# 135 (Supplément 3) I:135t Ce « troisième supplément » à notre numéro 135 de juillet-août est envoyé à tous nos abonnés. Le premier supplément, intitulé : « L'action pour le catéchisme », a été envoyé à nos abonnés pendant la deuxième quinzaine de juillet. Le second supplément, intitulé : « Le pèlerinage à Rome », leur a été envoyé pendant la première quinzaine d'août. 1:135t ### Le processus de la communion dans la main. \[cf. It. 146-09-70, p. 135\] 13:135t ### Mutinerie à bord Ce titre est celui d'un récit de Jacques Perret paru cet été, mais écrit en 1948, il y a plus de dix ans, et donc sans aucune intention actuelle ([^1]). *Mutinerie à bord* : aucun titre pourtant ne conviendrait mieux à ce que nous voyons pré­sentement dans la barque de l'Église, et dont la « communion dans la main » n'est que le plus récent épisode. La mutinerie racontée par Jacques Perret est naturellement le fait d'un mauvais équipage, com­posé de mutins par vocation ou par entraînement. Mais il y faut en outre *un capitaine qui ne se conduit plus en capitaine*. La rencontre de ces deux causes provoque la mutinerie et en assure le succès. De même aujourd'hui dans l'Église. \* 14:135t Le capitaine, dans le livre de Jacques Perret, se nomme M. Richebourg, et le second M. Aubert. Les signes inquiétants, les fautes inacceptables n'avaient pas manqué. Au milieu du voyage, M. Aubert dit au capitaine : -- *Nous voilà tout de même à la moitié du che­min.* *-- Je remets donc l'autre moitié entre les mains de Dieu, déclara M. Richebourg.* Nous avons entendu un autre capitaine dire semblablement qu'il laissait à Dieu, sans inter­venir lui-même, le soin d'apaiser une autre tem­pête. Mais dans le livre de Jacques Perret, la ré­ponse vient aussitôt : *Le second admit qu'un capitaine pouvait à bon droit compter sur la Providence, mais fit respec­tueusement observer que, pour commencer, c'était plutôt Dieu qui mettait les bateaux entre les mains des capitaines.* C'est même pour cela qu'il y a un capitaine sur les bateaux, et qu'il y en a un dans l'Église. \* 15:135t Mais je n'aurais pas dû interrompre Jacques Perret, et je vous laisse maintenant relire posé­ment tout le passage, à la suite, dans la langue admirable, vigoureuse et précise, du grand écri­vain : -- Nous voilà tout de même à la moitié du chemin. -- Je remets donc l'autre moitié entre les mains de Dieu, déclara M. Richebourg. Le second admit qu'un capitaine pouvait à bon droit compter sur la Providence, mais fit respec­tueusement observer que, pour commencer, c'était plutôt Dieu qui mettait les bateaux entre les mains des capitaines ([^2]). 18:135t Mise au point Dans une lettre-circulaire datée du. 1^er^ août 1969 et abon­damment diffusée, on peut lire ces lignes : « Le bruit courant que je vais prendre la tête d'une secte schismatique, je tiens à répondre tout de suite qu'il ne peut s'agir en ces propos que de bouffonnerie\... « une bouffonnerie qui ne nous fait même pas sourire » comme le dit si plaisam­ment ce cher M. Madiran au sujet du dernier Concile. » Ni du dernier Concile, ni d'aucun autre, je n'ai jamais dit qu'il était « une bouffonnerie qui ne nous fait même pas sou­rire ». J'ai ainsi qualifié non pas le Concile, mais les Orientations doctrinales de l'Assemblée française de novembre 1968 : Orientations qui renversent la théologie catholique. J. M. 19:135t ### La "Notification" contre l'abbé de Nantes Le présent supplément était terminé, et déjà à l'im­primerie, quand nous sont arrivés, le 11 août, l'an­nonce et le texte de la NOTIFICATION par laquelle la Congrégation pour la Doctrine de la Foi prononce une « disqualification » à rencontre de « l'ensemble des écrits et des activités » de l'abbé Georges de Nantes ([^3]). Par notre supplément précédent ([^4]), nos lecteurs con­naissaient l'imminence de cette éventualité, ils connais­saient aussi l'essentiel de ce que nous en pensions. L'éventualité étant devenue un événement accompli, il nous faut reprendre et prolonger les mêmes réflexions. Voici d'abord la reproduction intégrale de l'article que j'ai donné à *Monde et Vie*, le grand périodique illustré qu'anime notre ami André Giovanni : C'EST LA PREMIÈRE FOIS : c'est le premier do­cument de cette nature publié à Rome depuis Vatican II, ont aussitôt déclaré, en se pourléchant les babines, les grands fauves de la presse standard. 20:135t En effet, c'est la première fois que la Congréga­tion romaine de la Doctrine, se souvenant qu'elle est en somme, ou en théorie, le ci-devant Saint-Office, prononce une condamnation : par sa « No­tification » publiée le 9 août, connue en France le 11, elle proclame « *disqualifié *», c'est son mot, « *l'ensemble des écrits et des activités *» de l'abbé Georges de Nantes. L'ensemble ! L'ensemble des écrits et des acti­vités ! C'est tout de même beaucoup : et cela ne brille ni par la mesure, ni par la précision. Il avait été solennellement annoncé que, dans les temps nouveaux ouverts par la mutation du monde et l'esprit du Concile, on ne condamnerait plus personne ni rien. C'est pourquoi tant de docteurs et tant d'évêques, en toute impunité, peuvent insulter la Vierge Ma­rie, nier la conception virginale de Notre-Seigneur, déclarer la mort de Dieu et falsifier le texte même de l'Évangile dans le catéchisme imposé aux en­fants. Offenses légères, audaces gentilles, libertés par­donnables et aussitôt pardonnées, ou plutôt tout à fait louables et vivement recommandées par l'esprit post-conciliaire. L'unique condamné Le premier condamné des temps nouveaux n'est donc ni un insulteur de la Vierge, ni un négateur de la divinité du Christ, ni un falsificateur de l'Évangile : le premier, le seul condamné est l'abbé Geor­ges de Nantes, qui défend les dogmes et les doc­trines de la sainte Église catholique tels qu'ils ont toujours existé et tels qu'ils ont été définis par les Conciles et par les Papes. 21:135t On dira peut-être que l'abbé de Nantes avait néanmoins « des torts ». Qui n'en a pas ? Mais il est terriblement significatif que ses torts éventuels aient été jugés seuls dignes de réprobation, et plus graves que ceux des prêtres sacrilèges, falsifica­teurs, prévaricateurs, qui scandalisent systémati­quement le peuple chrétien, pervertissent l'âme des enfants, et demeurent impunis, ou même hono­rés. Une blessure profonde vient d'être faite au ca­tholicisme français. Ce n'est pas la première fois. Elle ressemble à celle qui avait été faite par la condamnation malheureuse, en 1926, de l'Action française : et qui ne fut pas absolument cicatrisée par la levée de la condamnation, treize ans plus tard. De toutes façons, cette fois, et dans la situa­tion actuelle, il serait encore plus catastrophique d'attendre treize années pour en venir à l'apaise­ment et à la justice. Les deux remarques\ principales La « Notification » du ci-devant Saint-Office rappelle que l'abbé de Nantes a été jugé « à sa requête » : sur sa demande à lui, abbé de Nantes. En effet : constatant qu'on n'arrivait plus à ob­tenir du Saint-Siège un jugement doctrinal sur les pires erreurs de notre temps, l'abbé de Nantes avait alors appelé ce jugement doctrinal sur lui-même. «* Est-ce donc moi qui ai tort,* demandait-il en substance, *de m'en tenir à la doctrine tradition­nelle de l'Église ? *» On lui répond, au bout de plusieurs années d'examen et de réflexion, non point par un jugement doctrinal, mais par une condamnation exclu­sivement *disciplinaire*. 22:135t Une telle réponse, qui se situe volontairement *à côté de la question posée*, suscite deux remarques principales : 1\. -- L'abbé de Nantes est fondé à conclure que l'on n'a donc rien trouvé à reprendre dans la *doctrine* de ses écrits. La « Notification » n'articule rien contre ses idées et se borne à disqualifier sa personne. 2\. -- S'en tenir à un plan exclusivement *discipli­naire* est en outre adopter une position qui paraîtra dérisoire au moment où la discipline ecclésiastique vole partout en éclats, avec le consentement du Saint-Siège. L'exemple le plus récent en est la « communion dans la main ». L'Instruction romaine Memoriale Domini l'atteste : si ce nouveau rite a été autorisé, bien qu'il soit, dans la même Instruction, déclaré contraire à la tradition, à la raison, au sentiment catholique et au bien commun de l'Église, c'est uniquement parce qu'il était déjà pratiqué en fait par une désobéissance obstinée aux lois en vigueur et aux volontés du Saint-Siège. Cette désobéissan­ce majeure n'est ni condamnée, ni désapprouvée, ni regrettée : elle est avalisée et justifiée. Il est donc extrêmement paradoxal, et chimérique, de vouloir, au même moment, « urger » contre le seul abbé de Nantes une rigueur disciplinaire qui tombe partout en désuétude avec le consentement implicite ou souvent explicite de l'Autorité. Des prêtres mariés procèdent, en public et devant la presse, à des concélébrations eucharistiques qui sont illicites et sacrilèges : contre eux, Rome ne fait aucune « Notification ». 23:135t L' « autodestruction » Nous n'entrons pour le moment dans aucune considération théologique ou canonique ; nous n'abordons pas encore le dossier précis et complet de l'affaire, qui va être rendu public par l'abbé de Nantes et qui démontrera que le texte de la « Notification » contient de regrettables inexacti­tudes de fait. Nous faisons simplement, à cette heure, une pre­mière constatation de portée générale : à savoir que la même autorité, qui depuis des années s'est montrée si faible, voire *absente*, quand il s'agissait de défendre la doctrine révélée, la loi naturelle, le texte de l'Écriture sainte, ne retrouve quelque apparence de vigueur qu'à l'encontre de ceux qui supplient et réclament que Pierre soit Pierre encore aujourd'hui, pour notre salut et celui du peuple chrétien. Sans force contre la subversion ecclésias­tique, l'Autorité sévit contre ceux qui dénoncent cette subversion et s'efforcent de la contrecarrer. C'est l'aspect le plus dramatique, et sans doute le plus grave, de l'actuelle « autodestruction » de l'Église. Le contraire d'un « révolté » Je sais ne point trahir les intentions et la pensée de l'abbé Georges de Nantes, mais au contraire les exprimer, en recommandant à ses amis et aux nô­tres de « *raison garder *» : en les invitant au sang-froid, à la prière, à l'oraison pour se préparer à faire face en catholiques à cette épreuve nouvelle qui vient atteindre les âmes à une grande profondeur et qui va entraîner des conséquences spirituel­les qu'apparemment l'on n'a point imaginées, pré­vues ni pesées à Rome. 24:135t Pressentant ce qui vient d'arriver, l'abbé de Nan­tes écrivait à ses amis le 16 juillet dernier : «* Chacun de vous, dans ce drame spirituel, devra suivre sa conscience après l'avoir informée aux meilleures sources ecclésiastiques et l'avoir puri­fiée de toute inclination naturelle. Vous resterez nos amis, quelque parti que vous preniez, du seul fait que vous aurez voulu faire votre devoir de catholiques.* «* Faites votre devoir, disait saint Pie X, et tout ira bien. *» Il ajoutait avec une stricte précision : «* Mais jamais, jamais il ne sera question de nous séparer de l'Église\... Jamais nous ne songerons à former quelque secte, c'est-à-dire à donner et re­cevoir les sacrements en dehors de toute juridiction donnée par le Pape et les évêques de l'Église ca­tholique romaine\... C'est une chose de suivre sa conscience et de protester contre les hérésies et les schismes pratiquement installés dans l'Église ; c'en est une autre d'abandonner l'Église pour en cons­tituer un simulacre à soi tout seul. *» Car ce prêtre, ce grand cœur, cette âme ardente, cet esprit prompt et profond, parfaitement cons­cient de ses responsabilités catholiques, n'est abso­lument pas le « révolté » que l'on prétend nous dépeindre. Dans la hâte de ces premières lignes rédigées sous le coup de l'événement, car André Giovanni a voulu qu'elles puissent exprimer notre sentiment dès le numéro de septembre de *Monde et Vie*, je n'ajouterai qu'un mot : l'expression publique de mon respect, de mon amitié, de mon affection pour l'abbé Georges de Nantes, prêtre de Jésus-Christ. Le voici donc qui reçoit un nouveau coup : nous ne l'abandonnerons pas à la situation de pestiféré qu'on a voulu lui fabriquer. Pour nous, parmi nous, non, il ne sera pas un réprouvé. Il est frappé : nous l'embrassons. 25:135t PAR CET ARTICLE de *Monde et Vie*, nous avons voulu proposer, à l'intention d'un vaste public, quelques premières considérations évidemment contraires à celles que lui serine la presse conformiste et automati­que chargée de maintenir les masses dans une aveugle servilité intellectuelle. Cette presse trompe même le Vati­can sur les sentiments réels du peuple chrétien et du peuple incroyant, et nous subissons constamment les con­séquences de cette tromperie permanente. Ni Pie IX, ni saint Pie X, ni Pie XII ne se tenaient « à l'écoute » du capitalisme de presse et de ses mises en scène factices. Ils ne croyaient pas non plus « faire le même métier » que les vedettes du journalisme ou du spectacle. La NOTIFICATION contre l'abbé de Nantes a lancé devant l'ensemble du public une série de questions dont on ne peut plus maintenant, pour cette raison, conserver dans le privé l'étude approfondie. #### I. - Trois inexactitudes graves Mais il faut d'abord savoir que la Notification s'ex­prime d'une manière qui n'est pas conforme à la vérité de fait : « *A la requête de M. l'abbé de Nantes, la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi a examiné ses écrits et, après l'avoir entendu par deux fois, le 6 juillet 1968 et le 23 mai 1969, a jugé devoir lui demander de souscrire uns formule d)e rétractation de ses erreurs et de ses graves accusations d'hérésie portées contre le Pape Paul VI et le Concile.* 26:135t *Après les deux premiers refus opposés par l'abbé de Nantes à cette demande, la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi a tenté une dernière fous, le 11 juillet 1969, de le convaincre de se soumettre à la décision officielle du dicastère romain compétent auquel il avait été le premier à faire appel*. « *A cette demande solennelle qui lui était adressée l'abbé de Nantes a répondu, en date du 16 juillet 1969, par un refus catégorique. Il y récuse le droit de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi d'exiger de lui une soumission, et il y confirme ses positions anté­rieures* (*etc.*)...* *» La simple lecture de la formule de rétractation impo­sée à l'abbé de Nantes, et de sa réponse en date du 16 juillet, fait apparaître que la Notification est gravement inexacte sur trois point importants ([^5]) : 1\. -- Il a bien été demandé à l'abbé de Nantes de ré­tracter ses accusations, mais non point ses erreurs. Quand la Congrégation pour la Doctrine parle d' « erreurs », il s'agit nécessairement, sauf précision contraire, d'erreurs doctrinales. Or aucune n'a été définie à rencontre de l'abbé de Nantes, aucune ne lui a été signalée, aucune n'a fait l'objet d'une demande de rétractation. 2\. -- L'abbé de Nantes n'a pas opposé un « refus catégorique » à la demande de rétractation : justement point. Il a répondu par la requête que la formule en soit modifiée « dans un sens humain et catholique ». Bien entendu, la Congrégation pouvait rejeter une telle requête. Mais cette requête existe, elle constitue précisément la réponse faite le 16 juillet par l'abbé de Nantes, elle atteste que cette réponse n'était pas un « refus catégorique ». 27:135t 3\. -- L'abbé de Nantes n'a pas non plus « *récusé le droit *» de la Congrégation d' « *exiger de lui une soumis­sion *». Il a au contraire reconnu ce droit. Ce qu'il a récusé, c'est le pseudo-droit d'exiger *n'importe quelle* soumission : une soumission aveugle, inconditionnelle, servile, qui est étrangère à la doctrine et à la vie chrétiennes. Sa réponse du 16 juillet est extrêmement précise sur ce point capital, dont la portée est immense et concerne tous les baptisés. Ce qui est ici en cause, ce sont les fondements mêmes du droit naturel et du droit ecclésiastique. L'exigence de la Congrégation paraissait nier, *même en théorie*, qu'il puisse jamais y avoir des cas où « il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes » : cette négation, bien entendu, n'était peut-être qu'une apparence. Mais l'abbé de Nantes souleva explicitement ce point essentiel dans sa réponse du 16 juillet. On n'a pas voulu éclaircir le malentendu, si c'en était un, dissiper l'apparence fâcheuse, si c'en était une ; on n'a pas daigné apporter un supplément d'exacte pré­cision dans la définition catholique de la « soumission » demandée ; on a trouvé plus commode de prétendre que l'abbé de Nantes récusait le droit de la Congrégation d'exi­ger « une » soumission. \* D'une manière plus générale, il n'est pas conforme à la vérité de présenter purement et simplement comme « ré­volté » contre l'Église, le Pape et la hiérarchie ecclésias­tique un prêtre qui, précisément dans sa réponse du 16 juillet 1969 à la Congrégation de la Doctrine, affirme et professe ceci : « *Je déclare* ADHÉRER INTÉRIEUREMENT ET EX­TÉRIEUREMENT *à tous les actes doctrinaux de S.S. Paul VI, vrai et légitime Pape, et du deuxième Concile du Vatican, vrai et légitime Concile œcu­ménique, comme à tous ceux de leurs Prédécesseurs*, 28:135t *tout autant qu'ils sont proposés par leurs au­teurs et qu'ils sont reçus par l'ensemble du peuple fidèle comme l'expression authentique, exempte d'innovation et d'altération, de la Tradition Apos­tolique conservée infailliblement par le Magistère ordinaire ou solennel de l'Église romaine*. » « *Je déclare me soumettre aux actes discipli­naires DES MÊMES AUTORITÉS LÉGITIMES, pour autant que leur intention proclamée, réelle et reconnue, est toute à l'honneur de Dieu, vise au bien surnatu­rel de l'Église et opère la sanctification des âmes*. » «* J'ai promis obéissance a l'Église en la personne du Souverain Pontife et en celle de mon évêque\... J'ai toujours porté respect aux personnes consti­tuées en dignité selon la justice qui leur est due. A cette obéissance et à ce respect, j'entends demeurer fidèle. Mais ces vertus demeurent subordonnées aux vertus théologales de foi, d'espérance et de charité ; leur exercice ne saurait porter la moindre entrave, la moindre contradiction aux droits su­prêmes de Dieu ni au service du prochain. En rai­son de quoi je ne puis obéir aux prévaricateurs dans leurs prévarications ni les respecter dans leur crime sans me faire ainsi leur complice. *» La Notification fait donc une relation gravement in­fidèle des positions de l'abbé de Nantes, de îa nature de son « refus » et du contenu de sa réponse en date du 16 juillet 1969. Voilà qui réveillera de pénibles souvenirs. En 1926, les autorités ecclésiastiques reprochaient à Maurras d'abolir toute distinction entre le bien et le mal, de diviser l'huma­nité en deux classes et de vouloir rétablir l'esclavage : Pie XI approuvait officiellement ce honteux réquisitoire du cardinal Andrieu. Une affaire de cette sorte par siècle, cela ne suffit-il donc point ? 29:135t #### II. - La disqualification Ambiguë, approximative et inexacte quant à la nature réelle du « refus » qui a été formulé par l'abbé de Nantes, la Notification en tire des conclusions sans limites : «* La Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi ne peut que prendre acte de ce refus opposé à sa légitime autorité en constatant avec une extrême tristesse qu'en se révoltant de la sorte contre le Magistère et la hiérarchie catholique, M. l'abbé de Nantes disqualifie l'ensemble de ses écrits et de ses activités, par lesquels il prétend servir l'Église\... *». Deux remarques : 1\. -- La Congrégation de la Doctrine a toujours omis de faire savoir publiquement si elle « prenait acte » des innombrables « refus opposés à sa légitime autorité » par les plus célèbres docteurs du soi-disant « renouveau ». Quand elle s'occupa de Schillebeeckx, ce fut dans l'Église une vraie « mutinerie à bord », une insurrection générale de théologiens, de prêtres, de journalistes. La Congréga­tion omit de déclarer *disqualifié*, comme elle fait aujour­d'hui pour le seul abbé de Nantes, *l'ensemble de leurs écrits et de leurs activités*. Au contraire, elle s'inclina en silence, et avec respect, devant les mutins. Plus récem­ment encore elle s'est inclinée devant le mutin Suenens sans prononcer sa « disqualification ». Elle n'a pas non plus déclaré « disqualifié » le théologien Hans Kung, qui refuse de lui reconnaître la moindre autorité et qui, par une ironique coïncidence, ou par une insolence calculée, a renouvelé l'expression de ce refus dans le numéro même du journal *Le Monde* qui publiait la NOTIFICATION. Par quoi l'on voit que la Congrégation de la Doctrine a jugé l'abbé de Nantes *selon des critères qu'elle ne maintient plus en vigueur que contre lui seul*. Ce n'est pas admissi­ble. Il faut le dire. Nous le disons. 30:135t 2\. -- Prononcer une *disqualification* que l'on étend à *l'ensemble des écrits et des activités* est un procédé qui relève des préjugés ordinaires de l'ancienne « morale bourgeoise » : il a *fauté*, il est donc entièrement disqua­lifié, nous ne le connaissons plus, nous ne le recevrons plus parmi nous, disait-on dans la bonne société de ceux qui prenaient la précaution de ne *fauter* qu'en secret. La morale chrétienne considère au contraire que nous som­mes tous pécheurs, elle rappelle qu'il y a du bon et du mauvais dans chaque homme, elle ne « disqualifie » pas d'un seul coup *l'ensemble*. Quand il y eut trois Papes simultanés dans l'Église, il y eut aussi des saints dans tous les camps. Dans deux camps au moins, ils se trompaient gravement, ils se trom­paient sur le Pape : on n'a pas, pour cette erreur terrible, *disqualifié l'ensemble* de leurs activités, on les a au con­traire canonisés\... Tertullien tomba, comme on le sait, dans l'hérésie. L'Église ne l'a pas canonisé, mais elle n'a pas *disqualifié* pour cela *l'ensemble* de ses écrits, elle n'a cessé au con­traire de conserver et d'utiliser ceux qui étaient bons. \* Aujourd'hui les journaux automatiques, brodant plus ou moins sur un commentaire de l'A.F.P. ([^6]) apparem­ment inspiré par quelque cercle du Vatican, nous racon­tent que l'on peut apercevoir dans la Notification le « changement de procédure » et le « changement de lan­gage » qui sont « intervenus à la suite de la réforme du Saint-Office au lendemain du Concile ». 31:135t Ce commentaire, reproduit notamment par *Le Monde*, a l'humour noir de nous exposer que « le mot *condamnation*, qui figurait jadis dans les décrets de l'ancienne Congrégation du Saint-Office, n'est pas mentionné dans le document publié au­jourd'hui », puisque la NOTIFICATION « se borne en effet à exprimer l'*extrême tristesse* causée par l'attitude de l'abbé de Nantes ». Une hypocrisie de ce volume, et aussi savamment mijotée, non, il n'est pas vraisemblable qu'elle ait été inventée par le commentateur ordinaire de l'A.F.P. à Rome ; on suppose qu'elle lui aura été soufflée par un spécialiste à qui sa carrière a dû donner une longue et souveraine pratique de la perfidie ecclésiastique. Non seulement la NOTIFICATION ne se borne point à exprimer une « extrême tristesse », puisqu'elle décrète une *disqua­lification d'ensemble*, mais encore la condamnation qu'elle porte ainsi, sans employer le mot, est une condamnation illimitée. Autrefois, quand il y avait *condamnation* expli­cite, c'était une condamnation *à quelque chose*, la con­damnation était précisée, elle était donc limitée, elle pou­vait être légère ou mesurée. Aujourd'hui, sans mesure, sans précision, sans limite, la Congrégation porte une condamnation qui est beaucoup plus grave et beaucoup plus générale que les condamnations tant honnies à être inscrit au catalogue de l'Index. D'abord on pouvait avoir une ou deux œuvres à l'Index, comme Pascal, comme Bergson, sans que « l'ensemble des écrits » en soit disqua­lifié. Que si on y inscrivait les *opera omnia*, même cette condamnation-là ne prétendait pas comporter une *disqua­lification de l'ensemble des activités* de l'auteur. Les con­damnations désormais affranchies de toute garantie, de toute précision, de toute définition juridiques n'en sont pas allégées, au contraire : elle en deviennent arbitrai­res et démesurées. C'était prévisible. Le « juiïdisme », contrairement à ce que croient nos imbéciles, n'est pas de soi un instrument d'autoritarisme, il ne facilite aucune oppression, il n'augmente pas les moyens répressifs du pouvoir ; c'est l'inverse : il protège les sujets. 32:135t Les mises à l'Index d'autrefois avaient pour conséquence éventuelle, mais non obligatoire, que le condamné pouvait se sentir plus ou moins déconsidéré devant l'opinion mondaine : aujourd'hui, l'Index supprimé, le mot « condamnation » interdit, la Congrégation n'a plus d'autre ressource, si elle veut avoir l'air de prononcer quelque chose, que de pro­noncer une *disqualification morale indéterminée* (au lieu d'une sanction juridique définie), et de la faire porter, puisque toute précision juridique ou scolastique lui a été retirée, *sur l'ensemble des écrits et des activités*. Moder­nistes et apostats, en imposant cette « réforme », n'ont pas affaibli comme ils l'espéraient les moyens de la « ré­pression », ils ont ouvert la porte à son espèce la plus cruelle et la plus insupportable : celle du vague, du gra­tuit, de l'arbitraire. Il est vrai qu'ils s'en moquent, car ils ont (pour le moment) l'assurance personnelle et collective de l'impunité. \* Il n'en demeure pas moins singulier, et significatif, de voir prononcer contre l'abbé de Nantes la *disqualification* que l'on n'a pas prononcée contre le CATÉCHISME HOLLAN­DAIS. La commission pontificale y avait relevé une grande quantité d'erreurs dogmatiques ; elle avait exigé en vain leur correction ; les auteurs lui ont opposé un « refus catégorique », et le Saint-Siège s'est incliné. C'était là pourtant que l'on aurait pu à bon droit parler de « dis­qualification ». Dans un catéchisme, une seule erreur dog­matique devrait suffire à disqualifier l'ensemble : non pas forcément l'ensemble des écrits et des activités de ses auteurs, mais à coup sûr l'ensemble du catéchisme lui-même en tant que catéchisme. On attend toujours cette disqualification du catéchisme hérétique : elle n'est pas venue, elle ne vient pas, tout annonce qu'elle ne viendra pas : 33:135t on favorise son édition dans toutes les langues, sous la réserve dérisoire d'y joindre en annexe la brève nomen­clature des dogmes qu'il assassine longuement ; on lui fait des compliments officiels sur ses bonnes intentions et sur ses bons passages ; et c'est à l'abbé de Nantes qu'on réserve une *disqualification d'ensemble*. A l'égard des pires erreurs du monde moderne, à l'égard même du communisme « intrinsèquement per­vers », on nous a gravement expliqué que désormais il fallait voir d'abord les intentions louables et retenir sur­tout *la part de vérité*. On se moquait de nous. On nous mentait. On organisait une complaisance, on agençait une partialité en faveur des idoles de ce monde : on se mas­quait de prétendus « principes » nouveaux qui sont des principes sur mesure et à éclipse. En voici la preuve : pour l'abbé de Nantes, on n'a retenu ni les intentions loua­bles, ni la part de vérité. Pour n'importe quel Oraison, pour n'importe quel Cardonnel, on nous dit qu'il faut rendre hommage à sa « gé­nérosité à servir l'Église ». Pour l'abbé de Nantes, on nous notifie qu'il « prétend servir l'Église ». Nous sommes ainsi plongés dans un climat général de duplicité et de tromperie. Par la faute du chat ? Ou par hasard ? Qui le croira ? \* -- Sans doute, dira-t-on ; tout cela n'est pas brillant. Mais il y a cette faute' grave que l'on reproche à l'abbé de Nantes : l'a-t-il commise, oui ou non ? A-t-il accusé le Pape lui-même ? -- Je vais y venir ; attendez un peu ; j'ai encore autre chose à dire auparavant. 34:135t #### III. -- Pourquoi en août 1969 ? La Notification ne porte aucune date. C'est une étrangeté supplémentaire que je signale au passage. Elle se termine par le paragraphe habituel : « *Réunis en Congrégation ordinaire, les Cardinaux de la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi ont donc décidé die rendre publique la présente notification, et le Saint-Père a daigne approuver cette décision*. » Normalement, cet alinéa final comporte la date de la « réunion » et celle de 1' « approbation ». Il doit bien y avoir une raison à cette anomalie. Quoi qu'il en soit, la NOTIFICATION a été publiée le soir du 9 août dans L'Osservatore romano daté du 10. Pourquoi à ce moment ? Pourquoi pas deux ans plus tôt ou cinq ans plus tard ? Le Saint-Siège sait très bien, quand il l'estime oppor­tun, faire ou laisser traîner un procès de cette sorte pen­dant dix ans. Comme il fit pour Teilhard. \* L'épiscopat français n'a jamais voulu qu'une seule chose concernant l'abbé de Nantes : non pas qu'une ré­ponse soit donnée aux questions qu'il pose et aux problè­mes qu'il soulève, mais que ces problèmes soient ignorés et que ces questions ne soient pas entendues. Le Communiqué du Conseil permanent de mars 1967 décrétait contre lui ([^7]) : 35:135t « Il n'y a pas lieu de prendre en considération ce qui est affirmé et développé dans ses lettres. » C'était peu : mais c'était tout. Il y a lieu de « prendre en considération », comme on le sait, Luther, Marx et Freud ; Oraison et Jean Genêt ; Suenens et Davezies ; Garaudy et Cardonnel ; Laurentin et Marcuse ; tout le monde et n'importe qui, -- sauf l'abbé de Nantes. L'épiscopat français a donc obtenu gain de cause au­près de la Congrégation de la Doctrine ; la *disqualification d'ensemble* qui vient d'être prononcée ne dit rien de plus et rien d'autre que : « Il n'y a pas lieu de prendre en considération. » Joignant le geste à la parole, la NOTIFICATION a même donné l'exemple : elle s'est dispensée de prendre en con­sidération les réponses que lui faisait l'abbé de Nantes, et elle en donne, comme nous l'avons vu, un rapport singu­lièrement différent de leur contenu véritable. Pour faire cela, pour décréter seulement cela, il n'y avait pas besoin de trois années d'études, de recherches et d'intense méditation. Une réponse aux problèmes doc­trinaux soulevés par l'abbé de Nantes aurait justifié un aussi long travail ([^8]). Mais «* disqualifié *», «* à ne pas prendre en considération *», il faut un quart d'heure pour l'écrire en forme solennelle de « Notification », et c'était cela même et cela seul que l'on avait dès le début résolu de décréter. Venue deux ans et cinq mois après le Commu­niqué du Conseil permanent, la NOTIFICATION n'y ajoute rien, c'est le même verdict ; aussi sec ; aussi pauvre. Ces vingt-neuf mois, peut-être les a-t-on passés à chercher quelque raison doctrinale, quelque argument de fond ? Et l'on se sera découragé ? C'est une explication possible. 36:135t Il en est une autre. Elle n'est pas plus certaine : elle n'est qu'une hypothèse. Elle est suggérée pourtant par la considération attentive de deux éléments conjoints : le dessein connu de la subversion, et la légende de l'abbé de Nantes. \* Le dessein de la subversion a été publiquement décla­ré : provoquer, de préférence en France, ce qu'ils appel­lent un « schisme de droite », ou « schisme intégriste ». Ils croyaient tenir leur affaire dès le Concile, dès le mi­lieu de l'année 1965, au moment où ils concoctaient un « schéma XIII » de derrière les fagots : ils le machinaient de manière à épouvanter les âmes fidèles et à les mettre en fuite. Ils étaient sûrs de leur coup. Ils ne se tenaient plus d'aise. Ils vendirent la mèche. L'évêque engraisseur qui crache aujourd'hui sur les Rogations ([^9]) annonçait à la cantonade « un schisme pour décembre » ([^10]). Or ce dessein rencontrait une légende : celle qui faisait de l'abbé de Nantes un forcené, un frénétique, un « révolté », l'homme tout désigné pour conduire un tel schisme. L'abbé de Nantes est absolument le contraire d'un schismatique : mais, dans leur constante erreur d'ap­préciation des hommes, des choses et des situations, les managers de la subversion dans l'Église s'y sont trompés. Eux, à sa place et dans sa position, ils auraient fait un schisme. Lui y pensait si peu qu'il ne voyait même pas l'utilité de mettre explicitement ses amis en garde contre l'éventualité d'une telle tentation. 37:135t Il l'a vue en juillet, quand il a constaté qu'un nombre sans cesse croissant de braves gens, écrasés ou révulsés par tout ce que l'état de l'Église a d'humainement insup­portable, provoqués en outre par l'insistance officielle à nommer « renouveau » ce qui est un désastre bien per­ceptible, en viennent à se dire entre eux : -- Retirons-nous de ce pandémonium, vivons désormais en dehors de cette Église, pour pouvoir rester fidèles à l'Écriture et à la Tradition\... L'abbé de Nantes a fait alors cette admirable lettre à ses amis du 16 juillet dernier (le même jour que sa répon­se à la Congrégation), cette admirable lettre que j'ai déjà citée : « Jamais nous ne songerons à former quelque secte, c'est-à-dire à donner et recevoir les sacrements en dehors de toute juridiction donnée par le Pape et les évêques de l'Église catholique romaine\... (etc.) » Il n'y avait assuré­ment jamais songé. Il n'avait pas songé non plus à le dire avec cette netteté. Il le disait le 16 juillet 1969. Le 16 juillet 1969\... A partir de ce moment, il n'y avait plus aucun intérêt à suspendre davantage la sentence qui avait été suspendue pendant trois ans, et qui aurait pu le rester pendant trois autres, ou pendant un siècle. L'abbé de Nantes n'était plus utilisable pour un « schisme intégriste ». Il ne l'avait jamais été : mais la subversion ne l'avait pas compris avant ses déclarations du 16 juillet. Une intention catholique aurait eu dès lors le souci de ménager l'abbé de Nantes, quelles qu'aient pu être ses fautes, puisque son autorité morale s'employait explici­tement, s'employait activement à prévenir la catastrophe d'un schisme « de droite ». Une intention subversive ne pouvait avoir que la pen­sée contraire. Est-ce prêter trop de machiavélisme et de puissance à la subversion ? Les choses se sont-elles réellement passées ainsi ? Nous ne savons. 38:135t Personne peut-être, en réalité, n'a pensé à ce que nous venons de dire. Tant pis. Car il fallait y penser : mais dans un sens catholique. L'abbé de Nantes, par ses vio­lentes réclamations, a bien pu provoquer de vifs remous : tel qu'il est, il est un élément d'ordre, de raison, de fidé­lité, à un moment où il n'en existe plus guère qui aient sa carrure. Pour l'unité catholique, pour la juste doctrine des sacrements, de la succession apostolique et de la pri­mauté du Siège romain, il fallait favoriser son influence et non pas chercher à l'éteindre. Ou bien on a fait exprès de le frapper à ce moment. Ou bien on n'a pas compris qu'en ce moment il importait de ne pas lui nuire. Dans les deux cas, quoique d'une manière fort différente, il y a un grave déficit dans le gouvernement de l'Église. La Notification profite à l'affreuse machination du « schisme intégriste » : dans la mesure où elle porte atteinte à l'autorité morale du prêtre, de l'écrivain, du docteur qui en France est le mieux placé pour l'empêcher et le plus résolu à le prévenir. Ignore-t-on donc à Rome à quelles extrémités délirantes l'actuelle situation religieuse serait au point de porter les âmes les plus ardentes du peuple fidèle, si l'abbé de Nantes n'était là pour les retenir dans la voie du devoir ? Encore faudrait-il savoir si l'autorité morale de l'abbé de Nantes aura été, en fait, atteinte ou diminuée : c'est un point qui, dans les circonstances présentes, demeure plus que douteux. \* Il est enfin une troisième hypothèse. Des confidences calculées nous donnent constamment à entendre, dans l'intention semble-t-il de nous rasséréner, que si le Saint-Siège temporise avec les évêques prévaricateurs, avec les catéchismes falsificateurs, avec les prêtres sacrilèges, c'est par crainte d'un schisme. 39:135t Depuis le 16 juillet 1969, la Congrégation tenait un original, étranger à son temps, rebelle aux mœurs nouvelles, qui se déclare prêt à souf­frir n'importe quel martyre dans l'Église plutôt que de devenir schismatique. Il n'y en a peut-être plus qu'un de cette espèce, aura-t-on pensé ; il ne s'agit pas de le rater, ni de laisser passer l'occasion de faire spectaculairement fonctionner la « légitime autorité » qui partout ailleurs est grippée. Si c'était cela, ce serait d'une bassesse à vomir. #### IV. - L'accusation contre le Pape Je n'ai aucunement l'intention d'esquiver le plus déli­cat -- et le plus grave -- des problèmes soulevés par l'abbé de Nantes. La Notification l'a étalé devant le public le plus vaste : elle a ainsi rendu inévitable une explication claire et complète. Claire, je vais m'y efforcer. Complète, si je n'y arrive pas cette fois-ci, j'y reviendrai autant qu'il le faudra. \* L'abbé de Nantes a porté contre Paul VI une accusa­tion d' « hérésie » ; il soutient cette accusation depuis cinq ans. Le premier réflexe, qui est certainement catho­lique, est de ne même pas écouter, ou de refuser d'en en­tendre davantage. Nous avons eu ce réflexe. Le saint abbé Berto l'a eu ([^11]). La démesure de l'accusation, le caractère auguste et sacré de la personne à qui elle était adressée, l'énormité scandaleuse d'un jugement aussi téméraire faisaient présumer que son auteur avait perdu le sens, était devenu un monstre d'orgueil, et autres hypothèses semblables. 40:135t Encore en 1967, le Communiqué du Conseil per­manent jouait sur ce réflexe catholique : « L'abbé de Nantes attaque le Pape !\... Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération\... » Et encore en ce mois d'août 1969, la Notification n'a pas d'autre doctrine ni d'autre argument : « Il se révolte contre le Magistère !\... Contre le Pontife romain lui-même !\... Il se disqualifie !\... » J'ai dit que ce réflexe est un premier réflexe. J'ai dit qu'il est certainement catholique. Je dois ajouter que cer­tainement aussi il est insuffisant ; et qu'on ne peut s'en tenir éternellement à une simple réponse-réflexe dans une affaire qui réclame une réponse doctrinale. Quand, par curiosité, ou par souci d'exactitude, ou par esprit de justice, ou peut-être enfin par *charité*\... (ah ! j'en aperçois, des docteurs catholiques, des doc­teurs ordinaires ou peu ordinaires, que ça fait bien rigo­ler, la « charité » ; ils ne sont pas dupes ; ils ne marchent pas là-dedans ; ils en parlent à jet continu, ils en parlent aux autres, et selon Nietzsche qu'ils viennent de découvrir : ils en parlent parce qu'ils la tiennent pour une vérole à injecter parmi ceux qu'ils veulent affaiblir et désarmer, ils nous ont bien dit qu'ils sont devenus nietzschéens en même temps que marxistes, et freudiens de surcroît, ils nous collent cette charité-là, cette charité-vérole selon Nietzsche, en rigolant sous cape, et même sans cape, ni soutane, mais eux ne vont pas se régler sur elle, ils prennent leurs règles d'action dans les exigences dynamiques de la lutte de classe, de la révolution, du progrès moderne, eh ! bien, qu'ils ri­golent donc, comme Néron et comme Domitien : je les pré­viens qu'ils ont trop semé dans les rires pour ne pas finir par moissonner dans les pleurs) \...quand, dis-je, on entreprenait de faire sérieusement connaissance avec la pensée et avec la personne de l'abbé de Nantes, cet extrémiste, ce forcené, cet insulteur du Pape, ce nouveau Luther, cet autre « Clément XV », cet être légendaire que l'on réprouvait de loin et sans savoir, on remarquait ce que remarqua le saint abbé Berto : 41:135t « *Je n'ai point reconnu le prêtre orgueilleux et quasi-rebelle que l'on m'avait dépeint, ni même celui contre lequel ses propres expressions, parfois très malheureuses, porte­raient témoignage. J'ai trouvé un confrère surtout meurtri, et meurtri des mêmes choses qui me meurtrissent, mais qui, j'en suis plus certain que jamais, mettra toujours, comme Lacordaire, l'Église au-dessus de tout dans son cœur*. » ([^12]) Il fallait bien, alors, en venir à examiner les choses en elles-mêmes, en détail et en totalité, et selon la doctrine. #### V. - Le pire n'est pas toujours sûr mais il est quelquefois possible Nous autres catholiques, c'est bien normal, nous véné­rons non seulement le pouvoir qui vient de Dieu, non seu­lement la fonction instituée par Jésus-Christ, mais encore la personne même du Saint-Père. Nous pensons spontanément que le Pape, qui a sa grâce, et ses raisons, agit avec prudence et bonté dans le gouver­nement de l'Église. Seulement, c'est là une opinion, plus ou moins vraie, plus ou moins fausse, ce n'est pas un dogme. Si nous allons, en quelque sorte inconsciemment, jusqu'à poser en principe que le Pape est forcément un bon Pape, nous affirmons quelque chose que la doctrine catholique ne dit point. Il n'est nullement impossible que le Pape soit un Pape incertain, un Pape hésitant, un Pape faible, un Pape médiocre, et même un mauvais Pape. Il y en a eu dans l'histoire. Et le cas du « mauvais Pape » est un traité classique de la théologie traditionnelle. 42:135t A plus forte raison, nous pensons spontanément que le Pape n'est pas hérétique. C'est alors plus qu'une opinion : c'est une *présomption* légitime, et une présomption *obliga­toire* jusqu'à preuve éventuelle du contraire. Mais ce n'est pas non plus un dogme. Ni le dogme de l'infaillibilité, ni le dogme de la primauté ne vont jusqu'à prétendre que ja­mais, en aucun cas, d'aucune manière un Pape ne peut tomber dans l'hérésie. Si nous posons en principe univer­sel qu'il est impossible qu'un Pape soit hérétique, nous affirmons là une chose que la doctrine catholique ne dit point. Je ne sais pas s'il y a eu en fait, dans l'histoire, un Pape qui ait été hérétique : mais je sais, et tout le monde peut savoir, que le cas du « Pape hérétique » est un cas classique de la théologie catholique ; elle étudie même ce qu'il convient de faire en pareille circonstance. Ce n'est pas tout. L'hypothèse la plus paradoxale est celle d'un Pape schismatique : paradoxale mais non pas impossible. La théologie catholique explique comment et en quoi il peut se faire que même un Pape tombe dans le schisme. Et c'est un cas distinct des deux précédents. Telles sont les trois principales catastrophes qui peu­vent se produire au sommet de l'Église. La première est en quelque sorte banale ; elle a été relativement fréquente ; la seconde et la troisième sont extrêmes et extraordinaires, c'est pourquoi le petit catéchisme les passe sous silence : mais on se trompe si on les croit absolument impossibles, comme le croient spontanément, sans y avoir réfléchi et sans s'être informés, la plupart des catholiques. #### VI. - Il faut au désastre une cause proportionnée -- Ainsi donc, dira-t-on peut-être, vous soutenez l'ac­cusation portée contre le Pape par l'abbé de Nantes ? 43:135t Je ne la SOUTIENS pas. Je l'EXPLIQUE. \* *Je l'explique *: ne serait-ce, d'abord, que parce qu'il vaut toujours mieux savoir avec précision de quoi l'on parle et comprendre exactement ce qui est en question. Un réflexe spontané, que nous avons tous eu, nous incline à penser que l'abbé de Nantes a certainement tort puisqu'il accuse le Pape, point c'est tout. Or ni la tradition, ni la doctrine, ni le droit catholiques ne sont aussi simplistes. Il n'est pas *impossible en théorie* qu'un Pape soit hérétique, il n'est pas *interdit en droit* de le penser : cela est vrai ou faux *en fait*, dans le cas envisagé. La NOTIFICATION a ré­pondu à l'abbé de Nantes, et l'a « disqualifié », en ne se fondant implicitement sur rien d'autre qu'une supposée interdiction en droit de penser que le Pape est hérétique, ou qu'une supposée impossibilité théorique qu'il le soit. Inévitablement, cette faille majeure sera remarquée ; elle aura des conséquences sur le cours des réflexions et des interrogations. *Je ne soutiens pas* l'accusation portée par l'abbé de Nantes : il la soutient lui-même et il estime qu'elle se soutient d'elle-même. Si elle est une monstrueuse énormité, alors il doit être extrêmement *facile* de la réfuter : pour­tant, personne encore ne s'est risqué à se saisir de cette facilité. Pas même la Congrégation de la Doctrine qui en a reçu et accepté la requête : car elle l'a *acceptée *; et elle a répondu *à côté*. Bien sûr, c'est le rôle et c'est la fonction de la Congrégation de *couvrir* le Pape. Seulement, par sa Notification, elle ne le couvre pas, elle le *découvre* en réa­lité. Elle n'a rien prononcé sur la matière de l'accusation qui était soumise à son jugement, elle s'est gardée d'affir­mer, fût-ce d'une affirmation gratuite, que les preuves théo­logiques déposées par-devant elle n'étaient pas probantes. 44:135t Je ne prétends pas qu'elles le soient : je constate qu'on a préféré en détourner le regard sans un mot, alors qu'elles constituaient l'objet même de la requête que l'on avait acceptée et la matière de la procédure que l'on a consentie et poursuivie. Dans l'Église, qui a toujours eu pour habi­tude de réfuter avec le plus grand soin même les accusa­tions les plus infamantes ou les plus absurdes, la spectacu­laire abstention de la Congrégation de la Doctrine paraît fort étrange ; et l'homme est ainsi fait que l'étrange lui donne toujours à penser. Nous vivons présentement un désastre universel du ca­tholicisme. Chaque jour on nous déclare que c'est un mer­veilleux « renouveau » ; et nous voyons chaque jour le désastre s'approfondir. Il est naturel à l'esprit humain, et assurément légitime, de rechercher des *causes proportion­nées* à un désastre spirituel aussi étendu, joint à un conten­tement aussi obstiné quant à « l'esprit du Concile » et aux « fruits du Concile ». Ces causes proportionnées, ou cer­taines d'entre elles, on en vient à se demander si elles ne se situeraient pas finalement à l'endroit que désigne l'abbé de Nantes : c'est un premier point. Un second point est de savoir si elles y ont la nature exacte qu'il leur assigne. Je ne suis pas, pour ma part, actuellement capable d'apporter une réponse sur ce second point\* Des trois principaux cas, et de tous les cas dérivés pos­sibles, l'abbé de Nantes a-t-il déterminé le vrai ? et a-t-il entièrement raison ? Dans le doute, on pèse le pour et le contre, on compare les objections et les réponses : or personne encore, ni une autorité officielle ni un docteur privé, ne nous a fait enten­dre quelle réponse on pourrait opposer, en doctrine et au fond, à ce que l'abbé de Nantes montre et démontre depuis cinq années. 45:135t La question, délicate et complexe, et sur laquelle la plupart se gardaient jusqu'à présent d'exposer en public leurs doutes ou leurs interrogations (ou leurs certitudes), a été révélée par la NOTIFICATION à tout l'univers catholique. Nul ne l'ignore plus. Elle va s'imposer chaque jour davan­tage aux supputations, aux recherches, aux méditations des uns et des autres. Et cela d'autant plus que la situation religieuse, que l'état de l'Église, tels que nous les subissons quotidiennement, sont, je le répète, *humainement insup­portables*. Au lieu d'y porter remède, de désavouer les sa­crilèges, d'arrêter la falsification de l'Écriture, de faire obstacle à la perversion des enfants par les mauvais prê­tres, de combattre la décomposition pestilentielle de la société ecclésiastique, de définir le vrai et de proscrire le faux, l'Autorité insiste pour nous persuader que tout ce que nous vivons, y compris ce qu'elle nomme elle-même 1' « autodestruction » de l'Église, n'est au total que rénova­tion et progrès, dans la ligne et dans l'esprit du Concile. Devant quoi nous nous demandons si nous faisons là un cauchemar ; ou si nous sommes conduits par des somnam­bules. Et voici qu'un prêtre, avec persévérance, avec sé­rieux, propose une explication : une explication terrible, mais une explication proportionnée. La vraie réponse à lui faire, la réponse doctrinale, la réponse théologique, lui donnerait peut-être tort ; en partie ou en totalité. Seulement la vraie réponse, depuis cinq ans, n'est pas encore venue. C'est tout de même impressionnant. #### VII. - Conclusions L'abbé Berto écrivait exactement. Le passage déjà cité de sa lettre au cardinal (qui l'aura peut-être gardée pour lui ? mais nous l'avons nous aussi) est donc à relire mot à mot : « *Je n'ai point reconnu le prêtre orgueilleux et quasi-rebelle que l'on m'avait dépeint, ni même celui contre lequel ses propres expressions, parfois très malheureuses, porteraient témoignage*. » 46:135t Ni prêtre orgueilleux ni prêtre rebelle (pas même quasi-rebelle), cela fait deux points précis, mais j'attire l'attention sur le troisième qui ne l'est pas moins, relisons avec attention : « *Ni même celui contre lequel ses propres expressions, parfois très malheureuses, porteraient témoignage.* » Sur ce troisième point de l'abbé Berto, sur ce troisième point lui aussi, je m'exprimerai avec l'entière liberté qui m'est habituelle : sans prétendre trancher en dernier appel, bien entendu, mais en donnant ma manière de voir telle qu'elle est. Esprit prompt et profond, l'abbé Georges de Nantes a naguère laissé dans ses écrits la promptitude devancer par­fois la profondeur. Ce qui d'ailleurs, sans être inévitable (mais il y faut alors une grande discipline de plume) est assez conforme à la nature propre et de la profondeur et de la promptitude. J'imagine en outre qu'ayant le sentiment d'être isolé, incompris, rejeté (fasse Dieu qu'il sache bien dans son cœur qu'il ne l'est plus), il a voulu à certains mo­ments « faire percutant » pour percer le mur du silence. D'où quelques *expressions très malheureuses* qui pouvaient *porter témoignage contre lui*. C'est à elles d'abord que l'abbé Berto fut sensible ; moi aussi. Et Jean Ousset, on ne l'igno­re pas, en fut également désolé. Elles donnaient à la per­sonne et à la pensée de l'abbé de Nantes un visage qui n'était pas le sien : et qui pourtant avait sa réalité, tracée noir sur blanc, datée et polycopiée. Si l'on veut écheniller, surtout dans ses écrits anciens, une collection de phrases, de formules, d'adjectifs qu'il paraîtra impossible d'accep­ter tels quels, bien sûr on les trouvera. C'est un aspect de son œuvre. Mais c'en est un aspect limité. S'en tenir tou­jours à ce seul aspect serait une injustice. \* 47:135t C'est que l'abbé de Nantes écrit sous ce rapport à la manière de saint Augustin plutôt qu'à celle de saint Tho­mas : il part au quart de tour, il fonce à tout berzingue, il pousse les vitesses en sur-régime, et il se dit qu'il aura bien le temps, le moment venu, de contrôler le dérapage, de composer ses *retractationes *: comme fit saint Augustin. Il n'a d'ailleurs pas l'intention de s'y juger lui-même, il se soumet d'avance au jugement doctrinal de l'Église. Il en a fait pour ainsi dire une méthode de recherche et de pensée : on voit bien ce qu'ont de fulgurant ses intui­tions fondamentales, on voit mieux aujourd'hui ce qu'elles ont de saisissant, et ce qu'elles ont eu de quasiment pro­phétique, eu égard à la date de leurs premières expres­sions ; mais l'on voit aussi qu'il les a aussitôt poussées jusqu'à leurs ultimes conséquences logiques, et l'on se demande parfois si cette logique n'est pas un peu trop unilinéaire. Qu'importe, répondrait-il, je n'écris pas un traité, je fais une RÉCLAMATION, je lance un AVERTISSEMENT, et *j'attends la réponse*, demeurant prêt à retrancher, *selon ce qu'elle prouvera*, ce que j'aurais avancé d'excessif. Mé­thode extraordinaire, mais sa vocation l'est peut-être, et la situation l'est certainement. «* Je désavouerais mes accusations et j'en ferais répara­tion *», annonce-t-il fermement dans sa réponse du 16 juil­let 1969 à la Congrégation de la Doctrine : dans la mesure où l'on parviendrait à les «* réfuter par l'autorité des Saintes Écritures et des enseignements du Magistère infaillible *». Il n'exclut même pas que ses accusations, ou certaines d'en­tre elles, puissent reposer sur des «* malentendus *», mais il remarque qu'alors *il aurait été facile de les dissiper*, et qu'on ne l'a point fait. J'ai dit que sa méthode est extraordinaire : mais cette remarque ne doit point être poussée jusqu'à l'exagération. Car une telle méthode a aussi son côté ordinaire, habituel, consacré par l'usage et connaturel à l'intelligence humaine : donner toute sa vigueur possible à l'objection, mettre en relief son apparence ou sa part de vérité, et la soumettre, dans la plénitude de sa force, à l'épreuve de la réfutation. 48:135t Les objections qu'il oppose à l'actuel gouvernement pontifical et aux doctrines dont celui-ci semble s'entourer sont peut-être de valeur inégale : mais aucune n'a reçu le moindre commencement de réfutation « par l'autorité des Saintes Écritures et des enseignements du Magistère in­faillible ». Une carence aussi singulière des apologistes du ponti­ficat et du Concile est d'une importance qui s'aggrave d'heure en heure. \* Que l'abbé de Nantes ait tort sur plusieurs points, lui-même n'en nie pas la possibilité : il demande seulement que l'on en discute avec sérieux et en doctrine, et il appe­lait sur ses écrits un jugement doctrinal du Saint-Siège. On a trouvé opportun de répondre par un jugement sim­plement disciplinaire. Je crains d'en apercevoir le motif. Car, même si l'on démontrait que l'abbé de Nantes a eu tort sur un petit ou sur un grand nombre de points, il n'en resterait pas moins ceci, qui figure au troisième paragra­phe de sa réponse du 16 juillet 1969 : « *Les* FAITS CITÉS *dans mes écrits sont des faits connus de tous, indiscutablement établis. Je suis prêt à démentir ceux d'entre eux qui seraient controuvés ou officiellement désavoués. Les interpré­tations que j'en ai données suivent constamment les interprétations très généralement* DÉCLARÉES PAR LEURS AUTEURS ([^13]) *et reçues pour telles dans l'opinion. Certes, je trouve motif d'accusation dans ce que d'autres applaudissent précisément comme une mutation de la foi et une révolution dans l'Église*. 49:135t *Mais on ne peut m'interdire, à moi seul, de citer ces faits ni de faire état de leur interprétation cou­rante, sous prétexte que je les déplore et les ré­prouve, tant qu'on laisse les Modernistes et Pro­gressistes libres partout de s'en réclamer et de s'en couvrir pour agiter l'Église entière et pervertir les âmes.* «* La formule qui m'est imposée ne reposant sur aucun démenti des faits ni aucune réfutation des interprétations reçues constitue une exigence de totale démission, intellectuelle et morale, devant les erreurs et les fautes des Novateurs. *» Ces lignes sont d'une extrême densité : que le lecteur qui désire comprendre veuille bien les peser à leur poids. Je ne sais si l'abbé de Nantes est inexpugnable en toutes ses positions : je crois de toute ma conviction qu'il l'est au moins en celle-là. Peut-être le malheur présent de l'Église n'est-il fait que de l'ambiguïté, que du système d'ambiguïté permanente installé à son sommet. Je souhaite profondément qu'il n'y ait rien de plus et rien d'autre. S'il nous était montré qu'il n'y a décidément rien d'autre et rien de plus, l'abbé de Nantes en serait le premier soulagé, partiellement sou­lagé, ce serait déjà une consolation pour nos cœurs, un dé­but de consolation : incapable pourtant de limiter en rien l'actuelle désintégration de la société ecclésiastique. Car cette systématique ambiguïté, même si elle n'est qu'ambi­guïté, comporte une *absence doctrinale* et un *abandon pra­tique de la légitimité* qui sont précisément ce qui rend pos­sible et ce qui accélère 1' « autodestruction » de l'Église. Oui, les FAITS CITÉS par l'abbé de Nantes sont du do­maine public, et nous sont chaque jour présentés, avec applaudissement, comme le signe et l'exemple du change­ment substantiel à introduire dans la religion chrétienne : dans la loi naturelle et dans la doctrine révélée. 50:135t Oui, les interprétations qu'il met en accusation, il ne les a pas inventées, elles sont « déclarées par leurs auteurs et reçues pour telles dans l'opinion ». C'est au nom de la hiérarchie ecclésiastique, du Magistère catholique et du Pontife ro­main que l'on nous presse de consentir à la mutation de la foi. Si le Pontife romain, le Magistère catholique et la hiérarchie ecclésiastique aperçoivent et désapprouvent cette trahison qui maintenant nous est imposée de plus en plus *par la voie hiérarchique*, il leur appartient alors de faire cesser ce cauchemar en désavouant clairement ceux qui fomentent une telle forfaiture et non pas ceux qui la com­battent. \* Il faut de tout pour faire un monde : et même sans doute des esprits qui n'entrent pas dans les considérations que nous venons d'exposer. Mais elles sont pour nous, comme pour les chrétiens des siècles passés et ceux des siècles à venir, sérieuses infiniment, et suprêmement dé­cisives. Nous y avons engagé nos vies. Il y va du salut éternel des âmes. Les pianos mécaniques de la propagande post-conciliaire, les variations balancées des mandolines pastorales et des harmonicas exhortatoires, nous n'en avons que faire, et nous en avons assez. Nous réclamons de la succession apostolique et de la primauté du Siège romain que leurs détenteurs reviennent à leur fonction de définir le vrai, de proscrire le faux, et d'y conformer leur gouver­nement de l'Église. Jean Madiran. ============== fin du supplément 3 au numéro 135. [^1]: **\*** -- Voir It. 228-12-78. [^2]: -- (1) Jacques Perret : Mutinerie à bord, Plon 1969, pages 132-133. [^3]: -- (1) Notification publiée en français par *L'Osservatore romano* en date du 10 août (numéro paru le 9 août au soir). Texte reproduit dans le Figaro du 11 août, dans *Le Monde* et dans *Le journal la croix* du 12 août. Ces reproductions diffèrent par quelques mots (sans grande importance) de la version authentique de *L'Osservatore romano* : c'est évidemment cette dernière que nous suivons. [^4]: -- (2) Second supplément au numéro 135 : *Le pèlerinage à Rome*, pages 5 à 9 (paru le 6 août 1969). [^5]: -- (1) Le texte de la formule de rétractation et celui de la réponse du 16 juillet n'ont pas encore été rendus publics ; ils vont l'être, dans peu de jours, par l'abbé de Nantes. On peut les lui demander, ainsi que les autres documents du dossier, à l'adresse : Maison Saint-Joseph, 10- Saint-Parres-lès-Vaudes. [^6]: -- (1) Agence France-Presse. [^7]: -- (1) Communiqué de mars 1967, publié dans la Documentation catholique du 21 mai de la même année, col. 956. [^8]: -- (1) La requête de l'abbé de Nantes auprès de ce qui était alors le Saint-Office date du 16 juillet 1966. [^9]: -- (1) Voir : « Chronique des grandes Litanies », dans Itinéraires, numéro 135. [^10]: -- (2) Voir Itinéraires, numéro de juillet-août 1965 : « Un schisme pour décembre ». [^11]: -- (1) J'emploie le mot « saint » : 1° dans son sens obvie et courant, 2° en pleine soumission à la législation de l'Église, 3° sans prétendre devancer ou contredire son jugement éventuel. [^12]: -- (1) Lettre de l'abbé Berto au cardinal XXX (membre français de la Congrégation de la Doctrine), 4 juin 1966. Témoignage déjà cité dans Itinéraires, numéro 132 d'avril 1969, page 12. [^13]: -- (1) C'est moi qui souligne ces quatre mots.