de justice solide et intégrale sans une conversion du Cœur et donc sans la grâce surnaturelle c'est-à-dire sans une faveur divine. La paix est la tranquillité de l'ordre juste ; or cet ordre juste ne saurait se passer de la volonté des hommes ; si les chefs et le peuple se laissent aller ordinairement à l'injustice comment obtenir la tranquillité de l'ordre ? On dira peut-être : mais de justes institutions ne suffisent-elles pas pour préserver de l'injustice, quelque forme du reste que prenne celle-ci : comme de méconnaître ou de combattre l'autorité de l'Église ; de développer un impérialisme économique effréné ; d'opprimer des nations plus faibles ? Certes des institutions appropriées peuvent et doivent remédier à ces crimes. Mais les institutions bonnes, encore qu'elles soutiennent les personnes dans le bien, sont d'abord suscitées et soutenues par la justice des personnes. Or cette justice est bien faible et bien courte sans la grâce de Dieu. De sorte que, sans la grâce, les institutions les meilleures ne suffisent pas à garantir la paix.
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Sans doute il serait grotesque d'interpréter le message de Fatima dans un sens de surnaturalisme et de méconnaître que la paix du monde est un effet politique à partie liée avec les causes politiques. Par contre il est normal d'interpréter le message de Fatima comme un rappel de cette vérité fondamentale que le poli tique ne se suffit pas à lui-même : que les effets politiques sont en dépendance de personnes humaines blessées et rachetées ; si les personnes ne se laissent pas guérir par la grâce divine les effets politiques ne suivront pas. C'est parce qu'elle le sait très profondément que la Sainte Église compte d'abord sur le Seigneur pour obtenir la paix. Pensons plutôt au commentaire du *Libera nos a malo* que la liturgie développe à la fin du *Pater* aussitôt avant la communion ; pensons également aux prières du Vendredi Saint et au chant de *l'Exsultet.* Toujours la paix nous est présentée comme un don de la miséricorde divine. Cette leçon de la liturgie est aussi la première leçon de Fatima.
LA DEUXIÈME LEÇON est complémentaire : la paix du monde est impossible sans la conversion des chrétiens. Ce don de Dieu n'est pas automatique, non seulement parce qu'il demande et suscite une politique juste, mais en même temps parce que Dieu ne peut accorder ce don sans que les volontés ne se convertissent : « Faites pénitence, disait la Sainte Vierge. Si l'on écoute mes demandes la Russie se convertira et l'on aura la paix. » Ne soyons pas chimériques, n'allons pas supposer que la paix entre les diverses nations et à l'intérieur de chaque nation ne sera pas obtenue si tous les chrétiens ne sont pas en état de grâce. Mais comprenons également que la paix ne saurait s'établir si les peuples chrétiens persistent dans la tiédeur ; c'est-à-dire pratiquement, s'ils continuent de mettre le tout de leur vie dans le bien-être que dispense le progrès technique.
OR CETTE CONVERSION que demande la Sainte Vierge, de même que la paix dont elle parle, ne sont pas situées dans l'intemporel. Elles s'insèrent bel et bien à une époque déterminée, à un moment précis de l'histoire humaine, au moment de la révolution communiste en Russie et d'une propagande communiste qui se développe aux dimensions de la planète.
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La paix du monde n'est pas à réaliser dans les conditions où était le monde au temps des Antonins, lorsque les nations comme telles n'avaient pas été baptisées et lorsque l'État n'avait aucune idée d'une législation qui reçoive bon gré mal gré les lumières de l'Église et qui tienne compte de la venue sur terre du propre Fils de Dieu et de sa Rédemption. La paix dont il s'agit concerne un monde dans lequel un certain nombre de nations ont été baptisées comme telles. Il importe donc au plus haut point que leurs sujets vivent comme des baptisés. La paix actuelle du monde n'est pas à réaliser non plus dans les conditions qui étaient celles du XVI^e^ s. lorsque, malgré les hérétiques ou les libertins, l'idée n'était sans doute venue à personne d'un matérialisme d'État et d'ailleurs non pas un matérialisme doctrinal qu'il s'agirait de prêcher, mais un matérialisme dialectique dans l'activité révolutionnaire duquel il est demandé de s'insérer et avec quelle habileté perfide ou sous la pression de quelle terreur !
La conjoncture dans laquelle Notre-Dame demande la conversion est assurément très particulière. C'est au moment où le communisme s'installe dans un grand pays de l'extrémité de l'Europe qu'elle vient se montrer elle-même à l'autre extrémité du continent pour nous presser de nous convertir. La guerre qui menace le monde n'est pas une guerre comme les autres, d'abord parce que les techniques de destruction ont réalisé d'incroyables progrès, mais surtout parce que le matérialisme dialectique a insinué son poison dans le tissu social de l'État russe et qu'il cherche à corrompre les autres États. « Si l'on n'écoute pas mes demandes, nous dit la Sainte Vierge, la Russie répandra ses erreurs de par le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l'Église. »
IL SERAIT FACILE de capituler d'avance et de dire par exemple : « après tout y a-t-il une telle importance a ce qu'une part de l'humanité soit détruite par les armes nucléaires ? Les victimes ne se trouveront pas pour autant dans une impossibilité absolue de se sauver. Devons-nous redouter à ce point la domination mondiale du communisme et l'abolition des nations chrétiennes ? Après tout la grâce de Dieu n'a besoin de rien ni de personne et ceux qui le veulent pourront encore sauver leur âme. »
Hélas ! ces propos ne sont pas une objection fictive que je m'adresse. Ce langage de la capitulation préalable qui soulève d'indignation tout cœur bien né est tenu malheureusement par quelques chrétiens.
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Propos abjects que rejette immédiatement l'instinct de la générosité naturelle aussi bien que l'instinct de la Foi. Ce refus spontané du Cœur chrétien qui devance discours et justifications pour rait s'expliquer ainsi : C'est vrai que la grâce est assez forte et assez puissante pour tirer le bien du mal, pour faire naître la sainteté des martyrs de l'iniquité des tyrans et de la cruauté des bourreaux. Il reste que *nous n'avons pas à faire le mal pour qu'en sorte le bien* et que c'est là un abominable péché. Il reste que nous n'avons pas à coopérer au mal par notre publicité. Nous savons que même dans l'apostasie et l'iniquité générales des derniers temps la puissance de Dieu est assez forte pour continuer de sauver encore les hommes. Mais nous devons faire ce qui est en nous pour empêcher l'injustice. Par ailleurs il est vrai que les nations chrétiennes ne sont pas indispensables à la vie de l'Église ; mais puisqu'elles existent nous serions criminels de travailler à leur disparition ou d'y coopérer d'une manière ou d'une autre. Nous n'avons pas à commettre cette injustice. Il est très facile de dire que l'Église n'a pas besoin de civilisation chrétienne. Cette proposition n'est entendue droitement que si on la voit dans la lumière des deux propositions suivantes : du fait qu'elle pérégrine sur terre l'Église ne peut éviter d'avoir une influence sur les choses terrestres qui sont en relation avec la Foi ; elle ne peut éviter d'agir sur les mœurs privées et publiques et par suite elle tend à former une civilisation chrétienne. La seconde vérité est que la civilisation chrétienne constitue pour l'Église une aide et un soutien normal. Nous savons les limites des nations chrétiennes et combien elles ont besoin continuellement d'être redressées, corrigées, remises dans le droit chemin et qu'elles sont d'un autre ordre que l'Église. Mais conclure de là que du fait d'être distincts ces deux ordres sont incommuniquants c'est, sous prétexte de pureté, ne pas tenir compte du fait que l'Église se développe sur cette terre.
L'Église ne saurait être indifférente à ce qui socialement permet le respect du droit, c'est-à-dire un ordre temporel chrétien. Et c'est un tel ordre que Dieu veut comme soutien de son Église. Lorsque les chrétiens commettent la grande injustice de laisser abolir cet ordre *ils ne savent pas ce qu'ils font* ni de quels scandales ils chargent leur conscience -- par exemple lorsque sans aucune résistance ils laissent fermer les écoles libres ou permettent l'étatisation intégrale de l'économie.
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Encore que Dieu sauve les âmes à travers les pires scandales, et même lorsque le scandale a été codifié et solidifié par des institutions, les chrétiens sont très gravement coupables qui favorisent ou qui du moins n'empêchent pas le scandale alors qu'ils le pourraient. De même lorsque les chrétiens imaginent qu'une civilisation chrétienne peut tenir sans leur conversion ils ne comprennent plus ce qu'est une civilisation chrétienne et le tort qu'ils lui font.
POUR PERMETTRE au Corps mystique de Jésus-Christ de parvenir à la plénitude et pour que le nombre des élus soit complet, le temporel n'est pas de peu d'importance. Il faut d'abord en effet que les enfants viennent au monde et que le genre humain ne soit pas trop tôt détruit ; il faut encore que les hommes grandissent dans une société qui accepte l'Église au moins partiellement, qui l'accepte suffisamment en tout cas pour ne pas devenir une incitation perpétuelle et institutionnalisée à l'apostasie, au matérialisme et au refus de Dieu. Ainsi le royaume spirituel postule un minimum d'ordre temporel chrétien ; il aide un tel ordre à s'établir, à durer, à se renouveler, mais en même temps il le réclame comme un soutien normal. Eh ! bien, si nous considérons l'Incarnation par le côté où ce mystère regarde le temporel nous voyons aussitôt que la Sainte Vierge y tient une place unique et sans équivalent. Qu'il s'agisse de la venue du Verbe de Dieu dans une chair passible et mortelle, qu'il s'agisse de la naissance à Bethléem, de la sauvegarde pendant l'exil en Égypte, de l'éducation à Nazareth ou du premier miracle aux noces de Cana, la Sainte Vierge a été mêlée au temporel de l'Incarnation comme seule pouvait y être mêlée la Mère du Verbe Incarné. On conçoit donc qu'elle continue maintenant de veiller sur le temporel de l'humanité dans la mesure où il est en relation avec le Corps Mystique de son Fils Jésus-Christ. On conçoit qu'elle intervienne pour un ordre temporel chrétien ; il existe une affinité profonde entre ce rôle actuel pour la vie de l'Église ([^13]) et le rôle qu'elle a tenu pour l'accomplissement et le déroulement du Mystère de l'Incarnation.
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Sans doute est-il prédit que le temporel doit finir dans les abominations d'une apostasie généralisée ([^14]), mais jus qu'à ce jour, et dans ce jour-là même, la Sainte Vierge veillera maternellement pour assurer à la Sainte Église la part d'humanité et de civilisation chrétienne hors de la quelle elle ne serait plus possible sur cette terre. Cela ex plique pourquoi le Père du Ciel a voulu l'apparition de la sainte Vierge à Fatima en 1917. Alors que les nations venaient pour la première fois de déchaîner une guerre d'extermination totale, alors que se développait une révolution toute nouvelle qui visait beaucoup moins à changer le régime qu'à répandre à travers la planète les institutions et les mœurs de l'athéisme, bref, alors que la civilisation chrétienne, si imparfaite qu'elle puisse être, subissait au-dedans et au dehors le plus formidable des assauts il convenait que le Père du ciel envoie au monde, pour l'aider à retrouver un ordre temporel chrétien, la Vierge Immaculée qui avait permis l'Incarnation du Fils de Dieu et sa vie temporelle. Ceci nous permet d'entrevoir pourquoi les grandes apparitions de la sainte Vierge, les apparitions de portée mondiale, commencent seulement après l'atteinte sans précédent portée à la civilisation chrétienne par la grande Révolution, après la première tentative organisée de laïcisme intégral. Dès ce moment le rôle de la Sainte Vierge pour le salut et le renouveau d'un ordre temporel chrétien devenait plus urgent et devait apparaître plus manifeste.
DU FAIT QUE NOTRE-DAME intervient à Fatima pour nous préserver du communisme, si du moins nous voulons nous convertir, elle manifeste clairement que la paix qu'elle désire pour nous ne saurait avoir rien de commun avec la paix communiste. Celle-ci est la tranquillité du désordre par le moyen d'une terreur techniquement organisée et d'une propagande qui ne recule devant aucun mensonge, ni aucune violation de conscience. La véritable paix est la tranquillité de l'ordre grâce à la justice intérieure et extérieure, une justice d'ailleurs qui est impossible sans l'amour. Le communisme parle beaucoup de paix, comme il parle beaucoup de liberté, de libération et de justice sociale.
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Mais comme il a refusé catégoriquement et par principe Dieu et son Église, comme il réduit Î'homme à n'être qu'une certaine variété de la matière, sa paix ne saurait être qu'une grimaçante contre-façon. Une paix qui contredit fondamentalement la nature de l'homme et de la société peut bien présenter les dehors de la tranquillité ; c'est la tranquillité des forçats sur une galère ; ils ne bougent pas de leur banc de chiourme et même ils manœuvrent ensemble parce qu'ils vivent sous l'empire de la terreur et la menace du fouet. Dans la galère communiste les forçats ont encore le privilège, et c'est une supériorité appréciable par rapport à la galère classique, d'écouter les émissions de la radio de l'État qui exalte les délices de leur sort et l'aménité de leurs gardiens, pendant que des grêles de coups pleuvent sans désemparer sur leur carcasse squelettique.
Pas de paix communiste ; pas davantage d'une paix qui consisterait dans une confortable religion de la terre ([^15]) grâce au progrès technique. Ni matérialisme doux, ni matérialisme dialectique et révolutionnaire, encore que celui-ci soit autrement consistant et autrement tyrannique. La tentation de *gagner l'univers sans s'inquiéter de perdre leur âme* menace plus que jamais les pauvres hommes. Le progrès technique leur offre des possibilités toujours accrues d'occuper leur existence à faire diversion de l'éternel, de passer leur vie sans prière, ni sacrifice, ni amour de Dieu, de s'abandonner sans résistance aux anesthésiques sans nombre que le progrès découvre chaque jour. *Sur les vaines occupations des gens du siècle* gémissait Racine au XVII^e^ siècle ; sa lamentation est devenue dans notre monde encore plus justifiée qu'à l'époque de la diligence, des bateaux à voile et des comédiens ambulants. C'est pourquoi la sainte Vierge presse les chrétiens de se convertir c'est-à-dire de se réveiller de la paix menteuse du matérialisme tranquille sous peine de devenir la proie du matérialisme dialectique et de son ordre intrinsèquement pervers.
A FATIMA la sainte Vierge n'a pas dit simplement que « à la fin elle triompherait ». Elle a précisé : « A la fin mon Cœur Immaculé triomphera. » Elle voulait ainsi nous rappeler que son intervention dans notre histoire misérable serait une preuve de plus de son amour.
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De même qu'il ne faut pas chercher d'autre origine que son amour de Mère de Dieu au *Fiat mihi* qui a permis l'Incarnation, à l'offrande silencieuse de sa Compassion corédemptrice, enfin à son ardente prière du Cénacle qui a obtenu l'effusion irrévocable du Saint-Esprit -- de même son in cessante supplication invisible dans le Paradis, et son intervention manifeste à certaines heures désespérées de l'histoire de l'Église et de la civilisation chrétienne, procèdent elles uniquement de son amour.
Nous avons vu des chrétiens se permettre un sourire narquois en entendant les vocables de Sacré-Cœur et de Cœur Immaculé ; ils justifiaient par des raisons théologiques leur discrète moquerie. Il suffisait, expliquaient-ils, de parler de Jésus et de Notre-Dame sans faire mention explicite de leur cœur ; du reste l'imagerie courante, bien loin de nourrir la Foi encourageait une sentimentalité suspecte. -- Quoi qu'il en soit d'une imagerie souvent contestable, l'Église infaillible nous propose officiellement la dévotion au Sacré-Cœur et au Cœur Immaculé, et dans les apparitions de Fatima il est question non seulement de Notre-Dame ou de la Reine du Rosaire mais encore du Cœur Immaculé. Si les chrétiens qui trouvent à redire à ces expressions ont aimé en vérité leurs parents ou leurs amis, leur épouse ou leurs enfants, s'ils n'ont point sali le langage de l'amour, ils savent bien que l'on ne peut parler d'amour sans parler de cœur. Depuis qu'il y a des humains et qui éprouvent de l'affection ils reprennent invariablement des termes et des phrases qui n'en demeurent pas moins valables pour avoir été souvent profanées : « Je vous donne mon cœur. Je vous garde dans mon cœur. » Eh ! bien, puisque Marie nous aime et puisqu'elle n'a d'autre raison de s'occuper de nous que son amour ineffable de Mère de Dieu Corédemptrice, il n'est pas étonnant qu'elle nous parle de son Cœur. Il n'est pas non plus étonnant qu'elle ajoute *mon Cœur Immaculé.* Elle nous laisse entendre par là combien elle nous aime purement, combien son amour est accordé à la sainteté de Dieu et qu'il lui est impossible de désirer pour nous autre chose que l'accomplissement de la volonté de Dieu, elle qui est la Mère Immaculée de son Fils Unique. Sans doute nos frères du ciel, les anges et les saints ne peuvent-ils pas nous aimer eux non plus sinon en toute pureté et en désirant pour nous autre chose que ce que Dieu veut.
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Mais ils n'ont pas avec Dieu ce lien absolument unique, à la fois physique et spirituel, qui est le propre de la Mère de Dieu ; dès lors, ils n'ont pas à l'égard de Dieu et à notre égard cette perfection et qualité d'amour qui appartiennent à la Mère de Dieu. L'amour des anges et des saints est certainement pur ; mais l'amour de la Mère de Dieu Immaculée le dépasse extraordinairement en pureté. Sachant cela nous comprenons mieux qu'elle nous parle de conversion, et qu'elle fasse dépendre la paix de la conversion c'est-à-dire de la fidélité à son Fils et de la conformité à son Évangile. Elle ne saurait en effet désirer la paix pour ses enfants, c'est-à-dire le premier des biens temporels, s'il devait leur faire oublier la conversion, leur faire esquiver le premier des biens spirituels, c'est-à-dire la conformité à Jésus-Christ par la conversion, en attendant la conformité à Jésus-Christ par la résurrection bienheureuse. Du fait que la Sainte Vierge nous porte dans son Cœur qui est Immaculé, du fait qu'elle nous aime avec l'amour d'un Cœur Immaculé, elle ne peut nous obtenir la paix terrestre sans nous demander la conversion de l'âme.
SEMBLABLEMENT elle ne peut nous obtenir une paix terrestre qui serait un paradis sur terre c'est-à-dire qui nous exempterait d'avoir a souffrir du mal qui est en nous et autour de nous, d'avoir à lutter contre le diable et contre tous ceux qui, pour un temps ou pour toute leur vie et avec une docilité plus ou moins imparfaite, travaillent à son œuvre et entrent dans son jeu. La paix que le Cœur Immaculé veut nous obtenir ne comble pas les aspirations impures du messianisme terrestre : ce messianisme, abhorré par l'unique Messie, qui ne veut tenir compte ni de la croix ni du diable, ni de la participation au sacrifice de Jésus, ni de la malice déchaînée de Satan. La condition humaine étant une condition de chute et de Rédemption la paix temporelle ne saurait comporter la suppression absolument de toutes les injustices, puisque le péché continue, et elle ne saurait éviter d'être précaire et menacée. Une parole de la Sainte Vierge à Fatima nous le rappelle avec douceur mais sans possibilité d'illusion : « il sera concédé au monde, dit-elle, un *certain temps de paix.* » Cette restriction nous serre le cœur : la paix ne sera point perpétuelle. Et nous ajoutons : elle ne sera pas le triomphe sans mélange d'une justice parfaite.
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On peut en être déçu, gémir ou s'irriter. Cependant ce qui est conforme aux meilleures aspirations de notre nature aussi bien qu'aux divines inclinations de la Grâce c'est de comprendre que ce bien, pour imparfait qu'il soit, est quand même d'un très grand prix ; c'est encore de travailler à la paix terrestre, chacun à notre poste et selon nos possibilités, en veillant par-dessus tout à la conversion de notre Cœur, bref de travailler à la paix dans les dispositions chrétiennes que la Sainte Vierge est venue nous rappeler.
LA HAINE, la rage, la malice vigilante de Satan contre l'Église, du Dragon contre l'Épouse, dureront jus qu'au retour glorieux de l'Agneau. La révélation de l'Apocalypse ne permet pas d'en douter. De même l'Apocalypse nous enseigne que les assauts de l'Enfer redoubleront de violence à mesure que la fin sera proche. La contre Église perfectionnera ses méthodes, cette contre-Église dont l'Apocalypse nous dévoile qu'elle n'est autre que le pouvoir politique, la société temporelle en tant qu'elle s'érige en absolu, devient une idole, réclame tout de l'homme et par le fait même s'acharne à détruire l'Église. Pour celui qui lit attentivement l'Apocalypse il apparaît que l'histoire ne tourne pas en rond et qu'il y a un développement des deux cités. Dès lors comment nous représenter le progrès de la cité du mal ? Il nous paraît consister en ceci : progressivement le diable met la main sur les conditions fondamentales dont la volonté a besoin pour s'exercer droitement. Sans doute le diable n'a-t-il aucun pouvoir direct sur nos volontés. Mais à mesure que se déroule l'histoire humaine il est plus acharné à pervertir ces données fondamentales qui nous sont nécessaires pour user droitement de notre volonté, comme la famille, la profession, le milieu de vie, la législation et les mireurs publiques et privées. Le diable déploie toute sa rage et sa perfidie pour que ce qui devrait nous aider dans le bien nous devienne une source de scandale et cela non point en passant et comme d'occasion mais par institution. C'est un droit premier de la nature humaine d'être aidée pour aller à Dieu par une famille honnête, un enseignement de vérité, un travail organisé avec justice, enfin une société conforme au droit naturel. Le diable, à mesure que se déroule l'histoire, se montre plus fort et plus habile pour violer les véritables droits de l'homme et lui aménager une vie où l'apostasie se produira comme naturellement.
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Une société basée sur le matérialisme dialectique représente un progrès incontestable dans ses méthodes. Une telle société est possédée du diable puis que l'ensemble des institutions est contraire au droit naturel : c'est du péché institutionnalisé.
A FATIMA, plus encore qu'à Lourdes, la Sainte Vierge a recommandé de réciter le Rosaire, elle s'est même donné le titre de *Notre-Dame du Rosaire.* Existe-t-il une relation profonde entre le changement intime du cœur, la conversion qu'elle réclame de nous et cette forme de prière qui demeure trop souvent routinière et superficielle ? La réponse est affirmative et nous montrerons pourquoi. Encore faut-il cependant que cette prière en soit une, c'est-à-dire qu'elle soit faite en esprit et en vérité au lieu d'être marmottée mécaniquement. Les indignations de Pascal dans sa *Neuvième Provinciale* et celle de Saint Grignion de Montfort au chapitre troisième de la *Vraie Dévotion,* à l'adresse des faux dévots à Notre-Dame, méritent toujours de retenir notre attention et après Fatima au moins autant qu'au XVII^e^ siècle. Car enfin si la Vierge se désigne comme Notre-Dame du Rosaire et si elle nous presse de nous servir du chapelet, ce n'est point pour autoriser l'inconscience, voire le pharisaïsme dans la prière. Ceci dit, il apparaît que le grand avantage du Rosaire, quand il est dit *en esprit et en vérité,* c'est de nous obliger plus que nulle dévotion (nous ne parlons pas de la liturgie qui est d'un autre ordre) à prendre conscience du mystère intégral de notre Rédemption : la Vie, la Passion et la Gloire du Christ Sauveur. Cette prise de conscience prolongée doit évidemment nous amener à conformer nos sentiments et nos mœurs à ce que nous méditons. Le Rosaire est une prière contemplative, c'est l'Évangile même qu'il fait contempler et de plus c'est en présence et avec l'aide de celle qui est entrée le plus avant au Cœur de l'Évangile que se poursuit notre contemplation ; comment ne serait-elle pas une source merveilleuse de vie évangélique ? Comment dès lors le Rosaire ne nous entraînerait-il pas vigoureusement à changer de vie et à nous convertir ?
Cela d'autant plus que, si on le dit comme il faut le dire, le Rosaire doit nous amener à une meilleure fréquentation de l'Eucharistie, au *mystère de Foi* et à la grande prière eucharistique, qui sont les moyens privilégiés de notre transformation dans le Christ.
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Le Rosaire bien dit nous fait entrer mystiquement dans le mystère du Christ et nous fait désirer de participer à ce mystère sacramentellement afin que notre participation mystique devienne plus continue et plus profonde. L'efficacité du Rosaire pour notre conversion se conçoit encore mieux si l'on songe à la liaison vitale entre la récitation des mystères et la fréquentation sacramentelle du mystère eucharistique.
Non moins qu'une contemplation le rosaire est une demande et une demande assurément très convenable aux yeux de Dieu et très présentable à son infinie sainteté puisque le suppliant, le pauvre pécheur qui implore, se cache et se perd dans la prière de celle qui prie parfaitement, car c'est d'une manière parfaite qu'elle s'adresse au Père *au nom de son Fils Jésus* et dans l'Esprit Saint ; c'est avec un accent d'une pureté ineffable qu'elle prononce le *Per Dominum nostrum Jesum Christum* étant la Mère Immaculée de ce *Dominus*.
Ces quelques réflexions suffisent sans doute à faire comprendre pourquoi la sainte Vierge, sans parler de l'enseignement ordinaire de l'Église, attache au rosaire une telle importance. C'est que le rosaire, à vrai dire, loin d'être fermé sur lui-même et de dispenser de tout le reste est un chemin très sûr vers des biens meilleurs ; loin d'exempter de la conversion il y prépare ; loin de faire oublier la liturgie et les sacrements il y conduit et les prolonge. Le mauvais usage qui peut en être fait ne prouve pas plus quelque chose contre sa valeur que l'iconographie religieuse si souvent détestable ne prouve quelque chose contre la splendeur du Christ et de la Vierge.
C'est surtout lorsque fléchit la ferveur dans le peuple chrétien, lorsque se multiplient les scandales et les péchés ou lorsque la civilisation chrétienne est sur le point d'être ruinée, c'est surtout en ces heures d'extrême péril, soit pour l'Église, soit pour les nations chrétiennes, que les Papes nous adjurent de recourir au Rosaire. Souvenons-nous par exemple de saint Pie V au moment de l'invasion ottomane, de Pie XI pendant la révolution espagnole et à la veille de la seconde guerre mondiale, de Pie XII enfin, pendant que le tiers de l'Église devenait l'Église du silence.
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Cette confiance que les Papes et la Sainte Église mettent dans le rosaire pour triompher des forces de l'Enfer dans les heures de leur déchaînement le plus furieux s'explique naturellement parce que le rosaire étant une sainte méditation nous met sur la voie de la conversion ; étant une supplication par l'intermédiaire de l'Immaculée il est une supplication pure ; enfin s'il implore le salut et le renouvellement d'un ordre temporel chrétien, il l'implore dans le sens que Dieu veut, puisqu'il s'adresse à la Vierge de l'Annonciation et du Calvaire qui connaît parfaitement la valeur et la signification du temporel.
« LA PAIX PERPÉTUELLE et surtout parfaitement juste n'est point pour ici-bas ; les persécutions renaîtront jusqu'à la fin du monde, et même à la veille de la Parousie les forces de Satan seront plus que jamais puissantes. Bornons-nous à prier et abandonnons à leur destin décevant les choses de la civilisation et de César. » Ainsi parlent des chrétiens qui se réfugient dans le surnaturalisme. Ils se trompent pour sûr. Même s'ils sont voués à la contemplation et s'occupent uniquement à la prière, leur prière ne doit pas se désintéresser de la justice ou de l'injustice dans les choses de César ; elle doit imiter plutôt la grande prière liturgique qui traduit admirablement la contemplation de l'Épouse de Jésus-Christ et ne laisse pas cependant de demander la justice et la paix des royaumes de ce monde. Mais si les chrétiens atteints de surnaturalisme ne vivent pas dans le cloître, s'ils prennent aux choses de César une part plus ou moins importante, leur attitude *de* prétendu détachement devient une sorte d'hypocrisie ; car ils profitent du temporel alors qu'ils font profession de s'en désintéresser.
« Essayons d'organiser la terre d'une manière radicalement nouvelle. Essayons de changer non seulement les institutions fondamentales de droit naturel, mais jusqu'à la nature humaine elle-même, pour voir si nous ne pourrons pas établir ici-bas un bonheur parfait, une justice sans défaut. » Ainsi parlent des prophètes énergumènes qui refusent Dieu et se laissent posséder par les démons des messianismes terrestres. En vertu de cette proclamation ils s'appliquent à tout bouleverser ; et quand ils ont cédé à la séduction du matérialisme dialectique ils font marcher de pair la corruption des consciences, la perversion des esprits et le chambardement des institutions.
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Les vrais chrétiens, eux, reconnaissent l'imperfection et la caducité du temporel, même quand il a été baptisé ; mais ils ne doutent pas aussi que la justice dans le temporel et une paix digne de ce nom ne soit une volonté de Dieu. Avant tout ils savent que l'homme est fait pour Dieu, qu'il trouve en Dieu seul, au sein de l'Église du Christ, la paix et la sainteté. Ils essaient de demeurer en Dieu. A cause même de cette inhabitation en Celui qui veut la justice ils trouvent le courage de ne pas se résigner à l'injustice. Soit dans leur oraison, s'ils vivent cloîtrés, soit dans leur oraison et leur action s'ils sont engagés dans la vie active, ils travaillent à la justice, au maintien et au renouveau d'un ordre temporel chrétien, sans illusion comme sans perdre courage pour la raison que Dieu le veut. Cette attitude, la seule équilibrée, suppose que l'âme est fixée en Dieu, ou du moins qu'elle aspire sincèrement à cette union d'amour qui constitue la véritable conversion.
Cette attitude est celle que doit nous inspirer l'apparition de la sainte Vierge à Fatima et la Consécration à son Cœur Immaculé. Ce Cœur Immaculé en effet veut nous obtenir à la fois une paix chrétienne et la conversion de nos vies ; mais, il nous en avertit, la paix chrétienne ne sera concédée que si nous avons le ferme propos de nous convertir.
R.-- Th. CALMEL, o. p.
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### L'Image merveilleuse du Peuple
par l'Abbé André RICHARD
NOUS AVONS LU que, lors du voyage royal et triomphal de la statue Pèlerine de Notre-Dame de Fatima, qui vient de se terminer en Italie, un incident se produisit à Pérouse. Les protestants répandirent dans la rue des milliers de petits tracts qui reproduisaient les versets de la Bible condamnant le culte des idoles. Les citoyens de Pérouse ne se laissèrent pas impressionner, et 100.000 d'entre eux accueillirent la douce effigie de la Mère de Dieu.
Il est sans doute bien difficile à la mentalité protestante de ne pas se scandaliser devant ces hommages populaires. Certains catholiques, surtout des clercs, en sont gênés eux-mêmes.
Aussi bien, il ne semble pas qu'on puisse trouver dans des arguments de raison la pleine justification du culte marial tel qu'il est prodigué par l'Église catholique.
Marie est au centre du Mystère chrétien, et elle est elle-même un mystère, dans lequel il est impossible d'entrer autrement que par la porte basse de l'enfance spirituelle et de l'entière docilité à l'enseignement de l'Église, de cette bonne maîtresse et répétitrice que Jésus a instituée pour nous transmettre son message, et nous faire entrer, avec l'aide du Saint-Esprit, dans Sa vérité tout entière.
C'est exactement ce que dit Pie XII dans son Encyclique « *Ad coeli Reginam* » qui exalte la royauté de Marie. S'il demande aux prédicateurs « de se garder des opinions dénuées de fondement, dont les expressions exagérées dépassent les limites du vrai », il leur demande également « de se garder d'une étroitesse d'esprit excessive quand il s'agit
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de cette dignité unique, sublime et même presque divine de la Mère de Dieu, que le Docteur angélique nous enseigne à lui attribuer « à cause du bien infini qu'est Dieu ». Et il ajoute qu'en ce qui concerne Marie, comme sur les autres points de la doctrine chrétienne, la règle prochaine et universelle de la vérité est, pour *tous,* le magistère vivant de l'Église.
Marie est donc un mystère que la seule raison ne peut pénétrer. L'office que la raison peut remplir, par rapport au sujet qui nous occupe, est seulement celui-ci : réfuter ceux qui pensent péremptoirement que les hommages royaux qui *sont* offerts à Marie ne *sont* pas justifiés par sa dignité de Mère de Dieu.
Cela revient à partir solidement du dogme lui-même de l'Incarnation, et à le prendre tout à fait au sérieux, sans rien y ajouter de notre cru, sans rien en retrancher non plus. Marie a prononcé délibérément un certain « fiat », un certain « oui », en vertu duquel le Verbe de Dieu a pris chair en elle pour le salut de tous.
Ce n'est qu'une créature, direz-vous. Oui, mais en qui le tout-Puissant a fait de si grandes choses que le Saint-Esprit a prophétisé que toutes les générations la proclameront bienheureuse. C'est une créature, oui. Et elle-même s'est dite l'esclave du Seigneur. Mais s'il a plu au très-Haut d'exalter une créature au point de lui conférer une dignité insondable : celle de digne mère de son Fils unique, celle de « Mater Dei », nous avons d'autant moins à prendre des mines scandalisées, que cette dignité de Mère de Dieu nous a apporté à nous-mêmes celle de fils de Dieu.
En tout cas, le peuple chrétien, lui, ne lésine pas sur les hommages à rendre à Marie, et il a trouvé d'instinct, *instinctu divino,* celui du Saint-Esprit, le genre de louanges qui convient, et qui peut se traduire par deux mots qu'on aime joindre de plus en plus : Regina Mater, Reine et Mère, reine parce que mère, reine qui règne sur toutes choses, parce qu'elle règne sur le cœur de son Fils, le Maître de toutes choses.
Nous voudrions, en ces quelques pages, non pas justifier le bien fondé des hommages d'une forme populaire, peut-être nouvelle, rendus à Marie, mais souligner leur immense utilité pour raffermir l'humanité dans la conscience d'elle même, et dans la confiance en sa propre dignité, en son unité, en son avenir.
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Nous voudrions mettre en lumière la manière simple et en même temps profonde de l'Église catholique, lorsque, pour répondre aux hommes de ce temps, angoissés de ne plus savoir ni ce qu'ils sont, ni ce qu'ils seront, elle présente l'image de la Vierge Marie, que ces dernières manifestations dans l'histoire humaine ont faite plus proche de nous que jamais.
#### I. -- Mains jointes et station droite.
Marie nous fait, comme instantanément, retrouver les grandes lignes de notre humanité, *toutes* ses dimensions.
Qu'est-ce que l'homme se demandent les hommes ? Aujourd'hui, les doctes, pour résoudre cette question, ont comme premier souci de chercher ce qui rapproche les différentes conceptions, et ils commencent par éliminer toute référence à Dieu, dans la crainte d'introduire un motif nouveau de divergence.
Mais en réalité, ce qui oppose d'abord les peuples, c'est l'interprétation de leur propre humanité. Ils ne savent plus retrouver leur fin, pourquoi ils sont faits, vers quoi ils doivent progresser. Ils ont perdu la notion de leur propre essence.
Comment les aider à se retrouver eux-mêmes ?
S'ils pouvaient voir leur image originelle, ils ressaisiraient le dynamisme de leur nature, ils s'orienteraient de nouveau dans leur direction, ils retrouveraient leur terme *ad quem,* leur objet.
La foi catholique nous enseigne que l'homme a été créé à l'image de Dieu, et que le péché a brouillé cette image, mais qu'elle n'a pas été perdue à jamais. Elle a été restituée, et c'est là qu'apparaît la figure du Verbe incarné, Jésus-Christ. Image de Dieu, Lui seul est capable de restituer en l'homme l'image effacée.
Mais comment Jésus-Christ sera-il saisi par l'humanité au point qu'en Le regardant, elle se reconnaisse elle-même ; au point qu'unie à Lui, elle soit entraînée de nouveau vers ce pour quoi elle a été faite, et puisse trouver la béatitude dans la conjonction avec sa fin, en se réalisant parfaitement elle-même ?
Jésus-Christ ne peut être réintroduit avec toute la force et le réalisme de Sa qualité de Dieu fait Homme, et comme prototype de l'Humanité vraie, reflétant Dieu, sans l'intervention de Marie ; sans le renouvellement d'une claire connaissance de Celle qui est Sa Mère selon la chair et notre Mère selon l'Esprit.
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C'est ici que nous pouvons saisir l'opportunité des apparitions de Marie en notre siècle, où l'humanité, par le laïcisme et le matérialisme athée, a essayé d'arracher d'elle-même l'image intérieure, marque de son origine et appel incessant vers son terme.
Un mouvement puissant s'inaugure aujourd'hui en théologie pour reconnaître aux grandes apparitions mariales une place plus importante que l'on ne se l'imaginait. Par ces apparitions, Marie devient la figure la plus populaire de l'Humanité, son image la plus haute et la plus proche à la fois. Et en Marie, ce n'est pas seulement l'image de Dieu qui apparaît, c'est Jésus-Christ, vivant en Elle, c'est Dieu même. Et elle nous entraîne à répondre à l'appel de cette image vivante.
Sur l'horizon du globe, la Femme aux mains jointes nous apprend de nouveau à joindre les nôtres et à regarder vers Dieu.
De ce point de vue, l'apparition de Marie à Fatima est particulièrement importante. Non seulement parce qu'elle fut signée de preuves miraculeuses qui furent accessibles à ceux-là mêmes pour qui la réalité de Dieu s'était estompée, mais parce que l'apparition fut liée à un rappel explicite de Dieu comme fin de l'homme. Le coup d'archet de la symphonie de Fatima fut donné par la prière de l'Ange : « *Mon Dieu, je crois, j'espère, j'adore* et *je Vous aime. Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'espèrent pas, qui n'adorent pas et qui ne Vous aiment pas.* » Et la première question essentielle à laquelle l'Apparition de Fatima a voulu nous intéresser, n'est-ce pas celle qui fut posée par la voyante Lucie : « Est-ce que j'irai au ciel ? »
Que l'essentiel de l'homme soit de reconnaître Dieu et d'aller vers Lui, tel est le premier message de Fatima, face au matérialisme athée, militant ou larvé.
Il n'y a pas que les deux-tiers de l'humanité qui soient sous-alimentés. C'est l'ensemble de l'humanité qui a faim, parce qu'on lui a arraché son pain « substantiel ».
Il est facile de reconnaître que tout vivant se nourrit d'une nourriture spécifique pour laquelle il est adapté. Il reçoit les organes de préhension et d'assimilation qui disent d'avance quelle sera sa nourriture.
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L'homme est doué d'une puissance magnifique de préhension et d'assimilation ! son intelligence affamée du vrai, d'un « vrai » tel que sa splendeur lui confère la beauté. Ce n'est ni pour manger, ni pour se vêtir, ni pour vivre en société que l'homme a reçu l'intelligence. Ces différents problèmes ont été résolus par la nature autrement. Elle aurait fait l'économie de l'intelligence chez l'homme, si l'homme n'avait un autre but, s'il ne répondait à une autre intention. La capacité universelle de connaître qu'est l'intelligence proclame que son objet est Dieu, en qui seul l'homme peut trouver le rassasiement de ses aspirations et l'apaisement de son inquiétude.
L'image de la Vierge Marie est le symbole le plus expressif de la condition de l'humanité, créature et fille de Dieu. Dans le roman apocalyptique de Benson : « le Maître de la terre », on voit Felsenbourg, devenu le président des États-Unis du Monde, inaugurer une statue gigantesque de la Femme. « Ô Humanité, s'écrie-t-il, notre mère à tous ! » Et, parodiant les mots sacrés du christianisme, il exalte la divinité nouvelle. Il proclame sa gloire, sa force, sa maternité immaculée, et les sept glaives d'angoisse transperçant son Cœur pour l'avènement de fils enfin dégagés des hontes, des souffrances, et... des préjugés des âges antérieurs.
Or, il n'y a pas moyen de s'y tromper. Marie est précisément l'antidote de cette divinisation sacrilège de l'homme. Cette reine aux mains jointes n'est pas une déesse. Elle est celle qui n'a été que par Dieu, qui rapporte tout à Dieu, qui nous apprend à ne vivre que pour Dieu.
Elle éclaire sans équivoque ce qu'on peut appeler la dimension verticale de l'homme, son adaptation à ce qui est le plus élevé, et elle crie à tous les hommes avec une voix plus puissante que celle d'Augustin : « Tu nous as faits pour toi, mon Dieu, et notre Cœur n'a pas de repos jusqu'à ce qu'il repose en toi. »
#### II. -- Quelle mère je quitterais... et pour quelle marâtre !
Mais il y a une autre dimension de l'humanité, dont il est urgent de reprendre conscience. L'Exposition universelle de Bruxelles, l'an dernier, a mis dans tout son relief les possibilités techniques d'unité pour tous les hommes et la nécessité pratique de faire tomber, non les légitimes diversités qui sont des richesses, mais les barrières qui séparent. L'impatience de l'avion ou de l'engin astronautique devant un espace défendu se communique aujourd'hui à tous les hommes.
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Et cependant, l'homme reste divisé profondément d'avec l'homme. Les anciennes délimitations pouvaient être sur montées : les montagnes, les fleuves, les océans, la ligne de l'équateur qui répartissait les immensités étoilées. Aujourd'hui, elles ont été remplacées par les barrières infranchissables d'une nouvelle géographie, qui établit dans les esprits mêmes des hommes ses lignes de partage. Voilà les véritables rideaux de fer qui divisent l'homme d'avec l'homme, l'homme qui habite le deuxième étage, porte à droite, d'avec l'homme qui habite le deuxième étage, porte gauche.
Aujourd'hui, l'antique confusion des langues est aggravée par une subversion plus radicale du langage. Aujourd'hui, les interprètes ne suffisent pas. Ce n'est pas seulement le nom des choses qui a changé, ce sont les choses elles-mêmes qui semblent avoir changé de nature, même si des noms identiques leur sont accolés.
Lorsqu'un communiste conscient dit : « l'homme », il entend un conglomérat éphémère formé par une matière qui n'avait pas l'intention de le produire ; tout autre chose que le premier venu des enfants du catéchisme, pour qui l'homme est une création de Dieu, composée d'un corps et d'une âme libre et immortelle. Mais n'allons pas chercher si loin. Les maîtres-mots de la politique mondiale qui ré sonnent chaque jour à la radio ne sont-ils pas de purs homonymes ? Les mêmes mots de démocratie, de liberté, de paix ne recouvrent-ils pas des réalités tellement différentes qu'elles semblent hurler d'être conditionnées et présentées sous la même étiquette ?
Cependant, l'extrême confusion qui en résulte fait apparaître un appel comme farouche et angoissé à l'unité profonde. Et le fait même d'employer les mêmes mots est comme un involontaire hommage à une aspiration inextinguible vers l'unité.
Quel pont faudra-t-il donc jeter entre les hommes ? Les discussions métaphysiques ainsi que toutes les conférences n'aboutissent qu'à des impasses. Alors, le moyen le plus facile ne serait-il pas de rechercher l'unité dans la communauté d'origine, la moins sujette à controverses, la plus apparente, qui est la terre elle-même, ce globe dont les hommes d'aujourd'hui s'emparent si puissamment ?
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L'homme, fils de la terre, fils de la matière, l'homme parcelle de ce monde, ne pourrait-il pas trouver dans la prise de conscience d'une telle origine une suffisante et féconde unité ?
Mais cette tentative d'une unité par la terre seule a déjà fait long feu. Lorsque précisément on adhère au cosmos en refusant de reconnaître les liens qui le rattachent à un principe supérieur et pur d'unité, ce sont ses éléments inférieurs qui prennent le pas, et la nature tend à devenir la matière, principe de division sans fin.
C'est d'ailleurs dans cette perspective que le marxisme peut considérer la matière comme le principe de tous les antagonismes, une sorte de contradiction radicale, d'où part une dialectique de combat sans repos et de révolution permanente.
Comment les hommes pourraient-ils trouver dans l'adhésion à cette marâtre la joie d'une parenté, l'amour d'une fraternité ?
L'idéologie matérialiste ne peut s'établir que par une savante conjonction de la violence policière et des équivoques d'une propagande qui utilise l'idéalisme indéracinable de l'homme.
Que faire donc ? L'Occident libéral, flottant à tous vents de doctrine, ne paraît plus avoir la force de s'élever avec certitude jusqu'au principe supérieur, jusqu'à l'unité suprême qui confère l'ordre, la puissance d'attraction et la beauté à la multitude des éléments d'ordre matériel et en fait un monde harmonieux, le Cosmos. Dieu semble trop lointain, inaccessible. Et Dieu, descendu parmi nous, Jésus-Christ, a été renié.
Dès lors, la fraternité, qui est une notion historiquement chrétienne, coupée de sa racine, reste en Occident un mot vidé de sa substance, une aspiration sans force. Elle reste impuissante contre l'attraction du clan, de la « Cité close » ; ce compromis entre l'individualisme trop triste et la charité trop exigeante, qui depuis si longtemps entretient la division des races, des classes, des partis, des esprits.
Or, c'est dans une telle conjoncture que l'Église montre à cette humanité qui ne sait pas reconnaître en Dieu son Père, et qui ne se satisfait pas de reconnaître en la matière brute sa mère, une image singulièrement attachante et illuminante.
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C'est l'image de Marie, Mère de Dieu incarné, et Mère des hommes.
Grâce à la mère de Jésus, la parenté avec Dieu devient un évènement concret, historique, entouré et garanti par des rapports « humains », comportant le voisinage et la consanguinité. Mais, en même temps, Marie, en qui s'accomplit le mystère de l'enfantement, et du Christ et du Corps mystique, apparaît comme la Femme Idéale qui donne un visage expressif à toute la Création. En Elle, « l'éternel féminin », synthèse de la vierge, de l'épouse et de la mère, se révèle, d'une manière inespérée, avec la force et la grâce d'un rêve inaccessible devenu une réalité historique, une personne vivante.
Marie possède donc une attitude extraordinaire à unir tous les fils de la terre, et à les rendre conscients de leur parenté, qui s'origine à la fois, et en Dieu, leur Père des Cieux ; et en Jésus-Christ, le Fils de l'homme, leur frère ; et en Marie elle-même, terrienne, fille de la plante humaine et fleur du cosmos universel.
Cette attitude n'est pas seulement une déduction livresque. Elle se manifeste d'une manière saisissante dans les évènements marials de notre temps, dans les lieux marqués par des apparitions qui ont fait de Marie le personnage le plus populaire et le centre le plus attractif du monde.
Lourdes et Fatima sont devenues des terres d'unité et de catholicité où la communauté humaine prend conscience d'elle-même, et s'élargit.
On a remarqué qu'à Fatima la Vierge a voulu intéresser des petits enfants, ignorant jusqu'aux moindres éléments de la géographie, à ce qui se passait dans la lointaine Russie. Elle leur a demandé leur prière et leur sacrifice pour les pays les plus inconnus de l'Est. Elle leur a appris l'une des dimensions nécessaires du Royaume de Dieu, sa « largeur » et jusqu'aux extrémités du globe.
Ajoutant encore à l'universalisme de Lourdes, Fatima est devenu le point de départ des « Vierges Pèlerines », qui s'en vont à travers la terre entière porter, d'une manière populaire et concrète, le message universel de l'Église catholique, d'autant mieux accepté qu'il est présenté alors par une Mère pleine de tendresse, non seulement Mère de Dieu, mais aussi Mère des hommes,
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Aussi, le Pape Pie XII a-t-il pu dire à la clôture de l'année Sainte mondiale, à Fatima, le 13 octobre 1951 : « Sous le regard maternel de la céleste pèlerine, il n'y a plus d'antagonismes, de nationalités, ou de races qui divisent, il n'y a plus de diversités de frontières qui séparent, il n'y a plus de contrariétés d'intérêts qui opposent ses enfants ».
#### III. -- Victorieuse sur le champ de bataille de l'histoire.
A la question : qu'est-ce que l'homme ? Marie répond par l'exemple et l'appel de ses mains jointes, élevées vers Dieu, qui disent si clairement l'essence religieuse de l'homme, sa stature droite caractéristique, sa dimension verticale. A la question : les hommes peuvent-ils s'entendre, et former une communauté, y a-t-il une humanité, Marie redonne par ses bras étendus vers tous les fils des hommes, et l'Église catholique exprime merveilleusement par elle la tendre sollicitude de son universelle maternité.
Mais le phénomène nouveau que représentent les grandes apparitions, et en particulier celle de Fatima, a mis encore en lumière ce que nous pourrions appeler avec saint Paul la « longueur » du Royaume de Dieu, son aptitude à se développer dans le temps, sa dimension historique.
Aujourd'hui, toutes les conceptions qui prétendent répondre aux aspirations de l'homme prennent appui sur l'histoire. Or, il se trouve que, seule, la conception chrétienne de la création et de la régénération par la Rédemption permet une véritable conception de l'histoire. En dehors de notre dogme, conforme en cela à la plus haute raison, il n'y a aucune possibilité d'histoire proprement dite. Dans la conception matérialiste d'une matière indéfiniment en mouvement, il n'y a aucun espoir de libération.
En réalité, cette matière supposée éternelle, principe de lutte, de contradiction, et receleuse de bien et de mal indéfiniment mêlés, ne serait qu'une triste récidiviste du crime et de la misère. De ce côté-là, il n'y a donc aucune espérance légitime solide pour l'homme.
Le christianisme, au contraire, en affirmant le point de départ, c'est-à-dire la création, permet d'affirmer une direction, un sens, et un point d'arrivée, qui n'est pas une fin, mais l'accession à ce qui ne passe pas.
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Or, là encore, les grandes apparitions de notre siècle apportent leur merveilleuse contribution. Elles confirment le réalisme historique de l'Église, en tant qu' « entreprise de Dieu » se développant à travers les péripéties de l'histoire jusqu'au rassemblement final et triomphal.
Quelle que soit la signification théologique des apparitions mariales et leur aptitude à s'insérer plus ou moins dans le credo catholique, il est indéniable qu'elles établissent, dans l'opinion populaire, une sorte de continuité flagrante, tangible, entre les évènements de l'Évangile, entre les personnalités de cet « autrefois » que nous avons tendance à reléguer dans le mythique, dans le « in illo tempore », et les images auxquelles s'attachent notre foi et notre contemplation intérieure d'aujourd'hui.
Elles facilitent le passage de plain-pied, si l'on peut dire, entre ce que les modernistes appelaient le Jésus de l'histoire et le Jésus de la foi, entre la Vierge judaïque de saint Luc et la « Regina in cælum assumpta » du dogme catholique romain.
Cette saisie de la révélation et de l'Église, comme développement vivant et harmonieux, comme magnifique entreprise historique et qui doit réussir, est particulièrement facilitée par les évènements de Fatima.
Le Message de Fatima, dans lequel intervient la révélation à l'avance, faite par la Vierge, d'évènements qui devaient se succéder seulement dix, vingt, trente, quarante ans après, manifeste la domination du Christ sur l'histoire, la maîtrise de l'Éternel descendu dans le temps pour conduire finalement le temps au havre de l'Éternité.
« A Fatima, les succès du communisme athée ne sont pas une surprise, ils sont annoncés, ils sont évalués, ils sont ramenés à la limite qu'ils ne dépasseront pas, ils sont dépouillés de leur « aura mystique ». Leur essence se révèle. Ils ne sont pas la pointe extrême du progrès, une exaltation du dynamisme de la nature. Ils sont un fléau passager, conséquence d'une déviation d'ordre spirituel, « dont la responsabilité, d'ailleurs, n'incombe pas seulement aux peuples de l'Est. N'y a-t-il pas eu un refroidissement trop général de la charité parmi les Fils de l'Église ? ».
Sans doute le 13 Octobre 1917, à Fatima, comme suite et preuve de l'annonce de la Vierge : « *Si vous ne faites pas ce que je dis, plusieurs nations seront anéanties* » -- écho à la menace biblique et évangélique : « si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous », -- il semble que la menace de l'anéantissement se soit profilée sur l'horizon.
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Et, depuis Hiroshima, beaucoup ont fait un rapprochement entre le soleil de mort de la déflagration atomique, et le soleil angoissant de la Cova de Iria.
« *Mais finalement* » -- avait ajouté la Vierge, -- « *mon Cœur Immaculé triomphera, la Russie se convertira, et un temps de paix sera donné au monde.* » Ainsi Marie est venue nous assurer que le monde racheté par son Fils ne saurait périr. Elle est venue nous rassurer sur l'avenir de l'humanité ([^16]).
Mais cela ne veut pas dire que l'humanité doit continuer indéfiniment ce qu'on pourrait appeler un « train-train » satisfaisant. A Fatima, Marie fait envisager de nouvelles difficultés, et même la cessation des conditions historiques, lorsqu'elle termine la communication du 13 juillet par ces mots : « Un temps de paix sera donné aux hommes. Le Portugal gardera la foi jusqu'à la fin du monde. »
Ainsi, les mariophanies de notre temps semblent bien annoncer et préparer une « finale », c'est-à-dire ce mûrissement extraordinaire du bien comme du mal évoqué par saint Jean dans l'Apocalypse, lorsque le péché des persécuteurs et la souffrance des persécutés, portés à leur comble, appelleront irrésistiblement la venue du Christ, Juge pour les uns, Libérateur pour les autres.
Le « temps de paix » de Fatima n'est qu'un « certain temps de paix », dont il est permis de penser que son importance, légitimant une grandiose mariophanie, lui vient de sa relation étroite avec la « paix finale » du Royaume éternel.
On peut donc en inférer que cette période de rémission devra permettre l'évangélisation du monde sur une mode qui donnera tout son sens à la parole du Christ : « *Cet évangile du Royaume sera prêché en témoignage à toutes les nations. Alors seulement viendra la fin.* » Et non seulement tomberont, avec les rideaux de fer, les bâillons de l'Église du silence, mais « le pacifique triomphe de la religion » que le Pape Pie XII espérait de la consécration du monde au Cœur Immaculé, sera sans doute comme une anticipation symbolique de la Cité de Dieu, venant dans la perfection de sa puissance d'unir : comme une préparation, une nécessaire étape à franchir avant l'Apparition par excellence, la Parousie, qui mettra sur l'histoire le sceau d'un succès définitif.
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Ainsi l'attention aux faits mariais de notre époque, tout en nous libérant du « politique », c'est-à-dire de l'attachement inconditionné à un succès religieux d'ordre purement temporel, hausse notre espérance jusqu'à l'attente inconfusible d'une Cité où la justice habite, d'une Nouvelle terre où Dieu sera pour toujours avec son peuple.
Ainsi nous comprenons que le christianisme se présente comme la religion universelle, non seulement par rapport au plan horizontal de l'espace, mais dans le sens du temps.
Ainsi s'exprime encore par Marie une des dimensions essentielles du christianisme et combien accordée aux préoccupations des hommes de notre temps. La religion catholique apparaît bien en elle comme la religion historique par excellence, celle « qui relie le passé du genre humain à son état actuel et contient déjà la substance de son achèvement » ; celle qui poursuit à travers les siècles, jusqu'à son aboutissement, l'entreprise de Dieu, son plan qui est de « réunir en un », définitivement, les enfants de Dieu dispersés. » ([^17])
L'ARCHEVÊQUE DE PARME, accueillant la statue Pèlerine de Fatima, nota comme très digne de remarque qu'elle est petite.
C'est toujours avec la caractéristique de la petitesse que se présente Celle qui a plu à Dieu par son humilité -- *humilitate placuit --* et qui s'est tellement abaissée à la dernière place que le Seigneur l'a exaltée à la place la plus haute possible.
Aussi bien, nous avons appris aujourd'hui où Dieu a déposé les énergies les plus puissantes. Et nous expérimentons que l'âge de l'atome est aussi celui des fusées dévoreuses de l'espace, qui ouvrent à l'homme les portes d'un univers inconnu jusqu'ici. L'hermétique rideau de fer lui-même contiendra de plus en plus difficilement les irrésistibles pressions s'exerçant sur lui du dedans et du dehors.
Mais seule Marie est assez petite pour nous apprendre jusqu'où l'humanité doit pousser sa volonté d'ouverture dans toutes les directions. Seule elle peut nous entraîner toujours au-delà.
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L'homme qui ne dépasserait la limite de son pays ou même du globe terrestre que pour se retrancher dans un univers coupé de Dieu, ferait du cosmos lui-même une cité fermée et étouffante. Si immensément diffus qu'il soit dans des espaces incommensurables, ce monde est encore trop petit pour l'homme en qui Dieu a mis l'appétit de l'infini.
Et c'est pourquoi l'Église catholique ne peut donner, à l'heure actuelle, une leçon plus opportune et un exemple plus instructif qu'en présentant à l'humanité l'image de Marie comme l'expression idéale de son essence profonde et de son futur achèvement.
Marie est l'antithèse de *l'homo terrestris,* de *l'homo animalis* qui ivre d'une sorte de nationalisme de la terre, rejette Dieu comme étranger.
Marie est la femme aux mains jointes, qui, accueillant ici-bas Dieu, lui-même, qui n'était pas de ce monde, et lui conférant la concitoyenneté de la terre, a mérité pour nous tous la citoyenneté divine, c'est-à-dire l'ouverture de ce monde au Monde de Dieu, et sa participation à la hauteur, largeur, longueur et profondeur de la Vie même de Dieu, de son Amour et de sa Béatitude.
Abbé André RICHARD.
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### La Consécration, acte social
par Marcel CLÉMENT
C'EST DE PLUSIEURS MANIÈRES que Pie XII fut le Pape de Marie. En 1950, il fut révélé au monde entier comme le Pape de l'Assomption. En 1954, il apparut comme le Pape de la Royauté de Marie. Mais depuis le 13 mai 1917, il était déjà marqué pour devenir le Pape de Fatima, puisque ce jour-là sa consécration épiscopale coïncidait avec les apparitions de Notre-Dame du Rosaire, au Portugal. Le 31 octobre 1942, dans la ligne même de cette apparition, il s'affirmait le Pape de la Consécration de l'Église et du genre humain au Cœur Immaculé de Marie.
Nous autres chrétiens, même fervents, passons parfois de façon bien superficielle sur les initiatives de l'Église, lorsqu'elles sont purement surnaturelles et que rien en elles ne vient piquer la curiosité ni solliciter l'imagination. Il faut bien reconnaître, par exemple, qu'une modification dans le régime du jeûne eucharistique, dans la liturgie pascale, ou encore dans les expériences de l'apostolat ouvrier, arrête habituellement notre attention plus facilement que des appels, même répétés pour que les personnes, les familles, les États, la société tout entière réalise en plénitude cet échange un peu mystérieux qu'on nomme une Consécration.
Ceux qui, après que Pie XII nous eut quittés, ont évoqué les grands gestes de son pontificat, ont le plus souvent insisté et cela se comprend sur les aspects les plus temporels de son Œuvre : ses efforts en vue de la paix internationale, en vue de la paix sociale, sur les plus voyantes aussi des réformes qu'il a introduites dans l'Église.
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Un peu plus d'une année a passé depuis que celui qui le 13 mai 1917 avait été sacré Évêque, a été descendu dans la crypte de Saint Pierre le 13 octobre 1958. Cependant que la paternité visible de Jean XXIII nous est donnée, c'est du Ciel maintenant, on peut le croire, qu'à la manière des saints, Pie XII poursuit sa mission. Au Ciel comme sur la terre, il reste le Pape de Marie, et voilà qu'à nos prières, il répond, semble-t-il, en attirant nos regards sur ceux de ses actes que nous n'avions peut-être pas suffisamment médités.
Ses appels, ses encouragements et son exemple à promouvoir la consécration au Cœur Immaculé de Marie sont de ceux-là. Ce fut une date mémorable que celle de la consécration de l'Église et du genre humain au Cœur Immaculé de Marie formulée le 31 octobre 1942, renouvelée le 8 décembre de la même année et suivie le 4 mai 1944 du Décret instituant précisément la fête du Cœur Immaculé de Marie pour garder la mémoire de la consécration du 8 décembre 1942.
A de nombreuses reprises, Pie XII a indiqué l'occasion pressante qui lui inspirait d'entraîner les chrétiens vers cette pratique. Tant de nuages lourds pèsent sur l'humanité à l'aube de ce second demi-siècle ! Le dérèglement des mœurs poussé au paroxysme, l'affreuse indigence matérielle et spirituelle de la plus grande partie de l'humanité, la persécution religieuse étendue sur un tiers des hommes de la planète : tels étaient, et tels sont encore, nos soucis.
C'est avec toute la ferveur de sa foi, avec toute l'ardeur de son espérance, avec l'immense élan de sa charité que Pie XII, de mois en mois, a montré aux hommes à partir de 1942 le remède qui lui semblait le plus sûr, le plus adapté, et en quelque manière *le tout premier dans l'ordre d'exécution :* la consécration au Cœur Immaculé de Marie.
On peut penser que c'est la Sainte Vierge elle-même qui indiquait au Pape que tel était bien le plan de Dieu. Pie XII, nous l'avons dit, reçut la plénitude du Sacerdoce le 13 mai 1917. Il a lui-même noté : « *A cette date-là, à la même heure, dans la montagne de Fatima, était annoncée la première apparition de la blanche Reine du très Saint Rosaire, comme si la très pieuse Mère voulait Nous faire comprendre que dans les temps de tempête où s'écoulerait Notre Pontificat, au milieu d'une des plus grandes crises de l'histoire mondiale, Nous aurions toujours pour Nous protéger et pour Nous guider l'assistance maternelle et vigilante de la grande Victorieuse de toutes les batailles de Dieu* (...)
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*N'oubliez pas qu'aujourd'hui, le grand malade est le monde même. Sans cesse demandez en sa faveur l'intervention miraculeuse de la très haute Reine du monde, pour que les espoirs d'une ère de véritable paix se réalisent au plus tôt, et que le triomphe du Cœur Immaculé de Marie amène plus vite le triomphe du Cœur de Jésus dans le Royaume de Dieu.* ([^18]). »
Dans cette discrète confidence, le Saint-Père ne disait pas seulement le signe temporel qui l'avait guidé. Il indiquait aussi le motif spirituel, il faut dire plus : le motif théologique de son invitation. C'est par Marie, par le consentement parfait de son Cœur Immaculé à la volonté divine, que Jésus a été donné au monde. C'est par Marie, encore, que le règne d'amour de Jésus sera donné à notre temps. Il est vrai pour les paroisses et les diocèses, pour les nations et les États, comme il est vrai pour chaque chrétien, que l'itinéraire le plus court pour aller à Jésus est celui qui passe par Marie : « *Le triomphe du Cœur Immaculé de Marie amène plus vite le triomphe du Cœur de Jésus dans le Royaume de Dieu.* »
DES MESSAGES, des exhortations, de l'exemple de Pie XII un aspect requiert particulièrement notre attention : c'est le caractère social, communautaire, qu'il a lui-même entendu donner à cette consécration au Cœur Immaculé de Marie.
Sans doute, il a demandé à chacun de nous de faire cette consécration. Toutefois, ce n'est pas à des initiatives individuelles qu'il fait notamment appel. Dans l'Encyclique sur le pèlerinage de Lourdes du 2 juillet 1957, c'est à la première de toutes les communautés sociales qu'il adresse sa demande : « *Notre pensée se tourne également vers les familles chrétiennes, qu'elles se consacrent,* en *cette année jubilaire, au Cœur Immaculé de Marie.* » En d'autres occasions, c'est la consécration de nations entières qu'il a encouragée, ou lui-même formulée.
Le 6 avril 1948, c'est en faveur de la consécration du continent australien tout entier qu'il élève sa prière. Le 20 juin de la même année, il remercie le Ciel de ce que la ville de Rome a été solennellement consacrée par la voix de son premier Magistrat.
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Le 7 juillet 1952, dans une Lettre apostolique à tous les peuples de Russie, il procédait lui-même à leur consécration à ce Cœur Immaculé. Le 5 septembre 1954, il souligne aux chrétiens de Belgique l'importance de leur Acte de Consécration. Il fait de même le 12 octobre 1954 en s'adressant aux catholiques de l'Uruguay et aussi le même jour, aux Espagnols à l'occasion de la consécration de leur Patrie au Cœur Immaculé de Marie. Le 11 novembre 1954, il écrit à l'occasion de la consécration du Nigeria. Ainsi, tout au long de son Pontificat, le voit-on susciter et soutenir de ses prières de tels actes collectifs.
Pour en pénétrer le sens profond, sans doute faut-il songer, en premier lieu, que les hommes ne sont pas moins soumis à Dieu lorsqu'ils sont réunis en sociétés que lorsqu'ils sont considérés individuellement. C'est le climat de laïcisme répandu sur la vie sociale qui nous a trop longtemps incliné à croire que seul l'hommage intime de l'âme était requis pour l'honneur et pour la gloire de Dieu. Or, de même qu'il est dans l'ordre de notre nature d'exprimer extérieurement et publiquement les pensées et les sentiments profonds qui nous animent, de même c'est une exigence de la raison et de la justice non moins qu'un élan de l'amour que de manifester *devant* nos frères et lorsqu'il est possible *avec* nos frères, notre adoration, notre foi et notre soumission au très-Haut.
Nos mœurs religieuses ont été profondément marquées de l'individualisme du siècle dernier. Nous sommes devenus individualistes jusque dans nos prières. Ne sont-ils pas nombreux, les catholiques de France qui prient avec ferveur dans leur for intérieur, mais qui ne trouvent qu'à Lourdes la vigueur surnaturelle de réciter le chapelet en chœur, de chanter ensemble les gloires de Marie et de briser les bandelettes du respect humain qui les étreignent si souvent, parfois même dans leur propre famille ! ... Pie XII le savait bien. Et parce que son désir était de permettre à la société moderne de briser ce glacis de laïcisme qui la paralysait, il lui en donne le moyen par excellence. La société familiale, la société professionnelle, la société politique ont cessé, trop souvent, d'être des chrétientés ? Elles sont devenues, comme on dit, des sociétés profanes ? Elles ont été laïcisées en ce sens que les signes extérieurs de la gloire de Dieu ne sortent plus que rarement des églises ? Il faut que ces sociétés redeviennent sacrées. Il faut qu'elles le redeviennent par leur propre volonté, de leur propre mouvement.
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Pour redevenir des sociétés *sacrées,* il faut qu'à nouveau, et en temps que sociétés, elles *se* consacrent. Sous ce rapport précis, le mot est éloquent. La consécration de la famille, la consécration des nations, la consécration du genre humain tout entier, c'est l'expression du grand retour de la société comme telle au dessein de Dieu sur elle, c'est l'avènement d'une ère nouvelle.
Il faut en second lieu songer aussi que lorsque dans une famille les enfants manifestent à leur mère leur affection, ils peuvent le faire de deux façons. Ils peuvent sans doute, et ne s'en privent pas, entretenir avec elle des relations de personne à personne, des relations d'intimité où chacun des enfants se consacre pour ainsi dire à sa mère, lui manifestant ses intentions profondes, ses soucis, ses désirs de progrès, sa confiance surtout. Ils peuvent aussi, les enfants d'une même famille, se concerter pour se présenter ensemble devant leur mère et n'avoir pour s'adresser à elle qu'un seul Cœur et qu'une seule âme. Ces manifestations gênent l'amour-propre et font mal à l'orgueil. A ceux dont l'âme est semblable, par la pureté de l'amour et la fidélité de la confiance, à l'âme des petits enfants, ces manifestations apparaissent dans leur véritable lumière. Elles réalisent sur la terre ce pour quoi le Christ a prié le Jeudi Saint : l'unité des enfants de Dieu.
Il s'agit de réconcilier les classes, Il s'agit de réconcilier les nations. Il s'agit parfois de réconcilier les familles et les membres d'une même famille. Pour cette réconciliation, la première démarche ne consiste-t-elle pas à *régénérer* l'amour fraternel, c'est-à-dire à le ramener à ses origines, et comme on dit aujourd'hui, à le ressourcer. C'est donc légitimement en vue de cette fin que les hommes doivent aller à Marie non plus séparément, mais ensemble, non plus chacun pour soi, mais comme des fils unis et aimants qui se présentent à leur Mère en une occasion solennelle : avec un seul cœur et une seule âme.
En troisième lieu, il faut songer à la nature même de ce qu'est une consécration. Aux chrétiens de Belgique, Pie XII l'a expliqué en détails : « *Pesez bien toute l'importance de cet acte et des engagements qu'il comporte. En mettant sous l'égide de Marie les activités personnelles, familiales, nationales, vous invoquez sa protection et son aide sur toutes vos démarches, mais vous lui promettez vous aussi de ne rien entreprendre qui puisse lui déplaire et de conformer toute votre vie à sa direction et à ses désirs.*
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*L'Amour d'une mère sait poser à ses fils les plus sévères exigences quand leur bien est en jeu* (...) *Marie n'a d'autre désir que de conduire les hommes au Christ, de les introduire au Cœur du mystère central du christianisme, celui de la Rédemption. Ce Fils qu'elle a déjà mis au monde dans la terre de Palestine, elle continue maintenant à le donner à l'Église. Si elle aime avoir ses enfants rassemblés pour une vibrante manifestation de foi et d'amour, c'est pour les conduire ensemble vers le Pain mystique, symbole de l'unité, de la paix, et de la joie éternelle au Ciel* » ([^19]).
Ainsi, se consacrer à Marie, c'est très précisément la choisir comme Mère non pas seulement pour la protection physique de nos personnes, mais plus encore et d'abord pour lui conférer en propre la plénitude de la puissance maternelle sur notre âme. La mère, dans la famille humaine, a pouvoir sur ses enfants. Elle les protège de deux manières. En écartant d'eux les périls et les menaces, sans même parfois qu'ils le sachent. En les conseillant et en les guidant aussi, pour qu'ils fassent bon usage de leur liberté. Le commandement de la mère est plus facile à suivre que les ordres du père. Parce qu'elle est ferme et qu'elle sait joindre le sourire à la réprimande, parce que mystérieusement, elle sait encourager alors même qu'elle est davantage exigeante.
Ainsi en use avec nous la Vierge Marie. Mystérieusement, elle façonne nos âmes à son Fils et elle forme son Fils dans nos âmes. Elle peut le faire mieux que nous, elle ne peut pas le faire sans nous. Nous consacrer à elle, à son Cœur Immaculé, cela signifie donc lui demander en toute liberté de nous protéger des périls, mais aussi de nous guider et de nous introduire dans les exigences de l'amour divin. Lorsqu'une personne se consacre à Marie et vit cette consécration, elle grandit plus facilement et plus vite pour atteindre la plénitude de l'âge du Christ. Mais lorsque c'est une famille qui se consacre à Marie, la puissance effective qui en résulte pour la Sainte Vierge est plus grande que si chaque membre, tout en se consacrant isolément, refusait de participer en tant que membre du foyer à la consécration familiale. Car une société, qu'elle soit familiale, qu'elle soit politique, qu'elle soit professionnelle est essentiellement une union de volontés fondues pour ainsi dire vers la même fin.
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Or cinq personnes qui tendent vers le même but n'y tendent pas de la même manière quand elles y tendent séparément ou quand elles y tendent ensemble. Marie veut être la Mère non pas d'enfants poursuivant séparément leur perfection propre. Elle veut être la Mère de fils et de filles poursuivant ensemble, par des moyens pris en commun, la réalisation, jour après jour, des desseins de Dieu.
CES RÉFLEXIONS nous mettent peut-être sur la voie d'une visée plus haute, et d'un dessein plus vaste encore. D'aucuns, qui en connaissent la légitimité théologique, jugent parfois opportun de n'en parler que comme à voix basse. Il faut tenir compte, il est vrai, des circonstances concrètes de temps et de lieux. Certaines choses ne sont pas opportunes aujourd'hui et peuvent l'être demain.
Le 11 octobre 1944, promulguant l'Encyclique *Ad Cæli Reginam,* le Pape Pie XII avait jugé opportun d'écrire les lignes suivantes : « *Par Notre autorité apostolique, Nous décrétons et instituons la fête de Marie Reine, qui se célébrera chaque année dans le monde entier le* 31 *mai. Nous ordonnons également que, ce jour-là, on renouvelle la Consécration du genre humain au Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie. C'est là en effet que repose le grand espoir de voir se lever une ère de bonheur où règneront la paix chrétienne et le triomphe de la religion.* »
Nous avons si souvent entendu répéter, depuis une trentaine d'années, que les formes de la vie sociale vraiment adaptées aux temps nouveaux s'étaient développées en dehors de l'Église et qu'il appartenait à l'Église d'abandonner sa Doctrine sociale attardée pour se soucier surtout d'être présente dans le monde profane constitué en dehors d'elle, que ces lignes de Pie XII peuvent paraître insolites. A-t-il vraiment cru, le Pontife de sainte Mémoire, que la Consécration des familles et des nations permettait de nourrir le grand espoir d'une ère de *bonheur,* le grand espoir de la *paix chrétienne,* le grand espoir du *triomphe de la religion* dans le monde ? Ne sont-ce pas là de pieuses formules destinées à calmer quelque peu les douleurs présentes ? Faut-il attacher à chacun de ces mots le sens plein, et sans équivoque qui leur appartient manifestement ?
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Pour nous, nous le croyons. Mais nous ne le croyons nullement à la manière d'une confiance un peu puérile en des jours meilleurs. Nous ne le croyons pas comme d'aucuns adhèrent à des prophéties temporelles, tantôt catastrophiques et tantôt idylliques, qui apparaissent plutôt comme des refuges imaginatifs que comme des valeurs proprement spirituelles et religieuses.
Il faut voir les choses de plus haut. S'il s'agit d'une prophétie, c'est dans le sens d'un dessein de la sagesse de Dieu nécessaire pour le salut des hommes.
C'est le salut des hommes que l'offensive diabolique de la haine organisée et de l'athéisme militant met en péril. Or c'est dans le monde de l'injustice sociale, que le communisme est venu apporter son message de fausse rédemption. C'est donc dans la mesure exacte où la société humaine s'éloignait déjà très gravement de la perfection voulue de Dieu que la tyrannie satanique a pu s'abattre sur elle et s'y agripper de façon tenace. Si le communisme triomphait dans le monde entier, il réaliserait universellement un monde où il n'y aurait plus aucun reflet de la perfection divine. Une humanité intégralement communiste ne serait pas seulement neutre. Elle suggèrerait positivement, au point de rendre subjectivement absurde toute autre hypothèse, que « Dieu est mort ».
Ce n'est donc pas un Évangile mutilé, ce n'est pas un christianisme au rabais qui peut nous permettre de faire face, de combattre, et de vaincre. C'est un christianisme total, un catholicisme « cent pour cent » comme le disait Pie XII lui-même le 13 mai 1946, qui peuvent seuls sauver la société contemporaine du désastre évident qui la menace. Pour cela, il faut que le Christ soit tout en tous.
Il faut que le Christ soit tout. Qu'il soit non pas un appui, un secours ou une consolation, simplement. Qu'il soit non pas un maître de morale, un rappel devant la tentation, comme trop souvent. Qu'il soit *tout* en chacun de nous. Que nous lisions l'Évangile pour qu'il façonne notre pensée. Que nous mangions le Corps du Christ et que l'Eucharistie nous donne la lumière et la force de vivre en fils de Dieu. C'est cela, cela d'abord, cela essentiellement qui nous est demandé. Il *y* a beaucoup de chrétiens, peut-être parmi nos lecteurs, qui communient aux grandes fêtes et qui pourraient communier tous les dimanches. Il en est d'autres, sûrement, qui communient tous les dimanches et qui pourraient recevoir le Seigneur plus souvent, tous les jours même parfois.
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Il faut que le Christ soit en *tous.* Non pas en quelques-uns. Non pas dans la moitié des membres de la famille ou dans une partie privilégiée des membres de la société. Ici, la consécration conduit à l'apostolat. Pie XII le disait encore le 5 septembre 1954 : « *La Vierge inspire aussi les formes si diverses de l'apostolat laïque* (...) *aux âmes désireuses de vivre plus sincèrement et plus complètement la doctrine de Jésus* (...) *a qui veut restaurer l'ordre de la justice et de la charité dans les institutions sociales* ET FAIRE DEVINER DANS L'ORDRE TEMPOREL DE LA SOCIÉTÉ UN REFLET DE L'HARMONIE PARFAITE QUI UNIT LES ENFANTS DE DIEU, *la Vierge Marie obtient la grâce de l'apostolat.* »
Ces lignes nous introduisent vraiment, semble-t-il, à la pensée la plus haute, au dessein le plus vaste qui inspirait Pie XII lorsqu'il faisait de la consécration du genre humain au Cœur Immaculé le grand espoir d'une ère de bonheur, de la paix chrétienne et du triomphe de la religion. Car dans la mesure où non seulement toutes les personnes, mais toutes les familles, tous les groupements, toutes les nations seraient de leur propre mouvement profondément donnés, livrés à la maternité de Marie, dans cette même mesure on assisterait non plus à la floraison de quelques individualités remarquables, géants de la sainteté, mais bien à l'éclosion d'un climat de sainteté sociale, d'un nouveau printemps chrétien à la faveur duquel l'ordre temporel de la société elle-même serait pour les hommes un reflet de l'harmonie parfaite qui unit les enfants de Dieu. A force de voir le mal et le malheur, à force de rencontrer l'égoïsme et la déchéance, les hommes ne savent plus reconnaître le dessein d'amour de Dieu et leur fraternité elle-même leur semble une tromperie amère. Le problème n'est pas de se demander *si* l'on peut sortir de la situation actuelle. C'est une question que Pie XII ne s'est jamais posée car la réponse requiert la foi et le fait de poser la question suppose que précisément on en manque ! ... Le problème est de se demander *comment* on peut sortir de la situation actuelle, -- puis de *tout* faire pour y parvenir.
Comment ? Par la consécration des familles, des groupements de toute sorte, des nations, du genre humain tout entier au Cœur Immaculé de Marie. Mais cette consécration loyalement, profondément, fidèlement vécue.
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Et nous pourrons voir alors ce que le Pape Pie XI dans *Divini Redemptoris* décrivait ; que c'est la communion des membres du Corps Mystique du Christ qui constitue la réponse de Dieu au communisme d'âmes vidées de sève et semblables à des cadavres spirituels.
L'ordre de la cité est une manifestation visible de la perfection du plan divin : « *Dans la vie sociale, les dons naturels de chacun, d'ordre privé et d'ordre public s'épanouissent et se fortifient : ces dons naturels dépassent l'intérêt personnel du moment ; dans l'organisation politique ils manifestent la perfection de Dieu. Cette manifestation est impossible si les hommes restent isolés les uns des autres. Elle est aussi ordonnée à l'homme : reconnaissant cette image de la perfection de Dieu, il la reçoit et la fait remonter vers le Créateur par la louange et l'adoration.* » ([^20])
LE DESSEIN DE DIEU est un dessein d'amour. Depuis que les chrétiens sont des frères séparés, c'est l'humanité tout entière qui a été scandalisée. Là où l'unité de l'Église du Christ devait porter des fruits de foi et d'amour pour les païens, la désunité des églises chrétiennes a finalement conduit à l'apostasie des nations. Les païens du premier siècle croyaient dans le Christ parce qu'ils voyaient l'unité des chrétiens : « Voyez comme ils s'aiment ! » disaient-ils. Et leurs genoux ployaient cependant que leur bouche confessait que le Christ est Seigneur. A l'inverse, après deux cents ans de division des églises, de la bouche de Nietzsche s'échappait cette clameur : « Dieu est mort ».
Non, Dieu n'était pas mort. Mais l'unité des membres du Corps Mystique était brisée. Depuis maintenant trois siècles, la désunité des églises a opéré une sorte de crucifixion du Corps Mystique. L'idée de la réunité de ce Corps peut donc parfois nous sembler aussi peu probable que la résurrection du corps physique de Jésus aux pèlerins d'Emmaüs.
... Et pourtant, Jésus était déjà ressuscité. Il était sous leurs yeux. Il le leur expliquait. Et les pèlerins se croyaient encore aux temps des prophéties ! Elles étaient réalisées et ils ne les comprenaient pas encore. Il fallut que le Seigneur se dérobe à leurs yeux pour que l'évidence de la Résurrection atteigne leur esprit !
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Pie XII nous a quittés. Son Pontificat tout entier a conduit l'Église et toute l'humanité à la Vierge Marie. Quelques mois après son départ, Sa Sainteté le Pape Jean XXIII annonçait, comme un printemps soudain, la convocation d'un Concile œcuménique. L'heure est-elle marquée d'une sorte de Résurrection de l'unité du Corps Mystique visible ? L'heure est-elle marquée de la ré-unité des Églises ? Le moment est-il proche où nous ne verrons de nouveau qu'un seul troupeau, sous la houlette d'un seul Pasteur ?
La question est posée, non point seulement dans les mots, mais dans les faits. Une étape historique, d'une portée encore inouïe, est proche de nous. La désunité des Églises a rejeté les païens loin de Dieu. La ré-unité des Églises peut leur donner Dieu, Et si ces choses se faisaient, les hommes de cette génération seraient, comme les Apôtres, « *loquentes magnalia Dei* » ([^21]). Ils seraient les hommes qui connaîtraient une ère de bonheur en découvrant dans la sainteté de la vie sociale une manifestation de la perfection de Dieu. Ils seraient les hommes qui goûteraient la paix chrétienne en acceptant chaque jour pour eux-mêmes une humble adoration de Dieu dans le sacrifice de leur Cœur. Ils seraient les hommes qui contempleraient le triomphe de la religion, non pas à la manière des triomphes temporels où il y a des vainqueurs et des vaincus, mais à la manière des victoires du Dieu-Amour, qui donne, qui Se donne, et qui pardonne.
Toutes ces choses s'offrent aux yeux de la Foi. Elles demandent, en tout premier lieu de notre part, une consécration vécue : celle de notre famille. Alors... ?
Marcel CLÉMENT.
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### Le Rosaire, prière et pénitence
par Joseph THÉROL
NI LES COMMANDEMENTS de Dieu ni ceux de l'Église ne nous font une obligation de la récitation du Rosaire. Mais la t. s. Vierge a daigné venir nous dire que cette prière lui est particulièrement agréable. Et comment, en effet, ne se plairait-elle pas à s'entendre répéter que le fruit de ses entrailles est « le Béni », c'est-à-dire en langage oriental l'Infiniment saint, l'éternel tout-Puissant. Car, si la fin de la première partie de nos *Ave* signifie, certes, que nous bénissons notre Sauveur, elle signifie d'abord que le fruit des entrailles de Marie est Dieu lui-même. De sorte qu'en récitant le Rosaire, coupé ou non en un chapelet par jour, nous prenons parti dans la millénaire guerre des Anges, nous nous rangeons sous la bannière de saint Michel, nous nous affirmons partisans de l'Incarnation du Verbe, nous proclamons -- contre celui dont Marie écrase la tête qu'en la Personne de l'homme fils de cette Vierge nous reconnaissons et adorons la seconde Personne de la t. S. trinité. En fait -- qu'on excuse cette comparaison militaire ! -- la récitation du chapelet c'est pour le chrétien fidèle la cérémonie des couleurs. Et cela dit, quoi de plus naturel que de réciter un chapelet au moins tous les jours ?
La prière la plus agréable à Marie ! Mais aussi, hélas ! la plus difficile pour nous, témoin cet aveu de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus : « Je n'ai jamais pu réciter une dizaine de chapelet sans de nombreuses distractions. » Il faut bien s'attendre, puisque nous nous armons pour les combattre, à ce que les mauvais Anges multiplient contre nous leurs assauts.
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Par bonheur, chaque fois qu'elle a pris la peine de nous apparaître à Lourdes et à Fatima, la t. S. Vierge a ajouté à son invitation à la prière l'invitation à faire pénitence. Prière... Pénitence, disait-elle, et le Rosaire pendait à son bras droit comme pour nous indiquer que cet exercice-prière peut-être aussi exercice-pénitence, et que, par amour et piété pour ses faibles enfants, elle veut bien lui attribuer un double mérite : celui du désir de communion spirituelle et celui de l'acte de pénitence -- qui, d'ailleurs ne vont pas l'un sans l'autre.
On sait que la récitation du Rosaire doit s'accompagner de la méditation de la vie du Christ résumée en quinze mystères dont chacun correspond à une dizaine *d'Ave.* On sait aussi que la pénitence exige regrets pour le passé, humilité pour le présent, ferme propos pour l'avenir, et que de cette vertu comme de toutes les autres le modèle est le Christ. Comment pourrions-nous mieux nous exciter à la contrition et nous affermir dans les résolutions nécessaires qu'en nous conformant au Christ par la contemplation de sa vie.
Il ne s'agit ni de conseiller ni de désapprouver haire, discipline, cilice et macérations. Il ne s'agit ni de recommander ni de déconseiller quelque chose de plus que ce qu'a demandé la t. S. Vierge : la croix quotidienne du devoir d'état -- accompli, souvenons-nous en en état de grâce et au mieux. Mais de même qu'il est possible de vivre en esprit de pauvreté au milieu des richesses, il l'est aussi de réciter le chapelet en esprit de pénitence dans l'intention de mieux se conformer au Christ. Dans cette tentative d'ascension nous prenons pour guide le meilleur qui soit : celle qui vécut en union parfaite avec Jésus.
EFFORT DIFFICILE ? tant mieux, il en sera d'autant plus méritoire. L'Archange et sainte Élisabeth n'ont salué Marie qu'une fois, et c'est 50 fois par chapelet, 150 par Rosaire, que nous avons à répéter à la Pleine de grâce que nous ne voyons ni n'entendons, nous autres -- la salutation angélique et le compliment de la cousine émerveillée. Oui, durant ce long monologue les distractions auront beau jeu contre nous, si beau que, découragés d'avance, nous sommes d'abord tentés de renoncer. A quoi bon ce murmure machinal ? Attention ! ne renonçons pas et nous accomplirons par là même un premier acte de pénitence.
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Reste à soutenir l'effort pendant les cinq ou les quinze dizaines de manière que nos paroles aient vraiment valeur de prière. Car le Seigneur a dit « Veillez et priez » et ces deux petits mots nous commandent de rester conscients, de faire du moins appel à toutes nos facultés pour le rester. Cherchons donc le moyen qui nous tiendra attentifs, cherchons le mode d'emploi du procédé que nous a indiqué la Médiatrice.
\*\*\*
*Première dizaine : l'Annonciation. Fruit du mystère...* Hélas ! Déjà notre esprit glisse et s'égare. Puisque l'énoncé du mystère au commencement de chaque dizaine ne suffit pas à nous tenir en éveil pendant les dix *Ave,* si nous le divisions en dix points que nous appliquerons l'un après l'autre à nos *Je Vous salue, Marie ?* Simple chaîne, bien entendu, sur laquelle chacun, selon son caractère, le degré de son instruction religieuse et l'inspiration de la Grâce tramera sa méditation.
Tantôt nous nous contenterons de détailler le passage que l'Évangile consacre au mystère envisagé. Et cela nous donnerait, par exemple, pour la première dizaine (Annonciation et Incarnation) :
1^er^ Ave : le Seigneur est avec vous *dans votre vœu de Virginité*
2^e^ -- : *dans votre renoncement aux joies de la maternité*.
3^e^ -- : *dans votre obscurité de Nazareth*
4^e^ -- vous êtes bénie entre toutes les femmes *dans l'apparition de saint Gabriel*
5^e^ -- : *dans l'annonce que Dieu vous a choisie pour être la Mère du Messie*
6^e^ -- : *dans votre humilité récompensée*
7^e^ -- : *dans votre consentement*
8^e^ -- : *dans l'intervention de l'Esprit Saint*
9^e^ -- : Et Jésus le fruit de vos entrailles est béni *dans son Incarnation en votre sein*
10^e^ -- : *dans la vie qu'il se donne par vous.*
Le même procédé pourrait aussi être employé en dix courtes évocations précédant les *Ave *: 1) Parce que vous avez fait vœu de virginité ; 2) parce que vous avez renoncé aux maternités humaines ; 3) pendant que vous écoutiez saint Gabriel, etc.
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Il y a plus simple. Et cela consiste à glisser dans la deuxième partie de l'*Ave* le qualificatif qu'appelle après les mots « Mère de Dieu » le mystère de la dizaine. Par exemple : « Sainte Marie, Mère de Dieu *annoncé,* priez-le pour nous... Mère de Dieu *incarné... recherché dans l'angoisse... retrouvé au temple... agonisant, flagellé, giflé, fouetté, couronné d'épines... ressuscité...* » ; « Sainte Marie, Mère de Dieu, *Notre-Dame de l'Assomption* » (invocation si naturelle chez nous, puisque N.-D. de l'Assomption est Patronne de la France).
Ainsi la mémoire dix fois sollicitée réveille et entretient l'attention. Et l'effort, que cette répartition multiplie mais allège, n'en est pas moins méritoire. En même temps mieux disposés par cette volonté plus soutenue de correspondre à la grâce, nous nous offrons mieux à l'influence du mystère. A notre insu (c'est de cela, l'action de Dieu, que nous n'avons pas conscience) il sème en nous des grains dont les petites boules de bois sont le symbole, des grains que la volonté divine, fécondant notre fidélité, transformera un jour en ce fruit que doit produire la dizaine et que demande la deuxième partie des *Ave Maria.*
Pour varier encore, nous pouvons, au lieu d'en appeler à l'Évangile, recourir aux Litanies. Chaque grain de cette première dizaine nous permet alors de saluer soit les prérogatives de la Vierge, soit celles de la Mère, tandis que pendant la quinzième dizaine nous nous rappelons les dix couronnes qu'elles reconnaissent à Celle que nous prions.
TANTÔT, cherchant dans la lettre l'esprit qui vivifie, nous retiendrons ce que Notre-Seigneur a dit de Lui-même ou ce qu'Évangélistes et Docteurs ont dit de Lui.
Prenons ici pour exemple le mystère de la deuxième dizaine (la Visitation). D'inépuisables motifs nous sont fournis par le *Magnificat,* ce prélude au Discours des Béatitudes, cette splendide vision des promesses du passé mosaïque et des réalisations de l'avenir chrétien. En voici d'autres que nous trouverions dans le seul tressaillement de saint Jean-Baptiste.
Au lieu de considérer le texte de saint Luc, pensons que la Vierge-Mère porte en elle Celui qui dira : « Je suis la voie, la vérité, la vie, la résurrection, la lumière du monde, le bon pasteur ; le pain vivant... Bien avant qu'Abraham fût, Je suis... »
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Quels rapprochements se proposent alors à notre attention ! La voie ? Jean aplanira les sentiers du Seigneur. La vérité ? Jean clamera : « C'est dans l'Esprit Saint que Celui-là baptise. » -- La vie ? Jean annoncera : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle. » -- La résurrection ? Jean dira : « Il rassemblera le froment dans son grenier. » -- La lumière du monde ? Jean avouera : « Vous me demandez de vous baptiser, mais c'est moi qui dois l'être par vous ! » -- Et Jean dira aussi : « Voici l'Agneau de Dieu... Le voilà, Celui que j'annonce bien qu'il existe avant moi... »
Car, en s'exprimant ainsi, Jean-Baptiste ne fit que répéter ce qu'il avait appris, par une autre opération de l'Esprit Saint, pendant ce mystère de la Visitation. C'est alors en effet que les desseins de Dieu, révélés seulement jusqu'à ce jour à la Mère de Jésus, furent dévoilés à des tiers. Aux premières paroles que lui adressa Marie, sainte Élisabeth comprit que l'antique promesse se réalisait enfin, qu'aux « peuples assis dans l'erreur et les ténèbres de la mort » Marie apportait, incarnées en elle, la Lumière, la Vérité, la Résurrection et la Vie.
Et voilà dix *Ave* suffisamment alimentés pour mobiliser notre réflexion et nous tenir attentifs. -- « ...Et Jésus (lumière du monde, vérité, vie, voie, résurrection, agneau, bon pasteur, pain descendu du ciel, éternel, fils du Dieu vivant, rédempteur) le fruit de vos entrailles, est béni. »
Choses remarquable : ces mots du salut de l'Ange : « *Vous êtes bénie entre toutes les femmes* » sont aussi les premiers qui viennent aux lèvres d'Élisabeth. Et cette rencontre donne l'impression qu'aussitôt convaincue, et saisie d'enthousiasme, celle-ci a brusquement interrompu les confidences de sa cousine : « Oui, c'est vrai, vous êtes bénie entre toutes les femmes. » Comme le dira plus tard Jésus à Nicodème, la pieuse Juive venait de « naître à nouveau ». Son acte de foi (obtenu par la médiation de Marie) faisant d'elle la première chrétienne. Et -- merveilleux coup d'œil sur la vocation des mères -- c'est de ce moment que, tressaillant de joie en son sein, son enfant fut investi des fonctions de Précurseur.
Cet aveugle embryon de six mois, réjoui par une voix qu'il n'entend pas, bondissant vers une lumière qu'il ne voit pas, quel beau portrait de la Foi ! Il faudrait s'arrêter davantage à ce tressaillement pour voir à loisir comment ce que Jean reçut par l'intermédiaire de sa mère annonçait ce que nous pouvons recevoir par l'intermédiaire de Marie, notre Mère.
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LORSQUE, DÉCOURAGÉS, nous allons demander conseil, nous nous entendons répondre : « Essayez de vous mettre dans les sentiments de la T.S. Vierge lors de chaque mystère. » Eh oui ! mais là réside une autre difficulté.
Nous ne connaissons pas assez l'Évangile et notre mémoire manque d'aliment. En esprit de pénitence -- et cela aussi est facile -- pourquoi ne préparerions-nous pas, avant de réciter notre chapelet, les divers points à nous rappeler, en recherchant surtout comment Marie pouvait s'unir à Jésus dans l'événement qui s'accomplissait. Cette discipline, qui nous prendra de moins en moins de temps, nous rendra vite le chapelet plus facile, à condition que nous changions de motifs quand nous en sentirons le besoin.
Et puis, nous ne tenons peut-être pas assez compte de cette parole du Seigneur : « Je vous bénis, ô Père, d'avoir caché ces choses aux sages et aux prudents et de les avoir révélées aux humbles. » (Matthieu XI, 25.) Connaîtrions nous sur le bout du doigt les deux testaments, si nous ne sommes humbles, aucun procédé ne nous réussira. Puisque c'est une humilité parfaite (*quia respexit humilitatem ancillre suae*) qui valut à Marie les égards de Dieu et (15^e^ dizaine) son couronnement comme Reine du ciel et de la terre, comment nous, pauvres pécheurs, les obtiendrions-nous autrement ?
Or, au lieu de nous humilier, que faisons-nous ? Par curiosité intellectuelle, par désir de nous servir de notre raison, nous voulons percer le mystère, découvrir par nos propres moyens une vérité dont l'intelligence ne nous sera donnée que lorsqu'il plaira à Dieu. Loin de nous offrir humblement au soleil de la miséricorde et à la rosée des grâces, nous voulons voir ce qui est caché, et notre raison éclipse notre cœur. Aussitôt nous voici seuls avec cette sensibilité insatisfaite et cette volonté déconcertée, qui ont en effet, toutes deux, le plus grand besoin de pénitence.
Un exemple encore : la première dizaine douloureuse (Agonie de Notre-Seigneur), quelle sera la démarche naturelle de notre raison ? Considérant le mystère comme un problème, elle se posera des questions à la portée de son entendement. Si l'Évangile en dit assez pour que nous nous représentions le Christ, il ne dit rien de sa Mère.
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Marie n'est pas descendue à Gethsémani, elle n'a assisté à aucun des incidents de cette veillée. Mais, prévenue depuis trente-trois ans qu'un glaive lui percerait le Cœur, et méditant comme toujours (Luc II, 51) ce qu'elle a appris de son Fils ou ce qu'on lui a rapporté, elle sait qu'il est le véritable Agneau, que son immolation aura lieu à l'occasion d'une Pâque rituelle, et que l'heure en est venue, car Jésus, quelques jours plus tôt, (Matthieu XX, 17, Marc X, 32, Luc XVIII, 31) a dit aux Douze : « tout ce que les Prophètes ont écrit du Fils de l'homme va s'accomplir. Il va être livré... condamné à mort... flagellé... mis en croix. » Si les Apôtres n'ont rien compris à ce langage, Marie, elle, ne peut s'y tromper. Jean, qui est entré, dans le palais des grands-prêtres, est-il venu lui conter la réunion du Sanhédrin ? Affolé par son reniement, Pierre l'a-t-il rejointe pour lui crier son repentir ? quoi qu'il en soit, durant toute la nuit du jeudi au vendredi saints jusqu'à ce petit matin qui va voir Jésus conduit par les Juifs au prétoire de Pilate, la Mère est -- ainsi que nous -- matériellement séparée de son Fils. Encore une fois elle l'a perdu, comme lorsqu'il avait douze ans (mystère de la 5^e^ dizaine). Cherche-t-elle, comme alors, à le retrouver ?
Questions très intéressantes, mais qui resteront sans réponse. Et si nous les élucidions, qu'aurions-nous de plus ? Que faisons-nous des certitudes historiques que nous possédons ? C'est bien au-delà de l'histoire et du raisonnement que nous attend le fruit du mystère, et nous ne l'atteindrons pas de cette façon-là. Comportons-nous donc plus simplement. Prions comme si nous frappions à une porte qui ne veut pas s'ouvrir. Récitons nos *Ave* lentement, sans chercher plus loin que le sens littéral, en nous rappelant ces seuls mots : Agonie de Notre-Seigneur, en y ramenant notre esprit quand nous nous apercevons qu'il s'égare. C'est tout ce dont nous sommes capables, c'est beaucoup pourtant, car c'est une preuve de bonne volonté. S'il plaît à Notre-Dame, nous n'en resterons pas toujours là. Elle nous révèlera peut-être parfois, pour nous encourager, un peu de ce que lui inspire la sueur de sang ou le sommeil des apôtres. Peut-être une autre fois nous donnera-t-elle d'apercevoir que Jésus, dans sa geôle, subit le sort actuel de l'Église du silence, que sa solitude sanctifie l'isolement de ses fidèles ensevelis dans les prisons de l'Est, et que son angoisse, à elle, l'aidait à sanctifier celles de toutes les mères séparées de leurs enfants par les persécuteurs. C'est à la demande de Marie que l'eau de Cana fut changée en vin.
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Et, si rien ne nous est donné, frappons encore à la porte fermée, comme pour dire à la Sainte Vierge : « Je ne suis rien ; toutefois, si vous ne voulez pas rester seule en cette affliction, venez, je ferai de mon mieux. » Ces pauvres mots, il se peut que saint Jean les lui ait doucement murmurés cette nuit-là, méritant ainsi le don que le Crucifié lui fera le lendemain : « Fils, voici ta Mère ! »
Notre insistance ne sera pas vaine. Alors même que nous serons certains de prier trop mal, si -- volonté de pénitence -- nous nous efforçons de prier quand même et de prier mieux, la parabole que Jésus raconta à ses disciples après leur avoir enseigné le *Pater* se réalisera à notre profit : la t. S. Vierge nous donnera « tous les pains dont nous avons besoin. » (Luc XI, 5-8)
D'ailleurs si la mémoire et l'intelligence restaient seules à s'intéresser à la méditation du mystère, l'effort serait in complet, le fruit demeurerait hors de portée. C'est du cœur que doit partir cette prière, afin que l'acte de pénitence soit vraiment un acte d'amour. Ah ! l'excellente occasion pour nous de devenir semblables à ces petits enfants qui ont reçu de Notre-Seigneur la promesse du Royaume. Imaginons donc... Pourquoi pas ? Dès qu'il voulut bien parler comme parlent les hommes, Jésus a dû se plaire à vous répéter, ô Mère, le salut de l'Ange et de sainte Élisabeth et à vous dire, au moins le matin quand il s'éveillait : « Je vous salue, maman », reprenant ainsi pour vous glorifier la belle histoire qu'il savait avant vous dans sa prescience divine, mais qu'il aimait vous écouter raconter, ô Pleine de Grâce. « Je vous salue, Maman, vous êtes bénie entre toutes les femmes. » Laissez-moi donc imaginer que je vous parle comme l'a fait Jésus. Et si j'hésite quand j'en viens à ces mots qu'il me semble difficile de placer sur les lèvres du Verbe incarné, « Priez pour nous, pauvres pécheurs », c'est que je suis plus ignorant encore que je le croyais. Même ces mots-là, Jésus n'hésitait sans doute pas, lui, à vous le dire : « Priez pour votre Fils qui assume tous les péchés de tous les hommes ». Ô Mère, priez pour nous, pauvres pécheurs, qui sommes les membres de son corps mystique et par conséquent vos enfants.
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Le chapelet du cœur, le chapelet des humbles ! Nous avons connu de pauvres femmes pour qui le monde extérieur n'existait plus quand elles égrenaient leurs *Ave.* Leur secret ? Pour autant que nous l'ayons percé, le voici. D'autres -- c'est « le secret du Roi » -- contemplent la joie et la gloire dans les douleurs du Rédempteur et de la Corédemptrice. Elles, pendant les mystères joyeux et glorieux tout autant que pendant les mystères douloureux, elles ne pensaient qu'à consoler la T. S. Vierge.
Elles avaient raison, à ce qu'il nous semble. Si l'on admet facilement que, de l'Agonie à la mort sur la Croix, il soit naturel de songer à consoler la Mère si cruellement meurtrie, on s'en étonne quand elle doit apparaître joyeuse ou glorieuse. Et pourtant ! Faut-il rappeler qu'un maître de la vie spirituelle, le R.P. Vallet, fondateur des Coopérateurs paroissiaux du Christ-Roi, présentait parfois les mystères joyeux comme une histoire des tribulations de la sainte famille ? Rien de plus normal, en ce cas, que de chercher à encourager, à remercier, à bénir Marie troublée par l'annonce de l'Ange, compromise aux yeux de saint Joseph par l'Incarnation, repoussée de partout pendant la nuit de la Nativité, menacée par le : glaive de la Présentation, angoissée par la disparition de Jésus au temple.
Quant aux mystères glorieux, la Résurrection laisse au Christ les marques de son supplice, l'Ascension est une nouvelle séparation, la Pentecôte est le début d'une lutte sanglante pour le Corps mystique du Christ, l'Assomption qui ne détache pas Marie de ce Corps mystique pour lequel elle a tant mérité, prive tout de même ses enfants, les Apôtres, de sa « présence réelle », le Couronnement lui donne la responsabilité de toutes les âmes dont un grand nombre se perd malgré elle -- douleur si grande que la gloire dont elle jouit ne l'empêche pas de nous apparaître quelquefois tout en larmes, comme à La Salette.
Elle ne voyaient cela que confusément, les humbles femmes. Mais quelle leçon que leur chapelet ! Prière du cœur, et pénitence exemplaire. Car si nous pensons à consoler Celle qui souffre, nous sommes logiquement amenés à penser qu'elle souffre à cause de nous, à le regretter, à promettre de ne plus lui causer ce chagrin.
De là -- témoin la très simple Bernadette, cette grande sainte -- nous pouvons nous élever très haut, s'il plaît à Dieu.
Joseph THÉROL.
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## DOCUMENTS
Les difficultés que nous avons dû surmonter pour réunir les documents pontificaux reproduits ci-après nous donnent à penser qu'il sera utile à plus d'un lecteur de les trouver ici rassemblés.
A notre connaissance, c'est la première fois que sont ainsi réunis tous les enseignements de Pie XII et de Jean XXIII sur la consécration au Cœur Immaculé de Marie : encore que certains aient pu nous échapper, en raison de l'état extraordinaire de fragmentation et d'inachèvement où se trouve la publication française des Actes de Pie XII. Il est infiniment plus facile, en France, de se procurer la traduction française des œuvres complètes de Lénine et de Staline que celle des Papes de la même époque.
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Nous avons eu recours à quatre sources principales :
1. -- Les *Actes de S.S. Pie XII* (Bonne Presse) : huit tomes parus, le huitième s'arrêtant en 1946, et les tomes I et III étant actuellement épuisés et non réédités. Pour Léon XIII, saint Pie X, Benoît XV et Pie XI, les *Actes* de la Bonne Presse sont le plus souvent épuisés, mais se trouvent encore dans quelques bibliothèques.
2. -- La collection suisse des *Documents pontificaux de S.S. Pie XII* (éditions Saint-Augustin, à Saint-Maurice, Suisse) : 10 volumes recouvrant les années 1948 à 1957.
3. -- Pour l'année 1958, le recueil des *Textes et allocutions* publié par Civitec (*Nouvelles de Chrétienté*)*.*
4. -- Le précieux volume *Notre-Dame,* des enseignements pontificaux publiés par les Bénédictins de Solesmes (Desclée et Cie) : extraits des enseignements pontificaux depuis Benoît XIV, avec une « table logique » très utile. On ne saurait trop recommander ce volume ([^22]).
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Ces recueils ne dispensent pas encore de recherches dans les journaux et périodiques.
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Les documents pontificaux que nous reproduisons sont classés en trois sections : -- la Royauté de Marie et la consécration à son Cœur Immaculé ; -- le Rosaire ; -- les Congrégations mariales. Pour les deux dernières sections, nous n'avons pas cherché à reproduire tous les documents, mais seulement les plus importants.
Notre intention est de fournir au lecteur, sur ces trois points, *la pensée commune de l'Église,* telle qu'elle est exprimée et enseignée par les Souverains Pontifes. Bien entendu, la quantité et le contenu des documents pontificaux ici recueillis n'appellent pas une lecture cursive mais une lecture méthodique, et une méditation poursuivie en demandant la lumière de l'Esprit Saint.
Dans l'Encyclique *Ad Petri cathedram,* Jean XXIII a rappelé dans quelle perspective spirituelle sont composés les documents pontificaux et dans quelle perspective ils doivent être reçus et étudiés : « que l'Esprit Saint Nous assiste pendant que Nous écrivons et vous éclaire lorsque vous Nous lirez, que la grâce de Dieu vous rende dociles et capables d'atteindre tous le but souhaité, malgré les préjugés, tant de difficultés et bien des obstacles. »
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### La Royauté de Marie et la consécration à son Cœur Immaculé
On trouvera dans la présente section les enseignements de Pie XII et de Jean XXIII, classés par ordre chronologique pour permettre de les retrouver facilement d'après leur date.
Dans plusieurs documents, Pie XII ne fait que *mentionner* ou *rappeler* la consécration au Cœur Immaculé de Marie : il ne le fait pas sans raison, nous les avons donc reproduits eux aussi, parce qu'ils contribuent à montrer quelle fut l'insistance répétée du Saint Père sur ce point.
En lisant ces documents, au moins une fois, tous à la suite les uns des autres, on ne peut manquer d'être frappé par la netteté -- progressivement impérative -- et le poids des directives données.
On pourra ensuite revenir notamment sur les points suivants :
-- CE QU'EST UNE CONSÉCRATION A MARIE : allocution du 21 janvier 1945, message du 26 juillet 1954 *et surtout* message du 5 septembre 1954.
-- LA ROYAUTÉ DE MARIE : message du 13 mai 1946, encyclique du 11 octobre 1954, discours du 1^er^ novembre 1954.
-- L'importance singulière de la règle formulée par Jean XXIII le 18 février 1959.
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A ces documents pontificaux nous avons joint, à la date du 16 septembre 1958, le discours prononcé par le Cardinal Tisserant, résumant au Congrès Marial de Lourdes l'enseignement de l'Église et l'action du Saint Père en ce qui concerne la consécration des individus, des familles, des nations et du genre humain au Cœur Immaculé de Marie. Et, en appendice, le discours prononcé le 13 mai 1956 par le Cardinal Roncalli.
#### 31 octobre 1942
Radiomessage aux Portugais. *Première consécration par le Saint Père de l'Église et du genre humain au Cœur Immaculé de Marie.*
Une première consécration du Portugal au Cœur Immaculé de Marie, faite le 13 mai 1931, avait été renouvelée le 13 mai 1938. Le 13 mai 1942, le Portugal célébrait le 25^e^ anniversaire de la première apparition de Fatima et de la consécration épiscopale de Pie XII (13 mai 1917). Le 31 octobre 1942, le Cardinal Cerejeira, entouré des évêques portugais et des autorités civiles et militaires, renouvela la consécration du Portugal au Cœur Immaculé.
Pie XII déclare :
« Avec une délicatesse filiale, vous avez voulu associer dans les mêmes solennités d'action de grâces et de supplications le Jubilé de Notre-Dame de Fatima et le 25^e^ anniversaire de notre consécration épiscopale. La Sainte Vierge Marie et le Vicaire du Christ sur la terre, deux dévotions profondément portugaises et toujours unies dans le cœur du Portugal, très fidèle depuis les premiers moments de sa vie nationale, depuis le jour où les premières terres reconquises, noyau de la future nation, furent consacrées à la Mère de Dieu comme *Terre de Sainte Marie* et où le royaume, à peine constitué, fut placé sous l'égide de saint Pierre. »
Pie XII évoque quel renouveau spirituel et quelle protection temporelle le Portugal doit à sa dévotion à Notre-Dame de Fatima ; puis il s'écrie :
« Reine du très Saint Rosaire, Secours des chrétiens, Refuge du genre humain, victorieuse dans tous les combats de Dieu, nous voici suppliants et prosternés devant votre trône, dans la certitude d'obtenir miséricorde, d'avoir grâces et aide opportune dans les calamités présentes, non en raison de nos mérites dont nous ne saurions nous prévaloir, mais uniquement grâce à l'immense bonté de votre Cœur maternel.
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*C'est à vous, c'est à votre Cœur Immaculé, qu'en tant que Père commun de la grande famille chrétienne et Vicaire de celui à qui fut donné tout pouvoir dans le ciel et sur la terre, et de qui Nous recevons le soin de toutes les âmes rachetées par son sang et peuplant l'univers ; c'est à vous, c'est à votre Cœur Immaculé qu'en cette heure tragique de l'histoire humaine, Nous confions, donnons, consacrons non seulement la Sainte Église, Corps mystique de votre Jésus, et qui souffre et verse son sang, persécutée en tant de lieux et de tant manières, mais aussi le monde entier déchiré par de mortelles discordes, embrasé d'incendies de haine, victime de ses propres iniquités.* (...)
Ô Mère de miséricorde, obtenez-nous de Dieu la paix ! Et, avant tout, les grâces qui puissent en un moment convertir les cœurs humains, les grâces qui préparent, concilient, assurent la paix (...)
Aux peuples séparés par l'erreur et par la discorde, *spécialement à ceux qui vous ont voué une particulière dévotion, tellement qu'il n'était chez eux aucun foyer où ne brillât votre vénérable icône* (*maintenant parfois cachée et réservée pour des jours meilleurs*)*, donnez la paix et reconduisez-les à l'unique troupeau du Christ, sous l'unique et vrai Pasteur* (...)
Enfin, de même qu'au Cœur de votre Jésus furent consacrés l'Église et le genre humain tout entier, afin que toutes leurs espérances étant placées en lui il devînt signe et gage de victoire et de salut, qu'ainsi également ils vous soient désormais et à jamais consacrés, à vous et à votre Cœur Immaculé, ô notre Mère et Reine du monde, pour que votre amour et votre protection hâtent le triomphe du règne de Dieu (...). »
#### 8 décembre 1942
A Saint-Pierre-de-Rome, Pie XII consacre solennellement l'Église et le genre humain au Cœur Immaculé de Marie.
Sur cette cérémonie, on trouve dans les *Actes des*. *S. Pie XII* (Bonne Presse), tome IV, en note au bas de la page 261 (note au Radiomessage du 31 octobre 1942) les indications suivantes :
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« Dans une cérémonie d'expiation et de supplication, célébrée à la basilique vaticane le soir de la fête de l'Immaculée Conception, en présence des Cardinaux, du corps diplomatique, de plus de 20.000 fidèles, Pie XII a renouvelé son geste du 31 octobre 1942, en *consacrant de nouveau l'Église et le genre humain au Cœur Immaculé de Marie. Il a exprimé le désir que le monde catholique, par l'entremise des évêques consacrant leurs diocèses, des curés consacrant leurs paroisses, des fidèles se consacrant eux-mêmes à Marie, s'unisse au geste du Père commun*. C'est ce qui a été fait en 1942 et en 1943, en France et en Italie notamment. »
Ce qui a été fait en 1942 et 1943 n'était que partiel, puisque, par exemple, la consécration de l'Italie au Cœur Immaculé de Marie n'avait pas été faite avant le 13 septembre 1959.
#### 29 juin 1943
Dans l'Encyclique *Mystici* *Corporis,* Pie XII rappelle la Consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie :
« Supplions donc la très Sainte Mère de tous les membres du Christ, au Cœur Immaculé de laquelle Nous avons consacré avec confiance tous les hommes (...) pour que son patronage très efficace protège l'Église aujourd'hui comme jadis et lui obtienne enfin de Dieu, ainsi qu'à l'universelle communauté humaine, des temps plus tranquilles. »
#### 25 novembre 1943.
Lettre au Cardinal Maglione pour prescrire des prières publiques au Cœur Immaculé de Marie :
« Puisque depuis le début de cette guerre Nous avons mis notre espoir et notre confiance dans le patronage très puissant de la Vierge, Mère de Dieu, et que déjà une année se termine depuis que, dans la majestueuse basilique de Saint-Pierre, environné par un peuple nombreux, Nous avons de nouveau voué et consacré au Cœur Immaculé de la Vierge Marie le genre humain tout entier, Nous désirons que, en ce même jour, qui est proche, consacré à l'Immaculée Conception, des prières publiques aient lieu dans tous les pays à cette intention (la paix). »
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#### 4 mai 1944
Décret instituant la fête du Cœur Immaculé de Marie, fixée au 22 août : cette fête est instituée *pour garder la mémoire de la Consécration du* 8 *décembre* 1942 (A.A.S., XXXVII, 1945, p. 44).
#### 21 janvier 1945
Allocution aux Congrégations mariales célébrant le 50^e^ anniversaire de la consécration du Pape à la Sainte Vierge, dans la congrégation mariale du collège Capranica.
Le Saint Père expose à cette occasion ce qu'est la consécration personnelle à la Sainte Vierge :
« La consécration à la Mère de Dieu dans la Congrégation mariale est un don total de soi, pour toute la vie et pour l'éternité : c'est un don non de pure forme ou de pur sentiment, mais effectif, accompli dans l'intensité de la vie chrétienne et mariale, dans la vie apostolique, dans laquelle il fait du Congréganiste le ministre de Marie, et pour ainsi dire ses mains visibles sur la terre, avec l'effusion spontanée d'une vie intérieure surabondante, qui déverse dans toutes les œuvres extérieures de la dévotion solide, du culte, de la charité, du zèle. Et c'est cela qu'inculque avec une énergie singulière la première de vos règles. S'appliquer sérieusement à se sanctifier soi-même, chacun dans son état particulier ; se consacrer, non d'une manière quelconque, mais avec ardeur, dans la mesure et sous la forme compatibles avec la condition sociale de chacun, au salut et à la sanctification des autres ; s'employer enfin avec intrépidité à la défense de l'Église du Christ ; telle est la consigne du Congréganiste, librement et résolument acceptée dans l'acte de sa consécration, tel est le magnifique programme qui lui est tracé par la Règle.
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En réalité, cette règle n'a fait qu'exprimer en termes précis et en quelque sorte « codifier » l'histoire et la pratique constante des Congrégations mariales providentiellement instituées par la si méritante Compagnie de Jésus, approuvées aussi et louées maintes fois et hautement par le Saint-Siège. »
#### 8 octobre 1945
Lettre de Pie XII au R.P. Cruveiller, à l'occasion du centenaire de l'apparition de La Salette :
« Notre dévotion envers la très Sainte Vierge Marie, au Cœur Immaculé de laquelle Nous avons consacré l'Église et le monde, ne peut que se dilater devant les douces perspectives du prochain centenaire de l'apparition de Notre-Dame de La Salette (...)
Nul doute que la célébration de ce centenaire ne contribue fort à propos, par un regain de ferveur spirituelle, au relèvement d'un monde encore si bouleversé par les suites de la guerre, et *particulièrement du cher pays de France*, qui voudra s'affirmer toujours plus, Nous l'espérons bien, pour son vrai bonheur et sa pleine prospérité, *le royaume de Marie*. »
#### 13 mai 1946
Radiomessage de Pie XII pour le couronnement de Notre-Dame de Fatima : appelé message « sur la Royauté de Marie ».
Après avoir rappelé la toute spéciale protection séculaire de la Sainte Vierge sur le Portugal. « terre de Marie », et les grâces reçues par le Portugal en raison de sa dévotion à Notre-Dame de Fatima, le Saint Père *enseigne ce qu'est la Royauté de Marie *:
« La ferveur de vos prières, l'écho retentissant de vos acclamations (...) évoquent à notre esprit d'autres multitudes bien plus ardentes, d'autres triomphes bien plus divins, une autre heure, éternellement solennelle, au jour sans déclin de l'éternité, où la Vierge glorieuse, à son entrée triomphale dans la patrie céleste, se vit élevée, à travers les hiérarchies bienheureuses et les chœurs angéliques, jusqu'au trône de la Sainte trinité qui, posant sur son front un triple diadème de gloire, le présenta à la cour céleste, assise à la droite du Roi immortel des siècles, et couronnée *Reine de l'Univers*.
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Et le paradis vit qu'elle était réellement digne de recevoir honneur, gloire et empire, parce quelle était plus pleine de grâces, plus sainte, plus belle, plus sublime, incomparablement plus que les plus grands saints et les anges, isolément ou réunis ; parce qu'elle était mystérieusement apparentée, dans l'ordre de l'union hypostatique, à toute la très Sainte trinité, à Celui qui, seul, est par essence la Majesté infinie, Roi des rois, Seigneur des seigneurs : en qualité de Fille première-née du Père, de Mère parfaite du Verbe et d'Épouse préférée du Saint-Esprit ; parce qu'elle était Mère du divin Roi, de Celui à qui, dès le sein maternel, le Seigneur Dieu a donné le trône de David et la royauté éternelle dans la maison de Jacob et qui, après avoir proclamé à son propre sujet que tout pouvoir lui avait été donné dans le ciel et sur la terre, lui, le Fils dei Dieu, a réfléchi sur sa céleste Mère la gloire, la majesté, l'empire de sa royauté ; parce que, associée comme Mère et Ministre au Roi des martyrs, dans l'œuvre ineffable de la Rédemption humaine, elle lui était également associée pour toujours, avec un pouvoir pour ainsi dire infini, dans le distribution des grâces qui découlent de la Rédemption.
Jésus est Roi des siècles éternels par nature et par conquête ; par lui, avec lui, subordonnée à lui, Marie est Reine par grâce, par alliance divine, par conquête, par élection toute particulière. Et son royaume est vaste comme celui de son Fils et Dieu, puisque rien n'est exclu de sa domination.
C'est pourquoi l'Église la salue Souveraine et Reine des anges et des saints, des patriarches et des prophètes, des apôtres et des martyrs, des confesseurs et des vierges ; c'est pourquoi elle la proclame Reine des cieux et de la terre, glorieuse, très digne Reine de l'univers : *Regina cælorum, Gloriosa regina mundi, Regina mundi dignissima*. Et elle nous enseigne à l'invoquer jour et nuit, au milieu des gémissements et des larmes dont est fait cet exil : « Salut, Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur, notre espérance ! » Et sa royauté est essentiellement maternelle, exclusivement bienveillante (...)
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En couronnant l'image de Notre-Dame, vous avez fait un acte de foi en sa royauté, de soumission loyale à son autorité, de correspondance filiale et constante à son amour. Plus encore : *vous vous êtes enrôlés dans la croisade pour la conquête. Oui la reconquête de son royaume, qui est le royaume de Dieu*. En d'autres termes : vous vous êtes engagés à travailler pour qu'elle soit aimée, vénérée, servie autour de vous, dans la famille, dans la société, dans le monde. »
Nous sommes, dit Pie XII en conclusion, à « une heure décisive de l'histoire », où les forces du mal menacent le monde de catastrophes encore plus grandes que celles de la dernière guerre :
« *Qu'en cette heure décisive de l'histoire, de même que le royaume du mal, déployant une infernale stratégie, recourt à tous les moyens et déchaîne toutes ses forces pour détruire la foi, la morale, le règne de Dieu,* -- de même les fils de lumière, les enfants de Dieu doivent tout employer, et tous s'engager pour les défendre, si l'on ne veut pas voir une ruine immensément plus grande et plus désastreuse que toutes les ruines matérielles accumulées par la guerre. Dans cette lutte, il ne peut y avoir de neutres ni d'indécis. Il faut un catholicisme éclairé, convaincu, sans peur, s'inspirant de la foi, obéissant aux commandements, fait de sentiments et d'œuvres, en public ou en particulier. Répétons le cri que poussait, il y a quatre ans, à Fatima, la brillante jeunesse catholique : *Catholiques cent pour cent ! *»
#### 1^er^ mai 1947
Lettre apostolique *Novissimo universarum.*
La dévotion et la consécration au Cœur Immaculé de Marie ne sont pas réservées au temps de guerre ; la paix retrouvée, Pie XII n'en rappellera pas moins cette consécration, et n'en recommandera pas moins cette dévotion, remèdes appropriés au refroidissement de la foi et de la charité dans le monde :
« La tendresse du Cœur Immaculé de Marie est presque infinie, de cette infinité que le Docteur angélique dit être propre à la Mère de Dieu en raison de sa parenté avec Dieu ; quant au Docteur melliflue, il déclare que l'âme de la Bienheureuse Vierge Marie est pleine de la plus ardente affection.
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Et comme, *en raison du refroidissement du monde, il fallait ranimer le feu descendu du ciel,* Nous avons voulu Nous-même, en la fête de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie de l'année 1942, consacrer à jamais à ce Cœur Immaculé le genre humain tout entier. »
On notera que la Consécration du monde que Pie XII tient à rappeler, ici et plus loin, et tout au long de son pontificat, ce n'est pas celle du 31 octobre 1942, mais celle du 8 décembre 1942.
#### 21 Juillet 1947
Allocution au lendemain de la canonisation de saint Louis-Marie Grignion de Montfort.
Cette canonisation met en relief et recommande à l'attention l'exemple, les œuvres, la doctrine de Grignion de Montfort. Pie XII déclare notamment :
« Tous les saints, assurément, ont été grands serviteurs de Marie et tous lui ont conduit les âmes ; il est incontestablement un de ceux qui ont travaillé le plus ardemment et le plus efficacement à la faire aimer et servir (...)
Le grand ressort de tout son ministère apostolique, son *grand secret* pour attirer les âme, et les donner à Jésus, c'est la dévotion à Marie. Sur elle, il fonde route son action ; en elle est toute son assurance, et il ne pouvait trouver arme plus efficace à son époque. A l'austérité sans joie, à la sombre terreur, à l'orgueilleuse dépression du jansénisme, il oppose l'amour filial, confiant, ardent, expansif et effectif du dévot serviteur de Marie (...)
Encore faut-il qu'il s'agisse d'une dévotion sincère et loyale. Et l'auteur du « traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge » distingue en traits précis celle-là d'une fausse dévotion plus ou moins superstitieuse, qui s'autoriserait de quelques pratiques extérieures ou de quelques sentiments superficiels pour vivre à sa guise et demeurer dans le péché, comptant sur une grâce miraculeuse de la dernière heure.
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La vraie dévotion, celle de la tradition, celle de l'Église, celle, dirons-Nous, du bon sens chrétien et catholique, tend essentiellement *vers l'union à Jésus sous la conduite de Marie*.
Formes et pratiques de cette dévotion peuvent varier suivant les temps, les lieux, les inclinaisons personnelles. Dans les limites de la doctrine saine et sûre, de l'orthodoxie et de la dignité du Culte, l'Église laisse à ses enfants une juste marge de liberté. Elle a d'ailleurs conscience que la vraie et parfaite dévotion envers la Sainte Vierge n'est point tellement liée à ces modalités qu'aucune d'elles puisse en revendiquer le monopole.
Et voilà pourquoi Nous souhaitons ardemment que, par-dessus les manifestations variées envers la Mère de Dieu, Mère des hommes, *vous puisiez tous dans le trésor des écrits et des exemples de notre Saint, ce qui a fait le fond de sa dévotion mariale : sa ferme conviction de la très puissante intercession de Marie, sa volonté résolue d'imiter, autant que possible les vertus de la Vierge, l'ardeur véhémente de son amour pour elle et pour Jésus.* »
(On trouvera plus loin une bibliographie des œuvres de saint Grignion de Montfort, dans la rubrique : « Bibliographie succincte et renseignements divers. »)
#### 18 janvier 1948
Lettre à l'épiscopat polonais à l'occasion de sa réunion annuelle au sanctuaire marial de Czestochowa.
Pie XII tient à marquer l'anniversaire de la consécration de la Pologne au Cœur Immaculé ; et il encourage la préparation d'une consécration au Sacré-Cœur de Jésus :
« La dernière réunion épiscopale a coïncidé avec le premier anniversaire de la consécration de la nation polonaise au Cœur Immaculé de Marie, et d'autre part la nécessité de recevoir sa force et de trouver son refuge en ce Cœur sacré apparaît aujourd'hui plus pressante que jamais (...)
A vous qui espérez que la consécration des familles au divin Cœur de Jésus, fixée par vous à cette année, se fasse heureusement *par Marie à Jésus* et qu'elle soit le prélude de la consécration de toute la nation polonaise à laquelle vous voulez procéder un jour, Nous accordons la Bénédiction apostolique... »
78:38
#### 15 janvier 1948
Lettre à Mgr Lebrun, évêque d'Autun.
Pie XII : 1. -- rappelle les origines de la dévotion au Cœur Immaculé de Marie ; 2. -- mentionne la consécration du monde au Cœur Immaculé ; 3. -- souligne que la fin de la guerre n'a pas fait disparaître les menaces qui appellent cette consécration du monde à la très Sainte Vierge :
« Il y a, trois siècles que saint Jean Eudes : (...) voulut que l'aide du Cœur Immaculé de Marie fut implorée par tous (...). C'est sous son patronage et par sa décision que pour la première fois le Sacrifice Eucharistique fut célébré en l'honneur du Cœur Immaculé, avec l'approbation de l'autorité ecclésiastique ; lui-même avait composé le texte des prières.
Nous estimons fort opportun de rappeler ce fait au souvenir du peuple chrétien (...).
Il y a peu d'années, comme on s'en souvient, lorsque sévissait une guerre atroce, et au moment où toutes les ressources et tous les espoirs humains paraissaient vains et incapables d'apaiser un conflit de cette gravité, Nous Nous sommes réfugié par la prière et la supplication auprès de notre miséricordieux Rédempteur, sous le très puissant patronage du Cœur très pur de la Vierge Marie. » ainsi que Notre prédécesseur Léon XIII, d'heureuse mémoire, dédia au début du XX^e^ siècle le genre humain tout entier au Sacré-Cœur de Jésus, Nous avons voulu de même, comme représentant de l'humanité rachetée consacrer solennellement cette humanité au Cœur Immaculé de la Vierge Mère de Dieu.
Actuellement, bien que la paix soit revenue presque partout il s'en faut de beaucoup que toutes les haines soient apaisées ou que toutes les discordes et tous les différents soient réglés. Tandis que la structure même de la société civile semble soumise à de rudes secousses, beaucoup de nations et de peuples, blessés par tant d'épreuves, affligés par tant de ruines et de dommages, ne considèrent qu'avec crainte ce que leur apportera le cours de la nouvelle année. Il n'y a donc pas lieu de cesser de demander le secours divin ou d'implorer la tutelle de la Bienheureuse Vierge Marie ; celui qui voudrait obtenir sans elle les récompenses suprêmes et l'aide d'en haut, ressemblerait à l'homme qui voudrait sans ailes s'envoler vers les cieux. »
79:38
#### 6 avril 1948
Lettre à l'Archevêque de Melbourne (Australie).
Pie XII approuve la consécration du continent australien au Cœur Immaculé de Marie :
« Nous avons appris votre intention de consacrer votre archidiocèse et le continent australien tout entier au Cœur Immaculé de Marie. C'est l'objet de notre très instante prière... »
#### 1^er^ mai 1948
Encyclique *Auspicia quaedam* aux évêques du monde entier.
Dans cette Encyclique, Pie XII -- comme il l'avait fait dans sa lettre à Mgr Lebrun, le 15 janvier précédent -- rapproche la consécration au Cœur Immaculé de la consécration au Sacré-Cœur.
*Le Saint Père demande que chacun personnellement, que les familles, que les paroisses, que les diocèses se consacrent au Cœur Immaculé de Marie :*
« Comme Léon XIII, à l'aube du XX^e^ siècle, voulut consacrer tout le genre humain au Sacré-Cœur de Jésus, Nous avons voulu de même, comme représentant de la famille humaine rachetée, la consacrer solennellement aussi au Cœur Immaculé de Marie.
*Nous désirons par conséquent que, chaque fois que les circonstances opportunes le conseillent, on fasse cette consécration dans Les diocèses, dans les paroisses, mais aussi dans les failles et Nous avons confiance que de cette consécration privée et publique sortiront en abondance les bienfaits et les faveurs célestes.* »
« Nous désirons... », disait donc Pie XII dans l'Encyclique *Auspicia quaedam* du 1^er^ mai 1948.
Six années plus tard -- six années qui furent ou au raient dû être employées à rendre la consécration possible et opportune là où elle ne l'était pas encore -- Pie XII, le 11 octobre 1954, dans l'Encyclique *Ad coeli Reginam,* dira : « Nous ORDONNONS... »
80:38
#### 20 juin 1948
Allocution aux Romains :
« Soient rendues grâces avec ferveur au divin Sauveur et à sa sainte Mère, au Cœur Immaculé de qui la Ville vient d'être solennellement consacrée par la voix de son premier magistrat... »
#### 19 septembre 1948
Lettre au R.P. Janssens, Général de la Compagnie de Jésus, au sujet de l'Apostolat de la prière.
Pie XII associe, à la consécration au Sacré-Cœur, le culte au Cœur immaculé de Marie, et constate que ce culte « prend de jour en jour un développement merveilleux » :
« Par l'offrande quotidienne qui, si elle est bien comprise, est une véritable consécration au Cœur de Jésus, par la consécration des famille et des sociétés qui en est le complément ; par *le culte au Cœur Immaculé de Marie, qui prend de jour en jour un développement merveilleux* : par une fréquentation plus grande de la communion eucharistique ; par un amour fervent pour le Vicaire du Christ ; par les intentions particulières proposées chaque mois (...), l'Apostolat de la Prière forme la masse et l'élite des fidèles à la vie chrétienne... »
#### 11 février 1950
Lettre au Supérieur général des Carmes :
« Que tous les Carmes réalisent *cette consécration au saint Cœur Immaculé de la Vierge Marie que Nous avons récemment recommandée avec insistance*. »
#### 30 juin 1950
Message au Congrès marial national de Rennes :
81:38
« Nous prions Dieu qu'Il bénisse ses travaux dont le thème unique, l'Assomption de la Très Sainte Vierge, est cher à tant de titres au cœur de tous nos fils. *N'est-ce pas d'ailleurs dans l'auréole de cette glorieuse Assomption qu'une consécration mémorable a proclamé la Mère de Dieu Reine et Patronne de la France ?* »
Dans la phrase que l'on vient de lire, Pie XII fait allusion au vœu de Louis XIII qui, le 10 février 1638, mettait la France sous la protection de la Sainte Vierge Marie honorée dans le mystère de l'Assomption.
Le 21 mars 1922, le Pape Pie XI déclara LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE, SOUS LE TITRE DE L'ASSOMPTION, PATRONNE PRINCIPALE DE LA FRANCE.
Pie XII souligne que « les manifestations de la dévotion envers Marie ont connu depuis quelques années un renouveau de faveur parmi les fidèles » ; or, « quand le peuple chrétien se laisse ainsi porter aux élans de la confiance filiale, il importe dans le même temps de nourrir cette piété des solides aliments de la vérité » ; c'est pourquoi, « pour assurer cette piété mariale sur les bases les plus fermes », il recommande « un effort de réflexion théologique ».
Puis il ajoute :
« Nous renouvelons à tous, en cette Année sainte, l'appel que Nous adressions déjà lors de la solennelle consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Puisqu'il a plu à Dieu, dans sa miséricorde, de remettre entre ses mains maternelles -- une puissance d'intercession dont Nos fils de France ont maintes fois éprouvé l'ampleur et la délicatesse, que chacun ne cesse d'implorer son secours, en faveur du monde déchiré et pécheur. La Vierge Marie ne saurait rester sourde au cri de ses enfants, *si celui-ci est non seulement le cri des lèvres ou celui d'une résolution hâtive et transitoire, mais le cri des réformes efficaces et des renouveaux nécessaires, sur les plans personnel et familial, civique et social, national et international.* »
#### 3 septembre 1950
Consécration de la J.O.C. et de la jeunesse ouvrière au Cœur Immaculé de Marie.
Message au Congrès international du 25^e^ anniversaire de la fondation de la J.O.C. :
82:38
« En un geste de filiale piété dont Nous Nous sommes, particulièrement réjoui, vous avez tenu à inaugurer ce Congrès par la consécration du Jocisme international et de la jeunesse ouvrière au Cœur Immaculé de Marie. Comment pourrions-Nous douter des fruits de grâces qu'un tel acte de foi et d'amour ne saurait manquer de répandre sur vos personnes, sur votre travail et sur votre action. »
#### 1^er^ novembre 1950
Constitution apostolique *Munificentissimus Deus* sur le dogme de l'Assomption :
« Nous qui avons confié Notre pontificat au patronage particulier de la très Sainte Vierge, vers qui Nous Nous réfugions en tant de vicissitudes des plus tristes réalités, Nous qui avons consacré à son Cœur Immaculé le genre humain tout entier en une cérémonie publique, et qui avons éprouvé bien souvent sa très puissante assistance, Nous avons une entière confiance que cette proclamation et définition solennelle de son Assomption apportera un profit non négligeable à la société humaine... »
#### 4 juin 1951
Allocution au pèlerinage national portugais :
« Souvent à partir des débuts de l'Année sainte. Nous avons eu l'occasion d'accueillir les ambassadeurs qui, de la « terre de Sainte Marie », venaient Nous trouver et Nous rappelaient **le céleste message de Notre-Dame de Fatima, qui a été annoncé là-bas, mais afin d'être transmis au monde**, et qui était presque le message anticipé d'une Année sainte sans fin (...)
Vous avez voulu que le monument commémoratif de Notre consécration épiscopale rappelât en même temps la providentielle coïncidence qui l'a signalée.
Cette grande date, formidable dans Notre vie (13 mai 1917), peut-être que dans les secrets desseins de la Providence, sans que Nous puissions le soupçonner, elle préparait une autre date plus grande encore, celle où le Seigneur ferait peser sur Nos épaules le soin de l'Église universelle.
83:38
Mais à cette date-là, à la même heure, dans la montagne de Fatima, était annoncée la première apparition de la blanche Reine du très saint Rosaire, comme si la très pieuse Mère voulait Nous faire comprendre que dans les temps de tempête où s'écoulerait Notre pontificat, au milieu d'une des plus grandes crises de l'histoire mondiale, Nous aurions toujours pour Nous envelopper, pour Nous protéger et pour Nous guider, l'assistance maternelle et vigilante de la grande Victorieuse de toutes les batailles de Dieu (...)
N'est-il pas vrai que nous avons senti, touché même sensiblement la protection manifeste de la Vierge, non seulement dans les merveilles que la Vierge pèlerine est en train de distribuer à pleines mains par le monde entier, mais aussi dans le dessein providentiel qui Nous a permis de consacrer ce même monde à son Cœur Immaculé et de définir sa glorieuse Assomption ? (...)
N'oubliez pas qu'aujourd'hui le grand malade est le monde même. Sans cesse demandez en sa faveur l'intervention miraculeuse de la très haute Reine du monde, pour que les espoirs d'une ère de véritable paix se réalisent au plus tôt, et que le triomphe du Cœur Immaculé de Marie amène plus vite le triomphe du Cœur de Jésus dans le Royaume de Dieu. »
#### 1^er^ septembre 1951
A l'Épiscopat polonais :
« Cinq ans se sont maintenant écoulés, Vénérables Frères, depuis le jour où vous avez solennellement consacré au Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie vos fidèles et toute votre nation (...). L'éducation chrétienne de la jeunesse et les problèmes relatifs à une bonne solution de la question sociale, domaines où se rencontrent les plus graves difficultés et menacent les dangers les plus pernicieux, constituent sans aucun doute l'objet de vos anxiétés et de vos soins inquiets. Prenez donc courage ! Dieu sera propice aux forts et la Mère de Dieu, votre Reine, ne privera point de sa protection le peuple qui est sous sa tutelle (...). La bataille est encore ardente : votre lutte n'est pas contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les dominations, contre les puissances de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais répandus dans les airs » (Éphes. VI, 12). Vous soutenez encore de grands assauts de l'ennemi. Mais veille sur vous la Mère de miséricorde, cause certaine de salut, et votre attente ne sera nullement déçue. »
84:38
#### 7 juillet 1952
*Consécration solennelle par Pie XII de la Russie au Cœur Immaculé de Marie.*
Lettre apostolique à tous les peuples de Russie ;
« De même que Nous avons consacré, il y a quelques années, le genre humain tout entier au Cœur Immaculé de la Vierge Marie Mère de Dieu, de même aujourd'hui, Nous consacrons et Nous vouons d'une manière très spéciale tous les peuples de la Russie à ce Cœur Immaculé, avec la ferme espérance que bientôt, grâce au tout-puissant patronage de la Vierge Marie, se réaliseront heureusement les vœux que Nous formons avec vous tous, et tous les hommes de bien, pour une paix véritable, la concorde fraternelle et la liberté due à tous, et en premier lieu à l'Église. Ainsi par Notre prière unie à la vôtre et à celle de tout le peuple chrétien s'établira fermement sur toute la terre le Règne du Sauveur Jésus-Christ ; Règne de vérité et de vie, Règne de sainteté et de grâce, Règne de Justice, d'amour et de paix. »
#### 15 décembre 1952
Encyclique *Orientales Ecclesias *:
« Les fils des Églises orientales (...) persévèrent héroïquement dans leur foi (...). Ils vénèrent aussi de manière particulière la Bienheureuse Vierge Marie, Reine très aimante et toute-puissante du Ciel et de la terre, au Cœur Immaculé de laquelle Nous les avons tous consacrés. Tout cela est sans aucun doute un gage de victoire certaine pour l'avenir... »
85:38
#### Janvier 1953
Le numéro de janvier 1953 de la *Revue du Rosaire de Saint-Maximin* rapporte cette déclaration de Pie XII au T.R.P. Suarez, Maître général des Dominicains (citée dans le livre de l'abbé Richard, *La Reine aux mains jointes,* p. 87) :
« Dites bien à vos religieux que la pensée du Pape est contenue dans le message de Fatima. Dites-leur qu'ils continuent avec le plus grand enthousiasme à travailler à la propagande du culte de Notre-Dame du Rosaire de Fatima. »
#### 17 juillet
Allocution aux Enfants de Marie Immaculée :
« N'êtes-vous pas à titre spécial les enfants de l'Immaculée par votre consécration individuelle mûrement réfléchie, souvent renouvelée et loyalement pratiquée ? »
#### 26 juillet 1954
Radiomessage aux pèlerins de Sainte-Anne-d'Auray, pour la *consécration de la Bretagne au Cœur Immaculé de Marie :*
« Au moment où le très vénéré et très digne Cardinal archevêque de Rennes se dispose à lire la consécration qui renouvellera le don de vous-mêmes, de vos familles, de vos malades, de vos écoles, de vos paroisses au Cœur Immaculé de Marie, le Père de tous les fidèles se rend attentif à cette grande action, il vient vous encourager et vous bénir (...)
Que la consécration, solennelle d'aujourd'hui soit pour vous un rempart contre les tentations, un motif de confiance dans la prière, un stimulant dans la lutte de tous les jours au service de Dieu.
Quiconque s'est consacré à Marie lui appartient de façon spéciale. Il est devenu comme un sanctuaire de la très Sainte Vierge ; l'image de Marie l'aide à écarter avec énergie toute pensée mauvaise ; l'amour de Marie lui donne le courage d'entreprendre de grandes choses, de vaincre le respect humain, de secouer l'égoïsme, de servir et d'obéir patiemment.
86:38
Le regard fixé intérieurement sur elle, il s'affectionnera à la pureté, à l'humilité, à la charité dont l'âme de la Vierge était rayonnante : il prend en haine le péché, il le combat en lui même et il lui fait la guerre de toutes ses forces quand il voit l'Immaculée fouler aux pieds le serpent infernal, quand il contemple la Mère de Dieu qui élève entre ses bras son divin Fils, sa volonté ne peut avoir aucune complaisance pour le mal ; au contraire, il est fier d'appartenir à Jésus et à Marie, il sait aussi que Marie le presse de faire tout ce que Jésus commande et désire (...)
Nous adressant à tous ceux qui entendent faire de leur consécration au Cœur Immaculé de Marie un acte important et définitif, Nous leur disons : à l'imitation de saint Louis Marie Grignion de Montfort et de tous les saints bretons, faites aimer et servir Marie. »
#### 5 septembre 1954
Radiomessage au Congrès Marial de Belgique.
Dans ce message, Pie XII expose et explique CE QU'EST LA CONSÉCRATION AU CŒUR IMMACULÉ :
« Vous voulez à cette glorieuse Souveraine adresser un acte de Consécration.
Pesez bien, chers fils et chères filles, toute l'importance de cet acte et des engagements qu'il comporte.
En mettant sous l'égide de Marie vos activités personnelles, familiales, nationales, vous invoquez sa protection et son aide sur toutes vos démarches, mais, vous lui promettez aussi de ne rien entreprendre qui puisse lui déplaire et de conformer toute votre vie à sa direction et à ses désirs. L'amour d'une Mère sait poser à ses fils les plus sévères exigences, quand leur bien est en jeu. Non seulement elle ne tolère pas qu'ils blessent par leur conduite l'honneur de la famille, mais elle ambitionne de leur voir accomplir des actions d'éclat pour se réjouir avec eux de leurs succès et de leurs mérites. Marie attend de vous, héritiers d'une longue tradition de fidélité au service du Christ, que vous poursuiviez dans le temps présent la lutte séculaire qui divise le bien et le mal.
87:38
Elle vous demande d'abord de rester fermes dans la foi. Même si vous n'avez pas à souffrir de persécutions ouvertes, comme c'est le sort hélas, de tant d'autres pays, vous devez vous défendre contre un matérialisme qui envahit peu à peu la société, ses institutions et ses activités. Chez beaucoup, il se trahira par la recherche d'une existence confortable, pleinement assurée du lendemain, mais fermée aux réalités surnaturelles, à tout appel au dévouement, et incapable de comprendre les besoins parfois criants d'autres classes sociales ou d'autres peuples. Il est si facile d'oublier que le bien-être temporel n'est pas le but principal de la vie humaine et qu'il existe d'autres richesses, infiniment plus précieuses et plus durables, celles de la charité divine, qui rend l'homme oublieux de lui-même pour l'attacher à Dieu et à son œuvre. C'est le rôle de la Vierge de laisser entrevoir aux hommes un reflet du ciel parmi tous les soucis qui les enchaînent à cette terre, et de leur rappeler inlassablement que les peines de ce monde ne comptent pas au regard de la gloire que Dieu prépare à ses enfants.
La consécration à Marie sanctifiera vos foyers. Qui réussit mieux que la Vierge à conserver l'intimité et la ferveur des affections familiales, à les élever en leur communiquant la pureté de cet amour intégralement fidèle dont Dieu l'a faite dépositaire ? qui inspire aux mères le courage et la patience nécessaires pour veiller aux multiples besoins de leur famille, pour éduquer leurs enfants à la piété, pour les défendre des embûches qu'un monde paganisé dresse sans cesse sous leurs pas ? C'est au sein du foyer, par les échanges quotidiens et incessants qui impriment dans l'âme des fils l'image des parents, que se transmet l'expérience de la vie chrétienne. C'est là qu'il faut une présence tendre et vigilante ; c'est là, peut-on dire, le lieu d'élection où la Mère de Jésus continue l'œuvre qui fut la sienne par excellence, le soin maternel du Fils de Dieu, qui se prolonge maintenant dans les membres de son Église. Que Marie règne dans vos demeures, non seulement parce que vous y avez placé son image ou sa statue, mais parce que souvent vous la priez ensemble, vous recourez à ses conseils et vous pratiquez ses vertus.
Il ne faut pas s'étonner si, dans les cœurs qui lui sont spécialement dévoués, la Reine des Vierges éveille le désir d'imiter la perfection de son amour pour le Christ et les hommes. Suivant les conseils du Maître divin, des jeunes gens et des jeunes filles quittent leur famille et s'efforcent, par une vie de prière, de renoncement, de charité, d'appeler sur les âmes les grâces de salut et de leur en montrer le chemin par la parole et par l'exemple.
88:38
Nous songeons surtout, non sans émotion, au magnifique effort missionnaire de la Belgique, à toutes les Congrégations religieuses qui, au prix de lourds sacrifices, annoncent le message du Christ en Afrique et sur bien d'autres points du globe. Maintenez cette glorieuse tradition qui témoigne de la vitalité de votre catholicisme et fait honneur à l'Église et à son divin Chef.
La Vierge inspire aussi les formes si diverses de l'apostolat laïc, en particulier celles des associations mariales et des groupes d'Action catholique. Aux âmes désireuses de vivre plus sincèrement et plus complètement la doctrine de Jésus, à celles qui brûlent de la faire connaître à d'autres, en particulier à leurs compagnons de travail, à qui veut restaurer l'ordre de la justice et de la charité dans les institutions sociales et faire deviner dans l'ordre temporal de la société un reflet de l'harmonie parfaite qui unit les enfants de Dieu, la Vierge Marie obtient la grâce de l'apostolat, elle met sur leurs lèvres les paroles qui convainquent sans heurter, elle les anime d'un zèle ingénieux et d'une affection humble, patiente et dévouée, sans laquelle l'apôtre risque bien vite de se lasser. Nourries d'une connaissance plus profonde et d'une affection plus vive pour leur Souveraine et Patronne, las associations mariales redoubleront d'ardeur surnaturelle dans la prière, la mortification et l'audace conquérante, comme il convient à ceux qui, peu soucieux de leurs avantages personnels, n'ont en vue aucune fidélité plus haute à s'acquitter de leurs obligations envers Marie.
Marie n'a d'autre désir que de conduire les hommes au Christ, de les introduire au cœur d*u* mystère central du christianisme, celui de la Rédemption. Ce Fils qu'elle a déjà mis au monde dans la terre de Palestine, elle continue maintenant à le donner à l'Église. Si elle aime à voir ses enfants rassemblés pour une vibrante manifestation de foi et d'amour, c'est pour les conduire ensemble vers le Pain mystique, symbole de l'unité, de la paix et de la joie éternelle au Ciel.
Que Jésus, par Marie, continue à régner sur votre nation, vos foyers, au plus profond de vos âmes. Qu'il suscite parmi vous une foule toujours plus nombreuse et ardente d'apôtres, prêtres, religieux et laïcs. Qu'il entretienne en votre pays l'esprit chrétien dans toute sa générosité et une dévotion toujours plus empressée envers la Sainte Vierge. Qu'à Celle-ci vous puissiez, en toute vérité, répéter dans l'enthousiasme les paroles du beau cantique : *Chez nous, soyez Reine !* »
89:38
#### 11 octobre 1954
Encyclique *Ad Coeli Reginam.*
Dans cette Encyclique, Pie XII : 1. -- *expose* ce qu'est la Royauté de Marie ; 2. -- *institue* la fête de Marie Reine ; 3. -- *ordonne* qu'en cette fête, le 31 mai, chaque année, soit renouvelée LA CONSÉCRATION DU GENRE HUMAIN AU CŒUR IMMACULÉ DE MARIE.
La Royauté de Marie n'est pas « une nouvelle vérité à croire », mais une vérité traditionnelle qu'il importe de remettre en relief :
« Depuis les premiers âges de l'Église catholique, le peuple chrétien fit monter vers la Reine du Ciel ses prières et ses chants de louange filiale, dans la sérénité des heures de joie et plus encore dans l'angoisse des périls menaçants. »
Nous ne sommes pas présentement dans « la sérénité des heures de joie », mais bien « dans l'angoisse des périls menaçants » :
« Nous voyons avec douleur déborder dangereusement les flots de profondes misères morales, vaciller parfois les bases mêmes de la justice, triompher un peu partout l'attrait des plaisirs corrupteurs et, dans cette conjoncture inquiétante, Nous sommes saisis d'une vive angoisse. Aussi est-ce avec confiance que Nous recourons à Marie notre Reine, lui manifestant non seulement Notre amour mais aussi celui de quiconque se glorifie du nom de chrétien (...).
Nous rappelons volontiers le message radiophonique adressé au peuple portugais lors du couronnement de la statue miraculeuse de Fatima et que Nous avons appelé Nous-même *le message de la Royauté de Marie* (13 mai 1946).
...Nous avons décidé d'instituer la fête liturgique de *La Sainte Vierge Marie Reine.*
90:38
Nous n'entendons pas proposer par là au peuple chrétien une nouvelle vérité à croire, car le titre même et les arguments qui justifient la dignité royale de Marie ont déjà de tout temps été abondamment formulés et se trouvent dans les documents anciens de l'Église et dans les livres liturgiques.
Nous désirons seulement les rappeler par cette Encyclique... »
Pie XII expose alors successivement :
1. -- La tradition a toujours honoré la Sainte Vierge comme Reine.
2. -- La Liturgie honore la Sainte Vierge comme Reine.
3. -- La théologie montre que la Sainte Vierge est Reine.
A ce troisième point de vue, Pie XII écrit notamment :
« Comme le Christ, nouvel Adam, est notre Roi parce qu'il est non seulement Fils de Dieu, mais aussi notre Rédempteur, il est également permis d'affirmer, par une certaine analogie, que la Sainte Vierge est Reine, et parce qu'elle est Mère de Dieu et parce que, comme une nouvelle Ève, elle fut associée au nouvel Adam.
Sans doute, seul Jésus-Christ, Dieu et homme, est Roi, au sens plein, propre et absolu du mot ; Marie toutefois participe aussi à sa dignité royale, bien que d'une manière limitée et analogique, parce qu'elle est la Mère du Christ Dieu et qu'elle est associée à l'œuvre du Divin Rédempteur dans sa lutte contre les ennemis et au triomphe qu'Il a obtenu sur eux tous. En effet, par cette union avec le Christ-Roi, elle atteint une gloire tellement sublime qu'elle dépasse l'excellence de toutes les choses créées : de cette même union avec le Christ découle la puissance royale qui l'autorise à distribuer les trésors du Royaume du Divin Rédempteur ; enfin cette même union avec le Christ est source de l'efficacité inépuisable de son intercession maternelle auprès du Fils et du Père (...)
En traitant les questions qui regardent la Sainte Vierge, que les théologiens et les prédicateurs de la parole divine aient soin d'éviter ce qui les ferait dévier du droit chemin pour tomber dans une double erreur : qu'ils se gardent et des opinions privées de fondement, dont les expressions exagérées, dépassent les limites du vrai, et d'une étroitesse d'esprit excessive quand il s'agit de cette dignité unique, sublime, et même presque divine de la Mère de Dieu, que le Docteur Angélique nous enseigne à lui attribuer « à cause du bien infini qu'est Dieu » (Somme théologique, I, 25, a. 6, ad 4).
91:38
Du reste, sur ce point de la doctrine chrétienne comme en d'autres, la norme prochaine et universelle de la vérité est, pour tous, le Magistère vivant de l'Église que le Christ a établi également pour éclairer et expliquer ce qui, dans le dépôt de la foi, n'est contenu qu'obscurément et comme implicitement. »
Dans la dernière partie de l'Encyclique, Pie XII institue la fête de Marie Reine et *ordonne* qu'en cette fête, chaque année, soit renouvelée la consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie :
« Par Notre autorité apostolique Nous décrétons et instituons la fête de Marie Reine, qui se célébrera chaque année dans le monde entier le 31 mai.
*Nous ordonnons également que ce jour-là on renouvelle la consécration du genre humain au Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie.*
*C'est là en effet que repose : le grand espoir de voir se lever une ère de bonheur où règneront la paix Chrétienne et le triomphe de la religion.* »
#### 12 octobre 1954
Radiomessage au Congrès marial de Montevideo (Uruguay) :
« ...Aujourd'hui, comme couronnement de toutes ces solennités, vous désirez vous consacrer pour toujours à son Cœur Immaculé -- le plus doux canal de toutes les bénédictions -- pour répondre à un si grand amour maternel et pour proclamer à haute voix votre foi. Le monde traverse une heure sombre et les nuages tardent à s'éclaircir, au contraire même, de ci de là, se font entendre les clameurs avec lesquelles les ennemis de Dieu célèbrent une nouvelle victoire, tandis que les bons semblent fortement désorientés, faute peut-être de l'union nécessaire... »
92:38
#### Même date
Consécration de l'Espagne au Cœur Immaculé de Marie ; radiomessage au Congrès marial de Saragosse :
« A vous, Vénérables Frères et chers fils, qui couronnez votre Congrès marial national en vous consacrant avec votre patrie au Cœur Immaculé de Marie (...). En évoquant cette inoubliable journée au Cerro de Los Angeles, en 1919, où l'Espagne se consacra au Sacré-Cœur de Jésus, vous avez voulu aujourd'hui vous consacrer au saint Cœur de Marie, avec la confiance qu'en cette heure difficile pour l'humanité, Dieu voudra sauver le monde par l'intermédiaire de ce Cœur Immaculé (...).
Nous croyons qu'aujourd'hui plus que jamais cela est nécessaire parce que, précisément, l'horizon est chargé de nuages ; parce qu'on dirait, à certains moments, que les ténèbres obscurcissent de plus en plus le ciel ; parce que *l'audace des ministres de l'enfer semble s'accroître sans cesse*.
Pour cela précisément, Nous croyons que l'humanité doit courir à ce port de salut que Nous lui avons désigné comme principal but de cette Année mariale. Elle doit se réfugier dans cette forteresse, elle doit mettre sa confiance en ce Cœur si doux qui, pour nous sauver, ne demande que prière et pénitence, qui demande seulement qu'on lui réponde (...).
A votre Cœur Immaculé, Nous confions, Nous remettons et Nous consacrons non seulement toute cette immense foule ici présente, mais, aussi toute la nation espagnole pour que votre amour et votre protection accélèrent l'heure du triomphe dans le monde entier du Royaume de Dieu et pour que toutes les générations humaines, en paix entre elles et avec Dieu, Vous proclament bienheureuse... »
#### 1^er^ novembre 1954
Discours à l'occasion de la cérémonie proclamant, conformément à l'Encyclique *Ad Coeli Reginam* du 11 octobre précédent, la Royauté de Marie :
93:38
« Notre intention n'était pas d'introduire quelque nouveauté mais bien plutôt de faire resplendir aux yeux du monde, dans les circonstances présentes, une vérité susceptible de porter remède a ses maux, de le libérer de ses angoisses et de l'engager sur le chemin du salut qu'il cherche avec anxiété.
Moins encore que celle de son Fils, la royauté de Marie ne doit être comprise selon l'analogie des réalités de la vie politique moderne. Sans doute les merveilles du Ciel ne peuvent-elles être représentées qu'au moyen des paroles et des expressions bien imparfaites du langage humain ; mais ceci ne signifie nullement que, pour honorer Marie, on doive adhérer à une forme déterminée de gouvernement ou à une structure politique particulière. La royauté de Marie est une réalité supraterrestre qui toutefois pénètre en même temps jusqu'au plus intime des cœurs et les touche dans leur essence profonde en ce qu'ils ont de spirituel et d'immortel.
L'origine des gloires de Marie, le moment solennel qui illumine toute sa personne et sa mission, est celui où, pleine de grâce, elle répondit à l'archange Gabriel le FIAT qui exprimait son acquiescement aux dispositions divines : c'est ainsi quelle devenait Mère de Dieu et Reine, et recevait la charge royale de veiller sur l'unité et la paix du genre humain. Par elle, nous avons la ferme confiance que l'humanité s'engagera peu à peu sur cette voie de salut ; elle guidera les chefs des nations et les cœurs de peuples vers la concorde et la charité.
Que peuvent donc faire les chrétiens en cette heure où l'unité et la paix du monde, bien plus, les sources mêmes de la vie sont en péril sinon tourner leurs regards vers Celle qui se montre à eux revêtue de la puissance royale ?
Comme elle enveloppa jadis dans son manteau l'Enfant divin, premier-né de toutes les créatures et de toute la création (Col. I, 15), qu'elle daigne de même envelopper maintenant tous les hommes et tous les peuples de sa virginale tendresse ; qu'elle daigne, elle qui est le Siège de la Sagesse, faire resplendir la vérité des paroles inspirées que l'Église applique à sa personne : « C'est par moi que règnent les rois et que les législateurs établissent la justice ; par moi les princes commandent et les souverains gouvernent avec rectitude » (Prov. VIII, 15-16).
Si le monde lutte actuellement sans trêve pour conquérir son unité, pour assurer la paix, l'invocation du Règne de Marie est par-delà tous les moyens terrestres et tous les desseins humains, toujours défectueux à quelque titre -- le cri de le foi et de l'espérance chrétiennes, fortes des promesses divines et des secours innombrables que cet empire de Marie a prodigués pour le salut de l'humanité.
94:38
Toutefois, de l'inépuisable bonté de la Bienheureuse Vierge que Nous invoquons aujourd'hui comme la royale Mère du Seigneur. Nous attendons aussi d'autres bienfaits non moins précieux. Non seulement elle doit anéantir les plans ténébreux et les œuvres iniques des ennemis d'une humanité chrétienne et unie, mais elle doit communiquer aussi aux hommes d'aujourd'hui quelque chose de son esprit. Nous entendons par là cette volonté courageuse et même audacieuse qui, dans les circonstances difficiles, en face des périls et des obstacles, sait prendre sans hésiter les résolutions qui s'imposent et en poursuivre l'exécution avec une énergie indéfectible, entraînant sur ses traces les faibles, les découragés, les hésitants, ceux qui ne croient plus à la justice et à la noblesse de la cause qu'ils doivent défendre.
Qui ne voit à quel degré Marie a réalisé en elle-même cet esprit et a mérité les louanges dues à la « femme forte » ? Son « Magnificat », cet hymne de joie et de confiance invincible dans la puissance divine, dont elle entreprend d'effectuer les œuvres, la remplit d'une sainte audace et d'une force inconnue à la nature.
Comme Nous voudrions que tous ceux qui ont aujourd'hui, la responsabilité de la marche saine et ordonnée des affaires publiques imitent ce lumineux exemple de sentiment royal ! Au lieu de cela, ne remarque-t-on pas quelquefois, même parmi eux, une sorte de fatigue, de résignation, de passivité, qui les empêche d'affronter avec fermeté et persévérance les problèmes ardus du moment présent ? Certains ne laissent-ils pas parfois les événements aller à la dérive, au lieu de les dominer par une action saine et constructive ?
N'est-il pas urgent de mobiliser toutes les forces vives actuellement en réserve, de stimuler ceux qui n'ont pas encore pleine conscience de la dangereuse dépression psychologique où ils sont tombés ? Si la royauté de Marie trouve un symbole parfaitement approprié dans l'*acies ordinata*, l'armée rangée en bataille, personne à coup sûr ne pensera à quelque intention belliqueuse, mais uniquement à la force d'âme que nous admirons à un degré héroïque dans la Vierge, et qui procède de la conscience de travailler efficacement pour l'ordre de Dieu dans le monde.
95:38
Puisse Notre invocation à la royauté de la Mère de Dieu obtenir aux hommes soucieux de leurs responsabilités la grâce de vaincre l'abattement et l'indolence, à une heure où *nul ne peut se permettre un instant de repos, alors qu'en tant de régions la juste liberté est opprimée, la vérité offusquée par l'action d'une propagande mensongère et que les forces du mal semblent comme déchaînées sur la terre !* »
#### 11 novembre 1954
Au Congrès marial du Nigeria :
« Chers fils et chères filles du Nigeria, Nous vous recommandons instamment de toujours nourrir une profonde dévotion envers Marie la Mère immaculée de Dieu et notre Mère. *Consacrez-vous, consacrez vos travaux, vos maisons, vos familles et votre pays à son Cœur Immaculé.* Qu'elle soit la Reine de vos Cœurs, la Reine du Nigeria. »
#### 28 novembre 1954
Lettre au Cardinal Micara pour la clôture de l'Année mariale.
Pie XII annonce son intention de renouveler, le 8 décembre suivant, la consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie :
« Comme Nous avons commencé à la Basilique Sainte-Marie-Majeure cette année particulièrement consacrée à la Vierge Bienheureuse, Nous voudrions, si Dieu le permet, la terminer de même (...). Nous aimerions consacrer à nouveau à notre Mère très aimante, à la Reine du Ciel, le genre humain tout entier, blessé par le péché, désuni par un trop grand amour des réalités terrestres, troublé et angoissé par les événements présents et futurs. Et, Nous n'en doutons pas, ce que Nous allons faire ici, si Dieu le permet, Nos Frères et Nos fils dans le Christ, tous joyeusement en union avec Nous, chacun de son côté va le refaire dans son église. »
96:38
Texte émouvant et terrible. Pie XII répète deux fois : SI DIEU LE PERMET. Et en effet Dieu ne le permit point.
Pie XII invite une fois encore l'univers catholique à accomplir ou renouveler la Consécration au cœur Immaculé de Marie EN UNION AVEC LE PAPE. On sait que ce dernier point est celui qui n'a jamais été que très partiellement, très incomplètement, très insuffisamment réalisé.
Malgré tous les enseignements, toute l'insistance, et l'exemple même de Pie XII, l'univers catholique, en décembre 1954, à la clôture de l'Année mariale, n'a pas suffisamment fait avancer le Règne de Marie dans les cœurs ; on n'a pas encore compris partout la nécessité de la consécration au cœur Immaculé.
La maladie empêchera le Saint-Père de renouveler une consécration du genre humain à laquelle -- on peut du moins l'imaginer, et le craindre -- l'univers catholique n'est pas encore prêt à s'associer pleinement et universellement.
#### 8 décembre 1954
Le Saint-Père, malade, peut seulement s'associer à la fête de l'Immaculée Conception en envoyant aux fidèles ce message :
« Voyant par la pensée le monde catholique tout entier, prosterné aujourd'hui comme une seule famille aux pieds de la Vierge Immaculée, Nous sommes reconnaissants au Seigneur d'avoir voulu, comme preuve d'amour, Notre douleur et Notre sacrifice pour couronner ces innombrables prières et ces œuvres montées jusqu'à Lui en cette année de grâces.
Et Nous sommes heureux, souffrant dans Nos membres, et le sacrifice au fond du cœur, de clôturer l'Année mariale en répétant avec tous Nos fils disséminés sur la terre : *Ave Maria, gratia plena ; Dominus tecum : benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui, Jésus. Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus nunc et in hora mortis nostræ. Amen.* »
97:38
La grâce d'une consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie, *faite par le Pape et par les évêques du monde entier en union avec lui,* n'a pas encore été donnée ; l'obtention de cette grâce, on peut le supposer, est liée par un rapport mystérieux, dont Dieu est juge, avec l'avancement effectif du Règne de Marie dans les cœurs, dans les familles, dans les nations.
Le Saint-Père ne peut qu'offrir ses souffrances, le sacrifice au fond du cœur, et redire les paroles de l'Ave Maria.
#### 15 mai 1956
Encyclique *Haurietis aquas.*
Cette Encyclique concerne le culte envers le Sacré Cœur de Jésus ; elle expose : 1. -- Le fondement et les figures de ce culte dans l'Ancien testament ; 2. -- ses fondements d'après le Nouveau testament et la tradition ; 3. -- la part active du Sacré-Cœur dans l'œuvre du Rédempteur ; 4. -- la naissance et le développement progressif du culte du Sacré-Cœur.
Le culte envers le Sacré-Cœur de Jésus, dit Pie XII, doit être « *étroitement associé au culte envers le Cœur Immaculé de Marie* » :
« Pour que des fruits plus abondants découlent, dans la famille chrétienne et dans tout le genre humain, du culte du Cœur très sacré de Jésus, *les fidèles doivent veiller à l'associer étroitement au culte envers le Cœur Immaculé de Marie*.
De par la volonté de Dieu, la Bienheureuse Vierge Marie a été indissolublement unie au Christ dans l'œuvre de la Rédemption humaine, en sorte que notre salut vienne de l'amour et des souffrances de Jésus-Christ indissolublement unis à l'amour et aux douleurs de sa Mère. C'est pourquoi il convient parfaitement que le peuple chrétien qui a reçu la vie divine du Christ par Marie, après avoir rendu le culte dû au Cœur très sacré de Jésus, rende aussi au Cœur très aimant de sa céleste Mère de semblables hommages de piété, d'amour, de gratitude et de réparation.
C'est en parfait accord avec ce dessein très sage et très doux de la Providence divine que Nous avons, par un acte mémorable, solennellement consacré la sainte Église et le monde entier au Cœur Immaculé de la Bienheureuse Vierge Marie. »
98:38
#### 2 juillet 1957
Encyclique *Le Pèlerinage à Lourdes.*
Pie XII invite les familles chrétiennes à se consacrer au Cœur Immaculé :
« ...Notre pensée se tourne également vers les familles chrétiennes. *Qu'elles se consacrent, en cette année jubilaire, au Cœur Immaculé de Marie !* Cet acte de piété sera pour les époux une aide spirituelle précieuse dans la pratique des devoirs de la chasteté et de la fidélité conjugale ; il gardera dans sa pureté l'atmosphère du foyer où grandissent les enfants ; bien plus, il fera de la famille, vivifiée par sa dévotion mariale, une cellule vivante de la régénération sociale et de la pénétration apostolique. »
#### 9 octobre 1957
Pour la consécration des malades à la Vierge des douleurs.
Prière composée par Pie XII :
« Ô Mère clémente et douce, dont l'âme fut transpercée du glaive de la douleur (Luc, II, 35), nous voici, pauvres malades, près de vous, sur le calvaire de votre Jésus.
Appelés à la grâce sublime de la souffrance et désireux d'accomplir également en nous ce qui manque à la Passion du Christ pour son corps qui est l'Église (Col I, 24), nous vous consacrons nos personnes et nos peines, afin que vous les déposiez les unes et les autres sur l'autel de la Croix de votre divin Fils, humbles hosties de propitiation pour notre salut spirituel et celui de nos frères.
Accueillez notre consécration, ô Mère douloureuse, et affermissez dans nos cœurs la grande espérance que, participant aux souffrances du Christ, nous puissions recevoir aussi son réconfort dans la vie présente et dans la vie éternelle. Ainsi soit-il. »
#### 14 juillet 1958
Encyclique *Meminisse juvat *:
99:38
« Tandis que le monde était affligé par une guerre épouvantable (...), voyant que les moyens humains venaient à Nous manquer, Nous avons invoqué, par diverses Lettres, en prescrivant comme une sainte émulation de prières, l'aide céleste par la puissante intercession de la Mère de Dieu, au Cœur Immaculé de laquelle Nous Nous sommes consacré avec toute la famille humaine.
A l'heure actuelle, si le conflit entre les peuples s'est finalement calmé, la paix de justice ne règne toutefois pas encore et les hommes ne la voient pas se consolider en une entente fraternelle (...) ; les terribles armes, découvertes maintenant par le génie humain, sont d'une puissance immense au point de bouleverser et d'engloutir dans l'extermination universelle non seulement les vaincus, mais aussi les vainqueurs et toute l'humanité (...).
Si les mœurs chrétiennes refleurissent telles qu'elles étaient à l'époque des Apôtres et des Martyrs, Nous pouvons alors espérer avec confiance que nous serons exaucés avec bienveillance par la Bienheureuse Vierge Marie, désireuse de voir tous ses fils retracer en eux-mêmes ses propres vertus ; et dans sa puissante intercession implorée par tant de voix suppliantes, nous pouvons également espérer des temps plus paisibles et plus heureux pour l'Église de son Fils unique et pour toute la société humaine. »
#### 16 septembre
Au Congrès marial de Lourdes, le Cardinal Tisserant, Légat du Pape, rassemble synthétiquement tout l'enseignement de l'Église sur la Consécration au Cœur Immaculé de Marie.
Ce X^e^ Congrès marial international avait pour objectif précisément de « *favoriser le développement de la consécration au Cœur Immaculé de Marie des individus, des familles, des sociétés* »*.*
Le Cardinal Tisserant a prononcé ce discours à la basilique du Rosaire, après la cérémonie de consécration des familles au Cœur Immaculé.
Le Cardinal affirme que la consécration au Cœur Immaculé est « *le seul remède efficace contre les maux présents et futurs* », et qu'il faut créer « UN MOUVEMENT D'OPINION QUI ENCOURAGE ET QUI APPUIE » la consécration des nations. Voici les principaux passages de ce discours :
100:38
« Le XIX^e^ siècle a été vraiment une époque privilégiée pour le développement de la piété mariale. La diffusion de la médaille miraculeuse à partir de 1832, avec sa formule de supplication :
« *Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous *», prépara la définition de 1854. La publication, à partir de 1842, du traité sur la « Vraie dévotion à Marie », attira l'attention des plus pieux sur un type de consécration individuelle à la Vierge, qui avait été recommandé par certains auteurs spirituels de la deuxième moitié du XVII^e^ siècle, mais qui a reçu de saint Louis Marie Grignion de Montfort une définition plus rigoureuse.
Les apparitions, de la Vierge à La Salette, à Lourdes, à Pontmain, à Fatima, à Beauraing et à Banneux ont réveillé périodiquement depuis cent douze ans la piété de ses serviteurs, tandis que la naissance d'organisations puissantes comme la *Légion de Marie* et l'*Armée bleue* mettait au service de l'Église des énergies inattendues, animées d'un grand dynamisme (...) ([^23]).
Les Congrès ont eu leur part dans les progrès de la dévotion mariale. Précédés par la consécration du genre humain au Cœur Immaculé de Marie, prononcée en 1942 par le Souverain Pontife glorieusement régnant, S.S. Pie XII, les deux Congrès de 1950 et de 1951 ont préparé la proclamation du dogme de l'Assomption et l'institution de la fête liturgique de la royauté de Marie. Le X^e^ Congrès marial et international doit favoriser le développement de la consécration au Cœur Immaculé de Marie des individus, des familles, des sociétés.
I. -- La genèse de la consécration\
au Cœur Immaculé de Marie
Le Cœur de Marie ! Déjà au XVII^e^ siècle, Jean Eudes a écrit un traité sur le « Cœur admirable » de la Mère de Dieu. Mais la Congrégation, qu'il avait fondée et qui a combattu énergiquement le jansénisme en propageant la dévotion aux saints Cœurs de Jésus et de Marie a été dissoute en 1790. Au début du XIX^e^ siècle, la dévotion au Cœur de Marie est languissante lorsque M. Desgenettes, en décembre 1836, consacre au très Saint Cœur Immaculé de Marie sa paroisse de Notre-Dame-des-Victoires, au centre de Paris. Une Association du Cœur de Marie y est fondée pour assurer des prières destinées à obtenir la conversion des pécheurs. De cette Association le Pape Pie IX pourra dire qu'elle sera, dans les mauvais jours, la ressource de l'Église (...).
101:38
Lorsqu'il fut question de consécration à Marie, jusqu'aux apparitions de Fatima, c'est plutôt sur la royauté de Marie que les théologiens insistèrent. Parlant au nom des évêques français, Mgr de la Tour d'Auvergne, archevêque de Bourges, demanda au Concile du Vatican que fût solennellement reconnue la royauté de Marie. Une motion du premier Congrès marial international, réuni à Lyon en 1900, se rattache à la déclaration de Mgr de la Tour d'Auvergne, car elle demande la consécration de l'univers à la très Sainte Vierge sous le titre de « Reine du monde ». Cette motion se référait à la consécration du genre humain au Sacré-Cœur, prononcée le 5 juin 1899 par le Pape Léon XIII de vénérée mémoire (...).
*Le Pape saint Pie X, dans le Bref d'approbation du Congrès marial international tenu à Salzbourg en 1910, exprimait le désir de voir les catholiques du monde entier se consacrer à Marie, leur Mère à tous et Reine du monde.* Le Congrès international eucharistique et marial qui se réunit à Lourdes en 1914 aurait pu faire décider par saint Pie X la consécration espérée. Mais la guerre et la mort du Pontife suspendirent toutes les initiatives.
*C'est la Vierge elle-même qui prépara les développements suivants lorsqu'elle dit à la jeune voyante de Fatima, que Dieu veut la dévotion à son Cœur Immaculé et que le monde devrait lui être consacré.*
II. -- L'action de Pie XII
Les apparitions de Fatima, en raison de la guerre, retinrent assez peu l'attention des autorités ecclésiastiques, en dehors du Portugal et les messages confiés à Lucie ne furent connus que progressivement. C'est seulement au cours de la deuxième guerre mondiale, l'année du 25^e^ anniversaire des apparitions, que le désir exprimé par la Mère de Dieu en 1917 reçut une première satisfaction le 3 octobre 1942, S.S. Pie XII consacra au Cœur Immaculé de Marie l'Église et le monde.
Le 8 décembre suivant, dans la basilique Saint-Pierre, le Pape renouvela solennellement cet acte de consécration dans des termes qui rappellent ceux employés par Léon XIII lorsqu'il consacra l'humanité au Sacré-Cœur de Jésus. Pie XII a souligné explicitement la relation qui existe entre les deux consécrations : la consécration au Cœur Immaculé de Marie est le complément providentiel de la consécration au Sacré-Cœur.
Le parallélisme des deux consécrations se précise dans le fait que les dates fixées pour leur renouvellement annuel sont, d'une part, la fête du Christ-Roi, de l'autre, celle de la royauté de Marie.
Il est bien certain que Pie XII, en consacrant l'Église et le monde au Cœur Immaculé de Marie, a voulu poser un acte capital en vue d'obtenir à L'Église qu'elle puisse surmonter les difficultés du temps présent (...).
102:38
III. -- La consécration au Cœur de Marie\
moyen efficace d'assurer le triomphe de l'Église
...Il convient de nous arrêter sur les caractères de la consécration au Cœur Immaculé de Marie et sur ses conséquences. Ce faisant, nous sommes certain de correspondre au désir du Saint Père, puisque lui-même a daigné dire que *cette consécration était son meilleur motif d'espérer en un monde meilleur*.
La Vierge Marie, vous le savez, a été prédestinée de toute éternité, dans les conseils divins, pour être la Mère du Fils de Dieu, associée à son œuvre rédemptrice. Sa position, dans l'accomplissement du programme de notre salut, est une position unique. L'Église a toujours mis sa confiance dans l'aide et le patronage de Marie (...).
L'Église est la continuation dans le temps de l'Incarnation du Christ et la réalisation au cours des siècles du salut du genre humain opéré par Lui. Ceci explique la position de Marie dans l'Église et sa mission envers elle.
La consécration à Marie implique, de la part des chrétiens, un dévouement total à leur Souveraine. Marie se trouve engagée, dans sa puissance comme Reine, et dans son amour comme Mère des hommes rachetés par son Fils, à s'employer au triomphe du Royaume de Dieu. En se consacrant à Marie, le chrétien met en œuvre son intelligence, puisque, instruit par le Magistère de l'Église, il reconnaît l'ordre voulu par Dieu dans l'affaire du salut, et il pose un acte de volonté en prenant un engagement vital.
IV. -- La consécration individuelle.
Pour l'individu, la consécration est un acte de culte majeur, le faîte de sa dévotion à Marre. Reconnaissant par cet acte qu'il a tout reçu par Marie, le Christ et la Rédemption, il professe que par Marie il veut retourner intégralement à Dieu.
Par la consécration à Marie nous reconnaissons ses droits sur nous en qualité de Reine très puissante et nous déclarons que nous voulons rester toujours sous sa protection. Mais en faisant notre consécration à son Cœur Immaculé, nous soulignons que la royauté de Marie sur l'humanité et sur l'Église est fondée sur la maternité spirituelle envers tous les hommes qu'elle s'est vu conférer au Calvaire, tandis qu'elle s'associait par des souffrances indicibles au supplice de son divin Fils.
Le patronage de Marie envers l'Église et envers chacun de nous s'exerce toujours d'une manière maternelle. Tout ce que fait une mère, elle le fait par l'impulsion de son Cœur maternel. Lorsque nous nous consacrons au Cœur Immaculé de Marie, nous voulons lui rappeler d'une façon aussi expressive que possible comment nous, considérons à la fois en elle la Souveraine et la Mère : Reine qui ne peut pas abandonner ses sujets, sans doute, mais plus encore Mère qui ne peut oublier ses enfants (...).
103:38
Se consacrer à Marie, c'est se disposer à être des instruments dociles entre ses mains, pour assurer à sa dépendance le triomphe de l'Église. Les consacrés savent qu'ils seront utiles dans la mesure où ils seront dociles, car c'est à Marie qu'il est réservé de conduire l'Église à la victoire. C'est de sa sollicitude qu'ils attendent des directives pour leur action par l'intermédiaire de leurs conseillers spirituels et de ceux qui ont autorité dans l'Église.
Les consécrations individuelles au Cœur Immaculé de Marie peuvent beaucoup, car Dieu sait se servir pour ses plus grands desseins de ceux qui sont les plus faibles suivant le monde. Et rien ne le démontre mieux quel ce qui s'est passé à Lourdes il y a cent ans.
Mais Dieu a créé l'homme être sociable et ce qui est bon dans la plan individuel doit avoir un développement dans le social. Et tout d'abord dans la société fondamentale, qui est le groupe formé par les parents et leurs enfants, c'est-à-dire la famille.
V. -- La consécration des familles.
...La famille a un rôle spécial à jouer au sein des sociétés plus considérables que sont les cités, les provinces ou les nations. Non seulement Jésus a institué un sacrement spécial pour procurer aux époux un droit aux grâces dont ils ont besoin pour vivre dignement dans leur état et pour procéder à une juste éducation de leurs enfants ; Il a encore voulu que le premier miracle de sa vie publique ait lieu à ce banquet, sur la requête de sa Mère. L'acte d'exquise bonté, accompli par Marie en faveur de deux jeunes époux qui se trouvaient dans l'embarras, doit encourager toutes les familles à se mettre sous sa protection, en lui promettant de la suivre fidèlement (...).
Une section spéciale des pères de famille a eu ses réunions au cours du présent Congrès, dont nous voulons espérer que ses vœux se réaliseront. La récitation en commun de l'Angelus et du chapelet sont des moyens très efficaces pour rappeler aux membres des familles chrétiennes leurs devoirs réciproques en même temps que leurs devoirs envers notre Rédempteur et sa Mère.
VI. -- La consécration des nations.
Parler aujourd'hui d'une consécration de provinces ou de nations au Cœur Immaculé de Marie peut sembler un anachronisme. Il n'était pas rare autrefois qu'un prince consacrât solennellement à la Mère de Dieu le territoire qui lui appartenait en pleine souveraineté ou en fief.
104:38
Marie a reçu tous les titres que le Moyen Age pouvait donner, de duchesse ou de reine, et l'histoire pourrait dire combien la dévotion des grands de ce monde envers la Mère des hommes les a rapprochés de leurs sujets et a rendu les relations mutuelles plus faciles.
Malheureusement, dans la plupart des nations, aujourd'hui, souffle le vent du laïcisme, quand ce n'est pas celui de la haine, considérée comme condition nécessaire au progrès social. Beaucoup pourtant, un peu partout, et dans les milieux les plus divers, commencent à penser qu'il faudrait *revenir aussi dans le gouvernement des peuples aux dispositions fondamentales, c'est-à-dire chrétiennes, qui favoriseraient le maintien de la paix ou permettraient de la retrouver*.
La consécration d'une nation au Cœur Immaculé de Marie devrait avoir aussitôt pour conséquence la pratique de l'équité à tous les échelons et l'exercice mutuel de la charité, sans préjugés ou préférences. Ce serait la guérison à brève échéance des maux qui rongent la plupart des sociétés modernes, la recherche effrénée du plaisir, le désir des richesses, la disparition à tous les degrés de l'honnêteté et de la justice.
Il faudrait, *pour correspondre à la consécration du genre humain prononcée par Pie XII, des actes successifs des diverses nations*.
Mais il est difficile d'espérer que les initiatives viendront des chefs d'État ou de gouvernement. Même s'ils avaient une conviction personnelle qui les incline à consacrer leur pays au Cœur Immaculé de Marie, il faudrait encore, en raison des traditions politiques des États démocratiques, *un mouvement d'opinion qui les encourage et qui les appuie*.
*C'est pourquoi il faut travailler sans cesse pour que s'affirme parmi les chrétiens la conviction que la consécration au Cœur Immaculé de Marie est le seul remède efficace contre les maux présents et futurs*, parce qu'en rappelant aux chrétiens le bienfait de la Rédemption elle leur donne en même temps un motif puissant d'espérer. Même dans les pays dont les gouvernements ont déclaré une guerre implacable aux religions, en particulier au catholicisme, nous devons espérer un changement en mieux, parce que nous savons qu'y demeurent vivantes la confiance en Marie et la dévotion envers ses sanctuaires et ses images (...).
L'engagement des individus doit se compléter dans la famille par une reconnaissance de l'autorité de Marie sur la famille, comme protectrice de la morale familiale et guide pour la saine éducation des enfants.
*La consécration des nations, comporte, avec la demande à La Vierge de son patronage, dont les bienfaits ont été éprouvés et reconnus par tant de nations, une promesse de concorde fraternelle entre toutes les catégories sociales, d'équité envers les faibles, de paix avec les autres nations*. »
105:38
#### 18 février 1959.
L'infirmité humaine est telle, que souvent l'on imagine que les décisions et les enseignements d'un Souverain Pontife sont comme frappés de nullité à sa mort. C'est pourquoi l'on voit les Papes attentifs à réitérer les directives et les recommandations de leurs prédécesseurs, même quand cela aurait dû aller sans dire.
On a insinué parfois que la dévotion mariale de Pie XII était une particularité personnelle et non un enseignement d'Église ; ou encore, que ses directives et enseignements, valables de son temps, étaient abolis par sa mort.
C'est pour porter remède à cette infirmité humaine que Jean XXIII, dans son premier message de Noël, a insisté explicitement sur la nécessité de recevoir, de méditer et de suivre l'enseignement de son prédécesseur.
Nous retiendrons ici les enseignements de Jean XXIII concernant la dévotion mariale.
Dans son allocution à Saint-Louis-des-Français, le 18 février, Jean XXIII a déclaré :
« ...Ces apparitions si remarquables de Marie, au milieu du XIX^e^ siècle, demeurent un titre particulier d'honneur pour la France, patrie bénie de saints et de héros, où l'histoire du christianisme a inscrit des pages glorieuses et inoubliables.
Dans l'ordre de la Providence, chaque nation a une mission et il suffit parfois d'une devise pour la qualifier, Or, quand on dit : *Regnum Galliæ, regnum Mariæ*, on énonce de façon parfaite le témoignage d'honneur et d'amour des fils et des nombreux descendants de Clovis. »
Le même jour, Jean XXIII prononçait un Radiomessage pour la clôture de l'Année mariale.
Parlant de Pie XII, Jean XXIII en rappelait, -- et en avalisait pour les esprits troublés ou incertains qui désiraient une telle confirmation -- les « *actes solennels de culte marial* » qu'il accomplit au cours de son pontificat :
106:38
« Dieu rappelait à lui, en l'année dédiée à sa sainte Mère, ce grand serviteur de Marie, dont le Pontificat restera à jamais marqué par les actes solennels de culte marial que lui inspirèrent sa profonde dévotion et sa haute sagesse... »
Dans la suite du même Message, Jean XXIII a prononcé les paroles suivantes :
« Si les Pontifes romains sont constitués gardiens et interprètes de la Révélation divine contenue dans la Sainte Écriture et dans la tradition, *ils se font aussi un devoir de recommander à l'attention des fidèles -- quand après mûr examen ils le jugent opportun pour le bien, général -- les lumières surnaturelles qu'il plaît à Dieu de dispenser libéralement à certaines âmes privilégiées, non pour proposer de les doctrines nouvelles, mais pour guider notre conduite* : *Non ad novam doctrinam fidei depromendam, sed ad humanorum actuum directiones* (Somme théologique, II-II, CLXXIV, a. 6, ad 3). »
Cela fut, en fait, l'attitude des Souverains Pontifes. Mais il semble que ce soit la première fois que le Pontife romain énonce aussi explicitement la règle qui dicte cette attitude.
Jean XXIII parle ici *à propos* de Lourdes et de sainte Bernadette. Mais il semble bien qu'il ait voulu énoncer une règle générale, et que cette règle donne la clef et la signification de l'attitude du Siège romain à l'égard des révélations de Fatima.
Le texte cité de saint Thomas est tiré d'un passage où le Docteur angélique traite du don de prophétie : c'est sur la doctrine traditionnelle concernant la permanence du don de prophétie dans l'Église même après que la Révélation soit close, que Jean XXIII fonde l'attitude du Saint-Siège à l'égard des apparitions et révélations privées.
De fait, les révélations privées que la voyante de Fatima eut soit à Fatima, soit par la suite, n'apportent pas une doctrine nouvelle -- pas plus que les révélations privées faites à sainte Bernadette -- mais elles sont susceptibles de guider la conduite des catholiques, quand le Saint Père juge opportun et utile de les retenir. Les enseignements de Pie XII, ses efforts répétés pour promouvoir la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, constituent bien une « recommandation à l'attention des fidèles » des actes de dévotion mariale demandés par Notre-Dame de Fatima.
107:38
#### 28 avril 1959
Radiomessage de Jean XXIII.
Le Saint Père énonce ce qui constitue précisément l'essentiel du message de Lourdes et du message de Fatima :
« A notre époque l'auguste Mère de Dieu *fait sentir de façon spéciale sa présence dans les événements humains*. Plus la charité se refroidit, et plus instamment cette Mère exhorte ses enfants à la piété, à la vertu, à la pénitence pour le péché ; et alors que de toutes parts grandit la menace de redoutables fléaux, nous sentons que, dans sa clémence, elle intercède pour nous, qu'elle implore pour nous la miséricorde, éloignant les châtiments mérités par nos propres fautes (...). *Aussi serait-ce mettre en péril son propre salut, lorsqu'on est assailli par les tempêtes de notre monde, que de refuser d'accueillir sa main secourable*. »
#### 29 juin 1959
Encyclique *Ad Petri cathedram.*
Première Encyclique de Jean XXIII. La consécration, par Pie XII, du genre humain au Cœur Immaculé de Marie, y est rappelée en ces termes :
« Que la Bienheureuse Vierge Marie, Reine de la Paix, au Cœur Immaculé de qui Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire Pie XII a consacré le genre humain, nous obtienne de Dieu, Nous l'en prions instamment, cette union des cœurs, cette paix véritable, active et militante, aussi bien pour ceux qui sont Nos fils dans le Christ que pour tous ceux qui, même s'ils sont séparés de Nous, ne peuvent pas ne pas aimer l'unité et la concorde. »
108:38
#### 31 juillet 1959
Encyclique *Nostri sacerdotii primitias* sur le Curé d'Ars :
« Vers la Vierge Immaculée Nous tournons maintenant Nos regards. Peu avant que le Curé d'Ars n'achevât sa longue carrière, pleine de mérites, elle était apparue dans une autre région de France à une enfant humble et pure pour lui communiquer un message de prière et de pénitence, dont on sait l'immense retentissement spirituel depuis un siècle.
En vérité, l'existence du saint prêtre dont Nous célébrons la mémoire était à l'avance une vivante illustration des grandes vérités surnaturelles enseignées à la voyante de Massabielle. Il avait lui-même pour l'Immaculée Conception de la très Sainte Vierge une très vive dévotion, lui qui, en 1836, *avait consacré sa paroisse à Marie conçue sans péché* et devait accueillir avec tant de foi et tant de joie la définition dogmatique de 1854.
Aussi Nous plaisons-Nous à unir dans Notre pensée et Notre gratitude envers Dieu ces deux centenaires de Lourdes et d'Ars, qui se succèdent providentiellement et honorent grandement la nation si chère à Notre Cœur à qui appartiennent des lieux si saints.
Fidèles à tant de bienfaits obtenus et dans l'espérance de grâces nouvelles, Nous ferons Nôtre l'invocation mariale qui était familière au saint Curé d'Ars : « Bénie soit la très Sainte et Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu ! *Que toutes les nations glorifient, que toute la terre invoque et bénisse votre Cœur Immaculé ! *»
#### 27 août 1959
Radiomessage de Jean XXIII aux fidèles de la ville de Tortona (Piémont), d'après *l'Osservatore romano,* édition française du 4 septembre :
« Les Pontifes romains, au cours des siècles, ont toujours considéré comme de leur très doux devoir et comme un insigne honneur d'entourer de lumière la Sainte Vierge : exposer aux esprits des fidèles les grandes vérités révélées par Dieu sur sa très Sainte Mère et proclamées par le Magistère infaillible de la Chaire de Pierre, déclarées et définies comme parties intégrantes et inaliénable du dépôt de la foi confié à la Sainte Église.
109:38
Les dogmes de l'Immaculée Conception et de l'Assomption sont, dans l'ordre des temps, les lumières les plus récentes que, par l'assistance du Saint-Esprit, les Papes ont fait resplendir sur la tête de la Sainte Vierge. »
#### 13 septembre 1959
Le 13 septembre 1959 a eu lieu la consécration solennelle de l'Italie au Cœur Immaculé de Marie. Cette consécration, qui avait été annoncée dans *Itinéraires,* n° 36, page 1, est passée complètement inaperçue de la presse française. Peut-être parce que, le même jour, une fusée soviétique atteignait la lune ?
La Consécration de l'Italie eut lieu en conclusion du Congrès eucharistique tenu à Catane.
A cette occasion, Jean XXIII déclara notamment, dans un radiomessage au Congrès (*Osservatore romano,* édition française, 25 septembre) :
« Les vingt siècles de progrès des sciences, des arts, de la culture et de l'économie, les changements qui se sont produits dans le domaine politique et social n'ont pas diminué la valeur des paroles du Christ : « En vérité, en vérité je vous le dis : si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous... Voici le pain descendu du Ciel... Celui qui mange ce pain aura la vie éternelle » (...)
Vénérables Frères et très chers fils ! Dans la leçon du bréviaire de la solennité de sainte Agathe, on lit ces paroles : « L'humilité chrétienne des serviteurs de Dieu est bien supérieure aux richesses et à l'orgueil des rois. »
Ce sentiment d'humilité et de service dévoué de Dieu et de l'Église vous a conduits à la profession de foi et d'amour d'aujourd'hui, qui sera désormais plus généreuse que par le passé, après l'acte, que vous avez accompli, de consécration de l'Italie au Cœur Immaculé de Marie.
110:38
Nous avons confiance que tous les Italiens, en vertu de cet hommage à la Sainte Vierge, vénéreront en Elle, avec une ferveur renouvelée, la Mère du Corps Mystique, dont l'Eucharistie est le symbole et le centre vital ; qu'ils imiteront en Elle le modèle le plus parfait de l'union avec Jésus, notre Chef ; qu'ils s'uniront à Elle dans l'offrande de la Victime divine ; et que de son intercession maternelle, ils imploreront pour l'Église les dons de l'unité et de la paix, et surtout une floraison plus riche et plus fidèle de vocations sacerdotales. De la sorte, la consécration deviendra un motif d'engagement de plus en plus sérieux dans la pratique des vertus chrétiennes, une défense très efficace contre les maux qui les menacent et une source de prospérité, même temporelle, selon les promesses du Christ. »
Il ne serait pas étonnant que l'histoire retienne les paroles prononcées par le Saint Père le jour même où une fusée soviétique déposait dans la lune l'emblème de la révolte contre Dieu.
Ces paroles, la presse française ne les a point connues.
#### 19 septembre 1959
Radiomessage de Jean XXIII pour la bénédiction à Trieste de la première pierre d'un sanctuaire édifié en souvenir perpétuel de la consécration, qui vient d'avoir lieu six jours plus tôt, de l'Italie au Cœur Immaculé de Marie (*Osservatore romano,* édition française, 2 octobre) :
« La bénédiction de la première pierre du sanctuaire dédié à Marie Mère et Reine, en souvenir de la consécration de la nation italienne au Cœur Immaculé de Marie, suscite dans Notre esprit des sentiments de satisfaction et de tendresse. Nous sommes heureux de participer à cette cérémonie significative (...).
L'événement d'aujourd'hui n'a pas un caractère éphémère, mais tire son origine et sa signification d'une profonde dévotion envers la Sainte Vierge, renforcée par *un pacte solennel*. Cette dévotion répond bien à la pensée de Dieu et à son plan de Rédemption. Précisément parce que Mère du Christ, Marie est notre Mère. Et comme le faisait observer opportunément saint Augustin : « Elle est la mère des membres du Christ, que nous sommes nous-mêmes, parce qu'elle a coopéré par l'amour à faire que les fidèles naissent dans l'Église ». (De sacra virginitate, 6).
111:38
C'est dans cette maternité sublime qu'est contenue l'explication de toutes ses grandeurs, que la liturgie et la piété chrétiennes résument dans le titre de Reine pour signifier la puissance de son intercession et pour indiquer que nos prières passent par ses mains bénies.
En élevant donc à la gloire de la Sainte Vierge cette église qui s'ajoute aux innombrables autres qui chantent ses louanges dans le monde entier -- on entend célébrer les sublimes prérogatives de Celle qui est Mère, parce qu'elle a engendré physiquement le Chef du Corps Mystique et spirituellement les membres de celui-ci ; et qui est Reine, parce qu'elle émeut le Cœur de son Fils et possède suavement le cœur des hommes.
Mais comme la Sainte Vierge ne vit et n'agit que par son Fils, la dévotion envers Elle conduit nécessairement à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Aussi une consécration qui Lui est faite signifie-t-elle une consécration fervente, irrévocable et généreuse au Divin Sauveur, à sa loi, à son Église... »
112:38
#### Consécration de soi-même selon Grignion de Montfort
Je vous choisis aujourd'hui, ô Marie, en présence de toute la cour céleste, pour ma Mère et ma Reine. Je vous livre et consacre, en toute soumission et amour, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m'appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l'éternité.
Saint Louis-Marie GRIGNION DE MONTFORT.
#### Prière d'engagement à renouveler utilement chaque jour
Sainte Vierge Marie, notre Mère et notre Reine qui êtes apparue à Fatima et avez promis, si l'on écoute vos demandes, de convertir la Russie et d'apporter la paix au monde, je réponds à votre appel.
Je me consacre à votre Cœur Immaculé, voulant me souvenir sans cesse que je vous appartiens et que vous pouvez disposer de moi pour le Règne du Cœur Sacré de votre Fils.
113:38
Je vous promets, en réparation des péchés que vous avez si douloureusement déplorés :
d'offrir chaque jour les sacrifices nécessaires à l'accomplissement chrétien de mes devoirs quotidiens ;
de réciter chaque jour une partie du Rosaire, en m'unissant aux mystères de la vie de Jésus et de la vôtre.
Notre-Dame de Fatima, gardez-moi fidèle.
Saint Joseph, aidez-moi à servir.
Saint Michel, dans le combat défendez-moi.
114:38
#### APPENDICE : Le discours du cardinal Roncalli (13 mai 1956)
Le Cardinal Roncalli prononça le 13 mai 1956, à Fatima, devant un demi-million de pèlerins, « UN DISCOURS SPÉCIAL QU'IL SEMBLE PARTICULIÈREMENT OPPORTUN, CES JOURS-CI, DE RAPPELER OU DE FAIRE CONNAITRE A BEAUCOUP », écrit *L'Osservatore romano,* édition française du 2 octobre dernier.
Voici le texte intégral de ce discours :
Je bénis Le Seigneur de la grâce qu'il m'a accordée de me conduire en ce lieu de sanctification et de paix.
Quand j'étais enfant, je contemplais, dans l'humble église de mon village et de mon baptême, deux beaux tableaux placés autour de l'autel de la Sainte Vierge : le Sacré-Cœur de Jésus et le Saint Cœur de Marie. Le premier m'intéressa toujours très vivement : je le voyais parfois placé sur le maître-autel et devenu l'objet du culte le plus insigne. L'autre, à coté de la belle statue de la Vierge du Rosaire, au contraire, m'intéressait moins.
C'est une grande faveur pour moi d'être venu à Fatima pour comprendre la beauté de l'union des deux tableaux : le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie, et de la goûter avec une joie qui est faite pour moi de tendresse et d'émotion.
Nouvel apostolat de piété mariale
Je tiens à signaler une autre remarque. Je visitai cinq fois Paray-le-Monial et dix fois au moins je fis le pèlerinage à Lourdes. Je connaissais le Portugal comme un glorieux pays de navigateurs, de conquérants, de missionnaires, de saints exceptionnels. Je ne pensais pas à autre chose. Maintenant il se révèle à moi comme une terre mystérieuse ouverte à un nouvel apostolat au point de m'en laisser stupéfait, du fait de son vigoureux rappel aux principes éternels de l'Évangile, annoncés par le Christ *verbo et exemplo* au monde entier, mais confiés, avec une attention plus nette et plus distincte aux petits, aux innocents, aux pauvres.
115:38
Un grand triptyque
Le mystère de Fatima est comparable à un des grands triptyques qui ornent nos églises les plus antiques....
A l'intérieur, sur le premier battant, les trois apparitions de l'Ange du Portugal aux trois enfants d'Aljustrel.
Sur le grand panneau du milieu, les six apparitions de la Dame Céleste de la Cova d'Iria.
Sur l'autre battant, ce qui fit suite aux mystérieuses visions : c'est-à-dire le mouvement spirituel qui, de cette province d'Estrémadure, a surgi et s'est développé non seulement au Portugal mais dans toute l'Europe et dans le monde entier.
Le premier donc, qui apparaît aux trois petits cousins Lucia dos Santos, Francesco Marto et sa sœur Giacinta, et s'entretient avec eux, est l'Ange du Portugal. C'est précisément lui qui me révèle un nouvel horizon de prodigieuse élévation spirituelle, au-dessus de ces humbles têtes, au son de ces douces paroles, qui annoncent quelque chose d'insolite et de divin, comme le vent précurseur d'une nouvelle Pentecôte, dont on commence maintenant à mesurer toute la portée et les mystérieuses richesses du céleste effluve.
« Je suis l'Ange du Portugal, je suis l'Ange de paix ; priez avec moi ». Ce fut là ce qu'il dit.
Et chacun des trois, s'unissant à l'Ange, pria ainsi : « Mon Dieu, je crois, j'espère, je vous aime. Pardonnez aux autres qui ne croient pas, n'espèrent pas, n'aiment pas. »
Et voici tout de suite la première allusion : « Les Cœurs très saints de Jésus et de Marie écoutent avec attention vos prières ».
Quelques mois plus tard, l'Ange revient et parle encore plus clairement, plus ouvertement et plus amplement. Il dit tout de suite : « Priez beaucoup. Les très Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont des desseins de miséricorde sur vous. Il faut des prières et des sacrifices pour la paix du monde, pour la conversion des pécheurs ; pour attirer la paix sur votre patrie et pour la fermeté dans le support des persécutions futures qui vous atteindront ».
Encore quelques mois, et voici l'Ange du Portugal une troisième fois.
Les petits bergers ont conduit leur troupeau sur un plateau herbeux et se sont retirés dans une petite grotte sous la frondaison des arbres pour réciter le chapelet et la prière que l'Ange leur avait suggérée.
116:38
Il reparaît donc, mais sous un aspect plus splendide. Il tient dans ses mains un calice et une hostie dont des gouttes de sang tombent dans le calice. Quelle merveille ! L'hostie et le calice flottent dans l'air. L'Ange s'agenouille et engage les enfants à prier avec lui : « Ô trinité, Père, Fils et Saint-Esprit : je vous adore profondément et je vous offre le corps, le sang, l'âme et la divinité de Jésus présent dans tous les tabernacles du monde. Je vous les offre en réparation des outrages dont il est offensé. Par les mérites infinis de son Cœur très saint et par l'intercession du Cœur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pécheurs ».
Ceci dit par tous ensemble, l'Ange présente l'hostie à Lucia et le calice à Francesco et à Giacinta en disant : « Prenez le Corps et le Sang de Jésus horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs délits et consolez notre Dieu. »
Et il disparaît. La nuit descend. Les trois petits bergers, silencieux et émus, retournent à leur pauvre maisonnette, sans rien dire à personne, comme dans un rêve, comme dans une douce griserie.
Ces trois visions de l'Ange ne sont qu'un prélude, sur lequel se développeront les principales notes de tout le drame mystique de Fatima qui devait suivre.
Les six apparitions de la Dame céleste.
Le drame est connu. Tout le monde le connaît. Il y eut six apparitions de la Vierge.
Le 13 mai 1917 la première.
La Dame blanche apparaît sur le chêne-vert toute resplendissante précédée par le vent. « N'ayez pas peur, mes enfants. Je viens du ciel. Je vous invite à vous trouver ici, chaque mois, le 13. En octobre je vous dirai qui je suis et ce que j'attends de vous. En attendant, vous devez prier, vous préparer à des souffrances pour la conversion des pécheurs et en réparation pour les offenses faites à mon Cœur Immaculé. »
Le 13 juin elle leur recommande la récitation du chapelet et d'apprendre à lire et à écrire.
Pour le 13 juillet, il y a quelque incertitude. Mais Giacinta, la plus petite, résout tout doute en disant clairement : « Non, ce ne peut être le démon : le démon est si laid et il se trouve sous la terre. »
La Dame céleste renouvelle les recommandations quant au chapelet à réciter fidèlement dans l'intention de hâter « la fin de la guerre qu'Elle seule peut obtenir. »
117:38
Le 13 août, les personnes accourues sur place de quatre mille s'élèvent à quinze mille, puis à vingt mille ; mais les petits bergers ne sont pas là. La persécution contre l'Église s'acharne contre eux et les empêche de venir. Mais la foule observe les prodiges : un coup de tonnerre, un éclair et un petit nuage près du petit chêne-vert sur laquelle l'apparition avait l'habitude de se poser. Une semaine plus tard, non pas à la Cova mais aux pâturages de Valinhos, la belle Dame apparaît à l'improviste à ses privilégiés, les réconforte dans la dure épreuve et les encourage à prier toujours et à avoir confiance. « Faites des sacrifices pour les pécheurs : beaucoup d'âmes vont à l'enfer parce qu'il n'y a personne qui se sacrifie et qui prie pour elles. » Le 13 septembre il y a toujours beaucoup de monde à la Cova. Tous voient un globe lumineux qui descend, puis remonte dans le ciel : l'apparition de la Dame céleste s'accomplit. Elle s'attarde comme d'habitude une dizaine de minutes. Elle annonce qu'elle reviendra en octobre, non pas seule, mais en compagnie de Jésus et de Joseph. « En attendant, dit-elle, on peut employer l'argent que de nombreuses personnes ont offert à construire une chapelle sur ce lieu. »
Le 13 octobre, l'aube est sombre et brumeuse ; une foule innombrable est en marche vers la Cova d'Iria ; croyants et incroyants, pèlerins et curieux, venus de toutes les parties du Portugal. Lucia la moins jeune des trois avec un accent d'autorité fait fermer les parapluies et invite à commencer le chapelet. A midi exactement, l'yeuse s'illumine : l'apparition est là. Les trois voyants l'aperçoivent encore plus belle que d'habitude. Toute la foule voit un nuage blanc qui enveloppe le groupe. A la demande de Lucia, la belle et douce Dame répond : « Je suis la Vierge du Rosaire et je veux une chapelle en mon honneur. »
Comme d'autres fois, elle promet des grâces même d'ordre matériel qui lui sont demandées pour différentes personnes et elle conclut en insistant sur la prière pour les pécheurs afin qu'ils se convertissent et qu'ils cessent d'offenser le Christ Notre-Seigneur.
Puis, elle disparaît lentement : les mains ouvertes se reflètent sur le soleil et le grand prodige s'accomplit. Lucia, sur un geste de la Vierge, s'écrie instinctivement : « Regardez le soleil. » tous regardent : et il y a là soixante ou soixante-dix mille personnes qui constatent le phénomène. A travers les nuages déchirés, le disque solaire resplendit sans éblouir, comme une roue luisante rayonnant de reflets perlés ; il tourne sur lui-même vertigineusement et verticalement, répandant dans tout le ciel comme une roue de feu fascinante, des rayons de toutes nuances : rouges, verts, jaunes, bleus, violets ; en s'arrêtant trois fois et en repartant trois fois avec une rapidité stupéfiante. Il semble à un moment que le globe rayonnant va se détacher du firmament et se précipiter en zigzag sur la terre. Toute la foule s'est agenouillée et crie atterrée « Mon Dieu, miséricorde ! »
Au contraire, les trois petits bergers voient dans le soleil la sainte famille : Marie avec saint Joseph et l'Enfant Jésus en train de bénir la foule. Seule, Lucia voit, dans des projections lumineuses, Notre-Seigneur, puis la Vierge dans l'attitude de Notre-Dame des Douleurs ou de Notre-Dame du Carmel.
118:38
Le Mystère de Fatima\
après les apparitions.
Ce n'est pas le moment ni l'occasion de pénétrer et d'étudier -- ce qui, humblement et pieusement, est bien permis -- les trois grands secrets de Fatima confiés aux voyants. Il est juste d'en respecter le profond mystère. Mais ce que nous avons sous les yeux : ce temple magnifique ; ces monuments de la charité, sous les formes antiques et nouvelles qui l'enveloppent ; ces foules innombrables de pèlerins qui, par terre, par air et par mer, affluent désormais ici de tous les points du globe ; ces miracles et faits inexplicables pour la science humaine, qui se multiplient, surtout les miracles d'ordre spirituel, c'est-à-dire d'innombrables âmes qui s'arrêtent sur les chemins néfastes conduisant au mal et se tournent vers une plus juste direction, dans un accroissement de foi et de piété religieuse ; tout ce spectacle place une fois de plus le monde moderne en face d'une de ces rencontres entre le ciel et la terre, entre l'esprit et la chair, entre l'Évangile et les convoitises humaines, et sur laquelle resplendit la lumière souveraine de Jésus Sauveur, la lumière aimable de Marie sa Mère et notre Mère.
Ô ! Marie, « refugium peccatorum » ; ô ! Marie, « consolatrix afflictorum » ; ô ! Marie, « auxilium christianorum » ! Ces invocations ont caractérisé des époques extraordinaires de l'histoire.
C'est un grand et doux mystère que celui de la familiarité de Jésus avec la nature humaine et avec les âmes qu'il racheta par son sang. Jésus reste encore avec nous sur la terre ; ses formes sensibles et humaines cachées dans le sacrement de l'Eucharistie où son Cœur est cependant présent et fait palpiter le nôtre dans le contact mystique. Les voiles du pain et du vin ne lui permettent pas de nous montrer sa face, jusqu'au jour du solennel jugement dernier, qui sera un jour de bénédiction éternelle et joyeuse pour les justes et pour les saints qui lui seront restés fidèles ; et en revanche un jour de condamnation éternelle pour les pécheurs inexcusables.
Mais on dirait que Jésus, au moment de mourir, en nous laissant en un testament de fraternité ineffable sa propre Mère, voulut lui accorder de nous visiter, même sensiblement, à titre de condescendance spéciale, çà et là, en apparaissant sous son aspect féminin et maternel.
Cela établit la base, si respectable et intéressante, de *ses apparitions dans l'histoire de l'Église* et en différents points du monde.
119:38
Oui : il y eut également des visites de Jésus sous une forme humaine, par exemple à sainte Gertrude, a sainte Brigitte, a saint Laurent Justinien, à saint Antoine de Lisbonne, à sainte Catherine de Sienne, à saint François d'Assise.
Mais celles de Marie, sa Mère et notre Mère, *sont innombrables*, se produisent partout et devant les foules. La variété des formes n'enlève rien à l'identité de sa personne, qui se plaît à se manifester en prenant les formes de ses enfants, partout objet de son amour maternel.
Marie est toujours la même Mère de Jésus et notre Mère représentée dans les catacombes comme aux époques historiques successives, à travers l'inspiration et le génie artistiques de tous les siècles. Les documents et les monuments font davantage ressortir ce phénomène des apparitions, des plus anciennes jusqu'aux plus récentes, à Lourdes, à Fatima.
Tout y est grand, délicat, touchant. *On dirait qu'à chaque apparition se trouve confiée une tâche spéciale*, selon la variété des circonstances, parfois heureuses, souvent tristes et douloureuses. Dans l'histoire de ces apparitions, presque partout, la réalité se mêle au mystique et à l'allégorie. *Quand le mystère de Fatima sera complètement dévoilé, je ne suis pas éloigné de croire qu'apparaîtront avec une évidence plus claire les petits ruisseaux devenus plus brillants au soleil*, qui ont ensuite abouti au grand événement d'importance et de signification historiques tel que la consécration solennelle de toute la nation portugaise -- 13 mai 1931 -- à la Vierge de Fatima, dont nous célébrons aujourd'hui le vingt-cinquième anniversaire.
Cet événement mémorable fut suivi de manifestations de plus en plus solennelles durant ces vingt-cinq dernières années ; la principale fut *le couronnement de la statue en 1946*, quand le Saint Père lui-même par un émouvant radiomessage, et comme ravi lui aussi par une vision apocalyptique, *reconnaissait désormais, attestait, proclamait la projection mondiale de Fatima*, annonçant d'autres triomphes d'une Royauté par grâce, par parenté divine, par conquête, par singulière élection, par Jésus, avec Jésus, en dépendance de Jésus, et assurée par Marie, son auguste Mère.
La plus belle fleur\
de la Cova d'Iria
Le présage est aujourd'hui réalisé. La Cova d'Iria demeure une source intarissable de grâces et de prodiges qui se déversent a flots sur le Portugal et de là se répandent sur l'Église universelle et sur le monde.
120:38
De la succession de ces événements a jailli comme une fleur, la plus belle de toutes les fleurs dont est composée la couronne mariale des trois enfants d'Aljustrel, *la dévotion devenue plus pénétrante et mieux comprise pour le Cœur Immaculé de Marie*, dont l'évocation revient si souvent dans les paroles de l'Ange protecteur du Portugal, *dans le même sens que dans les pensées et les dispositions des grands pasteurs de l'Église Pie VII, Pie XI et Pie XII*.
Dans la sainte Église tout s'assemble et, avec le temps prend de l'ordre et de la beauté, Les deux tableaux de l'humble église de mon village natal : « Sacré-Cœur de Jésus et saint Cœur de Marie », s'harmonisent à la perfection, bien que dans une diversité de degrés, de couleurs et de lumières.
Devant le Sacré-Cœur de Jésus, nous répétons, avec émotion et exultation : « tu solus Dominus, tu solus sanctus, tu solus altissimus, Jésu Christe ».
Devant le Cœur Immaculé de Marie, nous continuons à dire, comme un chapelet du soir : « Sancta Maria, Mater Dei, ora pro nobis peccatoribus ».
Il n'y a *rien là de nouveau dans l'Église au point de vue théologique et ascétique. Mais ce qui est antique se renouvelle avec de nouvelles clartés*, de nouveaux charmes, pour amener les âmes à la contrition de leurs péchés et au pardon de Dieu, qui purifie et guérit les peuples et leur fait avoir un avant-goût des richesses du Royaume de Dieu.
\*\*\*
Oh ! Vierge de Fatima, comme je vous remercie encore une fois de m'avoir fait inviter à ce festin de miséricorde et d'amour !
Ici, au doux souffle du vent qui annonçait votre retour, à midi, sur le chêne-vert qui fut la chaire de votre enseignement et le trône de vos grâces, vous m'avez fait sentir toute la douceur des béatitudes que votre Fils béni annonça de la montagne au monde entier :
« Bienheureux les pauvres, les petits, les pacifiques, les purs, les patients, ceux qui aspirent à la justice, ceux qui aiment le sacrifice. »
Bénissez, ô Mère, votre noble nation de Lusitanie, que vous avez choisie comme sanctuaire de vos merveilles et que vous avez appelée à rouir la première des bienfaits de votre protection.
Bénissez-là ici, sur le continent, et dans ses provinces outre-mer qui continuent à jouir des bienfaits de la paix chrétienne.
Bénissez-là dans les hommes insignes qui président, avec une dignité et une sagesse élevées, à son gouvernement, et dont je conserverai le souvenir le plus reconnaissant pour la délicate amabilité de leur accueil.
Bénissez l'Europe tout entière, aujourd'hui tourmentée plus que jamais par de profondes divisions causées par ceux qui pensent pouvoir édifier un monde nouveau sans votre Fils, qui est la Sauveur du monde, La Voie, la Vérité et la Vie ; sans rester fidèles à la glorieuse tradition de leurs aïeux.
C'est de vos rives que partirent, au cours des siècles, les nobles chrétiens, explorateurs et conquérants, qui furent les premiers à communiquer le message du Christ et de sa paix, alors inconnus, et où le cher et prodigieux nom de Fatima était déjà en vénération.
121:38
N'oubliez pas non plus, ô Mère, ô Reine de toutes les terres et de toutes les mers, l'humble serviteur de la sainte Église qui aujourd'hui jouit du privilège de vous honorer ici « ubi steterunt pedes tui ». Son titre de Patriarche de Venise lui vaut de communier aimablement et fraternellement dans la conviction et la confiance en la vocation de Fatima, avec le Patriarche de Lisbonne qui m'a accueilli si aimablement, ainsi qu'avec le vénérable évêque de Leira et les très dignes prélats de l'Épiscopat portugais.
Vous savez combien est grand, sur les rives de la lagune vénitienne, le culte à votre égard, Notre-Dame du Salut et Notre-Dame de Nicopeja, les deux icônes incomparables, si vénérées : l'une dans son église et l'autre sur le précieux autel près de la tombe de saint Marc, venues toutes les deux jusqu'à nous de Chio et de l'antique Byzance, elles sont comme deux yeux, bons et resplendissants, avec lesquels sourit votre amour de Mère des anciens chrétiens d'Orient, à peine dépassés, je crois, par les fils actuels de Venise, eux aussi, depuis sept siècles désormais, dépositaires d'un tel trésor. Je leur ajouterai pour la vénération de mon peuple et en souvenir de mon pèlerinage actuel le témoignage de mes vœux pour ce qui est le plus cher à mon cœur de pasteur dans les circonstances présentes particulièrement délicates, ô Vierge de Fatima, comme unir encore une fois les rives des deux mers l'Orient et l'Occident dans Votre amour « ob ortu solis usque ad occasum. »
« Salut » exprime une préservation des maux temporels ; « Nicopeja » signifie Reine des Victoires. Ah ! moi je ne pense pas à des victoires d'ordre militaire, qui comportent toujours de la violence, une férocité de l'homme, et du sang. Mais je pense à des conquêtes spirituelles, relatives à la vérité, à l'Évangile, à la sainte Église catholique et à son auguste Chef, à la justice, à la liberté des âmes, des nations, du monde entier.
Je tiens à le répéter encore en mon nom et au nom de cette foule innombrable venue de partout. Oh ! Notre-Dame de Fatima, par la vertu de votre Cœur Immaculé, obtenez-nous de Jésus aimé, source de toute grâce, la justice, la charité, la paix. Ainsi soit-il.
122:38
### Le Rosaire
La pensée de l'Église sur le Rosaire se trouve surtout chez Léon XIII, qui y consacra dix Encycliques successives à partir de 1883 jusqu'à sa mort : les Encycliques *Supremi Apostolatus* (1^er^ septembre 1883), *Superiore anno* (30 août 1884), *Octobri mense* (22 septembre 1891), *Magnae Dei Matris* (7 septembre 1892), *Laetitiae sanctae* (8 septembre 1893), *Jucunda semper* (8 septembre 1894), *Adjutricem populi* (5 septembre 1895), *Fidentem piumque* (20 septembre 1896), *Augustissimae* (12 septembre 1897), *Diuturni temporis* (5 septembre 1898).
\*\*\*
C'est Léon XIII qui a réintroduit dans l'univers catholique contemporain cette pratique traditionnelle, que ses successeurs, et notamment Pie XII et Jean XXIII, recommandent eux aussi avec la plus vive insistance.
Les Apparitions de la très Sainte Vierge au cours du XIX^e^ siècle -- notamment celles de Pontmain et de Lourdes -- ont donné une place et une fonction éminentes à la récitation du chapelet.
A Fatima, lors de la sixième et dernière apparition, le 13 octobre 1917, la très Sainte Vierge a dit : « *Je suis la Dame du Rosaire* ».
Le mois d'octobre est depuis Léon XIII le mois du Rosaire. La fête du très Saint Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie se célèbre le 7 octobre depuis le XVI^e^ siècle, et a été étendu à toute l'Église, au XVIII^e^ siècle, par le Pape Clément IX.
\*\*\*
Les Encycliques de Léon XIII constituent un trésor doctrinal et spirituel pour tous ceux qui désirent approfondir la récitation et la méditation du Rosaire.
123:38
Dans sa récente Encyclique *Grata recordatio* du 26 septembre dernier, elle-même consacrée au Rosaire, et dont on trouvera ci-après le texte intégral, Jean XXIII rappelle explicitement l'importance des Encycliques de Léon XIII sur le même sujet et déclare qu'elles sont « PLUS QUE JAMAIS OPPORTUNES POUR LA VIE CHRÉTIENNE ».
Ces Encycliques de Léon XIII sur le Rosaire sont aujourd'hui pratiquement introuvables en France, spécialement dans leur texte original. Tous les volumes des *Actes de Léon XIII* sont actuellement épuisés, et l'on n'annonce point la réédition de ces Encycliques « *plus que jamais opportunes pour la vie chrétienne* »*.* Ajoutons que, si le texte latin reste évidemment immuable, la traduction française établie à l'époque, c'est-à-dire entre 1883 et 1898, est d'une langue qui a beaucoup vieilli, et qui risque parfois de rebuter ou de décevoir le lecteur.
On trouvera ci-après d'importants passages de ces Encycliques. Plusieurs extraits sont ceux qui figurent dans le volume *Notre-Dame* des Bénédictins de Solesmes (Desclée et Cie), où le style et le vocabulaire de la traduction ont été quelque peu remis à jour.
En outre, nous reproduisons presque en son entier l'Encyclique *Laetitiae sanctae* du 8 septembre 1893. Elle traite des maux de la *société moderne --* ceux précisément qui se sont développés depuis lors, selon le processus même décrit et annoncé par Léon XIII -- et elle montre comment les remèdes à chacun de ces maux sociaux ont leur source dans le Rosaire. Nous avons refait directement sur le texte latin la traduction de cette Encyclique. Nous dédions ce travail à tous les militants et apôtres sociaux, spécialement à ceux du Centre Français de Sociologie ; à tous ceux qui travaillent à l'évangélisation ouvrière ; et en particulier, nous le dédions respectueusement et fraternellement à la Mission ouvrière saint Pierre et saint Paul.
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*Pour la* MÉDITATION *des mystères du Rosaire,* on se reportera surtout, parmi les documents pontificaux que nous reproduisons, aux trois suivants :
Léon XIII : Encyclique *Laetitiae sanctae* (8 septembre 1893).
Léon XIII : Encyclique *Jucunda semper* (8 septembre 1894).
Pie XII : Discours du 16 octobre 1940 sur *le Rosaire dans la famille.*
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Le Rosaire, qui est « *l'œuvre de piété spécialement recommandée par l'Église a l'égard de la très Sainte Vierge* », se trouve dans tout catéchisme normalement composé.
Voir aussi les Missels, dans la partie « prières ».
On peut enfin, pour la méditation des mystères du Rosaire, s'aider aussi de divers ouvrages, par exemple :
GRIGNION DE MONTFORT : *Le secret admirable du très saint Rosaire* (Librairie Montfortaine, Dorval, Montréal, 33, Canada).
R.P. CALMEL, o.p. : *Le Rosaire dans la vie* (Éditions Fleurus).
Romano GUARDINI. *Le Rosaire de Notre-Dame* (Bloud et Gay).
#### Léon XIII : Encyclique Supremi Apostolatus sur le Rosaire (1er septembre 1883).
« Aucun de vous n'ignore quels tourments et quels deuils ont apporté à la sainte Église de Dieu, vers la fin du XII^e^ siècle, les hérétiques albigeois (...). Ils étendaient partout leur domination par le meurtre et les ruines.
Contre ce fléau Dieu a suscité, dans sa miséricorde, l'insigne père et fondateur de l'Ordre dominicain. Grand par l'intégrité de sa doctrine, par l'exemple de ses vertus, par ses travaux apostoliques, il s'avança contre les ennemis de l'Église catholique animé de l'Esprit d'en haut ; non avec la violence et avec les armes, mais avec la foi la plus absolue en cette dévotion du Saint Rosaire, que le premier il a divulguée et que ses enfants ont portée aux quatre coins du monde. Il prévoyait en effet, par la grâce divine, que cette dévotion, comme un puissant engin de guerre, mettrait en fuite les ennemis et confondrait leur audace et leur folle impiété. Et c'est ce qu'a, en effet, justifié l'événement.
Grâce à cette nouvelle manière de prier, accueillie et régulièrement pratiquée par l'Ordre de saint Dominique, la piété, la foi, la concorde commencèrent à reprendre racine, et les projets des hérétiques, ainsi que leurs artifices, à tomber en ruine. Grâce à elle, beaucoup d'égarés ont été ramenés à la voie droite (...).
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Il est bien reconnu que cette formule de prière est particulièrement agréable à la Sainte Vierge et qu'elle est *surtout propre à la défense de l'Église et du peuple chrétien* (...).
Nous avons de nos jours autant besoin du secours divin qu'à l'époque où le grand Dominique leva l'étendard du Rosaire de Marie à l'effet de guérir les maux de son époque (...).
La formule du saint Rosaire a été composée par saint Dominique de telle manière que les mystères de notre salut y sont rappelés dans leur ordre successif, et que cette manière de méditation est entremêlée par la récitation de la Salutation angélique et de la prière à Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ (...). Nous engageons vivement tous les chrétiens à s'appliquer soit en public, soit en leur demeure particulière et au sein de leur famille, à réciter ce pieux office du Rosaire (...). »
#### Léon XIII : Lettre apostolique Salutaris ille du 24 décembre 1883.
« Le Rosaire a ceci de très remarquable qu'il a été institué *surtout* pour implorer le patronage de la Mère de Dieu *contre les ennemis du nom chrétien* ».
#### Léon XIII : Encyclique Superiore anno sur la récitation du Rosaire (30 août 1884).
« Quand l'acharnement des ennemis du nom chrétien est si grand à poursuivre leurs desseins, ses défenseurs ne doivent pas avoir moins de résolution (...). Il s'agit d'humilier l'antique ennemi, l'ennemi plein de ruse, dans toute l'exaltation de sa puissance ; il s'agit de revendiquer la liberté de l'Église et de son chef (...). C'est pourquoi il faut veiller à ce que, dans ces temps lamentables pour l'Église, la très sainte coutume de réciter le Rosaire de la Sainte Vierge soit gardée avec soin et pieusement, pour cette raison surtout que ces prières, étant composées de façon à rappeler dans leur ordre tous les mystères de notre salut, sont très propres à nourrir l'esprit de piété. »
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#### Léon XIII : Lettre Più volte du 31 octobre 1886.
« Plusieurs fois au cours de notre Pontificat, Nous avons fait connaître Notre prédilection pour la dévotion du très Saint Rosaire et la grande confiance que Nous avons placée en elle dons les graves besoins de l'Église d'aujourd'hui (...). Aussi bien pensons-nous n'avoir jamais assez fait pour promouvoir dans le peuple fidèle cette pieuse pratique que Nous souhaiterions voir toujours plus largement répandue et *devenir la dévotion, vraiment populaire de partout et de toujours*.
Ce désir est en Nous d'autant plus vif que *les temps se font de jour en jour plus sombres et contraires à l'Église, et que le besoin s'avère plus urgent d'un extraordinaire secours divin*... »
#### Léon XIII : Encyclique Octobri mense sur le Rosaire (22 septembre 1891).
« A l'approche du mois d'octobre, consacré et dédié à la bienheureuse *Vierge du Rosaire*, Nous Nous rappelons avec une très grande joie les vives exhortations que Nous vous avons adressées les années précédentes, pour que partout les fidèles redoublent de piété envers l'auguste Mère de Dieu, la puissante auxiliatrice du peuple chrétien, pour qu'ils l'implorent pendant tout ce mois et l'invoquent par le *très saint Rosaire que l'Église, principalement dans les temps difficiles, a coutume d'employer et de célébrer* (...)
Ce sont des maux universellement connus que nous déplorons (...) : la haine attisée de mille manières contre le Pontife romain : les attaques dirigées contre le Christ lui-même par une audace pleine d'impudence et par une scélératesse criminelle, comme si l'on s'efforçait de détruire dans sa base et d'anéantir l'œuvre divine de la Rédemption (...)
Par la volonté de Dieu, Marie est l'intermédiaire par laquelle nous est distribué cet immense trésor des grâces accumulées par Dieu ; puisque, si la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus-Christ (Jean, I, 17)*,* de même qu'on ne peut aller au Père que par le Fils, de même on ne peut arriver au Christ que par sa Mère (...).
Or, entre les diverses formules et manières d'honorer la divine Marie, il en est qu'il faut préférer, puisque nous savons qu'elles sont plus puissantes, et plus agréables à notre Mère ; et c'est pourquoi Nous Nous plaisons à désigner en particulier et à recommander tout spécialement le Rosaire.
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Le langage vulgaire a donné le nom de « couronne » à cette manière de prier, parce qu'elle rappelle, en les réunissant par les plus heureux liens, les grands mystères de Jésus et de Marie, leurs joies, leurs douleurs et leurs triomphes. Le souvenir de la pieuse contemplation de ces augustes mystères, médités dans leur ordre, peut procurer, aux fidèles un admirable secours, aussi bien pour alimenter leur foi et la protéger contre la contagion des erreurs que pour relever et entretenir la vigueur de leur âme. En effet, la pensée et la mémoire de celui qui prie de la sorte, éclairées par la foi, sont entraînées vers ces mystères avec l'ardeur la plus suave ; elles s'y absorbent et les pénètrent (...).
Il y a d'autant plus de raison de croire que *la Reine du Ciel elle-même a attaché à cette forme de prière une grande efficacité, que c'est sous sa protection et son inspiration qu'elle a été établie par saint Dominique, à une époque très hostile au nom catholique et assez peu différente de la nôtre, comme une sorte d'instrument de guerre tout-puissant pour combattre les ennemis de la foi* (...).
Aussitôt que la prière du Rosaire fut instituée, elle fut adoptée de toutes parts, par des citoyens de toutes les classes, et devint parmi eux d'un usage fréquent. C'est qu'en effet la religion du peuple chrétien tient à honorer par des titres insignes et de mille façons la divine Mère, élevée si excellemment au-dessus de toutes les créatures par tant et de si grandes gloires ; or elle a toujours aimé particulièrement ce titre du Rosaire, cette manière de prier, qui est comme le mot d'ordre de la foi et qui résume le culte dû à Marie (...).
Nous supplions avec les plus vives instances tous les chrétiens de peser ces pensées dans leur conscience, de ne pas céder aux supercheries de l'antique ennemi, de ne se laisser détourner sous aucun prétexte du goût de la prière, mais d'y persévérer au contraire, et d'y persévérer sans interruption. »
#### Léon XIII : Encyclique Magnae Dei Matris sur le Rosaire (7 septembre 1892).
« La malice du siècle s'efforce d'affaiblir et d'extirper la foi chrétienne et l'observance de la loi divine qui nourrit la foi et lui fait porter des fruits (...). Les établissements publics où sont enseignées les sciences et les arts sont systématiquement organisés de façon que le nom de Dieu n'y soit pas prononcé, ou y soit outragé (...).
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Ce qui n'est pas moins déplorable, c'est cet abandon et cet oubli de la pratique chrétienne qui en ont résulté pour beaucoup et qui, s'ils ne sont pas une apostasie ouverte de la foi, y mènent certainement (...). Celui qui considérera la confusion et la corruption des choses les plus importantes, ne s'étonnera pas si les nations affligées gémissent sous le poids de la colère divine et frémissent dans l'appréhension de calamités plus graves encore.
Pour apaiser la justice de Dieu offensé et pour procurer à ceux qui souffrent la guérison dont ils ont besoin, rien ne vaut mieux que la prière pieuse et persévérante, pourvu que s'y joigne le souci et la pratique de la vie chrétienne, ce que Nous croyons devoir être principalement obtenu *par le Rosaire en l'honneur de Marie* (...).
Si nous devons au Christ de nous avoir fait participer au droit qui lui appartient en propre d'avoir Dieu pour Père et de lui en donner le nom, nous lui devons également de nous avoir tendrement communiqué le droit d'avoir Marie pour Mère et de lui en donner le nom (...).
Adressons-nous à Marie hardiment et avec ardeur, la suppliant par ces liens maternels qui l'unissent si étroitement à Jésus et à nous ; invoquons avec piété son assistance *par la prière qu'elle a elle-même désignée et qui lui est si agréable *: (...). Au titre de recommandation pour le Rosaire qui ressort de la prière même qui le compose, il faut ajouter qu'il *offre un moyen pratique d'inculquer et de faire pénétrer dans les esprits les dogmes principaux de la foi chrétienne *; ce qui est un autre titre très noble de recommandation.
Le chrétien est tellement préoccupé par les soucis divers de la vie et si facilement distrait par les choses de peu, que s'il n'est pas souvent averti, il oublie peu à peu les choses les plus importantes et les plus nécessaires, et qu'il arrive que sa foi languit et même s'éteint.
Pour préserver ses fils de ce grand péril de l'ignorance, l'Église n'omet aucun des moyens suggérés par sa sollicitude et sa vigilance, et *le Rosaire en l'honneur de Marie* n'est pas le dernier qu'elle emploie dans le but de venir en aide à la foi. Le Rosaire en effet, avec une très belle et très fructueuse prière revenant dans un ordre réglé, amène à contempler et à vénérer successivement les principaux mystères de notre religion (...). *Chez les personnes, dans les familles et parmi les peuples où la pratique du Rosaire est restée en honneur comme autrefois, il n'y a pas à craindre que l'ignorance et les erreurs empoisonnées détruisent la foi*.
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Mais il y a une autre utilité non moins grande que l'Église attend du Rosaire pour ses fils : c'est *qu'ils conforment mieux leur vie et leurs mœurs à la règle et aux préceptes de la sainte foi* (...). »
#### Léon XIII : Encyclique Laetitiae Sanctae sur le Rosaire (8 septembre 1893).
Dans cette Encyclique, Léon XIII montre comment les maux de la société moderne -- qui vont grandissant, dit-il, et qui en effet sont allés en grandissant -- peuvent être guéris par le Rosaire.
« § 4*. --* (...) *Nous sommes pleinement convaincu que la dévotion du Rosaire, pratiquée comme elle doit l'être pour produire son effet propre, sera extrêmement utile non seulement à chaque personne individuelle mais encore à toute la vie politique.*
§ 5*. -- Il n'échappe à personne combien, en vertu de Notre suprême charge apostolique, Nous Nous sommes appliqué à contribuer au bien de la société. Nous sommes prêts, avec la grâce de Dieu, à continuer. Nous avons souvent rappelé aux dirigeants politiques que la législation et le gouvernement ne doivent pas enfreindre le Décalogue. Quant aux citoyens que leurs talents, leurs mérites, leur naissance ou leur fortune ont placés dans une position éminente. Nous les avons fréquemment invités à unir leurs lumières et leurs forces pour protéger et promouvoir les biens les plus importants de la société politique.*
§ 6*. -- Mais il y a beaucoup trop de choses, dans l'état actuel de la société, qui affaiblissent les liens de l'ordre public et qui détournent les peuples d'une vie juste et honnête. Nous estimons que trois facteurs principaux travaillent à la désagrégation du bien commun temporel :*
*-- la répugnance pour une vie modeste et laborieuse ;*
*-- l'aversion pour la souffrance ;*
*-- l'oubli des biens futurs, objet de notre espérance.*
130:38
**I**
§ 7*. -- Nous déplorons -- et ceux-là qui s'en rapportent aux seuls critères de la raison naturelle et de l'utilité le reconnaissent et je déplorent eux aussi -- Nous déplorons une profonde maladie sociale. Elle consiste en une dépréciation des devoirs et des vertus qui honorent une vie simple et ordinaire. De là vient, dans les mœurs familiales, que l'obéissance naturelle est effrontément refusée par des enfants ne supportant aucune discipline austère et ferme. De là vient que les travailleurs perdent le goût de leur métier, fuient l'effort et, mécontents de leur sort, visent à un rang supérieur et revendiquent inconsidérément un partage égal des biens. Des sentiments analogues en conduisent beaucoup à déserter leur campagne natale pour les bavardages et les séductions de la ville.*
§ 8*. -- De là vient encore qu'il n'y a aucune harmonie entre les classes sociales ; que l'on bouleverse tout ; que les esprits sont tourmentés par les discordes et par l'envie ; que le droit est ouvertement violé ; que ceux qui ont été trompés dans leur espoir s'en prennent à la paix publique par la révolte et par l'émeute, et résistent à ceux qui ont la charge de maintenir la paix.*
§ 9*. -- La guérison de ces maux doit être demandée au Rosaire de Marie, qui consiste à la fois en un ordre fixe des prières et une pieuse méditation des mystères du Sauveur et de sa Mère, que l'on commente comme il faut, et d'une manière accessible aux simples fidèles, les* MYSTÈRES JOYEUX*, et que l'on présente à leurs regards comme un tableau des vertus dont ils offrent l'image : on y trouvera aisément une abondante matière pour des enseignements sur la conduite de la vie, qui attireront les âmes avec une admirable douceur.*
§ 10*. -- Que l'on contemple en esprit la maison de Nazareth, ce domicile naturel et surnaturel de la sainteté. Quel exemple pour la vie quotidienne ! Quel modèle parfait de la société familiale ! Simplicité et pureté des mœurs ; permanente union des cœurs ; point de désordres ; des égards mutuels ; et enfin l'amour, non point un amour de grimace et de mensonge, mais l'amour attentif à rendre service, qui se manifeste à tous les regards. Exemple d'application à subvenir aux besoins de la vie : mais* « *in sudore vultus *»*, à la sueur du front, comme ceux qui, sachant se contenter de peu, travaillent davantage à diminuer leur pauvreté qu'à augmenter leur avoir. Sur tout cela règne une parfaite paix du cœur, une joie de l'âme : l'une et l'autre accompagneront toujours la conscience du devoir accompli.*
131:38
§ 11*. -- Ces exemples de modestie et d'effacement, d'endurance dans le labeur et de bienveillance envers autrui, d'exactitude dans l'accomplissement des humbles devoirs de la vie quotidienne, et de toutes les autres vertus, à mesure qu'on les médite et qu'ils pénètrent dans les âmes, provoquent peu à peu une réforme intellectuelle et morale. Alors les charges de chacun n'apparaissent plus méprisables et ennuyeuses ; on s'y intéresse et s'y attache ; on y trouve une joie, et la conscience en sera plus forte pour faire le bien. Les mœurs s'adouciront à tous égards ; l'intimité familiale connaîtra l'amour et la joie ; les relations avec autrui comporteront beaucoup plus de déférence et de charité vraies. Et si cette réforme de la personne individuelle s'étend aux familles, aux cités, au peuple tout entier et aux institutions, quel profit manifeste pour le bien commun !*
**II**
§ 12*. -- La seconde maladie sociale, réellement très funeste, et que l'on ne saurait trop déplorer, car elle pervertit de plus en plus les âmes, consiste à refuser la souffrance, à écarter passionnément les contradictions et les difficultés. La plupart des hommes ne considèrent plus la paix et la liberté de l'âme comme la récompense de celui qui accomplit son devoir sans se laisser abattre par les périls ni les peines : ils se représentent un état idéal de la société où il n'y aurait plus de désagréments, et où tous les plaisirs de cette vie seraient rassemblés. Désirer si passionnément et si désordonnément une vie heureuse conduit à la dissolution du caractère ; s'il n'en est pas complètement anéanti, il en est du moins affaibli au point de céder et de succomber sous les misères de la vie.*
§ 13*. -- Ici encore, on peut attendre du Rosaire de Marie -- si grande est la force de l'exemple -- le plus grand secours pour raffermir les âmes, si l'on s'applique dès le plus jeune âge, et assidûment par la suite, à une contemplation silencieuse et douce des* MYSTÈRES DOULOUREUX*. Nous y voyons le Christ,* «* l'auteur de notre foi, qui la mène à la perfection *» (*Heb. XII, 2*)*, joindre le geste à la parole : afin que nous trouvions en Lui des exemples de son enseignement sur la patience dans les épreuves et les souffrances, Il a voulu endurer Lui-même les peines les plus difficiles à supporter. Nous Le voyons accablé d'une angoisse qui Lui donne une sueur de sang. Nous le voyons enchaîné comme un malfaiteur, subissant le jugement des pires, cruellement outragé, accusé de crimes qu'il n'a pas commis.*
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*Nous le voyons flagellé ; couronné d'épines, cloué à la croix ; jugé indigne de vivre, condamné à mort sur les clameurs de la foule. Nous méditons sur la souffrance de sa très Sainte Mère : un glaive de douleur a transpercé son cœur, afin qu'elle devienne et qu'elle soit appelée la Mère des douleurs.*
§ 14*. -- Celui qui donne à de tels exemples non pas un simple coup d'œil, mais une méditation fréquente, brûlera du désir de les imiter. Que la terre lui soit maudite, couverte de ronces et d'épines, que son esprit soit accablé de misères et son corps de maladies : il n'y aura rien, ni la méchanceté des hommes ni la colère des démons, il n'y aura aucun malheur privé ou public dont sa patience ne finira par triompher. C'est pourquoi l'on dit avec raison que le propre du chrétien est de faire et de supporter beaucoup,* «* facere et pati forta christianum est *»* ; car personne ne saurait être vraiment chrétien en se dispensant de suivre le Christ dans sa Passion. La vertu de patience n'est pas la vaine ostentation d'une âme endurcie à la douleur, comme pour certains philosophes de l'antiquité ; la vertu de patience prend modèle sur Jésus qui* « *au lieu de la joie qui lui était promise, endura la croix, sans s'arrêter à son infamie *» (*Heb., XII, 2*) : *après avoir demandé à Dieu le secours de Sa grâce, la vertu de patience ne récuse aucune souffrance mais, si grande soit-elle, la considère comme profitable. Le catholicisme a toujours eu et a toujours, en tous lieux et dans toutes les classes de la société des hommes et des femmes qui, mettant leurs pas dans ceux du Christ Notre-Seigneur, supportent avec un courageux esprit surnaturel les injures et les amertumes, redisant avec l'Apôtre Thomas, en actes plus encore qu'en paroles :* « *Allons nous aussi, et mourrons avec lui *» (*Jean, XI, 16*)*.*
*Que de tels exemples se multiplient de plus en plus, pour le bien de la société, pour la vertu et la gloire de l'Église !*
**III.**
§ 15*. -- Le troisième genre de maux auquel il faut porter remède est le plus caractéristique des hommes de notre temps. Dans les siècles précédents, même quand on aimait trop passionnément les choses de la terre, on n'avait cependant point un mépris total pour les choses célestes : les plus sages des païens tenaient la vie présente pour un lieu de passage et non pour une demeure permanente.*
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§ 16*. -- Aujourd'hui, bien qu'ils aient été formés par le christianisme, les hommes poursuivent les biens périssables de la vie présente comme s'ils voulaient non seulement écarter, mais bien effacer tout souvenir d'une patrie meilleure dans le bonheur éternel ; ils n'entendent plus l'avertissement de saint Paul :* « *Nous n'avons pas ici-bas de demeure permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir *» (*Heb., XIII, 14*)*.*
§ 17*. -- Voici la cause principale d'un tel état d'esprit : beaucoup s'imaginent que la préoccupation des choses futures abolit l'amour de la patrie terrestre et arrête le progrès politique et social. Or c'est tout à fait absurde. La nature des biens que nous espérons n'est pas telle qu'elle détourne l'esprit humain du souci des choses présentes ; le Christ lui-même nous a ordonné de chercher le royaume de Dieu en premier lieu, mais non point de mépriser tout le reste. L'usage des biens présents et des satisfactions honnêtes qu'ils procurent quand ils sont un stimulant ou une récompense de la vertu, -- et quand le rayonnement d'une civilisation humaine, mettant en lumière la communion de la cité terrestre, est une image de la cité céleste, -- n'a rien de contraire à la raison naturelle ni aux desseins de Dieu. Dieu est l'auteur de la nature comme de la grâce ; Il n'a pas voulu qu'elles se combattent mais que, conjuguées en une amicale collaboration, elles nous conduisent toutes deux plus aisément au bonheur éternel pour lequel nous sommes nés.*
§ 18*. -- Ceux qui n'aiment qu'eux-mêmes et leur plaisir, ceux dont les pensées se perdent dans les choses périssables au point qu'il leur devient impossible de s'élever plus haut, ceux là, plutôt que de trouver dans les biens visibles le désir des biens invisibles, perdent complètement de vue l'éternité et tombent au dernier degré de l'indignité. Dieu ne saurait infliger à l'homme un châtiment plus grave que de le laisser toute sa vie poursuivre les plaisirs dans l'oubli des biens éternels.*
§ 19*. -- On ne sera pas exposé à ce danger, si pratiquant la dévotion du Rosaire, on en médite souvent les* MYSTÈRES GLORIEUX*. Ce sont ces mystères qui révèlent les biens que notre œil ne peut apercevoir, mais dont nous savons par la foi que Dieu les a préparés pour ceux qui L'aiment.*
134:38
§ 20*. -- Nous y apprenons que la mort n'est pas l'entrée dans le néant, mais le passage d'une vie à une autre, et que le chemin du Ciel est ouvert à tous. Quand nous voyons le Christ monter au Ciel, nous nous rappelons sa promesse :* « *Je vais vous préparer une place. *» *Nous apprenions qu'un temps viendra où* « *Dieu séchera toute larme de nos yeux *»*, et où* « *il n'y aura plus de deuil, ni de gémissement, ni aucune douleur *»*, mais où* « *nous serons toujours avec Dieu, parce que nous verrons Dieu tel qu'Il est* « *; *»* rassasiés de Sa joie, concitoyens des saints *»*, en communion avec la Reine du Ciel, la bienheureuse Mère de Dieu.*
§ 21*. -- Ces méditations donnent à l'âme une sainte flamme et lui font répéter avec un grand saint :* « *que la terre me paraît vile quand je regarde le Ciel ! *» *Elles nous donnent la consolation de penser qu'* «* une tribulation passagère et superficielle nous charge de gloire éternelle *»*. En vérité, telle est la seule manière d'unir le temps présent et l'éternité, la cité terrestre et la cité de Dieu ; telle est la seule manière de former des âmes fortes et nobles. S'il y en a beaucoup la société conservera sa dignité et Sa grandeur ; le vrai, le bien et le beau y fleuriront, à l'image et ressemblance de Celui qui est le principe et la source éternelle de toute vérité, de toute bonté, de toute beauté.*
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§ 22*. -- On voit maintenant ce que Nous affirmions en commençant : quelle est la fécondité du Rosaire de Marie, quels admirables remèdes on y peut trouver pour guérir les maux de notre temps et combattre les très graves périls qui menacent la société toutefois, comme il est facile de le savoir, ceux là en éprouveront plus abondamment les bienfaits qui, adhérant aux pieuses associations du Rosaire, s'y consacreront particulièrement à l'aminé fraternelle et à la dévotion envers la très Sainte Vierge* (...)*.*
§ 23*. -- Que l'on s'applique donc à multiplier, développer et conduire de telles associations : cela revient d'abord aux Dominicains, conformément à la règle de leur Ordre, mais aussi à tous les prêtres qui ont charge d'âmes, notamment dans les églises où ces associations sont déjà canoniquement érigées. Nous désirons en outre que les prédicateurs des missions en pays païen ou en pays chrétien y travaillent eux aussi* (...)*.*
§ 24*. -- C'est donc là que Nous plaçons Notre espérance... *»
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#### Léon XIII : Encyclique Jucunda semper sur le Rosaire (8 septembre 1894).
« Comme les temps calamiteux traversés par l'Église et par la société civile réclament avec urgence le secours immédiat de Dieu, Nous avons pensé qu'il fallait *implorer ce secours par l'intercession de Sa Mère* et que le mode de supplication qui devait être employé était *celui dont le peuple chrétien n'avait jamais été sans éprouver la bienfaisante efficacité*. Il l'a éprouvée en effet, dès l'origine même du Rosaire, soit pour la défense de la foi contre les criminels assauts des hérétiques, soit pour restaurer l'éclat des vertus ; qu'il fallait relever et maintenir en un siècle d'une corruption étonnante ; il l'a éprouvée par une série ininterrompue de bienfaits privés et publics (...).
Les raisons subsistent encore *et se sont même accrues* d'exciter l'ardeur de la prière envers la Reine du Ciel (...).
Le secours que nous implorons de Marie par nos prières a son fondement dans l'office de médiatrice de la grâce divine qu'elle remplit constamment auprès de Dieu (...). Or cet office ne rencontre peut-être son expression dans aucune prière aussi bien que dans le Rosaire, où la part que la Vierge a prise au salut des hommes est présentée comme si elle se déroulait maintenant, et où la prière trouve une si grande satisfaction, soit par la contemplation successive des mystères sacrés, soit par la récitation répétée des prières.
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D'abord viennent les *Mystères joyeux*. le Fils, éternel de Dieu s'incline vers l'humanité et se fait homme ; mais avec le consentement de Marie, qui « conçoit du Saint-Esprit ». Alors Jean, par une grâce insigne, est » sanctifié » dans le sein de sa mère (cf. Lc, 1, 31-76) et favorisé de dons choisis « pour préparer les voies du Seigneur » ; mais tout cela arrive par la salutation de Marie, rendant visite, par inspiration divine, à sa cousine. Enfin le Christ, « l'attente des nations » (cf. Gen., XLIX, 10), vient au jour et il naît de Marie ; les bergers et les mages, prémices de la foi, se hâtent pieusement vers son berceau, « trouvent l'Enfant avec Marie sa Mère » (Mt, II, 11). Celui-ci ensuite, afin de s'offrir par un rite public en victime à Dieu son Père, veut être apporté dans le temple ; mais c'est par le ministère de sa Mère qu'il est « présenté là au Seigneur » (Lc, II, 22). La même Vierge, dans la mystérieuse perte de l'Enfant, le cherche avec une inquiète sollicitude et le retrouve avec une grande joie.
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Les *Mystères douloureux* ne parlent pas autrement. Dans le jardin de Gethsémani, où Jésus est effrayé et triste jusqu'à la mort, et dans le prétoire, où il est flagellé, couronné d'épines, condamné au supplice, Marie sans doute est absente, mais depuis longtemps elle a de tout cela la connaissance et la pensée. Car, lorsqu'elle se consacra tout entière à lui dans le temple avec son Fils, par l'un et l'autre de ces actes elle devint l'associée, de ce Fils dans la laborieuse expiation pour le genre humain ; et c'est pourquoi il n'est pas douteux qu'elle ait pris, en son âme, une très grande part aux amertumes, aux angoisses et aux tourments de son Fils. Du reste, c'est en sa présence et sous ses yeux que devait s'accomplir le divin sacrifice pour lequel elle avait généreusement nourri la victime. Dans le dernier de ces mystères, ce qu'il faut remarquer, et ce qui est le plus frappant, c'est que, « auprès de la croix de Jésus se tenait debout Marie, sa Mère » (Jean, XIX, 25), laquelle, emplie pour nous d'une immense charité, afin de nous recevoir pour ses fils, offrit elle-même volontairement son Fils à la justice divine, mourant en son cœur avec lui, transpercée d'un glaive de douleur.
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Dans les *Mystères glorieux* qui viennent ensuite, le même miséricordieux office de la Sainte Vierge s'affirme plus abondamment encore. Elle jouit dans le silence de la gloire de son Fils triomphant de la mort ; elle le suit de sa maternelle tendresse lorsqu'il remonte dans les demeures d'en haut ; digne du Ciel, elle est cependant retenue sur la terre, consolatrice la meilleure et directrice de l'Église naissante, « elle qui a pénétré, au-delà de tout ce que l'on pourrait croire, l'abîme insondable de la divine sagesse » (saint Bernard).
Et comme l'œuvre de la rédemption des hommes ne sera pas achevée avant la venue de l'Esprit Saint promis par le Christ, voici la Vierge dans le Cénacle où, priant avec les apôtres et pour eux, avec un ineffable gémissement, elle hâte pour l'Église le don suprême du Christ, la plénitude de ce même Esprit, trésor qui ne fera défaut en aucun temps. Mais elle doit remplir plus complètement et à jamais l'office de notre avocate lorsqu'elle est passée dans la vie éternelle. Nous la voyons transportée de cette vallée de larmes dans la cité sainte, entourée des chœurs des anges ; nous l'honorons dans la gloire des saints, couronnée par Dieu son Fils d'un diadème étoilé, et assise auprès de Lui, Reine et maîtresse de l'univers.
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Toutes ces choses, dans lesquelles « le dessein de Dieu » se manifeste, « dessein de sagesse, dessein de piété » (saint Bernard), et où éclatent en même temps les très grands bienfaits de la Vierge Mère à notre égard, ne peuvent pas ne pas produire sur tous une douce impression, en inspirant la ferme confiance que, par l'intermédiaire de Marie, on obtiendra de Dieu clémence et miséricorde.
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La *Prière vocale*, qui est en parfait accord avec les mystères, agit dans le même sens.
On commence d'abord, comme il convient, par l'Oraison dominicale adressée au Père céleste ; après l'avoir invoqué par les plus nobles demandes, la voix suppliante se tourne vers Marie, conformément à cette loi de la miséricorde et de la prière que saint Bernardin de Sienne a formulée en ces termes : « toute grâce qui est communiquée en ce monde arrive par trois degrés. Car, de Dieu dans le Christ, du Christ dans la Vierge et de la Vierge en nous, elle est très régulièrement dispensée. » Parmi ces degrés, qui sont de diverses natures, nous nous arrêtons plus volontiers en quelque sorte, et plus longuement, au dernier, en vertu de la composition du Rosaire, la Salutation angélique se récitant par dizaines, comme dans le but de monter avec plus de confiance aux autres degrés, c'est-à-dire par le Christ, à Dieu le Père.
Nous répétons tant de fois la même Salutation à Marie afin que notre prière, faible et imparfaite, soit soutenue par la confiance nécessaire, suppliant la Vierge d'implorer pour nous, comme en notre nom, le Seigneur. Nos accents auront auprès de Lui beaucoup de faveur et de puissance, s'ils sont appuyés par les prières de la Vierge, à laquelle Il adresse Lui-même cette tendre invitation : « que la voix résonne à mon oreille, car ta voix est douce » (Cant II, 14). C'est pourquoi nous rappelons tant de fois les titres glorieux qu'elle a à être exaucée. En elle, nous saluons celle qui « a trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc I, 30), et particulièrement celle qui a été par Lui « comblée de grâce » (Lc I, 28), de façon que la surabondance en découlât sur tous ; celle à qui le Seigneur est attaché par l'union la plus complète qui fut possible ;
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celle qui est « bénie entre toutes les femmes », qui « seule enleva l'anathème et porta la bénédiction » (saint Thomas, Commentaire de la Salutation angélique, n° 8), le fruit bienheureux de ses entrailles, dans lequel « toutes les nations seront bénies » (cf. Gen., XVIII, 18) ; nous l'invoquons, enfin, comme Mère de Dieu ; de cette sublime dignité, que n'obtiendra-t-elle pas pour nous, pécheurs, que ne pouvons-nous pas espérer pendant toute notre vie et à l'heure suprême de l'agonie ?
Il est impossible que celui qui se sera appliqué avec foi à la *récitation de ces prières* et à la *méditation de ces mystères* ne soit pas frappé d'admiration devant les desseins de Dieu réalisés en la Sainte Vierge *pour le salut commun des nations*, et il s'empressera de se jeter avec confiance sous sa protection et dans ses bras, en redisant cette invocation de saint Bernard : « Souvenez-vous, ô très pieuse Vierge Marie, que l'on n'a jamais entendu dire que celui qui a eu recours à votre protection, imploré votre assistance, sollicité votre secours, ait jamais été abandonné. »
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La vertu que possède le Rosaire pour inspirer, à ceux qui prient, la confiance d'être exaucés, il l'a également pour émouvoir la miséricorde de la Sainte Vierge à notre égard. Il est facile de comprendre combien il lui plaît de nous voir et de nous entendre pendant que, selon le rite, nous tressons en couronne les plus nobles prières et les plus belles louanges. En priant ainsi, nous souhaitons et nous rendons à Dieu la gloire qui lui est due ; nous cherchons uniquement l'accomplissement de Sa volonté ; nous célébrons Sa bonté et Sa munificence, Lui donnant le nom de Père et, dans notre indignité, sollicitant les dons les plus précieux ; tout cela est merveilleusement agréable à Marie ; et vraiment dans notre piété elle glorifie le Seigneur ; car nous adressons à Dieu une prière digne de lui (...).
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*Le siècle où nous vivons a de plus en plus besoin des secours du Ciel, principalement parce que l'Église rencontre de toutes parts de nombreux sujets d'affliction, attaquée dans son droit et dans sa liberté *; parce que les États chrétiens subissent de nombreuses atteintes qui ébranlent dans leur fondement la prospérité et la paix. Or, Nous déclarons de nouveau hautement que *pour obtenir ces secours, Nous mettons dans le Rosaire la plus grande espérance*. »
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#### Léon XIII : Encyclique Adjutricem populi sur le Rosaire et l'unité chrétienne (5 septembre 1895).
« Il faut se confier à Marie, il faut supplier Marie ! Que ne pourra-t-elle pas pour hâter par sa puissance ce nouveau triomphe si désiré de la religion, qui mettrait les esprits d'accord par la profusion de la même foi dans toutes les nations chrétiennes, et qui unirait les volontés par le lien de la charité parfaite (...)
La Sainte Vierge doit écouter favorablement nos prières en faveur des nations dissidentes : ces nations, et surtout les nations orientales, ont jadis bien mérité d'elle. C'est à elles que l'on doit pour beaucoup la propagation et l'accroissement de son culte (...)
Un grand secours a été divinement donné en Marie pour l'unité chrétienne. Et s'il n'y a pas un mode unique de prière qui puisse mériter ce secours, Nous croyons qu'aucun autre n'est meilleur ni plus salutaire glue celui du Rosaire. »
#### Léon XIII : Encyclique Fidentem piumque sur le Rosaire (20 septembre 1896).
« *La prière dont Nous parlons a été décorée du beau nom de Rosaire comme si elle avait quelque chose du parfum suave des roses et de la grâce des guirlandes fleuries. Non seulement elle est bien faite pour honorer la Vierge que l'on salue à juste titre comme la* « *Rose mystique* » *du Paradis et qui y règne en souveraine, le front ceint d'un diadème étoilé, mais son nom lui-même semble présager la couronne de joies célestes que Marie offrira à ses serviteurs* (...).
Le Rosaire s'adapte très bien à la *prière en commun*, et ce n'est pas sans raison qu'on l'a appelé le « Psautier de Marie ». Il faut donc garder religieusement ou faire renaître cette coutume autrefois en vigueur chez nos ancêtres ; dans les familles chrétiennes, à la ville comme aux champs, c'était un usage sacré, à la chute du jour, de se réunir après le dur labeur devant l'image de la Vierge et d'alterner la récitation des prières. Marie recevait avec complaisance ce témoignage de fidélité et d'union des cœurs ; elle était au milieu d'eux comme une bonne mère entourée d'une couronne d'enfants, elle leur donnait les bienfaits de la paix domestique, présage de la paix céleste.
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Aussi, considérant cette *efficacité de la prière en commun*, entre autres décisions concernant le Rosaire, Nous avons déclaré souhaiter *que cette prière fût récitée chaque jour dans les cathédrales de chaque diocèse et tous les jours de fête dans les églises paroissiales *: que cette pratique soit observée avec constance et avec zèle (...).
Nous avons présent à l'esprit l'exemple du Christ qui, dans une prière à son Père, Lui demanda que Ses disciples fussent un dans la foi et dans la charité. Que sa très Sainte Mère ait fait elle aussi avec ferveur cette même prière, nous en avons une preuve célèbre entre toutes dans l'histoire apostolique. Celle-ci nous présente la première assemblée des apôtres implorant et attendant avec une grande confiance l'effusion promise de l'Esprit Saint : en même temps la présence de Marie priant au milieu d'eux y est spécialement mentionnée : « tous persévéraient ensemble dans la prière avec Marie Mère de Jésus » (Act., I, 14).
C'est pourquoi, de même que l'Église à son berceau s'est justement unie à Marie dans la prière comme à la promotrice et à la gardienne excellente de l'unité, de même aujourd'hui, il convient d'agir de la sorte dans tout l'univers catholique, surtout durant le mois d'octobre que depuis longtemps, en raison des circonstances douloureuses que traverse l'Église, Nous avons voulu dédier et consacrer à Marie par la récitation solennelle du Rosaire. »
#### Léon XIII : Encyclique Augustissimae sur le Rosaire (12 septembre 1897).
« Si on considère à quel degré éminent de dignité et de gloire Dieu a placé la très auguste Vierge Marie, on comprendra facilement combien il importe aux intérêts privés et publics d'entretenir assidûment son culte et de le répandre avec un zèle chaque jour plus ardent (...). A l'approche du mois d'octobre Nous ne pouvons omettre de vous écrire à nouveau une exhortation aussi ardente que possible pour que tous s'appliquent, par la récitation du Rosaire, à acquérir des mérites pour eux-mêmes et pour l'Église militante (...). L'histoire de l'Église atteste l'efficacité de cette prière (...). C'est une œuvre excellente qu'accomplissent les membres du saint Rosaire en tressant pour ainsi dire comme de roses tant de salutations et de prières à Marie. Telle est, en effet, la grandeur de Marie, si puissante est la faveur dont elle jouit auprès de Dieu, que de ne pas recourir à elle dans les besoins, ce serait vouloir voler sans ailes. »
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#### Léon XIII : Lettre apostolique Parta humano generi (8 septembre 1901).
« Les prières que saint Dominique, guidé et soutenu par Dieu, a, le premier, composées, en l'honneur de Marie, y joignant dans un ordre déterminé les mystères de la Rédemption, ont été à juste titre appelées Rosaire (...). De nos jours, la vieille hérésie albigeoise, sous un nom différent et sous le patronage d'autres sectes, renaît d'une manière étonnante, avec les formes et les séductions nouvelles d'erreurs et de doctrines impies (...). Rien ne peut être plus efficace pour nous concilier la faveur de la Vierge Marie et nous mériter les grâces les plus salutaires, que d'entourer des plus grands honneurs possibles les mystères de notre Rédemption auxquels nous voyons qu'elle n'a pas seulement assisté mais participé, et de dérouler devant tous les yeux la série de ces divines vérités proposées à notre méditation... »
#### Saint Pie X : Encyclique Ad diem illum (2 février 1904).
Cette Encyclique de saint Pie X ne traite pas explicitement du Rosaire ; elle contient néanmoins un enseignement susceptible d'enrichir la méditation des mystères, spécialement dans la ligne de l'Encyclique *Laetitiae sanctae* de Léon XIII :
« Le culte de la Mère de Dieu doit jaillir du cœur ; les actes du corps n'ont ici ni utilité ni valeur s'ils sont isolés des actes de l'âme. Or ceux-ci ne peuvent se rapporter qu'à un seul objet, qui est que nous observions pleinement ce que le divin Fils de Marie nous commande. Car si l'amour véritable est celui-là seul qui a la vertu d'unir les volontés, il est de toute nécessité que nous ayons cette même volonté avec Marie de servir Jésus Notre-Seigneur.
La recommandation que fit cette Vierge très prudente aux serviteurs des noces de Cana, elle nous l'adresse à nous-mêmes : « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jean, II, 5). Or voici la parole de Jésus-Christ : « Si vous voulez entrer dans la vie, observez les commandements » (Mt XIX, 17).
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Que chacun se persuade donc bien de cette vérité que, si sa piété à l'égard de la Bienheureuse Vierge ne le retient pas de pécher ou ne lui inspire pas la volonté d'amender une vie coupable, c'est là une piété fallacieuse et mensongère, dépourvue qu'elle est de son effet propre et de son fruit naturel (...)
D'où partent les ennemis de la religion pour semer des erreurs si graves et si nombreuses, dont la foi de beaucoup se trouve ébranlée ! Ils commencent par nier la chute primitive de l'homme et sa déchéance (...), le mal introduit parmi les hommes et entraînant la nécessité d'un rédempteur. Tout cela rejeté, il est aisé de comprendre qu'il ne reste plus de place ni au Christ ni à l'Église ni à la grâce, ni à quelque ordre qui dépasse celui de la nature. C'est l'édifice de la foi renversé de tond en comble.
Or, *que les peuples croient et qu'ils professent que la Vierge Marie a été dès le premier instant de sa conception préservée de toute souillure *: dès lors il est nécessaire qu'ils admettent la faute originelle et la réhabilitation de l'humanité de Jésus-Christ, et l'Évangile et l'Église, et enfin la loi de souffrance : *en vertu de quoi, tout ce qu'il y a de rationalisme et de matérialisme au monde est arraché par la racine et détruit*, et il en reste cette gloire à la sagesse chrétienne d'avoir conservé et défendu la vérité.
De plus, *c'est une perversité commune aux ennemis de la foi, surtout à notre époque, de répudier et de proclamer qu'il faut répudier tout respect et toute obéissance à l'autorité de l'Église*, voire même de tout pouvoir humain, dans la pensée qu'il leur sera plus facile ensuite de venir à bout de la foi (...). Or une telle peste, également fatale à la société et au nom chrétien, trouve sa ruine dans le dogme de l'Immaculée Conception de Marie, par l'obligation qu'il impose de *reconnaître à l'Église un pouvoir devant lequel doive s'incliner non, la seule volonté, mais encore l'esprit.* »
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#### Benoît XV : Encyclique Fausto appetente die (29 juin 1921).
« C'est par saint Dominique que Marie voulut enseigner à l'Église, Épouse de son Fils, le très saint Rosaire : cette prière tout ensemble vocale et mentale -- la méditation des principaux mystères de la religion accompagnant la récitation de quinze Pater et d'autant de dizaines d'Ave Maria -- est merveilleusement propre à nourrir la piété et à exciter les âmes à la pratique des vertus.
Saint Dominique était donc bien inspiré quand il demandait à ses disciples de s'efforcer souvent et avec zèle, dans leurs prédications, de rendre familière à leur auditoire cette forme de prière dont il avait pleinement constaté l'utilité (...). Celle que l'Église a l'habitude de saluer Mère de grâce et Mère de miséricorde s'est toujours montrée telle, *surtout quand on a recours au saint Rosaire *: et c'est pourquoi les Pontifes romains n'ont jamais négligé une occasion d'exalter l'efficacité du Rosaire marial et de l'enrichir du trésor des indulgences. »
#### Pie XI : Lettre au T.R.P. Gillet, Maître général des Dominicains (6 mars 1934).
« Parmi les armes dont se servit saint Dominique pour convertir les hérétiques, la plus puissante, ainsi que le savent bien les fidèles, fut le Rosaire marial, dont la pratique, enseignée par la Bienheureuse Vierge elle-même, s'est largement propagée dans tous les pays du monde catholique. Or d'où vient que cette très douce manière de prier a tant de force et d'efficacité ? Certainement des mystères mêmes du divin Rédempteur, que l'on contemple et médite pieusement, de sorte que l'on peut dire que *le Rosaire marial contient le principe et la base sur lesquels s'appuie l'Ordre de saint Dominique* pour procurer la perfection de vie de ses membres et le salut des autres hommes.
Aussi recommandons-Nous vivement cette forme très efficace de prière où l'on médite assidûment la fructueuse Rédemption du Seigneur et qui nous concilie au suprême degré la faveur de la Reine céleste ; et Nous souhaitons ardemment *que soit conservée religieusement, ou rétablie, l'habitude en honneur chez nos pères, chez qui c'était chose sacrée, pour les familles chrétiennes, de réciter dans une louange alternée, chaque jour, le Rosaire.* »
#### Pie XI : Encyclique Divini Redemptoris sur le communisme (19 mars 1937).
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« Apportez la plus rigoureuse attention à ce que les fidèles se défient de ces pièges. Le communisme est intrinsèquement pervers : il ne faut donc collaborer en rien avec lui, quand on veut sauver de la destruction la civilisation chrétienne et l'ordre social (...). *Mais* « *si le Seigneur ne garde la cité, c'est en vain que la garde veille *» (Ps CXXVI, I). *Vous donc, Vénérables Frères, Nous vous exhortons véhémentement à vous appliquer, chacun dans son diocèse, avec le plus grand soin possible, à ranimer l'ardeur de la prière et de la pénitence et à l'enflammer davantage chaque jour.*
*En effet, quand les Apôtres demandèrent au Christ Jésus pourquoi ils n'avaient pu chasser eux-mêmes le démon d'un homme qui délirait, le Seigneur répondit :* « *Cette sorte de démon ne peut être chassée que par la prière et par le jeûne *» (*Mt XVII, 20*)*. Nous pensons donc que les maux qui crucifient actuellement l'humanité ne peuvent être guéris que d'une façon : que tous ensemble combattent activement et saintement l'ennemi commun par la prière et par la pénitence : auprès de tous, et d'abord auprès des Ordres contemplatifs d'hommes et de femmes, Nous insistons vivement pour que, par leurs prières et leurs pénitences, ils obtiennent que Dieu apporte un puissant secours à son Église : qu'ils aient recours* A L'INTERCESSION DE L'IMMACULÉE, MÈRE DE DIEU, *qui écrasa jadis la tête de l'antique serpent et qui de la même façon est toujours la plus sûre Protectrice et l'invincible Secours des chrétiens. *»
#### Pie XII : Discours aux époux chrétiens sur le Rosaire dans la famille (16 octobre 1940).
« I. -- Le Rosaire, selon l'étymologie même, est une couronne de roses : chose ravissante qui, chez tous les peuples, représente une offrande d'amour et un signe de joie. Mais ces roses ne sont pas de celles dont les impies se font hâtivement des guirlandes, comme le dit la Sainte Écriture : « Couronnons-nous de roses, s'écrient-ils, avant qu'elles ne se fanent » (Sap., II, 8). Les fleurs du Rosaire ne se fanent point ; leur fraîcheur est sans cesse renouvelée par les mains des fidèles de la Sainte Vierge Marie ; et la diversité des âges, des pays, des langues, donne à ces roses vivaces la variété de leurs couleurs et de leurs parfums.
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A ce Rosaire universel et perpétuel, vous avez pris part depuis votre enfance. Vos mères vous ont enseigné à dérouler lentement entre vos doigts d'enfants les grains du Rosaire, et à prononcer en même temps les simples et sublimes paroles de l'Oraison dominicale et de la Salutation angélique. Plus tard, à l'occasion de votre première communion, vous vous êtes consacrés à votre Mère du Ciel, en récitant le Rosaire que vous aviez reçu en cadeau comme souvenir de ce grand jour, avec une ferveur ingénument accrue par la délicate beauté de ses perles. Que de fois, depuis, vous avez renouvelé votre double offrande à Jésus et à sa divine Mère, devant le tabernacle de l'Eucharistie ou dans les Congrégations mariales. Et maintenant, par ce sacrement de mariage, célébré en ce mois dédié à Marie, il Nous semble que toute votre vie à venir sera comme un entrelacement de roses, un Rosaire dont la persévérante et unanime récitation commença lorsqu'au pied des autels vous avez uni vos cœurs. Votre « oui » sacramentel a, de fait, quelque chose du Pater noster, par l'engagement qu'il implique de sanctifier ensemble le nom de Dieu dans l'obéissance à ses lois (sanctificetur nomen tuum), d'établir son règne dans votre foyer domestique (adveniat regnum tuum), de vous pardonner chaque jour vos offenses et manquements mutuels (et dimitte nobis... sicut et nos dimittimus), de combattre les tentations (et ne nos inducas in tentationem), de fuir le mal (sed libera nos a malo), et surtout le « fiat » décisif et confiant par lequel vous affrontez les mystères de l'avenir.
Ce « oui » est encore comme un écho de la Salutation angélique, parce qu'il vous ouvre une nouvelle source de grâce, dont Marie, gratia plena, est la souveraine dispensatrice, et qui est l'habitation de Dieu en vous (Dominus tecum) ; c'est un gage spécial de bénédiction, non seulement pour vous, mais aussi pour les fruits de votre union ; un nouveau titre de rémission des péchés durant la vie et d'assistance maternelle à l'heure suprême (nunc et in hora...). Donc, restant fidèles aux devoirs de votre nouvel état, vous vivrez dans l'esprit du saint Rosaire, et vos journées se dérouleront comme un enchaînement d'actes de foi et d'amour pour Dieu et Marie, au long des années...
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II. -- Mais un Rosaire signifie encore que ces mystères de votre avenir ne seront pas toujours et uniquement faits de joie : ils comporteront aussi leurs providentielles douleurs.
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C'est la loi de toute vie humaine, comme de toute branche de rose, que les fleurs soient mêlées aux épines. Vous vivez maintenant les *mystères joyeux*, et Nous espérons que vous en goûterez longuement les douceurs, puisque le bonheur est promis à ceux qui craignent le Seigneur et qui mettent toutes leurs délices dans l'accomplissement de ses commandements (Ps III, 1) ; et qu'il est promis aussi aux doux, aux miséricordieux, aux purs de cœur, aux pacifiques (Mt V, 4-9), et que vous efforcerez d'être tout cela. Vous espérez surtout que la Providence, dont les secrets desseins vous ont attirés l'un vers l'autre, répandra sur votre foyer la bénédiction promise aux Patriarches, chantée par les Prophètes, exaltée par l'Église dans la liturgie du Mariage : la joyeuse bénédiction de la fécondité, matrem filiorum laetantem (Ps CXII, 9).
De même qu'avec une reconnaissance filiale et une sage modération vous avez reçu et vous recevrez les joies d'aujourd'hui et de demain, ainsi vous accueillerez en esprit de foi et de soumission les *mystères douloureux* de l'avenir, quand l'heure en sonnera. Mystères ? C'est le nom que l'homme donne souvent à la douleur, parce que, s'il n'est pas accoutumé à chercher une explication à ses joies, il voudrait au contraire dans sa courte vue se rendre raison de ses disgrâces et il souffre doublement quand il n'en voit pas d'ici-bas le pourquoi. La Vierge du Rosaire, qui est aussi celle du « stabat », vous enseignera à rester debout, sous la croix, si dense son ombre puisse-t-elle être, car vous comprendrez, à l'exemple de cette « Mater dolorosa » et Reine des martyrs, que les desseins de Dieu dépassent infiniment les pensées des hommes et que, même quand ils brisent le cœur, ils sont toujours marqués par le plus tendre amour pour nos âmes.
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III. -- Enfin, pouvez-vous, devez-vous attendre et désirer, vous aussi, dans le Rosaire de votre vie, des *mystères glorieux *? Oui, s'il s'agit de la gloire que la foi seule peut percevoir et goûter. Les hommes trop souvent, s'arrêtent aux brumeuses clartés de la renommée, qui se distribue parmi eux au moyen d'actions ou de paroles bruyantes. Être loués, être célèbres, voilà en quoi consiste pour eux la gloire. « Gloria est frequens de aliquo fama cum laude », écrivait Cicéron : « la gloire est une large réputation accompagnée de louange ». Mais les hommes souvent n'ont pas assez d'attention à la gloire que Dieu seul peut donner, et pour cela, selon la parole de Notre-Seigneur, ils n'ont pas la foi. Comment est-il possible, disait-il aux Juifs, que vous croyiez, vous qui allez mendiant la gloire que les uns donnent aux autres et ne cherchez pas cette gloire qui de Dieu seul procède ? (Jean. V, 44).
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La gloire du monde s'évanouit comme la fleur des champs, s'écriait Isaïe (Is. VL, 2), et par la bouche de ce prophète, le Dieu d'Israël annonçait qu'il humilierait les grands de la terre (Is. VL, 2). que fera donc le Dieu incarné, ce Jésus qui se déclarait « humble de cœur » (Mt XI, 291), et qui n'a jamais cherché sa propre gloire (Jean VIII, 50) ?
Levez donc vos yeux en haut, ou plutôt pénétrez plus profondément, du regard de la foi et à la lumière des Saintes Écritures, dans le secret de vos âmes : « C'est une grande gloire, vous dira l'Esprit Saint, que de suivre le Seigneur » (Eccl XXIII, 38). Dans une famille où Dieu est honoré, « les fils des fils sont la couronne des vieillards, et leurs pères sont la gloire des enfants » (Prov. XVII, 61). Plus vos yeux seront purs, ô jeunes mères de demain, plus aussi vous verrez dans les chers petits êtres confiés à vos soins des âmes destinées à glorifier avec vous le seul objet digne de tout honneur et de toute gloire. Alors, au lieu de vous perdre, comme tant d'autres, dans des rêveries ambitieuses sur le berceau d'un nouveau-né, vous vous inclinerez dévotement sur le cœur fragile qui commence à battre, et penserez, sans vaines inquiétudes, aux mystères de son avenir, que vous confierez à la tendresse maternelle et combien plus puissante que la vôtre de la Vierge du Rosaire !
Ainsi, le Rosaire vous enseigne que la gloire du chrétien ne se réalise pas au cours de son pèlerinage terrestre. Interrogez la série des mystères : joyeux et douloureux, de l'Annonciation à la Crucifixion, ils fixent comme en dix tableaux toute la vie du Sauveur ; les mystères glorieux ne commencent que le jour de Pâques, et alors ne cessent plus : ni pour Jésus ressuscité qui monte à la droite du Père et envoie l'Esprit Saint pour présider jusqu'à la fin des siècles à la propagation de son règne ; ni pour Marie qui, assumée au Ciel sur les ailes des anges, y reçoit des mains du Père céleste la couronne éternelle.
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Il en sera ainsi de vous, si vous restez fidèles aux promesses faites à Dieu et à Marie, et si vous observez loyalement les devoirs que vous avez assumés l'un envers l'autre. Ne rougissez pas de l'Évangile (Rom I, 16), et à une époque où tant d'âmes faibles et vacillantes se laissent vaincre par le mal, n'imitez pas leurs égarements, mais triomphez du mal, selon le conseil de saint Paul, en faisant le bien (Rom XII, 21). Ainsi le Rosaire de votre vie, continue pendant une chaîne d'années que Nous vous augurons longues et bénies, aura son heureux achèvement lorsque tombera pour vous le voile des mystères dans la glorification lumineuse et éternelle de la Très Sainte trinité : gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Amen ! »
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#### Pie XII : Lettre du 31 juillet 1946.
« Le Rosaire a pour effet de nous mettre devant les yeux les mystères de la Mère de Dieu, nous fait méditer sur elle dans la piété de notre cœur, nous porte à l'aimer, à l'imiter et à lui demander son secours (...). *Abrégé de tout l'Évangile*, méditation des mystères du Seigneur, sacrifice du soir, guirlande de roses, hymne de louange, prière domestique, règle de vie chrétienne, sûr gage des faveurs célestes, asile du salut espéré, que la couronne mariale soit chez vous en très grand honneur... »
#### Pie XII : Encyclique Ingruentium malorum (15 septembre 1951).
« Nous connaissons bien la puissante efficacité du Rosaire pour obtenir l'aide maternelle de la Sainte Vierge. Bien que, certainement, il n'y ait point une seule et unique manière de prier pour obtenir cette aide, Nous estimons néanmoins que *le Rosaire est le moyen le plus adapté et le plus fructueux*, comme cela est du reste clairement suggéré par son origine même, plus divine qu'humaine, et par sa nature intime.
Y a-t-il en effet prière plus appropriée et plus belle que l'oraison dominicale et la Salutation angélique, qui sont comme les fleurs dont se compose cette couronne mystique ? Il résulte un autre grand avantage lorsque les prières orales s'accompagnent de la méditation des mystères : tous les fidèles, même les plus simples et les moins instruits, ont là une manière facile et rapide d'alimenter et d'affermir leur foi. Par la méditation fréquente des mystères, l'âme atteint et absorbe insensiblement les vertus qu'ils contiennent, elle s'enflamme vivement à l'espérance des biens immortels et se sent fortement et doucement stimulée à suivre la voie tracée par le Christ lui-même et par sa Mère. La récitation même des formules identiques, tant de fois répétées, loin de rendre cette prière stérile et ennuyeuse, possède au contraire, comme il est d'expérience, l'admirable vertu d'inculquer la confiance à celui qui prie et de faire une douce violence au Cœur maternel de Marie (...)
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Mais *c'est surtout au sein des familles que Nous désirons que la pratique du Rosaire soit répandue, religieusement conservée et sans cesse développée.*
C'est en vain qu'on s'efforce d'enrayer le déclin de la civilisation si l'on ne ramène pas à la foi de l'Évangile la famille, principe et fondement de la société. Nous tenons à le déclarer : la récitation du Rosaire en famille est un moyen des plus efficaces pour réaliser une entreprise si difficile.
Quel spectacle suave et très agréable à Dieu quand, à la tombée de la nuit, le foyer chrétien résonne des louanges en l'honneur de la Reine auguste du Ciel ! Alors la récitation du Rosaire rassemble devant l'image de la Sainte Vierge, dans une admirable union des cœurs, les parents et les enfants qui reviennent du travail de la journée ; cette prière les unit aux absents et aux défunts ; elles les attache enfin, par un lien d'amour d'une grande douceur, à Notre-Dame qui, en Mère très aimante, viendra au milieu de la couronne de ses enfants, répandant avec abondance dans le foyer les dons de l'union et de la paix.
Semblable à la famille de Nazareth, le foyer chrétien deviendra alors une demeure terrestre de sainteté, et comme un temple où le Rosaire non seulement sera une forme très particulière de prière montant chaque jour vers le Ciel avec un parfum agréable, mais constituera encore une école des plus efficaces de vertu et de vie chrétienne. La méditation des merveilleux mystères de la Rédemption enseignera aux grands à vivre en imitant chaque jour les splendides exemples de Jésus et de Marie, à puiser en eux le réconfort dans l'adversité et à tendre, grâce à leur motion, vers les trésors célestes « où les voleurs n'ont pas accès et où les mites ne rongent point » (Lc XII, 33). Aux enfants, la récitation méditée du Rosaire apprendra les principales vérités de la foi ; l'amour du très aimable Sauveur s'épanouira presque spontanément dans leurs âmes innocentes, tandis que l'exemple de leurs parents agenouillés avec respect devant la majesté de Dieu leur inculquera dès leurs plus tendres années l'éminente valeur de la prière récitée en commun.
Nous n'hésitons donc pas à le répéter : *Nous mettons une grande espérance dans le Rosaire pour la guérison des maux qui affligent notre époque.* Ce n'est pas avec la force, ni avec les armes, ni avec la puissance humaine, mais avec l'aide divine obtenue par cette prière que l'Église, forte comme David avec sa fronde, pourra affronter, intrépide, l'ennemi infernal (...). Si les maux et les attaques des méchants vont se multipliant, le zèle de tous les hommes de bien doit également augmenter. Que les fidèles s'efforcent d'obtenir de notre Mère très aimante, *spécialement au moyen du Rosaire*, qui lui est si agréable, *le retour prochain de temps meilleurs pour l'Église et pour la société.* »
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#### Lettre de Pie XII sur la récitation du chapelet en famille (14 juillet 1952).
La « Croisade de la récitation du chapelet en famille », lancée aux U.S.A. par le R.P. Patrick Peyton, fut introduite en Europe en 1952. C'est à ce propos que Pie XII a écrit la lettre suivante :
« Jamais le monde n'a eu besoin d'autant de prières qu'en ce jour, où une forme dangereuse de matérialisme tend à corrompre les relations des hommes avec leur Créateur et avec leurs semblables, et à détruire la sainteté de la vie familiale.
Le plus puissant antidote contre les maux qui menacent la société, c'est la prière, *et tout particulièrement la prière en commun*, car Notre-Seigneur a dit : « Si deux d'entre vous s'accordent sur la terre, quelque chose qu'ils demandent, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les cieux, car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux » (Mt XVIII, 1920). Et quelle forme de prière en commun pourrait être plus simple et en même temps plus efficace que le chapelet récité en famille, où parents et enfants se rassemblent pour supplier le Père éternel par l'intercession de la très aimante Mère, en méditant les mystères sacrés de notre foi ? Il n'y a pas de moyen plus sûr pour obtenir de Dieu les bénédictions sur la famille et tout spécialement pour maintenir la paix et le bonheur du foyer, que de réciter quotidiennement le chapelet. Car en plus de sa puissance de supplication, le Rosaire récité en famille peut avoir des effets lointains : si l'habitude de cette pieuse pratique est inculquée aux enfants, eux aussi deviendront fidèles à cette pratique au cours de leur vie, et par là leur foi sera nourrie et fortifiée. »
#### Pie XII : Lettre au Maître général des Dominicains sur la dévotion au Rosaire (11 juillet 1957).
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« L'Ordre dominicain a, dans les dix dernières années, travaillé avec une grande ardeur et un grand zèle pour que le Rosaire marial soit récité chaque jour avec une piété plus fervente, et pour que les associations pieuses qui en portent le nom soient, par votre œuvre constante et zélée, toujours plus florissantes. Cela Nous est très agréable. Par ce genre de prière, en effet, un moyen facile et rapide est ouvert à tous les chrétiens, même aux plus simples et aux moins instruits, pour susciter, nourrir, développer leur piété et leur ardeur religieuse (...)
Les Pontifes romains, et surtout Notre prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII, ont, comme vous le savez, exalté cette méthode de prière en lui décernant les plus grandes louanges, et en l'enrichissant de présents salutaires ; et Nous-même, par l'Encyclique « *Ingruentium malorum* », avons recommandé vivement le Rosaire marial aux chrétiens de toutes conditions (...)
Continuez donc, comme vous le faites, à promouvoir avec soin, ardeur et zèle, *le Rosaire marial et les diverses associations pieuses qui en portent le nom.* C'est un devoir de piété particulier, et non le moindre, de votre Ordre illustre envers la Mère de Dieu, envers l'Église et la religion. »
#### Pie XII : Lettre au Maître général des Dominicains sur le Rosaire (18 septembre 1958).
« Très prochainement va être révolu le cinquantenaire de l'institution providentielle, par des religieux français de l'Ordre dominicain, de l'œuvre pieuse communément appelée *pèlerinage du Rosaire à Lourdes* (...). Louable dessein de tendre à obtenir que la nation française au sein de laquelle la Vierge Marie, il y a un siècle, a établi d'une manière si éclatante le siège de sa bienveillance et de sa miséricorde, lui soit attachée par des liens de piété toujours plus étroits et se conforme d'une manière exemplaire à ses désirs et à ses recommandations.
D'où leur zèle religieusement empressé pour propager de plus en plus le Rosaire de Marie, comme a paru le recommander d'une manière pressante la très Sainte Vierge elle-même qui, à la Grotte de Lourdes, enseigna par son exemple cette formule de prière à l'innocente sainte Bernadette enfant... »
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#### Jean XXIII : Encyclique *Grata recordatio *sur le Rosaire (26 septembre 1959).
Texte intégral. Traduction française et intertitres de *L'Osservatore romano,* édition française du 9 octobre 1959.
Depuis Notre jeunesse, il Nous arrive souvent d'évoquer avec reconnaissance les Lettres Encycliques que Notre Prédécesseur d'imm. mém. Léon XIII adressa plusieurs fois au monde catholique, à l'approche du mois d'octobre, pour exhorter tous les fidèles à réciter pieusement le Rosaire, spécialement durant ce mois.
Il s'agit d'Encycliques diverses par le contenu, riches de science, animées d'une inspiration toujours nouvelle et plus que jamais opportunes pour la vie chrétienne. C'étaient des appels doux et pressants à adresser des prières confiantes à Dieu, en s'appuyant sur la toute-puissante intercession de la Vierge Mère de Dieu, invoquée par la récitation du Rosaire. En effet, celui-ci, comme tout le monde le sait, est une forme très excellente de prière méditée, dans laquelle les récitations du « Pater noster », de l' « Ave Maria » et du « Gloria Patri » s'unissent à la contemplation des plus hauts mystères de notre foi, grâce à quoi les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption de Notre-Seigneur se trouvent présentés à la méditation.
Ce doux souvenir du temps de notre jeunesse, ne Nous a jamais abandonné, au cours des années, et il ne s'est même pas affaibli ; au contraire -- Nous le disons en une confidence paternelle -- il a servi à rendre très cher à Notre esprit le Rosaire que Nous ne négligeons jamais de réciter entièrement chaque jour de l'année et que Nous désirons réciter avec une ferveur particulière surtout durant le prochain mois d'octobre.
Au cours de cette première année -- qui s'achève -- de Notre Pontificat, Nous avons invité plusieurs fois le clergé et le peuple chrétien à des prières publiques et privées ; mais Nous entendons le faire maintenant par une exhortations plus pressante et émue, pour plusieurs motifs que Nous exposerons brièvement dans cette Encyclique.
Évocation de deux anniversaires.
Le mois d'octobre prochain ramène le premier anniversaire de la pieuse mort de Notre Prédécesseur Pie XII de v. m., dont l'existence resplendit de nombreux et si grands mérites. Vingt jours plus tard, sans aucun mérite de Notre part, par un dessein mystérieux de Dieu, Nous avons été élevé au Pontificat Suprême. Deux Souverains Pontifes se tendent la main, comme pour se transmettre l'héritage sacré du troupeau mystique et proclamer la continuité de leur sollicitude pastorale anxieuse et de leur amour paternel pour tous les peuples.
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Ces deux dates, l'une de tristesse et l'autre de joie, ne sont-elles pas la claire démonstration aux yeux de tous que, dans la lente succession des événements humains, le Pontificat Romain survit sain et sauf au cours des siècles, même lorsque chaque Chef visible de l'Église Catholique, à l'échéance du temps fixée par la Providence, est appelé à quitter cette terre d'exil ?
Que les fidèles évoquent dans leur esprit et dans leur Cœur le défunt Pape Pie XII, et son humble Successeur, dans lesquels se perpétue la charge de Pasteur Suprême confiée à saint Pierre, et qu'ils adressent à Dieu la prière : « *Ut Domnum Apostolicum et omnes ecclesiasticos ordines in sancta religione conservare digneris, te rogamus audi nos*. »
Nous aimons rappeler ici que Notre Prédécesseur immédiat avec l'Encyclique « *Ingruentium malorum *», exhorta déjà les fidèles du monde entier, comme Nous le faisons maintenant, à la pieuse récitation du Rosaire, spécialement au mois d'octobre. Dans cette Encyclique il y a un avertissement que Nous répétons bien volontiers : « Adressez-vous avec une confiance toujours plus grande à la Vierge Mère de Dieu, à qui les chrétiens ont toujours et principalement recouru dans l'adversité, car elle » a été constituée source de salut pour tout le genre humain. »
Intentions missionnaires.
Le onze octobre, Nous aurons la très grande joie de remettre le Crucifix à une nombreuse phalange de hérauts de l'Évangile qui, abandonnant leur patrie aimée, se chargeront de la tâche ardue de porter la lumière de la foi chrétienne à des peuples lointains. Le même jour, l'après-midi, Nous désirons monter au Janicule pour célébrer sous d'heureux auspices le 1^er^ centenaire de fondation du Collège Nord-Américain, avec les supérieurs, les professeurs et les séminaristes.
Les deux cérémonies, bien que fixées sans intention le même jour, ont, la même signification : à savoir que l'Église Catholique est toujours, dans son action, inspirée par des motifs surnaturels et guidée par les principes et les fois de la vérité éternelle ; comme tous ses fils s'emploient de toute leur force à faire régner le respect mutuel, la fraternité et la paix entre les peuples.
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Le merveilleux spectacle de cette jeunesse qui, surmontant d'innombrables peines et difficultés, s'offre à Dieu pour que les autres aient eux aussi la connaissance du Christ, soit dans les terres les plus lointaines, non encore évangélisées, soit dans les immenses villes industrielles -- où, dans le rythme vertigineux de la vie moderne, les esprits, parfois se dessèchent et se laissent dominer par les choses terrestres --, ce spectacle, disons-Nous, est de nature à encourager à l'espérance de jours meilleurs.
Sur les lèvres des aînés, qui ont porté jusqu'à présent le poids de ces graves responsabilités, s'épanouit l'ardente prière de saint Pierre : « Donnez à vos serviteurs de prêcher votre parole avec une pleine assurance. »
Aussi désirons-Nous vivement que, durant le prochain mois d'octobre, tous ces fils soient recommandés par de ferventes prières à l'auguste Vierge Marie.
Paix et concorde entre les nations.
Il y a en outre une autre intention qui Nous pousse à adresser de plus ardentes supplications à Jésus-Christ et à sa Mère bien-aimée et auxquelles nous invitons le Sacré Collège des Cardinaux, vous-mêmes, Vénérables Frères, les prêtres et les âmes consacrées, les malades et les souffrants, les enfants innocents et tout le peuple chrétien. Et c'est celle-ci : que les hommes dont dépendent en grande partie le destin des Nations -- et qu'elles soient petites ou grandes, leurs droits légitimes et leurs richesses spirituelles demandent à être scrupuleusement conservés intacts -- évaluent avec soin l'importance et le grave péril de l'heure présente.
Nous prions donc le Seigneur afin qu'ils s'efforcent de connaître à fond les causes qui font naître les différents et qu'ils les surmontent avec bonne volonté ; qu'ils réfléchissent surtout au fait que les conflits armés -- Dieu veuille les écarter ! -- ne produisent rien d'autre que d'immenses ruines pour tous, et que dès lors ils ne mettent en eux aucune espérance ; qu'ils conforment la législation civile et sociale aux exigences réelles des hommes, sans oublier d'autres part les Lois éternelles qui émanent de Dieu et sont le fondement et l'axe de la vie civilisée elle-même ; et qu'ils se rappellent toujours que l'âme de chaque homme, créé par Dieu, est destinée à la posséder et à en jouir.
Il faut en outre être attentif au fait qu'il existe aujourd'hui des positions philosophiques et des attitudes pratiques répandues absolument inconciliables avec la doctrine chrétienne. Nous ne cesserons jamais, avec sérénité, mais avec précision et fermeté, d'affirmer cette inconciliabilité.
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Mais Dieu a fait les hommes et les nations guérissables !
Aussi avons-Nous confiance qu'on délaisse dans l'avenir les postulats et les thèses issus d'une manière de penser et d'agir peu à peu cristallisée et empreinte de laïcisme et de matérialisme, et que l'on cherchera et trouvera dans cette saine doctrine, confirmée chaque jour davantage par l'expérience, les remèdes opportuns. Or cette doctrine proclame que Dieu est l'auteur de la vie et de ses lois ; qu'il est garant des droits et de la dignité de la personne humaine ; que Dieu, en conséquence, est « notre salut et Rédemption ».
Notre esprit se dirige vers toutes ces régions où les peuples semblent en marche vers des temps meilleurs et où nous voyons un réveil de profondes énergies, qui fait espérer que les hommes à la conscience droite se sentiront poussés à promouvoir le vrai bien de la société humaine.
Afin que cette espérance se réalise de la façon la plus consolante, c'est-à-dire par le triomphe du Règne de la vérité, de la justice, de la paix et de la charité, Nous exhortons tous Nos fils dans le Christ à former « un seul cœur et une seule âme » et à élever des prières communes et ferventes à la Reine céleste et notre Mère bien-aimée durant tout le mois d'octobre, en méditant ces paroles de l'Apôtre des gentils : « Nous, nous sommes accablés de tribulations, quoique non écrasés ; nous sommes dans l'angoisse, quoique non dans le désespoir ; poursuivis, quoique non dépassés ; abattus, quoique non anéantis. Nous portons la mort de Jésus dans notre corps, mais pour que, dans ce même corps, apparaisse manifestement la vie de Jésus ».
Dernières intentions et bénédiction finale
Avant de terminer cette Lettre Encyclique, Vénérables Frères, Nous désirons vous inviter à réciter le Rosaire avec une dévotion particulière également pour ces autres intentions que Nous avons tant à Cœur : c'est-à-dire, afin que le Synode de Rome soit fécond et salutaire pour Notre Ville Éternelle ; et afin que toute l'Église retire du prochain Concile Œcuménique -- auquel vous participerez par votre présence et votre conseil -- un profit si merveilleux que la vigoureuse floraison de toutes les vertus chrétiennes, que Nous en attendons, serve d'encouragement et de stimulant également pour tous Nos frères et fils, qui sont séparés du Siège Apostolique.
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Avec cette espérance des plus joyeuses et avec une grande affection, Nous vous donnons, Vénérables Frères, ainsi qu'aux fidèles confiés à chacun de vous ; et spécialement à tous ceux qui, d'un Cœur pieux et généreux, accueilleront Notre appel, la Bénédiction Apostolique.
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Les oppositions et incompréhensions rencontrées par la dévotion du Rosaire s'expriment souvent en prenant l'allure d'objections « modernes » et « à la page ». Or elles sont en réalité très anciennes et varient fort peu, comme on le constate par ces pages qu'écrivait au début du XVIII^e^ siècle saint Grignion de Montfort dans son livre *Le secret admirable du très saint Rosaire :*
Préparez votre âme à la tentation... Les hérétiques, les libertins, les honnêtes gens du monde, les demi-dévots et faux prophètes, de concert avec votre nature corrompue et tout l'enfer, vous livreront de terribles combats pour vous faire abandonner cette pratique (du Rosaire).
Pour vous prémunir contre les attaques, non pas tant des hérétiques et des libertins déclarés, que des honnêtes gens selon le monde, et des personnes même dévotes à qui cette pratique ne revient pas, je veux apporter ici simplement une petite partie de ce qu'ils pensent et disent tous les jours :
« -- Que veut dire ce grand diseur de chapelets et de rosaires ? qu'est-ce qu'il marmotte toujours ? quelle fainéantise ! Il ne fait rien autre chose que chapeleter ; il ferait bien mieux de travailler, sans s'amuser à tant de bigoteries.
« -- Vraiment oui ! ... Il ne faut que dire son Rosaire, et les alouettes tomberont toutes rôties du ciel : le Rosaire nous apportera bien de quoi dîner.
« -- Le bon Dieu dit : aide-toi et je t'aiderai ; pourquoi aller s'embarrasser de tant de prières ? *Brevis oratio penetrat coelos* un *Pater* et un *Ave* bien dits suffisent.
« -- Le bon Dieu ne nous a point commandé le chapelet ni le Rosaire ; cela est bon, c'est une bonne chose quand on a le temps, mais on n'en sera pas moins sauvé sans cela. Combien de saints qui ne l'ont jamais dit ? Il y a des gens qui jugent tout le monde à leur aune ; il y a des indiscrets qui portent tout à l'extrémité ; il y a des scrupuleux qui mettent du péché où il n'y en a point ; ils disent que tous ceux qui ne diront pas leur Rosaire seront damnés.
« -- Dire son chapelet, cela est bon pour des femmelettes ignorantes, qui ne savent pas lire !
« -- Dire son Rosaire ! Ne vaut-il pas mieux dire l'Office de la sainte Vierge ou réciter les sept psaumes ? y a-t-il rien d'aussi beau que ces psaumes que le Saint-Esprit a dictés ?
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« -- Vous entreprenez de dire votre Rosaire tous les jours ; feu de paille que tout cela ; cela ne durera pas longtemps. Ne vaut-il pas mieux en prendre moins, et y être plus fidèle ?
« -- Allez, mon cher ami, croyez-moi, faites bien votre prière soir et matin et travaillez pour Dieu pendant la journée ; Dieu ne vous demande pas davantage. Si vous n'aviez pas, comme vous avez, votre vie à gagner, passe encore : vous pourriez vous engager à dire votre Rosaire. Ce que vous pouvez, c'est le dire les dimanches et fêtes à votre loisir, mais non pas les jours ouvriers : il vous faut travailler.
« -- Quoi ! avoir un si grand chapelet de bonne femme ! ... Laissez-là, laissez ces dévotions extérieures : la vraie dévotion est dans le cœur, etc. »
Plusieurs gens habiles et grands docteurs, mais esprits forts et orgueilleux, ne vous conseilleront guère le saint Rosaire... Le Rosaire quotidien a tant d'ennemis, que je regarde comme une des plus signalées faveurs de Dieu, la grâce d'y persévérer jusqu'à la mort.
Voici encore quelques citations extraites du même livre de Grignion de Montfort :
Les gens de nouvelles doctrines de nos jours, condamnées par l'Église, avec toute leur piété apparente, négligent beaucoup la dévotion au chapelet et au Rosaire, et souvent l'ôtent de l'esprit et du cœur de ceux ou de celles qui les approchent, sous les plus beaux prétextes du monde. Ils se gardent bien de condamner ouvertement, comme le font les calvinistes, le chapelet, le Rosaire ou le scapulaire ; mais la manière dont ils s'y prennent est d'autant plus pernicieuse qu'elle est plus fine.
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Mon *Ave Maria,* mon Rosaire ou mon chapelet, est ma prière, et ma très sûre pierre de touche pour distinguer ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu d'avec ceux qui sont dans l'illusion du malin esprit. J'ai connu des âmes qui volaient ce semble, comme des aigles, jusqu'aux nues, par leur sublime contemplation, et qui cependant étaient malheureusement trompées par le démon ; et je n'ai découvert leurs illusions que par l'*Ave Maria* et le chapelet, qu'elles rejetaient comme au-dessous d'elles.
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C'est une étrange illusion du démon, de croire que l'on puisse faire des oraisons plus sublimes que celles du *Pater* et de l'*Ave.*
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*Oportet *: il faut, il est nécessaire ; *semper orare *: toujours prier ; *et non deficere *: ne point cesser de prier (Luc, XVIII, 1) ...
Ce sont les paroles éternelles de Jésus-Christ, qu'il faut croire et pratiquer sous peine de damnation. Expliquez-les comme il vous plaira, pourvu que vous ne les expliquiez pas à la mode, afin de ne les pratiquer qu'à la mode.
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Voulez-vous arriver à un haut degré d'oraison sans pourtant l'affecter, et sans tomber dans les illusions du démon si ordinaires aux personnes d'oraison ? Dites tous les jours, si vous pouvez, votre Rosaire entier, ou du moins le chapelet. Y êtes vous déjà arrivé par la grâce de Dieu ? Si vous voulez vous y conserver et y croître dans l'humilité, conservez la pratique du saint Rosaire, car jamais une âme qui dit son Rosaire tous les jours ne sera formellement hérétique ni trompée par le démon : c'est une proposition que je signerais de mon sang.
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Lorsque la récitation du saint Rosaire se trouve en concurrence avec une action à laquelle engage son état, on doit préférer cette action au Rosaire, quelque saint qu'il soit.
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Ce n'est pas proprement la longueur, mais la ferveur de la prière qui plaît à Dieu et qui lui gagne le cœur. Un seul *Ave Maria* bien dit est d'un plus grand mérite que cent cinquante mal dits, Presque tous les catholiques récitent le Rosaire, le chapelet, ou du moins quelques dizaines d'*Ave.* Pourquoi donc y en a-t-il si peu qui se corrigent de leurs péchés et avancent dans la vertu, sinon parce qu'ils ne font pas ces prières comme il faut.
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On lit dans *L'Homme nouveau* du 4 octobre 1959 :
« Les dernières statistiques du Centre International du Rosaire, dont le siège est à Fatima, révèlent que les associations dominicaines du Rosaire groupent actuellement 10 millions de membres dans cinquante-cinq pays. Soixante-trois revues ou bulletins du Rosaire sont édités chaque mois. Une centaine de livres sur le Rosaire paraissent chaque année.
159:38
Quarante-trois postes émetteurs de radio transmettent chaque jour des programmes spéciaux pour la récitation du Rosaire en famille.
« Le Rosaire à la radio a un très grand succès aux États-Unis et en Espagne. C'est une des émissions les plus suivies, comme la messe du dimanche en France. En Irlande, le chapelet est organisé par les ouvriers eux-mêmes dans 700 usines et bureaux, et des grèves ont eu lieu parce que certaines administrations s'y opposaient. »
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### Les Congrégations mariales : l'Action catholique dans l'esprit de la T. S. Vierge
Les Congrégations mariales remontent au XVI^e^ siècle (Bulle *Omnipotentis Dei* de Grégoire XIII, 5 décembre 1584). Elles se sont développées principalement sous l'instigation et la conduite de la Compagnie de Jésus.
Mais leur développement le plus frappant est celui du XX^e^ siècle. Le Pape Pie XII les a nommées « *l'Action catholique dans l'esprit de la très Sainte Vierge* » et insisté maintes fois sur le fait qu'elles CORRESPONDENT TOUT PARTICULIÈREMENT AUX BESOINS PROPRES DE NOTRE ÉPOQUE.
Voici les principaux enseignements de Pie XII et de Jean XXIII au sujet des Congrégations mariales.
#### 21 janvier 1945 : Discours aux Congrégations mariales.
« ...Le modèle du catholique tel que la Congrégation mariale depuis ses origines s'est appliquée à le modeler n'a peut-être jamais correspondu aux besoins et aux conjonctures de chaque époque au tant qu'à l'heure actuelle, et jamais peut-être aucune époque ne l'a aussi exigé que la nôtre.
En fait, que demande aujourd'hui la vie dans l'ordre civil ? Des hommes, de véritables hommes (...).
Et l'Église, que demande-t-elle ? Des catholiques, de vrais catholiques (...).
Former de tels hommes et de tels catholiques a toujours été le but des Congrégations mariales bien ordonnées et actives (...).
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Dans les Congrégations de la très Sainte Vierge, on a toujours cherché, avec tous les moyens les plus appropriés, à favoriser la culture aussi bien générale que professionnelle, l'une et l'autre en harmonie avec les qualités et l'état personnel de chacun (...). Les Congrégations dignes de ce nom ont partout cette préoccupation et montrent ce caractère qui leur est propre. En premier lieu, parce que l'efficacité du travail apostolique de chaque Congréganiste dépend en grande partie de sa valeur intellectuelle, sociale, professionnelle, et non pas seulement de ses qualités morales et spirituelles ; de plus, parce que, dès leur origine, les Congrégations, ayant en vue la *restauration d'une société chrétienne*, ont exercé particulièrement *leur apostolat dans la profession et par le moyen de la profession. *»
#### 27 septembre 1948 : Constitution apostolique Bis saeculari sur les Congrégations mariales.
« ...Du haut de cette chaire de Pierre mieux que de partout ailleurs, observant dans le monde entier l'admirable zèle de tant de chrétiens soucieux de protéger, de défendre et de propager la religion, Nous estimons dignes d'un éloge particulier les Congrégations mariales qui depuis leurs origines se sont proposé comme un devoir propre et particulièrement conforme à leurs règles d'entreprendre individuellement et en groupes, sous la conduite des Pasteurs, tous les travaux apostoliques recommandés par l'Église notre Mère. Avec quels succès et quels heureux accroissements du catholicisme ils ont satisfait à cette charge, les éloges réitérés des Souverains Pontifes le déclarent éloquemment. Et à notre époque tourmentée par tant de fléaux, c'est pour Nous une très joyeuse consolation de voir les Congréganistes déployer vigoureusement et efficacement leurs forces dans toutes les parties du *monde,* dans toute sorte d'apostolats et dans toutes les classes sociales, chez les jeunes particulièrement et chez les ouvriers (...).
Il ne faut pas non plus oublier les associations créées par les Congrégations mariales ou soutenues par elles en vue de combattre l'immoralité des spectacles au théâtre et au cinéma, de protéger la morale contre les mauvais livres et la presse corrompue, d'ouvrir gratuitement des écoles aussi nombreuses que possible aux enfants et aux adultes peu fortunés, de créer des écoles techniques pour perfectionner les ouvriers dans leur métier, celles surtout destinées à préparer, d'une manière plus poussée aux diverses professions et spécialités ; cette forme d'apostolat, si nécessaire dans les circonstances actuelles, est développée par un grand nombre de Congrégations mariales, les Congrégations interparoissiales surtout, pour des groupes dont les membres sont unis entre eux par la similarité de métier ou de profession.
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Voilà donc des œuvres nombreuses et fort utiles au catholicisme. A ce sujet il faut également louer les Congrégations mariales d'avoir toujours sincèrement souhaité, surtout en ces derniers temps, travailler fraternellement en plein accord avec les autres associations catholiques, dans le désir que cette union des forces, sous l'autorité de la conduite des Évêques, produisît pour le règne du Christ des fruits plus abondants (...).
En outre, comme toute la force des catholiques groupés et ordonnés comme une armée consiste dans l'obéissance aux Pasteurs, qui ne voit quels bons instruments d'apostolat il faut estimer les Congrégations mariales à cause de leur soumission absolue et fervente non seulement au Siège Apostolique qui est la tête et la source de toute la Hiérarchie ecclésiastique, mais aussi, selon leur nature et leurs moyens, aux ordres et conseils des Ordinaires reçus avec une obéissance humble et docile ?
Qui étudiera en effet le régime intérieur de ces Congrégations, constatera qu'elles se trouvent, les unes sous l'autorité des Évêques et des Curés, les autres, par privilège, sous la Nôtre propre, et par délégation reçue de Nous, sous l'autorité du Général de la Compagnie de Jésus ; toutes cependant, dans le choix et la poursuite des travaux apostoliques, sont soumises à l'Évêque du lieu ou même en certains cas au Curé. Ainsi donc la Hiérarchie ecclésiastique, dont elles dépendent entièrement dans l'entreprise et la poursuite des œuvres, les compte parmi les effectifs de l'Apostolat militant (...).
Les Congrégations mariales considérées soit dans leurs règles, soit dans leur nature, leur but, leurs efforts, *ne manquent d'aucun des caractères qui définissent l'Action catholique* (...). Les Congrégations mariales peuvent de plein droit être appelées *l'Action catholique entreprise sous l'inspiration et avec le secours de la très Sainte Vierge...*
Le Siège Apostolique l'a déclaré maintes fois : l*'Action catholique ne se cantonne pas dans un cercle fermé*, comme en des limites définies de façon rigide et qu'il ne faudrait pas dépasser ; *elle ne prétend pas atteindre son but par un moyen et une méthode particulière, au point de supprimer ou d'absorber les autres associations actives de catholiques *; elle considérera plutôt comme son rôle de les unir, trouver des arrangements amicaux, faire profiter les progrès de l'une au bien des autres, dans une concorde parfaite, dans l'union et la charité. En effet, comme Nous l'avons récemment recommandé en termes exprès, dans cette remarquable ferveur de l'apostolat, que Nous louons grandement, *il faut éviter l'erreur de certains, qui veulent réduire à une seule formule tout ce qu'on entreprend pour le bien des âmes ; car, il faut le dire, cette manière d'agir s'écarte complètement de l'esprit de l'Église ;* celle-ci est loin d'approuver cette restriction de l'épanouissement spontané de la vie, qui confie toute œuvre apostolique à une seule association ou à une seule paroisse ; elle est bien plutôt favorable à une unité multiforme dans la conduite de ces œuvres qu'il faut orienter vers un même but dans un effort fraternel commun, sous la direction des Évêques.
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Or l'union des esprits et des cœurs, la coordination et la compréhension mutuelle que Nous avons si souvent recommandées, ces associations y arriveront d'autant plus facilement qu'elles auront d'abord écarté toute controverse de primauté, et que s'aimant plus profondément dans la charité fraternelle, elles feront passer les autres avant elles dans leur estime et ne cherchant que la gloire de Dieu, elles se persuaderont être préférables aux autres le jour où elles auront appris à laisser aux autres la première place.
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Pour ces motifs, et dans l'espoir très vif que ces écoles de piété et de vie chrétiennes active croissent de jour en jour en vigueur et en force, Nous déclarons de façon expresse, en vertu de Notre autorité apostolique, certains points communs aux Congrégations du monde entier et que tous les intéressés doivent garder religieusement.
I. -- Les Congrégations mariales dûment agrégées à la Prima Primaria du Collège romain sont des associations religieuses érigées et constituées par l'Église, et ont reçu d'elle les plus larges faveurs pour mieux accomplir leur mission.
II. -- On ne doit reconnaître pour Congrégation mariale légitime que celle qu'à érigée l'Ordinaire compétent, savoir : le Général de la Compagnie de Jésus dans les lieux qui appartiennent à cette Compagnie ou lui sont confiés ; partout ailleurs, l'Évêque du lieu ou, de son consentement formel, le Général plus haut mentionné. Pour jouir des privilèges et indulgences accordées à la Prima Primaria, une Congrégation, érigée comme Nous avons dit, doit lui être dûment agrégée. Cette agrégation, qui se demande avec le consentement de l'Ordinaire et ne relève que du Général de la Compagnie de Jésus, ne confère à la Prima Primaria, non plus qu'à la Compagnie de Jésus, aucun droit sur cette Congrégation.
III. -- Les Congrégations mariales, *répondant pleinement aux besoins actuels de l'Église*, doivent, selon la volonté des Souverains Pontifes, garder intacts leurs lois, leur caractère et leur méthode de formation.
IV. -- Les règles communes qu'il faut observer au moins sur les points essentiels si on veut obtenir l'agrégation, sont instamment recommandées à toutes les Congrégations comme le résumé et le code de la discipline observée dès le début des Congrégations et confirmée par un constant usage.
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V. -- Les Congrégations mariales, exactement comme les autres groupements qui se consacrent au travail apostolique, dépendent toutes de la Hiérarchie ecclésiastique, de manière substantiellement identique, bien qu'accidentellement diverse.
VI. -- Pour éviter dans l'extension du règne de Dieu et la défense des droits de l'Église la dispersion des troupes et l'énervement des forces, les Congréganistes de la Sainte Vierge s'attacheront fidèlement aux exemples de leurs premiers membres et à la pratique actuelle ; dans l'entreprise et la poursuite des travaux apostoliques, ils se rappelleront :
a\) que l'Ordinaire du lieu :
1*. selon les saints Canons et sous réserve des prescriptions et documents du Siège apostolique, a autorité sur absolument toutes les Congrégations de son diocèse pour ce qui concerne l'apostolat extérieur ;*
2*. qu'il a aussi autorité sur les Congrégations fondées en dehors du domaine de la Compagnie de Jésus et qu'il peut leur donner des règles particulières, en respectant cependant la substance des règles communes ;*
b\) que le Curé :
1*. est le directeur naturel des Congrégations de sa paroisse et donc qu'il lui revient de les diriger comme les autres groupements spirituels de son territoire ;*
2*. qu'il a sur toutes les Congrégations qui exercent l'apostolat dans son territoire l'autorité que lui confèrent les saints Canons et les statuts diocésains pour le bon ordre de l'apostolat extérieur.*
VII. -- Le Directeur légitimement nommé de toute Congrégation mariale, qui doit toujours être revêtu de la dignité sacerdotale, bien qu'il soit entièrement soumis à ces Supérieurs ecclésiastiques légitimes, jouit cependant, en vertu des règles communes, de pleins pouvoirs concernant la vie interne de la Congrégation elle-même, et il convient que le plus souvent il les exerce par des Congréganistes qui lui sont adjoints pour l'aider dans sa charge.
VIII. -- Ces Congrégations doivent se dire mariales non seulement à cause du titre qu'elles empruntent à la Bienheureuse Vierge Marie, mais surtout parce que tous et chacun de leurs membres font profession de singulière dévotion envers la Mère de Dieu, qu'ils s'engagent envers elle par une consécration totale, où ils promettent, non toutefois sous peine de péché, de combattre de toutes leurs forces sous l'étendard de la Vierge, pour leur propre salut et perfection, comme pour le salut et la perfection du prochain. Et cet engagement du Congréganiste à Marie le lie pour toujours, à moins qu'on ne le renvoie de la Congrégation pour indignité ou que sa légèreté le fasse lui-même la quitter.
165:38
IX. -- Dans le recrutement des Congréganistes, que l'on choisisse de préférence avec soin ceux qui, nullement satisfaits d'une manière de vivre vulgaire et commune, s'appliquent, selon les règles ascétiques et les exercices de piété proposés dans les règles, à réaliser, fussent-elles rudes, des ascensions dans leur cœur.
X. -- Il incombe aux Congrégations mariales de former leurs membres chacun selon sa condition, en sorte qu'on puisse les proposer à leurs égaux comme des modèles de vie chrétienne et d'activité apostolique.
XI -- Parmi les fins primaires des Congrégations il faut compter toute forme d'apostolat, *surtout social*, qui pour étendre le règne du Christ et défendre les droits de l'Église, leur est confié par la Hiérarchie ecclésiastique elle-même ; mais pour assurer cette pleine et vraie coopération des Congrégations à l'apostolat hiérarchique, *les règles qu'elles possèdent à cet effet ne sont aucunement à modifier ou à renouveler.*
XII. -- Enfin, les Congrégations doivent être mises sur le même rang que les autres associations poursuivant un but apostolique, qu'elles forment avec elles une fédération ou qu'elles soient avec elles rattachées à l'organisation centrale de l'Action catholique ; par suite, puisque les Congrégations doivent apporter leur concours empressé, sous la conduite et l'autorité des Pasteurs, à n'importe quelle autre association, *il n'est point nécessaire à chacun de leurs membres de s'inscrire à d'autres groupes.* »
#### 15 avril 1950 : Lettre au Général des Jésuites.
« ...L'Église désire que les Congrégations mariales se maintiennent partout à leur poste, *qu'elles aient pleinement le droit de se dire d'Action catholique*, sous la protection de la Sainte Vierge, et qu'elles soient considérées sur le même pied que les autres associations qui soutiennent les œuvres d'apostolat, sous l'unique autorité de la hiérarchie apostolique.
Nous aimons vous répéter ce que Nous avons dit au sujet des Congrégations affiliées à la « Prima Primaria », qui doivent avoir les notes particulières que nous avons décrites dans la Constitution apostolique « Bis sæculari ». Nous déclarons, en effet, que ces caractéristiques particulières ne sont pas un obstacle à *intégrer de plein droit les Congrégations mariales dans l'Action catholique placée sous la protection et l'inspiration de la Vierge Marie, et à leur donner parmi les groupements de l'Action catholique une place bien notable, et même très particulièrement indispensable* (...)
166:38
Nous vous exhortons à poursuivre dans cette voie, même si vous y rencontrez parfois des obstacles. Confiant dans l'aide de Dieu et de sa Mère, assuré des désirs et des ordres du Vicaire de Jésus-Christ, laissez tout doute et toute hésitation ; lancez hardiment l'œuvre des Congrégations mariales, selon leur nature et leur esprit. »
#### 14 octobre 1951 : Discours au 1er Congrès de l'Apostolat des laïcs.
« On se plaît souvent à dire que, durant les quatre derniers siècles, l'Église a été exclusivement « cléricale », par réaction contre la crise qui, au XVI^e^ siècle, avait prétendu parvenir à l'abolition pure et simple de la Hiérarchie ; et là-dessus on insinue qu'il est temps pour elle d'élargir ses cadres.
Pareil jugement est tellement loin de la réalité que c'est précisément depuis le Concile de Trente que le laïcat a pris rang et a progressé dans l'activité apostolique. La chose est facile à constater ; il suffit de se souvenir de deux faits historiques patents entre bien d'autres : les Congrégations mariales d'hommes exerçant activement l'apostolat des laïcs dans tous les domaines de la vie publique, l'introduction progressive de la femme dans l'apostolat moderne. »
#### 2 juillet 1953 : Lettre aux Congrégations mariales.
« Tous ceux qui connaissent Notre pensée sur l'apostolat d'aujourd'hui savent combien Nous tiennent à cœur les Congrégations mariales et leur constant développement spirituel (...)
Nous avons appris avec -- une grande joie et une grande satisfaction -- que pour mieux se conformer intégralement à la pensée de l'Église, les Congrégations mariales légitimement érigées et rattachées à la « Prima Primaria » du Collège romain entendent s'unir en une Fédération mondiale grâce à laquelle, conformément à Nos constantes exhortations tendant à une plus grande unité d'efforts et à un appui mutuel, puissent être obtenus d'heureux et fructueux résultats, en union avec toutes les associations analogues de l'Église militante (...). Aussi approuvons-Nous et louons-Nous bien volontiers les statuts de cette Fédération et invitons-Nous toutes les fédérations mineures, actuellement disséminées dans le monde, à adhérer en bloc à la Fédération mondiale (...).
167:38
Plus pure est la nature de l'Action catholique, plus étroite doit être son union dans l'apostolat avec la Hiérarchie. Il apparaît donc clairement jusqu'à quel point les Congrégations mariales sont tenues de refléter la véritable conception d'Action catholique : en effet, une fois qu'elles ont été érigées légitimement par la Hiérarchie, elles en dépendent uniquement et immédiatement dans toutes leurs œuvres d'apostolat ; aussi, comme Nous l'avons précisé à plusieurs reprises, une fois qu'elles ont été érigées, par là même et de plein droit, elles doivent être dites d'Action catholique et placées sur le même plan que les autres formes de celle-ci. La nouvelle Fédération Mondiale ne touchera nullement la nature hiérarchique des Congrégations mariales : car n'importe quel organisme fédéral, loin d'affaiblir l'union avec la Hiérarchie ecclésiastique, doit et entend la rendre sans cesse plus stable, forte et intime (...).
Particulièrement dignes de mention Nous semblent les congréganistes, si chers à Notre cœur, qui vivent dans l'Église du silence et dont Dieu seul voit dans le secret et accueille volontiers les œuvres, les sacrifices et les prières. Tous ceux qui d'une manière ou de l'autre sont persécutés pour la justice doivent savoir que la croix qui leur est présentée par la Divine Providence constitue une indiscutable et considérable contribution au retour des peuples opprimés par tant de maux vers la vie, le salut et le renouveau chrétien.
Les congréganistes travaillent avec persévérance et habileté, sans bruit pour la plupart -- comme il convient aux imitateurs de la très Sainte Vierge -- à la formation et à l'éducation des jeunes et au renouvellement de la vie paroissiale, familiale et sociale. Qu'ils continuent surtout à se distinguer par la plus active dévotion envers la Vierge Marie Mère de Dieu, comme également par la recherche de la vie intérieure et par des activités apostoliques de tout genre, *tendant spécialement à la reconstruction de la société* à la lumière des principes de la charité et de la justice sociale. »
#### 20 juillet 1953 : Allocution aux membres de la Congrégation mariale de Rennes.
« Vous savez déjà combien Nous aimons les Congrégations mariales, combien Nous estimons la sérieuse formation spirituelle qu'elles donnent à leurs membres, et une telle certitude vous a donné le désir d'entendre personnellement, à Rome même, et de Nos lèvres, l'approbation de vos efforts vers la perfection de la vie chrétienne dans la Congrégation mariale qui vous est si chère à juste titre.
168:38
Vous avez lu, Nous en sommes sûr, et vous avez entendu commenter la Constitution « Bis saeculari » du 27 septembre 1948, dans laquelle Nous confirmons les éloges accordés si souvent par Nos prédécesseurs aux Congrégations mariales (...).
Soyez heureux d'appartenir à une famille spirituelle qui compte dans ses rangs tant de héros et de saints. Considérez comme une grâce de choix d'y trouver, au moment où votre personnalité se forme et s'affirme, un idéal élevé, chevaleresque et en même temps un cadre solide et sûr pour y accéder. Quand le départ est bon, toute la course en profite, et l'ascension se poursuit à travers les difficultés ; rien ne l'arrête.
Vous venez d'une ville et d'un diocèse où la très Sainte Vierge a compté et compte encore de fervents serviteurs. Que saint Louis Grignion de Montfort et le Bienheureux Julien Maunoir demeurent vos modèles et vos protecteurs, quels que soient la place et le rôle que Dieu vous réserve dans la société et dans l'Église, ayez toujours à Cœur d'y employer généreusement les talents qu'il vous a donnés, selon l'esprit et les méthodes de la Congrégation mariale. »
#### 26 juillet 1954 : Message pour la consécration de la Bretagne au Cœur Immaculé de Marie.
La partie de ce message qui concerne directement la consécration au Cœur Immaculé de Marie a été citée plus haut dans les documents sur la consécration.
Sur les Congrégations mariales :
« Il existe depuis des siècles dans l'Église des Associations placées sous le patronage de Marie qui ont joué dans la sanctification personnelle de nombreux chrétiens et dans l'exercice du zèle apostolique un rôle providentiel maintes fois loué par Nos prédécesseurs et par Nous-même. Nous voulons parler, entres autres, de ces Congrégations mariales, que Nous avons appelées l'*Action catholique dans l'esprit de la très Sainte Vierge* et dont la Constitution apostolique « Bis saeculari » du 27 septembre 1948 a défini la nature et l'esprit. Nous avons appris avec joie qu'elles ont de fervents promoteurs en Bretagne et Nous souhaitons qu'elles trouvent dans ce pays de la Vierge un terrain fécond, d'où sortiront des légions d'âmes ferventes et apostoliques. Ce qu'elles accomplissent dans les nations les plus diverses et les plus éloignées de la Chrétienté, pourquoi ne le feraient-elles pas dans cette chère Bretagne dont la foi ancestrale connut de si brillantes époques, de si ardents renouveaux ? »
169:38
#### 8 septembre 1954 : Discours aux Congrégations mariales.
« C'est une grande joie pour Nous d'accueillir ce soir, dès leur arrivée, les milliers de Congréganistes de la très Sainte Vierge réunis à Rome pour la première session de leur Fédération mondiale (...).
Les Congrégations mariales ne sont pas de simples associations de piété, mais des écoles de perfection et d'apostolat. Elles s'adressent aux chrétiens qui, non contents de faire un peu plus que le nécessaire, sont décidés à répondre généreusement aux attraits de la grâce, *à chercher et pratiquer selon leur état de vie toute la volonté divine.* C'est pourquoi nul ne pourrait y être admis en vertu de quelque tradition, pour honorer la Congrégation ou recevoir d'elle estime et dignité. Seul entre en ligne de compte le désir d'une plus grande perfection, d'une vie chrétienne rayonnante de ferveur personnelle et apostolique (...). L'union à la Hiérarchie, signe visible de l'attachement sincère au Christ, sera aussi la pierre de touche de la pureté du zèle. Si Nous avons tenu à ranger les Congrégations mariales, telles que les définit la Constitution « Bis saeculari », parmi les formes les plus authentiques de l'Action catholique, c'est qu'elles travaillent expressément à faire entrer leurs membres dans l'esprit de l'Église, « sentire cum Ecclesia ». Or, cette disposition est la seule qui convienne, lorsqu'on prétend collaborer à l'apostolat de la Hiérarchie. Responsable de la gloire de Dieu sur la terre, dépositaire des pouvoirs divins, la Hiérarchie assigne leur tâche à chacun des volontaires qui s'offrent pour continuer l'œuvre du Christ. Afin de lui prêter une aide efficace, il ne suffit pas de soumettre à son approbation toute institution existante ou toute initiative nouvelle ; mais il importe d'entrer dans son esprit, de comprendre ses intentions, de prévenir ses désirs : cela suppose humilité et obéissance, dévouement et abnégation, solides vertus que ne manque pas de développer la formation sérieuse des Congrégations. Animés d'une volonté de servir à tout prix, les Congréganistes ne cherchent jamais à faire bande à part ou à revendiquer eux seuls certains secteurs, mais ils sont prêts au contraire à travailler là où la Hiérarchie les envoie. Ils servent l'Église non comme une puissance étrangère ni même comme une famille humaine mais comme l'Épouse du Christ inspirée et guidée par l'Esprit Saint lui-même, et dont les intérêts sont ceux de Jésus. L'Apôtre saint Paul souffrait déjà de constater que certains -- tous, disait-il dans son amertume -- « tous recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ » (Phil II, 21).
170:38
Qu'un tel avertissement vous tienne en éveil ! Oublieux de vous-mêmes, prompts à répudier toute étroitesse de vue, acceptez les consignes de l'Église, comme venant de votre divin Chef. Ainsi pourrez-vous dire avec l'Apôtre : « Au jour du Christ... ma course et ma peine n'auront pas été vaines » (Phil II, 16).
Le thème de votre Congrès envisage aussi une plus grande coopération avec les autres associations apostoliques. Outre son aspect pratique, cette union des efforts fournit un signe non équivoque de la présence du Christ parmi ceux qui, dans l'action comme dans la prière, obéissent à une même inspiration. « Qu'ils soient un, demandait avec instance Jésus à son Père dans sa prière sacerdotale, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé » (Jean XVII, 21). L'apostolat participe en quelque sorte à la mission divine de Jésus ; il manifeste aux hommes l'amour du Père et du Fils dans le don de leur unique Esprit. Vous vous rappelez sans aucun doute comment les Actes des Apôtres soulignent ce fruit merveilleux de l'Esprit Saint au lendemain de la Pentecôte : « La multitude des croyants n'avait qu'un cœur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun. Avec beaucoup de puissance les Apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus, et ils jouissaient tous d'une grande faveur. » (Act IV, 32-34). Ce rayonnement apostolique si extraordinaire dans la première communauté chrétienne s'est renouvelé de diverses manières dans l'histoire de l'Église, en particulier aux heures critiques où seule la poussée vigoureuse de forces jeunes, aux convictions intactes, fondues dans un seul et même élan, pouvait renverser des obstacles apparemment insurmontables. N'est-ce pas un témoignage de ce genre que l'époque actuelle attend tout particulièrement de vous ? tant d'initiatives généreuses s'éparpillent sur des voies divergentes, s'ignorent et parfois, hélas, en viennent à s'opposer. Et pendant ce temps le mal poursuit sans trêve sa conquête et pénètre partout, faute de bonne entente et de coordination parmi les bons. »
#### 26 avril 1958 : Discours aux Congrégations mariales d'Italie.
« ...L'Église a une mission particulière dans cette époque tourmentée de l'histoire humaine. S'il est vrai que toute vérité a son moment, on peut dire que c'est l'heure de l'Église considérée comme Corps mystique du Christ (...).
D'autre part, notre siècle est en train d'assister à un développement organique de plus en plus grand de l'idée d'une humanité dont les parties distinctes devront, dans la mesure où il est possible de le prévoir, passer du concept d'alliance à celui de communauté -- dans son sens authentique -- vivante et agissante.
171:38
Il n'y a pas de mouvement politique ou social qui ne pose en quelque sorte à la base de toute sa structure ce concept pour ainsi dire « communautaire » de l'État et du monde. L'individu de son côté, se sent chaque jour davantage une partie vitale d'une réalité unique et prend conscience de ses devoirs envers tout l'organisme social. Et comme cette notion est en train de se diffuser dans le monde, Nous avons plusieurs fois démontré, et Nous voulons vous répéter, que les hommes à présent tendent à écouter avec un intérêt renouvelé la doctrine qui considère l'humanité comme pour ainsi dire un seul corps, et invite les hommes à ne faire qu'un seul cœur et une seule âme.
La mission de l'Église est aujourd'hui de prouver que seule la doctrine du Christ se présente aux hommes comme propre à sauver et à ranimer un monde qui se trouve dans le cauchemar d'une inquiétude perpétuelle et d'un tumulte artificiel. Faites en donc votre mission... »
#### 27 mai 1959 : Discours de Jean XXIII aux Congrégations mariales d'Italie.
Le discours prononcé par Jean XXIII le 27 mai a été rapporté en style indirect par l'*Osservatore romano* (édition en langue française, 12 juin 1959). Le passage suivant y est reproduit en style direct :
« Le fait d'appartenir aux Congrégations mariales a déjà tout de suite comme la signification d'une introduction et d'un service de ferveur spirituelle dans le mouvement vaste et plus général des divers groupes qui constituent l'Action catholique proprement dite, en collaboration à l'apostolat hiérarchique de la sainte Église. C'est un admirable et heureux apostolat que celui de l'Action catholique ; au cours des dernières décades, elle fut l'objet de la part du magistère pontifical suprême des deux derniers grands Papes Pie XI et Pie XII, d'immortelle et glorieuse mémoire, -- elle fut l'objet, disons-Nous, de précisions, lumineuses, tout à fait claires et encourageantes.
Dans la plénitude de cette organisation, tout chrétien fervent sait que les Congrégations mariales ne sont pas quelque chose à part, en dehors du mouvement général dit d'Action catholique, qui représente dans tout diocèse l'ensemble des forces spirituelles convergent pour l'instauration du Royaume du Christ, sous la direction de l'Évêque.
172:38
L' « ad Jesum per Mariam » prend également sur ce point sa splendide signification.
Ce n'est pas pour rien et pas dans un autre sens que l'Église est appelée militante : et comme telle, elle incite ses fils à une même discipline, qui les pénètre, les soutient et les exalte. Nous voudrions ajouter que l'apostolat des Congrégations mariales, par la vivacité et la simplicité des âmes pures qui les composent, par la fraîcheur de leurs énergies florissantes, peut apporter à tout le mouvement général d'apostolat ce ton d'élévation plus haute qui est déjà un avant-goût de joie, de victoire spirituelle et de bénédiction. »
#### 20 août 1959 : Message de Jean XXIII aux Congrégations mariales.
Le 20 août 1959 s'est ouvert le deuxième Congrès mondial des Congrégations mariales, à l'Université de Seton Hall, État de New-Jersey, États-Unis.
Le Congrès réunissait 5.000 délégués provenant de 32 pays différents et représentant les 8 millions de membres des Congrégations mariales dans le monde entier.
Le Radiomessage adressé par le Saint Père aux congressistes déclare notamment :
« Nous savons parfaitement que vous êtes des combattants de première ligne. Nous vous proposons de viser à des objectifs toujours plus élevés : dans l'exercice de l'apostolat, partout où la foi demande à être secourue, partout où elle appelle la charité, partout où la piété et la protection des saines lois le réclament, Nous souhaitons que, dans une union résolue de vos forces, vous ne le cédiez à personne (...).
Vous avez fort justement voulu poursuivre et mettre diligemment en application les conclusions du II^e^ Congrès de l'apostolat des laïcs qui s'est tenu à Rome en 1957 : cela montre manifestement que vous êtes en union avec la pensée de l'Église et que, étendant autant qu'il est possible la force et l'efficacité de votre action à l'ensemble des nations, avec d'opportunes résolutions vous vous adaptez souplement aux circonstances actuelles (...).
Il est extrêmement nécessaire que vous soyez toujours davantage ce qu'exprime votre nom : des fidèles de la Sainte Vierge, des propagateurs de son culte qui travaillent à l'extension de son règne maternel. Des indices certains montrent le caractère marial de notre époque. Il apparaît de jour en jour plus clairement que le chemin du retour à Dieu pour les pécheurs est gardé par Marie, que Marie est notre plus ferme assurance, le fondement de notre sécurité le motif de notre espérance. »
173:38
#### Bibliographie succincte et renseignements divers
Les œuvres\
de saint GRIGNION DE MONTFORT.
1. -- *Le secret de Marie* (Librairie mariale, Calvaire Montfort, Pontchâteau, Loire-Atlantique).
2. -- *L'Amour de la sagesse éternelle* (même librairie).
3. -- *Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge* (Société Saint-Paul, 250 nord, boulevard Saint-François, Sherbrooke P. Q., Canada.)
4. -- Et l'ouvrage de Grignion de Montfort sur le Rosaire (voir ci-dessous).
\*\*\*
Sur le Rosaire :
-- GRIGNION DE MONTFORT : *Le secret admirable du très saint Rosaire* (Librairie Montfortaine, Dorval, Montréal 33, P. Q., Canada).
-- R.P. CALMEL, o.p. : *Le Rosaire dans la vie* (Éditions Fleurus).
-- Romano GUARDINI : *Le Rosaire de Notre-Dame* (Bloud et Gay).
\*\*\*.
Sur Lourdes :
-- Abbé René LAURENTIN : *Sens de Lourdes* (Lethielleux) L'Encyclique de Pie XII : *Le Pèlerinage à Lourdes* (texte intégral dans *Itinéraires,* n° 20).
174:38
\*\*\*
Sur Fatima :
-- Chanoine BARTHAS : *Fatima, merveille du* XX^e^ *siècle* (Fatima-Éditions, 3, rue Constantine, Toulouse).
Autres ouvrages recommandés :
-- Mgr DUBOIS, archevêque de Besançon : *Petite somme mariale.*
-- Abbé André RICHARD : *La Reine aux mains jointes* (Éditions La Colombe).
-- Charles DE KONINCK : *Ego sapientia : la sagesse qui est Marie* (Éditions Fidès).
-- Charles DE KONINCK : *La Piété du Fils* (Presse universitaires Laval, Québec, Canada).
-- Renée GILLY de COLLIERES : *La Vierge messagère du cœur, apparitions et messages.* Préface du Cardinal Tisserant. Présentation du R.P. de Parvillez (Plon éditeur).
\*\*\*
Congrégations mariales :
Le siège en France des Congrégations mariales est 35, rue de Sèvres, Paris VI^e^.
\*\*\*
Sur la Légion de Marie :
*-- Légion de Marie et formation religieuse,* par Mgr Patrice Flynn, directeur spirituel de la Légion de Marie pour la France. Brochure éditée par la Légion de Marie, 41, rue Boileau, Paris XVI^e^.
*-- Théologie de l'apostolat de la Légion de Marie,* par Mgr Suenens (Desclée de Brouwer).
175:38
-- *Manuel officiel de la Légion de Marie* (Légion de Marie, 41, rue Boileau, Paris XVI^e^).
*-- Une héroïne de l'apostolat : Edel Mary Quinn,* par Mgr Suenens (Desclée de Brouwer).
Sur la Légion de Marie, cf. *Itinéraires,* n° 20, documents, pp. 109 et suivantes. Pour tous renseignements s'adresser à la Légion de Marie, 41, rue Boileau, Paris XVI^e^ (tél. : AUT 77.32). A la même adresse, le *Bulletin de la Légion de Marie* (mensuel).
\*\*\*
Dans la brochure publiée en France sur *La Légion de Marie,* on trouve les précisions suivantes :
Le concours de la Légion de Marie avec les autres mouvements d'Action catholique aurait été plus fructueux encore, et enrichissant de part et d'autre, si une conception moins étroite de l'Action catholique avait prévalu plus tôt. Frank Duff, à qui Pie XI avait déclaré naguère qu'il souhaitait que la Légion soit reconnue comme Action catholique ou comme auxiliaire de celle-ci, avait répondu qu'il ne demandait qu'à travailler. A ce moment-là l'étiquette n'importait guère.
Mais son importance apparut, chemin faisant, en raison d'une primauté qui s'y attacha et du caractère officiel dont l'Action catholique selon tel type déterminé -- le type franco-belge par exemple -- allait bénéficier en certains pays.
Les conséquences de ce monopole de l'étiquette se firent douloureusement sentir en de nombreux pays du monde. Pour nous borner à la France, citons-en quelques-unes.
La Légion de Marie fut en bien des cas, ou interdite « pour ne pas nuire à l'Action catholique », ou admise de justesse à des conditions restrictives telles qu'elles rendaient le recrutement impossible : par exemple en exigeant que les légionnaires -- déjà astreints par leur règle à des réunions fréquentes, obligatoires et à date fixe, ainsi qu'à un travail hebdomadaire de plusieurs heures -- fassent partie d'un mouvement d'Action catholique, ce qui implique que la Légion n'a pas droit à ce titre.
Ou encore -- toujours pour ne pas mécontenter l'Action catholique officielle -- la Légion se vit interdire des terrains d'action pourtant largement en friche, ou fut contrainte de renoncer à toute extension. En empêchant ainsi la Légion de déployer toutes ses virtualités, on l'exposait par surcroît à être mal jugée : comment apprécier la Légion comme instrument apostolique si on ne lui laisse pas vraiment courir sa chance ?
176:38
C'est surtout parce qu'elle a reçu plein encouragement en Chine que la Légion put y réaliser un apostolat d'une telle envergure et d'une telle efficacité. Cet exemple est riche de leçons.
Cette même crainte de nuire à l'Action catholique, seule dépositaire du titre, fit classer couramment la Légion parmi les mouvements de piété ou parmi les mouvements « auxiliaires » de l'Action catholique. Cette réduction au titre d'auxiliaire, ainsi que l'écrit Mgr Garrone, archevêque de Toulouse, dans son livre récent sur *L'Action catholique*, « signifia souvent pour beaucoup une certaine moindre estime, une réduction de ces mouvements à une sorte de condition inférieure. C'est un peu à cela sans doute qu'on doit cette réaction dont plusieurs discours du Pape Pie XII aux Congrégations mariales, et surtout le deuxième discours au Congrès de l'apostolat des laïcs, consacrent le bien fondé. »
La Légion de Marie pâtit en France, depuis près de vingt ans, de cette discrimination qui l'écarte des congrès officiels de l'Action catholique, qui pourraient être si enrichissants de part et d'autre, qui l'exclut des congrès missionnaires, des campagnes d'année, des journées d'études organisées par les dirigeants et les aumôniers d'Action catholique, etc.
Le résultat de cet exclusivisme dû au titre est particulièrement sensible en pays de missions. Bon nombre de missionnaires, formés à cette conception de l'Action catholique au cours de leurs années de préparation ou de leur séjour dans tel ou tel pays d'Europe, croient devoir écarter la Légion « comme n'étant pas l'Action catholique », détruisant ou entravant ainsi un magnifique travail accompli et confondant l'Action catholique tout court avec l'Action catholique qui leur fut présentée selon tel schéma national (...)
La Légion de Marie possède, à n'en pas douter, les caractères qui permettent de reconnaître en elle une forme pleinement valable d'Action catholique, soit que l'on considère son essence même : objet, méthode, structure ; soit que l'on regarde son travail, où se révèle une évangélisation active, organisée, contrôlée, toujours en liaison étroite avec les prêtres et la Hiérarchie ; soit que l'on passe en revue les résultats obtenus dans tous les diocèses du monde où elle travaille.
Outre ces raisons qu'on peut appeler intrinsèques puisqu'elles se tirent de la Légion elle-même, de sa nature propre et de ses activités, un autre critère, extrinsèque celui-là, lui donne le droit de poser sa candidature au titre d'Action catholique : nous voulons parler du fait que *ce titre lui est reconnu par des centaines d'évêques et de vicaires apostoliques en d'autres parties du monde.*
C'est avec joie que la Légion souligne la déclaration très nette que S. Exc. Mgr Garrone vient de faire dans son livre déjà cité. Parlant des mouvements tels que la Légion de Marie, l'Archevêque de Toulouse écrit :
177:38
« Aujourd'hui une orientation apostolique plus affirmée, des paroles officielles, ne permettent plus de leur refuser le droit de se situer dans l'Action catholique elle-même. »
« On peut ne pas accepter les méthodes de la Légion de Marie. Il n'est guère possible de lui refuser le bénéfice d'un titre qu'elle mérite à tous égard, si on en croit les critères donnés au début de ce livre. Il ne lui manque ni l'organisation, ni le but apostolique, ni le mandat. »
Ces lignes, si elles sont acceptées, mettront un point final, espérons-le, à un malaise pénible qui n'a que trop duré, et frayeront la route à une féconde et fraternelle collaboration.
On trouve un peu plus loin dans la même brochure l'évocation du même problème, mais dans ses termes les plus généraux. Les années à venir, et probablement le prochain Concile, ont toutes chances de voir la fin de certains exclusivismes de plus en plus discutés :
Pour coordonner heureusement les diverses formes d'Action catholique, il est indispensable d'introduire le pluralisme au sein même du terme d'Action catholique. Cette ouverture, non pas de la définition de l'Action catholique qui est hors de cause, mais de l'application de l'étiquette, au lieu de clicher des situations établies, permettrait à la vie d'évoluer et à l'Esprit Saint de susciter demain au sein même de l'Action catholique d'autres mouvements authentiques et valables. Il ne s'agit pas de baptiser n'importe quoi Action catholique, moins encore d'y faire entrer des associations de piété. Mais, une fois les critères et les conditions d'admissibilité établis, l'exclusivisme actuel ferait place à la coordination, qui prévient toute dispersion d'énergies en même temps qu'elle valorise et fait converger les efforts.
La Légion de Marie, pas plus que les autres mouvements d'Action catholique, ne souhaite l'extension indue du titre d'Action catholique à des œuvres qui ne répondent pas à la définition d'Action catholique. Elle demande seulement que soient définies clairement, et d'une manière universellement valable dans l'Église, les conditions d'admissibilité à ce titre (...)
La Légion de Marie ne peut que saluer avec joie le discours de Pie XII à l'ouverture du 2^e^ Congrès mondial de l'apostolat laïc, qui invitait à étudier le malaise signalé et sa solution. Cette « unité multiforme de l'Action catholique » dont a parlé Pie XII à plusieurs reprises au cours de son Pontificat n'est que la logique même de ses appels à la coordination des efforts dans une pastorale d'ensemble.
Cette réforme de structure de l'Action catholique devrait normalement se traduire dans une réforme de vocabulaire. Les mots ont leur destin et l'équivoque dans la terminologie entraîne tôt ou tard la confusion dans l'action.
178:38
La Légion de Marie souhaite donc, en réponse à la suggestion dont Pie XII se fit l'écho dans le mémorable discours prononcé à l'ouverture du 2^e^ Congrès mondial de l'apostolat des laïcs, que le terme d'Action catholique soit réservé -- ou comme dit le document pontifical : « *restitué* » -- à l'ensemble des mouvements d'apostolat laïc organisé et dépendant de la Hiérarchie, et non à certains types d'Action catholique qui représentent des espèces à l'intérieur d'un genre commun.
On ne concevrait pas que le terme « Congrégation religieuse » par exemple soit réservé, par monopole, à trois ou quatre ordres religieux. De même le terme Action catholique qui dans un monde de plus en plus unifié doit avoir partout un sens identique sous peine de créer des équivoques -- doit reprendre son sens primitif tel qu'il figure dans l'Encyclique *Ubi Arcano* adressée au monde entier et où Pie XI définit l'Action catholique en ces termes : « *L'Action catholique, c'est-à-dire l'ensemble des organisations, des initiatives et des œuvres qui, sous ce titre, nous sont particulièrement chères.* »
\*\*\*
Sur la PRIÈRE DES HOMMES À MARIE :
Voir *Itinéraires,* n° 35.
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L'ARMÉE BLEUE :
« L'Armée bleue est une mobilisation spirituelle pour un objectif bien précis : la conversion des populations de l'U.R.S.S., et de ses satellites. » (Cardinal Tisserant)
L'Armée bleue n'organise pas la masse des fidèles qui répondent à l'appel de Fatima ; elle organise seulement la propagation du Message de Fatima au moyen de comités internationaux, nationaux, diocésains et paroissiaux.
Centre français de l'Armée bleue : 1, place Saint-Sulpice, Paris VI^e^.
L'Armée bleue édite en France un bulletin très bien fait : *L'Appel de Notre-Dame* (même adresse).
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L'ASSOCIATION\
DE LA MÉDAILLE MIRACULEUSE.
Fondée par saint Pie X le 8 juillet 1909 pour honorer la Vierge Immaculée et pour obtenir les grâces qu'elle a promises à ceux qui porteront sa médaille.
La manifestation de la Médaille miraculeuse eut lieu le 27 novembre 1830 (apparition de la Sainte Vierge à Catherine Labouré) en la « Chapelle de la rue du Bac » à Paris, -- chapelle des Filles de la Charité, dite aussi « Chapelle de la Médaille miraculeuse ». Sur la Chapelle de la rue du Bac et sur la Médaille elle-même, voir *Itinéraires,* n° 23, pp. 120 et 121 ; et n° 37, p. 70.
L'Association de la Médaille miraculeuse a un double but :
1. -- Honorer la Vierge Immaculée par une vie chrétienne et par la diffusion de la Médaille miraculeuse.
2. -- Prier pour les vocations religieuses et aider des jeunes gens à devenir prêtres par les Bourses missionnaires de la Médaille miraculeuse.
Renseignements et affiliations à l'adresse suivante : R.P. Jean Henrion, 95, rue de Sèvres, Paris VI^e^.
L'Association publie une revue bi-mestrielle : *La Médaille miraculeuse,* même adresse.
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Le Règne de Jésus par Marie.
Revue mensuelle illustrée de 36 pages, 78, rue de la Tombe-Issoire, Paris XIV^e^. Directeur : R.P. Paul Riboulleau. Revue mariale publiée sous la direction des Pères Montfortains de France pour la diffusion de la parfaite dévotion à la T.S. Vierge selon saint Grignion de Montfort.
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Cahiers marials.
Même adresse. Ont publié en octobre 1959 un numéro spécial : *Le Rosaire dans notre vie.*
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NOTRE ÉPOQUE croit découvrir la « dimension sociale » et la « dimension universelle ». Elle découvre surtout combien elle a souffert de les avoir perdues. Elle n'aperçoit pas assez que l'Église les lui redonne en temps opportun ou plus exactement, en avance sur les temps. Ceux qui reprochent à l'Église de n'être pas de son temps ont raison, mais ils ont raison en ceci qu'elle est du temps à venir, qu'elle nous y devance et nous y appelle. L'Église nous a rendu la dimension sociale en proclamant la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est depuis toujours l'essentiel de la tradition française : « Vous direz aux Français qu'ils fassent leur trésor des testaments de saint Rémy, de Charlemagne et de saint Louis, qui se résument dans ces mots si souvent répétés par Jeanne d'Arc : Vive le Christ qui est Roi de France. » (saint Pie X). L'Église nous a rendu la dimension universelle en consacrant le genre humain au Cœur Immaculé de Marie, et cela aussi a toujours eu place dans l'essentiel de la tradition française : car si toute terre chrétienne est une terre mariale, cette vérité a pris son relief dans l'histoire de la France, depuis son origine terre privilégiée de Marie.
Déclaration fondamentale\
de la revue ITINÉRAIRES
============== fin du numéro 38.
[^1]: -- (1). PIE XII, Encyclique *Ad Cœli Reginam*, 11 octobre 1954.
[^2]: -- (1). Jean XXIII, Encyclique *Ad Petri Cathedram*, 29 juin 1969, § 4 et § 11.
[^3]: -- (1). Discours du Cardinal Roncalli intégralement reproduit dans le présent numéro, en appendice à la première section des « Documents ». Ce discours contient (notamment) un récit des apparitions de 1917 à Fatima. Le 2 octobre dernier, L'*Osservatore romano* (édition française) précisait qu'il est « particulièrement opportun, ces jours-ci, de rappeler, ou de faire connaître à beaucoup » ce discours du Cardinal Roncalli.
[^4]: -- (2). Jean XXIII, Message de clôture de l'Année mariale, 18 février 1959. Cité et commenté ci-après dans la première section des « Documents ».
[^5]: -- (1). Encyclique *Ad Cæli Reginam*.
[^6]: -- (1). PIE XII, Encyclique *Le Pèlerinage à Lourdes*, 2 juillet 1957.
[^7]: -- (2). L'Abbé Richard écrivait dans *L'Homme nouveau* du 15 août 1959 : « N'est-il pas permis de penser que la France, *Regnum Mariae*, dont la procession dite du vœu de Louis XIII, chaque 15 août, rappelle la donation irrévocable à Marie comme souveraine, sera conduite elle aussi par les événements à renouveler sa consécration ? »
La France *regnum Mariæ*, royaume de Marie : dans son allocution du 18 février 1959 à Saint-Louis-des-Français, Jean XXIII a déclaré : « Dans l'ordre de la Providence, chaque nation a une mission et ; il suffit parfois d'une devise pour la qualifier. Or, quand on dit : Regnum Galliæ, regnum Mariæ, on énonce de façon parfaite le témoignage d'honneur et d'amour des fils et des nombreux descendants de Clovis. »
[^8]: -- (1). Voir l'exposé du Cardinal Tisserant dans la première section des « Documents » de ce numéro.
[^9]: -- (1). Jean XXIII, Radiomessage du 28 avril 1959.
[^10]: -- (2). Jean XXIII, Radiomessage du 20 août 1959.
[^11]: -- (3). » La norme prochaine et universelle de la vérité est, pour tous, le Magistère vivant de l'Église, que le Christ a établi également pour éclairer et expliquer ce qui, dans le dépôt de la foi, n'est contenu qu'obscurément et comme implicitement. » Pie XII, Encyclique Ad Cæli Reginam, 11 octobre 1954.
[^12]: -- (1). On trouvera facilement, par exemple, dans les livres du Chanoine Barthas, les paroles de la Sainte Vierge à Fatima. Les livres du Chanoine Barthas sont publiés à Toulouse, Fatima-édition, 3, rue Constantine.
[^13]: -- (1). Pour ce qui est du rapport de la Régence de Marie avec la civilisation Se reporter aux articles du Père M.-J. Nicolas, o.p. sur la Vierge-Reine. *Revue thomiste* 1939, p. 1-29, 207-231.
[^14]: -- (1). Voir Apocalypse par le P. Boismard, o.p. édition en fascicule de la Bible de Jérusalem. Voir aussi l'Apocalypse de St. Jean du P. Allo, o.p., col. des *Études* bibliques chez Gabalda, le chap. IX de l'introduction.
[^15]: -- (1). Sur ce thème de « l'esprit technique » relire le radiomessage de Pie XII de Noël 1953 publié dans la *Documentation catholique* du 10 janvier 1954.
[^16]: -- (1). Abbé Richard : *La Reine aux mains jointes*, p. 83 (Ed. La Colombe.)
[^17]: -- (1). « Manifeste du Mouvement pour l'Unité ». \[manque l'appel de note -- 2002\]
[^18]: -- (1). PIE XII -- Allocution du 4 juin 1951.
[^19]: -- (2). Message radiophonique, 5 septembre 1954.
[^20]: -- (3). PIE XI : *Divini Redemptoris*, n° 29.
[^21]: -- (4). Act. II. 4.
[^22]: -- (1). En regrettant toutefois que le choix des auteurs -- il leur fallait bien faire un choix -- ne leur ait fait retenir (par exemple) ni l'Encyclique Lætitiæ sanctæ sur le Rosaire comme source des remèdes aux maux de la société contemporaine, ni le discours de Pie XII aux époux chrétiens, le 16 octobre 1940, sur le Rosaire dans la famille.
[^23]: -- (1). Sur la Légion de Marie et sur l'Armée bleue, voir infra, pages 174-178.