# 145-sup2
(Second supplément)
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L'Écriture falsifiée dans la nouvelle liturgie
### Falsification blasphématoire de l'Épître aux Philippiens dans la nouvelle liturgie
#### Dimanche des Rameaux Épître aux Philippiens II, 6-7
LECTIONNAIRE FRANÇAIS
OFFICIEL DE 1959 :
Étant de *condition divine,* il (le Christ) ne *retint* pas avidement le rang qui l'*éga**lait à Dieu *; mais il se dépouilla lui-même en prenant la condition de l'esclave, se faisant semblable aux hommes...
NOUVEAU LECTIONNAIRE APPROUVÉ PAR
LE SAINT-SIÈGE :
Le Christ Jésus est *l'image* de Dieu ; mais il n'a pas voulu *conquérir* de force *l'égalité* avec Dieu. Au contraire il s'est dépouillé, devenant l'image même du serviteur et se faisant semblable aux hommes...
C'est clair. Le Christ est *de condition divine,* dit Saint Paul : non pas, il est l'*image* de Dieu, dit le nouveau Lectionnaire français liturgiquement « obligatoire ».
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Le Christ Jésus est *d'un rang égal* à Dieu, dit Saint Paul. Non point, dit le nouveau Lectionnaire : *il n'a pas voulu conquérir* l'égalité avec Dieu.
\*\*\*
Le précédent Lectionnaire français de 1959 pour les dimanches et fêtes existait en vertu d'une autorisation du Saint-Siège en date du 17 octobre 1956 : il avait été rendu « obligatoire » par une « décision » de l'Assemblée des cardinaux et archevêques ([^1]).
Nos lecteurs peuvent se reporter au Dimanche des Rameaux de leurs anciens missels. Ils y trouveront le texte latin de Philipp., 11, 5-11, et des traductions, littéralement diverses, mais qui toutes affirment ce qu'affirme le texte de saint Paul : la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. *C'est ici, en effet, l'un des passages de l'Écriture les plus importants pour l'affirmation certaine de cette divinité.*
Nos lecteurs peuvent se reporter aussi à la traduction de la Bible de Jérusalem. Ils peuvent se reporter à n'importe quelle traduction française antérieure à l'ORDRE NOUVEAU du catéchisme et de la messe.
Nous avons souvent dit que, si la messe du Missel romain de S. Pie V est la messe du catéchisme du Concile de Trente d'autre part *la nouvelle messe est la messe du nouveau catéchisme :* elle l'est aussi sous le rapport de la falsification de l'Écriture.
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Depuis le mois de février 1968, nous élevons une réclamation continuelle contre les falsifications de l'Écriture obligatoirement imposées par l'autorité dans les nouveaux catéchismes ([^2]),
La seule réponse de l'autorité est d'imposer maintenant la falsification dans la « liturgie de la parole » des rites nouveaux.
Le nouveau Lectionnaire français « obligatoire » a été approuvé par le Saint-Siège : cela nous *renseigne,* et terriblement, cela ne nous *oblige* pas. Aucune autorité au monde n'a pouvoir d'imposer la falsification de l'Écriture. *Non licet.*
\*\*\*
La version falsificatrice, officielle et obligatoire, est naturellement celle qui figure dans les missels néo-vernac mis à la disposition des fidèles de L'ORDRE NOUVEAU. Elle figure dans le *Nouveau Missel des* *dimanches,* livre de poche à couverture fleurie, « édition collective pour l'année liturgique 1969-1970 », « publié par les éditeurs suivants : Brepols, Centurion, Cerf, Chalet, Desclée et Cie, Desclée de Brouwer, Droguet et Ardant, Mame, Proost, Tardy » : ils sont tous dans le coup.
\*\*\*
Nous publions successivement ci-après :
1° *La lettre ouverte,* déjà publique ([^3]), *de Louis Salleron à Mgr René Boudon,* président de la commission internationale des traductions des textes liturgiques latins pour les pays de langue française.
2° *La lettre,* encore inédite *de Jean Madiran au pape Paul VI.*
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3° *La lettre,* également inédite de *Jean Madiran au cardinal Gut,* préfet de la Congrégation romaine du culte divin.
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Puis à la suite, 4°, 5°, etc., d'autres considérations sur la situation non pas *créée,* mais *plus clairement manifestée* par la falsification de l'Écriture sainte dans les lectures « obligatoires » de l'ORDRE NOUVEAU.
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### Lettre ouverte de Louis Salleron à Mgr Boudon
*président de la commission internationale etc.*
MONSEIGNEUR,
Si vous lisez *Carrefour*, comme je l'espère, vous n'avez pu manquer d'observer le soin que je prenais à dissocier l'œuvre du *Magistère* de celle des *Bureaux*.
J'agis ainsi par respect pour le Magistère et parce qu'il est visible que les Bureaux le débordent constamment. Cependant la division du travail qui s'est instituée au sein de la collégialité épiscopale aboutit à investir certains évêques de RESPONSABILITÉS déterminées.
C'est ainsi que vous présidez aux destinées de notre liturgie nationale.
Je ne sais si vous êtes frein ou moteur dans tout ce qui se fait en ce domaine.
J'ai eu l'occasion, dans *Carrefour*, d'attirer l'attention sur le caractère proprement scandaleux de certaines circulaires émanant de vos bureaux, notamment au sujet de la messe du samedi soir (*Carrefour*, 5 février 1969) et au sujet des messes de petits groupes (*Carrefour*, 1^er^ avril 1970). Je n'ai pas cru devoir, en ces occasions, souligner la responsabilité personnelle que votre fonction vous assignait, par déférence envers votre caractère épiscopal.
Aujourd'hui, je crois devoir m'adresser à vous-même pour tirer au clair une question plus importante encore.
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Il s'agit, en effet, de la TRADUCTION EN FRANÇAIS DE LA PAROLE DE DIEU.
Vous êtes, Monseigneur, président de la Commission internationale de traduction pour les pays de langue française. A ce titre vous êtes *responsable* des textes français qui sont, non plus seulement proposés, mais *imposés,* aux prêtres comme aux fidèles, pour exprimer la parole de Dieu.
Vous conviendrez évidemment que ces textes, quand il s'agit de l'Écriture Sainte, ne peuvent être falsifiés. La foi de l'Église n'a pas changé, et la foi des catholiques français ne saurait être différente de celle des catholiques des autres pays.
Or la lecture du « nouveau missel des dimanches » me met en alerte.
Pour ne pas élever un débat général où se disperserait l'attention, je me limiterai à un seul texte, *considéré unanimement comme* CAPITAL *dans la doctrine chrétienne.*
Il s'agit de l'épître aux Philippiens, 2, 6-11, qui constitue la deuxième lecture de la messe du dimanche des Rameaux et figure à la page 111 du « *Nouveau missel des dimanches *»*.* Voici ce qui est écrit :
« *Le Christ Jésus est l'image de Dieu ; mais* IL N'A PAS VOULU CONQUÉRIR DE FORCE L'ÉGALITÉ AVEC DIEU. *Au contraire, il s'est dépouillé, devenant l'image même du serviteur et se faisant semblable aux hommes. On reconnaissait en lui un homme comme les autres. Il s'est abaissé, et dans son obéissance il est allé jusqu'à la mort, et la mort sur une croix. *»
Il est vraiment impossible d'imaginer une TRAHISON plus parfaite de la parole de Dieu.
Rappellerai-je le texte latin ?
« *Hoc enim sentite in vobis, quod et in Christo Iesu. : qui cum in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est esse se æqualem Deo : sed semetipsum exinanivit formam servi accipiens, in similitudinem hominum factus ; et habita inventas ut homo, humiliavit semetipsum factus obediens usque ad mortem, mortem auteur crucis. *»
Le latin « colle » étroitement au texte grec original ([^4]).
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Si ces paroles ont l'obscurité de la profondeur même du mystère de l'Incarnation et de la Rédemption, elles sont parfaitement claires dans leur formulation.
Aucun traducteur français ne s'y est trompé. Si les uns et les autres ont été plus ou moins heureux à rendre dans notre langue la précision et la densité des textes grec et latin, du moins leur effort allait-il dans le sens de la vérité qu'il s'agissait de transmettre.
Les traductions abondent. Je vous en citerai trois, caractéristiques parce que récentes et universellement connues.
La première est celle du chanoine Osty (en collaboration avec J. Trinquet). La voici :
« *Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent en Christ Jésus*
« *Lui, qui était* de condition divine, ne se prévalut pas d'être l'égal de Dieu, *mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave et se faisant semblable aux hommes. Offrant ainsi tous les dehors d'un homme, il s'abaissa lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. *»
En note, le chanoine Osty indique :
« *Noter la série des abaissements de Christ Jésus : de la condition divine à la condition humaine, de la condition humaine à celle d'esclave, de la condition d'esclave à celle de crucifié. *»
La seconde traduction est celle du Missel du R.P. Feder s.j. -- « le Feder », comme on l'appelle -- qui était, il y a encore dix ans, le plus répandu
« *Frères, ayez en vous les sentiments qui animaient le Christ Jésus.* Il était Dieu, *et pourtant il* n'a pas jugé devoir garder jalousement ses droits d'égalité avec Dieu. *Au contraire, il s'est anéanti lui-même, il a pris la condition d'esclave, il s'est rendu semblable aux hommes. Et devenu visiblement pareil aux hommes, il s'est abaissé encore, en se faisant obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix. *»
La troisième traduction est celle de la « Bible de Jérusalem » (qui n'est certes pas réputée « intégriste » !)
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« *Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus :*
« *Lui, de condition divine,*
*ne retint pas jalousement*
*le rang qui l'égalait à Dieu.*
« *Mais il s'anéantit lui-même*
*prenant condition d'esclave,*
*et devenant semblable aux hommes.*
« *S'étant comporté comme un homme*
*il s'humilia plus encore,*
*obéissant jusqu'à la mort,*
*et à la mort sur une croix ! *»
Ces trois traductions, pour différentes qu'elles soient, présentent ce caractère commun de chercher à rendre le plus parfaitement possible le sens du texte original, sens sur lequel elles sont d'accord -- et sur lequel il est impossible, si on est honnête, de ne l'être pas. Seuls pourraient varier les commentaires théologiques. Mais dans une traduction il s'agit du texte et non de commentaires.
La première difficulté à surmonter est dans le mot latin « forma » (en grec « morphé »). Il veut dire « forme ». Les traducteurs n'osent pas dire « forme », qui peut tromper, car il s'agit de la nature divine elle-même. Une note de la Bible de Jérusalem explique, en renvoi, à « condition divine » :
« *Litt.* « *Lui qui se trouvait dans la forme de Dieu *»*, où le mot* « *forme *» *désigne les attributs essentiels qui manifestent au dehors la* « *nature *»* : le Christ, étant Dieu, en avait de droit toutes les prérogatives. *»
D'où la phrase qui suit : le Christ « ne se prévalut pas d'être l'égal de Dieu », il « ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu ».
Feder, lui, traduit carrément « *Il était Dieu... *»
Peut-être a-t-il eu tort de lâcher le texte original. Au moins fait-il passer dans l'esprit du lecteur l'idée qui est présente à l'esprit de saint Paul. Aussi bien sa traduction n'est-elle pas officielle, et le texte latin, qui est en face, permet de voir qu'elle a pour objet de l'éclairer.
9:145s
La traduction à laquelle, Monseigneur, vous apportez votre garantie officielle, ne fait pas que s'écarter substantiellement des trois précédentes et de toutes celles qu'on pourrait trouver dans les missels catholiques, elle TRAHIT le texte original, elle le CONTREDIT, elle l'INVERTIT, semant insidieusement l'erreur dans l'âme du fidèle désarmé.
Jésus-Christ est « *l'image de Dieu *»*,* dit votre traduction. Non ! Il est « *dans la forme de Dieu *», ou « *de condition divine *», ou « *Dieu *» lui-même.
N'étant que « l'image de Dieu », Jésus-Christ, dans votre traduction, « N'A PAS VOULU CONQUÉRIR DE FORCE L'ÉGALITÉ AVEC DIEU », alors que, pour saint Paul, Jésus-Christ, *parce qu'il était* « dans la forme de Dieu », N'AVAIT PAS A CONQUÉRIR l'égalité avec Dieu, cette égalité étant sa *possession légitime,* comme il en avait l'intelligence et la conscience.
De même qu'il était dans la « forme » de Dieu, il a pris la « forme » de l'esclave -- c'est le même mot dans le texte original. Pour votre traduction, il passe de « l'image » de Dieu à « l'image » de l'esclave.
Où est la Parole de Dieu ?
Développée dans sa logique et dans son intention, votre traduction signifie ceci :
« *Le Christ Jésus* (n'est pas Dieu. Il est homme. Mais il est homme si parfait qu'il) *est l'image de Dieu.* (Il pouvait donc être tenté de devenir Dieu en usant de la toute-puissance de sa perfection), *mais il n'a pas voulu conquérir de force l'égalité avec Dieu,* etc. »
On voit très bien ce que votre traduction entend suggérer : Adam *a voulu conquérir* l'égalité avec Dieu ; Jésus-Christ, le nouvel Adam, *n'a pas voulu* agir de même.
Mais s'il est vrai que Jésus-Christ est le nouvel Adam, c'est avec toutes les différences que souligne indéfiniment tout le Nouveau Testament., Car Adam fut fait « à l'image » et « à la ressemblance » de Dieu, tandis que Jésus-Christ est « dans la forme » de Dieu, comme le dit précisément saint Paul pour indiquer que cette « image » de Dieu est Dieu lui-même. Votre traduction impose « l'image » d'un Christ exclusivement humain.
D'où les mots pâles qui suivent. Ce sont ceux de l'humanisme intégral, ceux de l'anthropomorphisme. Le Christ s'est « dépouillé », il est devenu « l'image même du serviteur ». Mais non ! Le Christ s'est « anéanti ». Plus exactement encore, il s'est « vidé ». Vidé de quoi ?
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Je laisse aux théologiens de me le dire, exactement. Mais je vois bien qu'il s'est vidé de tout. Il s'est *vidé de lui-même.* Il s'est vidé, étant Dieu, de la gloire de sa divinité, se faisant homme. Il s'est vidé, étant homme, de la gloire de son humanité, prenant la forme de l'esclave.
Esclave. Pas serviteur, ou du moins pas au sens que peuvent lui attribuer le lecteur ou l'auditeur auxquels le mot s'adresse. Ce n'est pas « l'image même du serviteur » qu'évoque saint Paul. Vos traducteurs veulent nous présenter un homme qui est l'image de Dieu parce qu'il est « l'*image* même du *serviteur *» *--* l'homme pour les autres. Si le Christ est l'homme pour les autres, c'est parce qu'étant dans la forme de Dieu, il a pris la forme de l'esclave ; et c'est de cela que parle saint Paul aux Philippiens.
Le Concile Vatican II, et nous nous en réjouissons, a voulu revaloriser la Parole de Dieu. Mais en ce point comme dans les autres, on fait violence au Concile.
La revalorisation de la Parole de Dieu, ce n'est pas la « prise de la parole. », analogue à la « prise de la Bastille », et qui nous vaut ce déluge d'insanités et d'hérésie où nous nous noyons. Mais c'est moins encore l'altération, la corruption, la falsification de la Parole de Dieu dans les traductions.
Nous avons eu déjà les textes falsifiés du Nouveau Catéchisme. On nous expliquait que les textes authentiques n'étaient pas accessibles aux enfants. Excuse détestable, puisqu'on les présentait comme authentiques. Excuse qui permettait cependant les plaidoyers honteux. Mais ces « adultes » à qui s'adressent les textes du dimanche, ils n'ont pas droit non plus à la Parole authentique ? On doit la leur déformer, pour qu'ils la comprennent de travers ? La Liturgie de la Parole, c'est celle de la trahison de la Parole ?
Ce « *Nouveau Missel des dimanches *» que j'ai sous les yeux, il porte la double mention : « *Nihil obstat,* Paris, le 1^er^ novembre 1969, L. Mougeot » et imprimatur Paris, le 1^er^ novembre 1969.
René Boudon, évêque de Mende. »
Le « Lectionnaire » officiel, réservé aux prêtres, et dont les textes sont les mêmes, porte, m'a dit un prêtre de mes amis, la mention suivante :
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*Texte approuvé par la Commission internationale de traduction pour les pays de langue française et confirmé par la Congrégation pour le Culte divin, le 16 septembre 1969 ;*
« *Approbatur et imprimatur ; *
« *Paris, le 20 septembre 1969 ;*
« *René Boudon, évêque de Mende, président de la commission internationale *»*.*
On peut imaginer que la Congrégation pour le Culte divin, qui n'est pas d'ailleurs nécessairement polyglotte, a fait confiance au président de la commission internationale.
C'est donc vous, Monseigneur, qui êtes le RESPONSABLE.
Alors je vous pose respectueusement la question :
-- *Est-ce vous qui avez traduit l'épître aux Philippiens qui est lue à la messe du dimanche des Rameaux ?*
*Si, comme il est probable, ce n'est pas vous qui l'avez traduite, en avez-vous lu la traduction ?*
*Si vous n'avez pas lu la traduction avant d'y donner votre imprimatur, qu'allez-vous faire maintenant que vous la connaissez ?*
Il est *évident* que vous ne pouvez prendre la responsabilité de continuer à garantir de votre autorité un texte qui constitue une TRAHISON manifeste de la Parole de Dieu et qui, offense à Dieu et à l'Église, ne peut avoir pour effet que de détruire insensiblement la foi des chrétiens. Il est *évident* qu'on ne peut obliger indéfiniment les prêtres à devoir choisir entre l'obéissance au Magistère et l'obéissance à Dieu.
Il est *évident* qu'on ne peut les obliger davantage à vérifier toutes les traductions qui leur sont fournies par le Lectionnaire.
Le malheur des temps me contraint à faire cette démarche auprès de vous publiquement. Je le regrette. Mais il est, hélas ! acquis que toute requête faite par les voies normales est comme n'existant pas. A défaut d'effet immédiat, une requête publique est du moins assurée d'aboutir à terme.
12:145s
Il ne m'appartient pas de vous suggérer la solution provisoire propre à atténuer le mal fait, en attendant la solution définitive qui consiste simplement dans la restitution de l'authentique Parole de Dieu.
J'aurai du moins fait mon devoir en me faisant l'écho de tous ceux qui entendent rester fidèles à Dieu en demeurant les fils soumis de l'Église.
C'est dans cet esprit, Monseigneur, que je vous prie d'agréer l'assurance de ma considération respectueuse.
Louis Salleron.
13:145s
### Lettre à Paul VI
*11 juin 1970*
*Très Saint Père,*
*Par un acte en date du 16 décembre 1969, la Congrégation romaine du culte divin, au nom du Saint-Siège et de Votre Sainteté, a* « confirmé » *le nouveau Lectionnaire français, contenant entre autres la nouvelle version française de Phil. II, 6-11, imposée comme désormais obligatoire, et obligatoirement proclamée à la messe du Dimanche des Rameaux.*
*Cette nouvelle version est une falsification qui saute aux yeux, blasphématoire et sacrilège ; effaçant la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la niant explicitement.*
*La divinité du Sauveur, dans la version liturgiquement obligatoire de l'Écriture, peut-on en dire : --* De minimis non curat praetor ?
*Nous sommes en présence d'une acte d'autorité manifestement criminel.*
*Ce n'est pas le premier. Depuis bientôt deux ans, la France vit sous le régime de la falsification de l'Écriture sainte, imposée à tous les catéchistes et à tous les catéchismes.*
14:145s
*La plainte et la réclamation incessante des fidèles ont été ignorées par le Saint-Siège et n'ont pas eu accès au cœur du Saint-Père.*
*Le système de la falsification, toujours impuni, toujours imposé, par un nouveau progrès s'introduit maintenant dans la* « *liturgie de la parole *»*. Il revient donc aux simples fidèles, selon une tradition catholique solidement attestée, de faire physiquement obstacle dans les églises à la proclamation du blasphème et du sacrilège.*
*Il leur revient aussi de prendre acte du fait qu'une seule falsification de l'Écriture, niant la divinité de Notre-Seigneur, suffît à frapper d'une suspicion légitime et nécessaire l'ouvrage entier du Lectionnaire français, et tous les détenteurs de l'autorité ecclésiastique qui l'ont garanti, confirmé et imposé.*
*Librement prosterné devant le trône de Pierre, j'exprime à Votre Sainteté mon filial attachement à la Primauté du Pontife romain irréformablement définie par la sainte Église.*
Jean Madiran.
15:145s
### Lettre au cardinal Gut
*12 juin 1970*
*Monseigneur le Cardinal,*
*Par un acte, engageant Votre Éminence, en date du 16 septembre 1969, la Congrégation. du culte divin a, au nom du Saint-Père,* « *confirmé *» *le nouveau Lectionnaire français, contenant entre autres la nouvelle version française obligatoire de Phil. II, 6-11.*
*Cette nouvelle version est en* contradiction *avec la précédente version française obligatoire du même passage.*
*Elle est en contradiction avec le texte de la Vulgate.*
*Elle est en contradiction évidente avec la foi catholique.*
*Il s'agit d'une falsification manifeste.*
*Cette falsification blasphématoire, niant explicitement la divinité, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, n'a rien d'inouï : elle vient seulement s'ajouter aux falsifications antérieures de l'Écriture, introduites et imposées par voie d'autorité dans les nouveaux catéchismes français.*
*Les réclamations incessantes et solennelles des fidèles contre ces falsifications de la Parole de Dieu n'ont, depuis bientôt deux années, obtenu aucune attention ni de l'épiscopat local ni du Saint-Siège.*
*Au contraire : le système de la falsification s'étend maintenant, après le catéchisme, à la* « *liturgie de la parole *» *telle qu'elle est imposée dans vos nouveaux rites de la messe.*
*J'ai l'honneur d'informer Votre Éminence -- comme je l'ai déjà porté à la connaissance du Saint-Père -- que je prends l'initiative d'inviter les fidèles à empêcher physiquement, dans les églises, la proclamation des blasphèmes falsificateurs du nouveau Lectionnaire français.*
16:145s
*Les auteurs de ce Lectionnaire, et ceux qui l'ont garanti, et ceux qui l'utilisent, sont manifestement coupables ou complices d'un sacrilège avéré.*
*Une méthodique suspicion légitime s'impose désormais à l'égard de tous ceux qui ont donné leur approbation ou participé en quelque manière à un tel crime.*
*Nous en voici donc arrivés à ce point extrême où nous est procuré et imposé dans l'Église un texte de l'Écriture falsifié de manière à nier la divinité de Jésus. A qui aura-t-on désormais le droit de faire confiance ? Et quels labeurs ne faudra-t-il pas pour que la confiance soit un jour rétablie...*
*Cette falsification n'est pas enveloppée ni imperceptible. Elle apparaît au premier regard. Elle est lourdement insistante. Et pourtant elle a, dans la meilleure des hypothèses,* « *échappé *» *à toute la cascade hiérarchique d'autorités, jusqu'à la vôtre, qui ont successivement révisé, approuvé, garanti, confirmé, officialisé un faux évident, et rendu soi-disant* « *obligatoire *» *l'usage de faux.*
*Il ne m'est pas possible de vous cacher, Éminentissime Seigneur, qu'aux yeux de tous l'un des principaux responsables hiérarchiques de ce crime est, personnellement, Votre Éminence.*
*Je m'incline profondément devant la pourpre sacrée d, Cardinal de l'Église romaine,*
Jean Madiran.
*Pièce jointe : copie de ma lettre du 11 juin au Saint-Père.*
17:145s
### Considérations I
C'EST LOUIS SALLERON qui, le premier, par sa lettre ouverte à Mgr Boudon, a protesté contre la falsification de l'Épître aux Philippiens.
Mais il s'agissait d'une version française approuvée par le Saint-Siège le 16 septembre 1969, et lue le dimanche 22 mars 1970 dans toutes les églises de langue française soumises à l'ORDRE NOUVEAU. -- En juin, Louis Salleron était, dira-t-on, un peu en retard. Et nous-mêmes encore plus.
La raison en est simple : nous n'allons pas aux messes de l'ORDRE NOUVEAU ; nous n'utilisons pas les missels-agendas ; nous n'écoutons pas les lectures tirées du nouveau Lectionnaire français.
Mais *l'immense majorité* qui, paraît-il, se repaît avec joie et ferveur des proclamations du néo-vernac, elle n'a donc, elle, ni entendu ni écouté ? Elle a unanimement, prêtres et laïcs, avalé la falsification sans s'apercevoir de rien ?
En tout cas, elle ne l'a pas manifesté. Elle a démontré soit son inattention totale aux lectures de la nouvelle messe, soit son absence de discernement, soit sa soumission automatique à n'importe quoi, jusques et y compris les falsifications sacrilèges. On peut lui « proclamer » que le Christ est L'IMAGE DE DIEU, qu'il N'A PAS VOULU CONQUÉRIR L'ÉGALITÉ AVEC DIEU, cette joyeuse et fervente et bovine « majorité » de prêtres et de laïcs ne remarque rien là de contraire à sa religion. La preuve est faite.
\*\*\*
18:145s
Trois explications, qui d'ailleurs ne s'excluent point, peuvent être avancées :
**1. -- **Par un effet prompt et inévitable de l'ORDRE NOUVEAU du catéchisme et de la messe, les catholiques soumis à un tel régime en sont arrivés au point de ne plus rien savoir ni comprendre. Leur abrutissement a été efficacement opéré.
**2. -- **Contrairement à ce qu'ont imaginé des « pastoraux » qui sont des bavards sans expérience réelle, les assistants *ne peuvent pas entendre* les lectures faites à la messe, quand il y en a *trois*, et au moins autant d'allocutions et d'explications. Cette logorrhée quasiment ininterrompue, on en entend quelquefois les mots, on n'en perçoit plus la signification. La tradition ancienne était sage : une seule lecture, cela suffit ; et *une* seule homélie. A condition d'ailleurs que l'unique homélie dure couramment quatre à cinq minutes, sept au maximum, chaque fois que le prédicateur n'est pas Bossuet ou Bourdaloue...
**3. -- **Les sectateurs de l'ORDRE NOUVEAU qui ont aperçu la falsification sacrilège l'ont acceptée par un effet de cette *soumission servile* qu'ils ont établie, en théorie et en pratique, à la place de l'obéissance chrétienne. Car voici ce qu'on ose leur prêcher
« Nous avons dit et répété que les nouveaux catéchismes n'ont jamais été approuvés par le Saint-Siège et ne le seront jamais. C'est pourquoi nous les refusons. Par contre la traduction française du nouvel ORDO est approuvée par le Saint-Siège. C'est pourquoi nous nous interdisons de le refuser. » ([^5])
19:145s
Une fausse et caricaturale doctrine de l'obéissance devait aller jusque là : *s'interdire de refuser* la falsification, le blasphème, le sacrilège !
\*\*\*
Si la falsification est évidente, ses causes, bien entendu, ne sont ni simples ni grossières.
Traduire le latin *forma* ou le grec MORPHI par *image* dans Philipp., II, 6, est la conséquence inéluctable de présupposés « scientifiques » qui ne sont pas avoués. On veut retrouver *par la science,* c'est-à-dire *à partir de l'homme,* tout ce qui a été révélé et communiqué par Dieu. Et donc, considérer le Christ par « hypothèse de travail », toujours et uniquement en tant qu'homme. -- Par une malhonnêteté certaine, mais peut-être inconsciente, on a « traduit » le passage de saint Paul dans la perspective de cette « hypothèse de travail », dès lors transposée et imposée en version liturgique obligatoire. -- C'est introduire sans le dire, et par voie d'autorité, dans une soi-disant traduction officielle, des principes d'*interprétation* fort à la mode, mais entièrement étrangers au vocabulaire et à la pensée de saint Paul en général, et à ce passage en particulier. C'est une fraude. Mais une fraude qui est la conséquence d'une certaine « herméneutique » régnant aujourd'hui dans les universités officielles de l'Église, même dans celles de Rome : on y a nommé aux postes-clés les sectaires d'un parti intellectuel qui favorisent ces « méthodes » et excluent toutes les autres. -- Nous sommes là en présence d'un épisode de la *décomposition mentale* du catholicisme moderne : décomposition chez les maîtres, chez les docteurs, chez les savants, dont l'érudition énorme et morte a tué le sain exercice de la raison éclairée par la foi.
\*\*\*
Les sectateurs de l'ORDRE NOUVEAU brûlent leurs dernières cartouches, et ce ne sont pas les meilleures. Ils font maintenant circuler cette perfidie :
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« Depuis que l'approbation des livres liturgiques est réservée au Saint-Siège, l'autorité doctrinale du Pape y est engagée. » ([^6])
C'est donc au nom de l'autorité doctrinale du pape, pas moins, qu'ils veulent imposer aux catholiques la falsification de l'Écriture.
Emportés par leurs passions, ils ont perdu de vue cette vérité toute simple, mais impérative : *personne*, fût-ce le pape, *n'a le pouvoir* de modifier l'Écriture.
Dieu lui-même ne le peut pas : il ne peut ni le faux ni l'absurde ; ni la tromperie.
21:145s
### Considérations II
VOILA QUI TOMBE A POINT : au moment où grandit la protestation contre les falsificateurs de l'Écriture, l'épiscopat français, de son côté, nous fait connaître le cours actuel de ses pensées. Le Conseil permanent, réuni pour sa « session d'été » à l'archevêché de Paris sous la présidence du cardinal Marty, a publié le 11 juin une « Déclaration » de plus (texte dans *La Croix* du 13 juin).
\*\*\*
Personne ne lit, ou tout le monde se hâte d'oublier, les déclarations de l'épiscopat français.
Nous luttons contre cette inattention générale. Nous signalons à nos lecteurs ces déclarations, nous leur consacrons des analyses souvent longues et détaillées.
Car ces déclarations révèlent et jalonnent, avec une grande continuité une évolution doctrinale tout à fait cohérente.
Parmi les plus importantes, rappelons :
1 -- La Réponse au Saint-Siège du 17 décembre 1966, par laquelle l'épiscopat français a franchi le point de non-retour doctrinal en rejetant les notions de NATURE et de PERSONNE telles qu'elles étaient « au V^e^ siècle ou dans le thomisme » ([^7]).
2\. -- La Déclaration du 20 juin 1968, adhésion à la Révolution ([^8]).
22:145s
3\. -- La Note pastorale du 8 novembre 1968, annulant implicitement la loi naturelle ([^9]).
4\. -- Le Rapport doctrinal de Mgr Paillet à l'Assemblée plénière de novembre 1968, approuvé et publié par l'Assemblée : témoignage définitif de l'état mental de la Conférence épiscopale ([^10]).
\*\*\*
La Déclaration du 11 juin 1970 est fidèlement dans la ligne des documents précédents. Elle rappelle quelques « *points d'accord indispensables *»*.* Nous en retiendrons deux, qui sont les plus caractéristiques.
#### I
Voici le premier *point* (le premier des deux) sur lequel *l'accord* est décrété *indispensable :*
« Certains, vivant dans la nostalgie d'un état historique de l'Église, la conçoivent toujours sous la forme qu'elle a pu connaître au temps de la chrétienté médiévale ou de la contre-réforme. Ils considèrent l'évolution conciliaire comme une déviation.
« Une telle attitude n'est pas admissible. Cette évolution est authentifiée par le pape et l'épiscopat universel. »
Les demi-vérités et les contre-vérités de ce morceau sont enfilées comme des perles.
Prenons les principales les unes après les autres.
23:145s
**1. -- **Il y a des « certains » qui considèrent l' « évolution conciliaire » comme une « déviation ». -- C'est vrai qu'il existe des « certains » qui sont approximativement de ce genre, et nous avons peut-être voix au chapitre à ce sujet. Mais il n'est qu'à moitié vrai de dire qu'ils considèrent comme une « déviation » ce que nos évêques nomment l' « évolution conciliaire » (!?). -- Ils la considèrent, cette évolution, et ils le disent assez clairement, comme *l'hérésie du XX^e^ siècle*, ils la considèrent comme une *apostasie immanente ;* et comme une *autodestruction de l'Église.*
Ils font remarquer que cette « évolution conciliaire » culmine dans la FALSIFICATION DE L'ÉCRITURE, imposée dans l'ORDRE NOUVEAU du catéchisme et de la messe.
**2. -- **Ces « certains » ont avancé quelques motifs, quelques explications, quelques faits, quelques preuves, auxquels évêques et théologiens de l' « évolution conciliaire » ne sont pas pressés de se mesurer : courageux, mais point téméraires.
L'honnête Déclaration du Conseil permanent préfère inventer que ces « certains » sont tout simplement « *vivant dans la nostalgie *» *;* point c'est tout.
**3. -- **A ces « certains », au nom sans doute du pluralisme et du dialogue, on ne répondra *rien, --* sinon que leur « *attitude *»* :* n'est pas « *admissible *»*.* Elle n'est pas admissible parce que « cette évolution est authentifiée par le pape et l'épiscopat universel ». Point final. Pas d'autre explication. Et silence dans les rangs, dit l'adjudant serre-file.
**4. -- **Du point de vue du raisonnement, le Conseil permanent fait là une *pétition de principe* (mais il est sans doute dérisoire d'invoquer les règles du raisonnement à propos d'un texte de cette catégorie).
24:145s
La question n'est pas de savoir si, *en fait,* le pape et l'épiscopat cautionnent ladite « évolution conciliaire ». Tout le monde sait parfaitement par quels moyens ils le font (ou le subissent). La question est de savoir si le pape et l'épiscopat ont le *droit,* ont le *pouvoir* de cautionner une « évolution » dont la nature est telle qu'elle passe obligatoirement par la falsification de l'Écriture dans le catéchisme et dans la liturgie.
**5. -- **Dans l'étrange Église que les actuels hiérarques veulent « construire », le pape et l'épiscopat auraient, du moment que c'est eux, le pouvoir et le droit d'authentifier *n'importe quoi :* même ce qui est contraire à la Révélation, même ce qui est contraire aux lois de l'Église, même ce qui est contraire à la loi naturelle.
L'objet formel et l'objet matériel de la foi se réduiraient ainsi à une soi-disant « obéissance » à n'importe quel abus du parti qui a mis la main sur l'autorité ecclésiastique.
A quoi nous ne cessons d'opposer un *non licet* résolu ([^11]).
*Non licet :* personne au monde, pas même l'épiscopat, pas même le pape, n'a le droit de porter la main sur l'Écriture pour la falsifier.
Le point capital de l' « évolution conciliaire », c'est que les hiérarques évoluteurs ont estimé *indispensable* à leurs. desseins d'imposer comme obligatoires, dans leur nouveau catéchisme et dans leurs messes nouvelles, des versions falsifiées de l'Écriture sainte. Le faux et l'usage de faux leur sont nécessaires. Ils les maintiennent obstinément contre toutes les réclamations. En se retranchant sur un seul argument : -- *Le pape et l'épiscopat ont authentifié.*
Autre remarque. Quand le Conseil permanent rejette « *la forme que l'Église a pu connaître au temps de la chrétienté médiévale ou de la contre-réforme *», il ne donne que l'expression EXOTÉRIQUE, et vraie sous un rapport, d'un congarisme qui révèle ailleurs son expression ÉSOTÉRIQUE et son vrai dessein.
25:145s
Personne en effet ne demande aux évêques de se déplacer aujourd'hui à cheval et l'épée au côté. S'il ne s'agissait que de cela, et d'autres choses analogues, ils n'auraient pas besoin d'y tellement insister. Tout le monde, d'avance, y consent.
Mais si cette évidence grossière et incontestée est tout de même indéfiniment répétée, c'est qu'*en cela* on nous cache quelque chose Ces « formes », que l'on rejette, ce ne sont pas des « formes extérieures », des formules protocolaires, et cetera :
On rejette le Syllabus, et Vatican I, et Trente, et tout ce que Rome a enseigné *sur l'Église* depuis le IV^e^ siècle jusqu'à Pie XII inclusivement.
L'expression EXOTÉRIQUE fait secrètement allusion à la pensée véritable dont le P. Congar, docteur de l'épiscopat et du pontificat, donne l'expression ÉSOTÉRIQUE dans les revues savantes et dans ses notes confidentielles. Il s'agit en réalité d' « *enjamber *»*,* il s'agit de rejeter l'héritage doctrinal des papes et des conciles, très précisément en matière d' « *ecclésiologie *». Il s'agit de refuser la doctrine qui est *spécifiquement romaine :* celle que *Rome,* dit le P. Congar, depuis le IV^e^ siècle, *avait fait partager à l'ensemble du monde catholique* par l'enseignement constant des papes, par les décrets solennels des conciles et par leur constante interprétation romaine. Il s'agit de rompre avec la doctrine *de Pie IX et des papes qui ont attaché leur wagon après la locomotive de Vatican I.* Ce sont les propres expressions du P. Congar, nous les avons citées et commentées ([^12]). Il n'y a aucun doute que ces formules du P. Congar expriment, au moins approximativement, la grande pensée du règne actuel, le dessein véritable de l' « évolution conciliaire » qui est grosso modo, et peut-être sans qu'ils y aient regardé d'assez près, « authentifiée par le pape et l'épiscopat ».
26:145s
D'ailleurs le Pontife régnant a fait de fréquentes références, publiques et insistantes, à la doctrine ecclésiologique du P. Congar.
A cela aussi, nous opposons le même *non licet.* Aucun pape, aucun concile, aucun épiscopat n'a le pouvoir de faire légitimement *cela.*
**7. -- **La dite « évolution conciliaire » est directement contraire au Syllabus. Or le Syllabus a beaucoup plus d'AUTORITÉ, et donc réclame beaucoup plus d'OBÉISSANCE, que les allocutions, déclarations, exhortations et autres propos de circonstance dont on prétend abusivement qu'ils auraient le pouvoir d' « authentifier » le contraire du Syllabus.
#### II
Second *point* (second des deux) sur lequel, selon le bon plaisir arbitraire du Conseil permanent, l'*accord* est déclaré *indispensable.*
« Aucun prêtre ne peut accomplir un ministère sacerdotal conféré par l'évêque pour le service du peuple de Dieu, s'il conteste l'exercice de l'autorité dans l'Église, même s'il n'en rejette pas le principe (...).
« Aucun groupe ne peut se considérer comme communauté d'Église s'il prétend faire appel au ministère d'un prêtre qui refuse les exigences concrètes de la communion avec son évêque. »
27:145s
Les « exigences concrètes », cela veut dire tout et n'importe quoi : prétexte à tous les arbitraires *quand on ne se réfère plus à des lois.* Les hiérarques évoluteurs ont juré de ne plus prononcer d' « excommunication », -- l'excommunication appartenant, selon eux, aux formes périmées de l'Église du Moyen Age ou de la contre-réforme. -- Mais le second des deux alinéas qui viennent d'être cités, regardez bien, vise à rétablir l'excommunication sous un autre nom, ou plutôt sans aucun nom, et sans les garanties d'un code de droit canon. -- Au moment où l'épiscopat français a perdu toute autorité morale, il s'applique à instaurer *de facto* une tyrannie administrative illimitée.
Nous ferons quatre observations.
**1. -- **Le premier des deux alinéas cités vise à *suspendre,* et à suspendre *automatiquement,* sans jugement, tout prêtre qui « conteste l'exercice de l'autorité, même s'il n'en rejette pas. le principe ».
C'est énorme.
Le moyen le plus normal, le plus courant, le plus légitime de « contester » l'*exercice* d'une autorité dont on ne rejette pas le *principe,* c'est de faire appel, devant l'autorité supérieure, de la décision contestée.
Un curé de paroisse, atteint par une décision épiscopale qu'il estime injuste, « conteste » cet « exercice de l'autorité » par un recours soit aux Congrégations soit aux Tribunaux du Saint-Siège.
Dans la plupart des cas, l'appel ou recours est *suspensif*, c'est-à-dire qu'il suspend l'application de la décision contestée
L'épiscopat français entend établir au contraire qu'en cas d'appel ou recours contre ses décisions, *c'est le prêtre qui fait appel qui sera frappé de suspense :* il ne pourra plus exercer aucun « ministère sacerdotal » !
**2. -- **On le savait déjà : l'épiscopat entend que ses décisions soient désormais sans appel. -- Et le Saint-Siège, *de facto* (il ne le pourrait pas *de jure*)*,* entre dans le jeu ; sous le règne actuel, il renonce à son propre pouvoir, il le démembre de ses mains, *en renvoyant systématiquement devant l'évêque lui-même les plaintes, appels ou recours contre l'évêque.*
28:145s
-- Il est juridiquement possible, et moralement recommandé, de contrarier cette pratique contraire au droit (et contraire au bon sens). Mais il est impossible de ne pas prendre acte de son existence, et de sa conséquence, qui est pour le moins de faire tomber en désuétude le pouvoir *ordinaire et immédiat* du Pontife romain sur chacune des parties et sur chacun des sujets de l'Église. -- Parce qu'ils ont quelques raisons d'escompter la tolérance et plus que la tolérance du Saint-Siège, les évêques annoncent donc qu'ils s'attribuent le droit de prononcer en dernier ressort, et de proclamer automatiquement *suspendu* de tout ministère sacerdotal le prêtre se réclamant contre eux des garanties données aux sujets par la législation de l'Église.
**3. -- **A ce point de vue comme à beaucoup d'autres, l'Église que veulent « construire » les évoluteurs de l' « évolution conciliaire » ne serait plus une *société de droit,* mais une arbitraire *société de fait* titubant d'anarchies en tyrannies.
**4. -- **Rappel : c'est par *exercice* (abusif) *de l'autorité* que l'Écriture sainte est falsifiée dans les versions officielles imposées au nouveau catéchisme et à la liturgie nouvelle. Non seulement il n'est pas répréhensible de contester cet exercice sacrilège de l'autorité : mais cela est moralement obligatoire, -- d'une obligation parfaitement nette, qui ne comporte ni doute ni hésitation.
#### Annexe I
Le passage de la Déclaration du Conseil permanent sur les « certains » figure dans le contexte d'une balançoire mondaine que Louis Salleron a dénoncée dans *Carrefour* du 24 juin.
29:145s
Voici les principales remarques de Louis Salleron :
La Déclaration relève « trois tendances » caractéristiques de la situation présente :
a\) *Certains, vivant dans la nostalgie d'un état historique de l'Église, la conçoivent toujours sous la forme qu'elle a pu connaître au temps de la chrétienté médiévale ou de la contre-Réforme. Ils considèrent l'évolution conciliaire comme une déviation.*
*Une telle attitude n'est pas admissible. Cette évolution est authentifiée par le Pape et l'épiscopat universel.*
b\) *D'autres interprètent l'Église en fonction d'un modèle socio-politique. Ils y voient un système religieux et idéologique, de nature aliénante, un appareil institutionnel lié à des forces politiques, voire un capitalisme spirituel oppressif et dominateur des consciences.*
*Pour nous, l'Église, organisme visible certes, est* « *communauté de foi, d'espérance et de charité *»*.*
c\) *D'autres enfin, après une période où l'on a eu tendance à durcir son aspect institutionnel, risquent aujourd'hui de ne plus retenir que son aspect de communion, en n'accordant d'attention qu'aux charismes ou aux formes de rassemblement de type sociologique ou informel.*
*C'est oublier le caractère visible et universel de l'Église, sa réalité sociale publique et originale, sa constitution hiérarchique, voulue par le Christ, que nous devons affirmer et vivifier pour l'accomplissement de sa mission.*
Cette manière d'analyser les tendances du catholicisme français relève de l'opposition « droite » -- « gauche », habituelle au niveau *politique.*
Il y aurait, d'une part, la tendance « conservatrice » (droite), d'autre part les tendances « progressistes » (gauche).
Ce n'est pas inexact, en ce sens qu'il est évident que les catholiques, étant des citoyens comme les autres, ont des préférences politiques, qu'ils ont le droit d'avoir, soit du côté de la droite, soit du côté de la gauche.
Mais y a-t-il là le principe d'une classification religieuse ? Et l'Église se définirait-elle comme un « juste milieu » condamnant les « extrémistes de droite » comme les « extrémistes de gauche » ?
30:145s
Selon « l'Aurore » (du 12 juin) : « *En réponse à une question, M. l'abbé Huot-Pleuroux, porte-parole de l'épiscopat, a précisé qu'il était du rôle des évêques de faire un discernement doctrinal et que cette déclaration visait à dissiper l'état de trouble causé chez beaucoup de catholiques par des écrits et des prises de position récentes de groupes comme* « *Échanges et dialogue *»*,* « *Concertation *»*,* « *Frères du monde *»*, du Père Cardonnel ou de l'abbé Coache... *» ([^13])
C'est bien l'impression qu'on éprouve, à la lecture de la Déclaration, et on est heureux d'en avoir l'interprétation autorisée de la bouche du porte-parole de l'épiscopat, car c'est bien la preuve que l'impression qu'on éprouve correspond à la réalité.
Or il est évident qu'une position pareille est extrêmement dangereuse. L'Église n'est pas l'État. Elle n'a pas à gouverner en arbitrant des forces de droite et de gauche. Elle a à évangéliser et à défendre la Foi. Accepter le schéma politique, c'est sortir de la vérité et, de surcroît, se placer sur un terrain de faiblesse, voire d'inefficacité.
Le « dogme » POLITIQUE n'a rien à voir avec le dogme RELIGIEUX. Le « dogme » politique, c'est que la gauche est la légitimité et la vérité. On ne peut y toucher que si l'on touche d'*abord* à la droite. Pour accabler un révolutionnaire, on ne lui dit pas qu'il est révolutionnaire, c'est sa légitimité (qui le rend intouchable) ; on ne lui dit pas qu'il est communiste, maoïste ou socialiste, ce qui serait lui décerner des brevets d'orthodoxie ; on lui dit qu'il est « fasciste ». Si l'on veut dissoudre un groupuscule révolutionnaire de gauche, il faut absolument en trouver un de droite pour lui réserver le même sort ou au moins l'en menacer. Depuis deux ans que l'Université est aux mains des révolutionnaires, on n'arrive pas à les mettre à la raison parce qu'on n'arrive pas à trouver un minimum de contre-révolutionnaires qu'on pourrait matraquer à loisir pour se débarrasser des autres.
31:145s
C'est la loi politique. On est gêné de penser que l'Épiscopat voudrait en faire la loi de l'Église.
Les mouvements de prêtres et de laïcs qui créent aujourd'hui la révolution dans l'Église affirment très haut des positions politiques de gauche, afin de se donner une légitimité politique susceptible de paralyser la Hiérarchie. Entrer dans leur jeu est de la folie. Et c'est d'abord une démission.
Penser que l'Épiscopat pourra rappeler à la Foi, à la raison et à la discipline, les prêtres d' « Échanges et dialogue », les franciscains de « Frères du monde », le P. Cardonnel, et tous les laïcs des mille mouvements qui grouillent dans la décomposition de l'Action catholique, en frappant simultanément, ou d'abord, l'abbé Coache, est une illusion, et d'une honnêteté douteuse.
Si l'abbé Coache désobéit à son évêque en s'obstinant à faire des processions du Saint-Sacrement, c'est peut-être très regrettable du point de vue de la discipline. On ne voit pas cependant qu'il y ait là un danger véritable pour la Foi, ni pour l'Église. On ne voit pas davantage où est le « juste milieu » entre la dévotion au Saint-Sacrement et l'athéisme révolutionnaire.
A la fin du même article, Louis Salleron s'arrête sur un « bon » passage de la Déclaration du Conseil permanent :
La déclaration contient d'excellentes proposition du genre de celle-ci :
« *Mais il ne faut pas nous leurrer : la foi elle-même est mise à l'épreuve par l'incroyance contemporaine. Celle-ci, sous des formes souvent subtiles et insidieuses, vide le Credo de son contenu.*
» *Les mystères du christianisme se trouvent ainsi substantiellement déformés. Le Christ est réduit aux dimensions d'un homme éminent, son message à une sagesse supérieure, à un idéal social ou à un simple combat pour la justice et la libération humaines. *»
On lit avec joie ce rappel des vérités les plus certaines. Mais la joie se mêle d'étonnement. Car ces erreurs et ces déformations ne sont-elles pas visibles dans les publications directement patronnées par l'épiscopat ?
32:145s
Ces erreurs sont répandues et enseignées, ajouterons-nous, par la principale publication épiscopale : par le nouveau catéchisme.
C'est pourquoi les passages encore orthodoxes des déclarations officielles ne nous font aucune impression et ne nous causent aucune joie. Ils ne servent *pratiquement,* et quoi qu'il en soit des intentions, qu'à enrober ou qu'à « couvrir » les manigances de l' « évolution conciliaire », de l'hérésie du XX^e^ siècle, de l'apostasie immanente, de l'autodestruction de l'Église. C'est la tactique du modernisme, que saint Pie X, dans l'encyclique *Pascendi,* avait déjà notée en termes définitifs : « *A entendre les modernistes, à les lire, on serait tenté de croire qu'ils tombent en contradiction avec eux-mêmes, qu'ils sont oscillants et incertains. Loin de là : tout est pesé, tout est voulu chez eux... Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique ; tournez la page, vous croyez lire un rationaliste. *»
#### Annexe II
Notons quelques points de repère, maintenant *avoués,* sur ce que l'épiscopat appelle officiellement l' « ÉVOLUTION CONCILIAIRE ».
Relisons ce passage de la Déclaration du Conseil permanent (c'est nous qui soulignons) :
« ...Ils considèrent l'évolution conciliaire comme une déviation. Une telle attitude n'est pas admissible. Cette évolution *est authentifiée* par le pape et l'épiscopat universel. »
Voici d'autre part ce qu'écrit le cardinal Marty, le 24 juin 1970, dans un article du *Figaro* (c'est encore nous qui soulignons) :
« Notre option est missionnaire. Elle n'est pas nouvelle ; *depuis plus de quarante ans,* l'Église de France tente de « passer aux païens », de servir tout l'homme et tous les hommes. *Le Concile a authentifié ce choix. *»
De ces deux textes, il ressort que, selon les évoluteurs, le pape, l'épiscopat, le concile ont *authentifié* l' « évolution » dite « conciliaire ».
33:145s
Mais cette évolution, qui l'a voulue, qui l'a *décidée,* qui l'a *opérée ?* Qui l'a *imposée* à l'authentification ?
Elle a une autre origine que le concile, l'épiscopat et le pape, lesquels l'ont seulement « authentifiée ».
Sur cette « authentification » elle-même, il y aurait des réserves à faire : il faudrait savoir sur quoi elle porte exactement, et quelle est sa valeur. Mais c'est une autre question.
Pour le moment, nous retiendrons ceci :
1° La crise actuelle ne vient pas du concile, qui a été (ou : qui a été utilisé comme) un relais. La crise vient d'une *option,* d'un *choix* vieux de plus de quarante ans.
Elle vient de doctrines, de pratiques, de groupes qui étaient à l'œuvre bien avant Vatican II et qui, jusqu'à la mort de Pie XII (1958), étaient au moins freinés ou contenus. Cette antériorité est une thèse que nous avons constamment soutenue, notamment dans le tome I de notre ouvrage : *L'hérésie du XX^e^ siècle.*
2° Le cardinal Marty donne en effet une double précision capitale :
*a*) « *l'Église de France *»*,*
*b*) « *depuis plus de quarante ans *»*.*
Il n'est donc plus question d'une « illumination » soudaine venue du « Saint-Esprit » pendant le concile... Mais, très explicitement, d'une *option* et d'un *choix* qu'un parti avait faits depuis longtemps.
3° La double précision est à la fois géographique et chronologique. Elle désigne la France, avant 1930. Cela nous reporte aux conséquences religieuses *indirectes mais* (pratiquement) *inévitables* de la condamnation de l'Action française, survenue en 1926 (et levée seulement en 1939) c'est-à-dire à l'époque de la plus vaste et la plus féroce « répression » religieuse qu'il y ait eu dans l'Église au XX^e^ ou même au XIX^e^ siècle, des dizaines de milliers de catholiques traités comme « pécheurs publics », chassés des églises, rejetés du clergé, privés des sacrements, exclus du mariage et de la sépulture chrétienne.
La base de départ pour le parti actuellement au pouvoir dans l'Église, ce fut la situation d'extraordinaire violence créée en France par la condamnation de l'Action française.
34:145s
4° Quoi qu'il en soit du contenu des documents conciliaires de Vatican II (assez ambigus, trop souvent, pour que l'on puisse discuter à perte de vue sur leur signification véritable), il se trouve que ce concile, à tort ou à raison, est *utilisé* comme l' «* authentification *» des idées et des desseins d'un parti ecclésiastique à l'œuvre « depuis plus de quarante ans », et qui avait été constamment refoulé ou réfréné, voire condamné, par l'autorité suprême de l'Église jusqu'en 1958.
5° L' « évolution conciliaire », c'est en définitive l'ORDRE NOUVEAU du catéchisme et de la messe.
Cet ORDRE NOUVEAU ne vient pas de la tradition de l'Église, ni du développement homogène de cette tradition. Il vient du coup de force (et de ruse) d'un parti.
Et d'une *option*, et d'un *choix*, faits par ce parti il y a plus de quarante ans.
Ce parti se prévaut aujourd'hui d'une AUTHENTIFICATION donnée après coup par le concile, l'épiscopat, le pape.
6° Tout cela suppose donc et révèle une *immense tromperie publique *: une imposture monumentale, colonisant les actes « officiels » de l'Église.
D'ailleurs ces actes « officiels » sont, selon les cas, soit atypiques, c'est-à-dire *douteux*, soit *nuls* de plein droit, soit systématiquement *déformés* par le parti qui les utilise.
Conclusion : *nous ne marchons pas*. Au contraire : *nous organisons la résistance.*
35:145s
### La Notification publique de juin 1969
Dans notre numéro 134 de juin 1969, nous avons publié une *Notification publique* à laquelle nous nous sommes tenus, et nous nous tiendrons, à l'égard des falsificateurs de l'Écriture sainte dans le nouveau catéchisme.
Nous la reproduisons ci-après sans rien y changer : on comprendra, en la relisant aujourd'hui, qu'elle prendra pareillement effet à l'égard des falsificateurs de l'Écriture dans la nouvelle messe -- mais ce sont souvent les mêmes -- si, après avoir été avertis, ils persistent pour la messe comme ils ont persisté pour le catéchisme.
La falsification de l'Écriture était la claire *signature du Diable* sur le nouveau catéchisme ; elle l'est, de la même façon, sur la nouvelle liturgie.
QUE N'IMPORTE QUI s'avise de porter une main téméraire sur le texte de l'Écriture, voulant le modifier au gré de son humeur et en répandre une version arbitraire : son imposture sera promptement dénoncée, et le peuple fidèle défendu contre une telle fabrication, par les autorités qui ont été constituées dans l'Église pour veiller sur l'intégrité de la foi. Voilà du moins la règle : et pendant vingt siècles le fait, dans l'Église, a été conforme à la règle.
\*\*\*
A vrai dire, il n'y a pas d'exemple dans le passé d'une modification du texte de l'Écriture qui ait été entièrement arbitraire. Les divergences dans l'interprétation, dans la traduction, voire dans l'établissement même du texte, se fondaient toujours sur des raisons abondamment exprimées.
36:145s
Pour la première fois dans l'histoire du christianisme, on transforme le texte sacré sans alléguer aucun motif. Et l'autorité dans l'Église ne réagit pas : au contraire ce sont les évêques qui ont opéré et qui ont imposé ces transformations.
Pourquoi l'annonce des Béatitudes en saint Matthieu a-t-elle été censurée de manière à en ramener le nombre de huit à cinq, voire à trois ? Pourquoi le récit de l'Annonciation en saint Luc a-t-il été mutilé de tout ce qui concerne la conception virginale de Notre-Seigneur ? Pourquoi la doctrine paulinienne du péché originel a-t-elle été défigurée par une falsification radicale du texte de l'Épître aux Romains ([^14]) ? Ces questions sont posées publiquement en France depuis quinze mois ([^15]). Elles n'ont reçu aucune réponse. Les catholiques se sont brusquement trouvés devant le fait accompli d'une « mutation » de l'Écriture sainte : cette « mutation » n'avait pas été annoncée, elle n'a pas été expliquée, personne n'a entrepris de la justifier.
37:145s
Si l'épiscopat n'a donné aucune justification, c'est donc qu'il estime qu'il n'est pas nécessaire d'en donner. Il entend procéder non par voie de persuasion mais par voie d'autorité. Il édicte, il ordonne, il impose ; il compte visiblement sur l'obéissance pure et simple des prêtres et des fidèles. Il n'a pas seulement « approuvé » les falsifications de l'Écriture : il s'en est déclaré *l'auteur.* Que l'on consulte en effet le FONDS OBLIGATOIRE du national-catéchisme : le volume porte *un nom d'auteur,* et c'est « l'Assemblée plénière de l'épiscopat de France » (page 1 du volume). Bien entendu, l'Assemblée plénière n'en est pas l'auteur matériellement mais elle a voulu l'être moralement, elle a pris le FONDS OBLIGATOIRE à son compte, elle l'a fait publier sous son nom. Et nulle part depuis lors on ne nous a dit par quelles considérations on entend autoriser la transformation du texte même de l'Écriture sainte. On veut l'imposer comme allant de soi, et comme suffisamment justifiée par son origine épiscopale.
C'est un défi cynique lancé par l'épiscopat français au clergé et au peuple fidèle : l'épiscopat s'arroge le droit de décider n'importe quoi et affiche la prétention d'être suivi les yeux fermés, -- jusques et y compris dans la falsification de l'Écriture. Une autorité religieuse pourrait-elle trouver le moyen d'aller au delà dans l'autoritarisme et dans l'arbitraire ? On ne voit pas ce qu'elle pourrait encore inventer. On n'imagine point par quel acte plus impudent elle pourrait signifier qu'elle prétend à un pouvoir sans limite, supérieur à toute règle, à tout droit, à toute loi, à toute vérité.
L'énormité de ce qui a été fait révèle la profondeur atteinte dans l'Église par la subversion des esprits : elle est à ce point abyssale que la plupart n'osent pas la contempler en face et détournent leur regard. Mais le défi à la fidélité catholique n'en existe pas moins, et nous répétons qu'il est cynique.
38:145s
A ce cynique défi, nous allons maintenant répondre par une *notification publique*. Mais poursuivons-en d'abord l'exposé des motifs.
\*\*\*
L'hypothèse commode était celle d'une erreur matérielle, d'une distraction, d'une inadvertance. Comment s'y attarder encore ? Quinze mois ont passé depuis la première dénonciation publique de la falsification de l'Écriture dans le nouveau catéchisme. On n'a rien corrigé. Au contraire. Les manuels issus du FONDS OBLIGATOIRE ont reproduit les falsifications ; plusieurs fois, ils les ont aggravées, et n'en ont pas moins reçu leur « visa de conformité ». Ils n'étaient pas encore imprimés au début de l'année 1968, quand nous avons montré que le texte de l'Écriture sainte avait été tronqué et mutilé dans le FONDS OBLIGATOIRE : on avait alors tout le temps et la pleine possibilité matérielle de procéder aux rectifications nécessaires ; on avait même dit, à voix basse, que l'on n'y manquerait point ; on l'avait dit notamment à Rome. Cela paraissait devoir aller de soi ; cela paraissait acquis d'avance : une falsification de l'Écriture, à peine remarquée, est aussitôt corrigée pour ainsi dire automatiquement. Mais on a maintenu les falsifications ; on les a renforcées ; on leur a donné l' « imprimatur » et le « visa » ; on les a imposées comme unique catéchisme obligatoire en France. Quand on retourne par la pensée ce phénomène sous tous ses aspects, quand on en examine les circonstances et le contenu, on s'aperçoit que tout y est résolument perfide, et que l'on ne sait ce qui s'y découvre de plus effroyable, l'audace d'une telle perfidie ou bien l'acharnement à la tenir pour désormais inamovible.
\*\*\*
Le cardinal Renard, primat des Gaules, a donné en avril 1969 son approbation personnelle, entière et publique au nouveau catéchisme ; sans restriction ni réserve ; et donc aux falsifications de l'Écriture qui s'y trouvent contenues.
39:145s
Il l'a fait en remettant en honneur et en vigueur, si l'on peut dire, un texte qui en a toujours été et qui en reste dépourvu : le triste, le misérable communiqué, du 28 février 1968. D'où les deux *annexes* qui font suite au présent éditorial ([^16]). Agissant ainsi, le cardinal Renard a déçu les espoirs, non pas les grands espoirs, mais les espoirs discrets et timides que plusieurs de ceux qui le connaissaient mal ou peu plaçaient encore en sa personne. Il les a déçus définitivement. Car c'est la ligne de démarcation et c'est le point de rupture : quand, par un acte personnel et libre, un prêtre, si haut placé soit-il dans la hiérarchie, couvre, approuve et impose des altérations et falsifications du texte même de l'Écriture sainte, alors, c'est saint Paul qui le dit : *qu'il soit anathème* (Épître aux Galates, I, 7-9). La phrase que le lecteur vient de lire, nous l'avons écrite en conscience et en rigueur de termes, proposition universelle qui ne souffre aucune exception quelle qu'elle soit. Sur des points de la doctrine de la foi absolument certains en eux-mêmes, il peut y avoir une hésitation subjective en raison de la connaissance trop vague ou trop confuse qu'en aurait un fidèle incapable d'apercevoir avec précision et assurance quelle est l'hérésie. Il n'y a aucune hésitation possible ni permise quand LE TEXTE LUI-MÊME DE L'ÉCRITURE, CITÉ ENTRE GUILLEMETS ET AVEC LA RÉFÉRENCE CORRESPONDANTE, EST ALTÉRÉ, MUTILÉ, FALSIFIÉ DANS UNE VERSION QUE L'ON PRÉTEND RENDRE DÉSORMAIS OBLIGATOIRE : et quand il l'est sans autre explication ni motif allégués qu'un simple *hoc volo, sic jubeo* obstinément répété depuis quinze mois. Naturellement, la falsification de l'Écriture n'est pas un phénomène accidentel et isolé : elle est la manifestation extrême, mais logique et cohérente, de tout un mouvement d'apostasie immanente qui atteint ici son point culminant, irrécusable, clairement visible par tous.
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Hérétiques et schismatiques classiques ne sont jamais allés jusque là. Ils ont proposé d'autres interprétations de l'Écriture ; ils ont contesté l'authenticité ou la teneur de certains passages ; ils avaient des raisons pour cela. De mauvaises raisons : mais des raisons auxquelles ils croyaient et qu'ils ne cachaient pas, des arguments qu'ils énonçaient, des justifications qu'ils développaient devant tous et qui leur paraissaient décisives. Au contraire, pour modifier et falsifier le texte de l'Écriture imposé aux enfants du catéchisme par voie d'autorité, *personne* n'a jusqu'ici avancé *un seul* motif. Cela fait quinze mois qu'à toutes les réclamations, supplications, protestations, on voit les responsables opposer un silence imperméable et une absence complète de justification. Ils ont changé le texte de l'Écriture sainte parce qu'ils l'ont changé, point c'est tout ; ils n'ont rien à dire là-dessus, ils ne veulent rien dire, ils ne disent rien, ils sont sourds et muets, mais les falsifications de ces sourds-muets demeurent arbitrairement obligatoires. Ils comptent sur la lâcheté, ils comptent sur la capitulation des catholiques ; ils comptent que les catholiques n'auront pas *le courage de la fidélité* avec toutes ses conséquences, qui s'inscrivent dans le passage cité de l'Épître aux Galates :
« Il y a des gens qui vous troublent et qui veulent transformer l'évangile du Christ. Mais si quelqu'un, fût-ce moi-même ou un ange du ciel, vous annonçait un autre évangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème ! Je l'ai dit et je le redis encore maintenant : si quelqu'un vous annonçait un autre évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème ! »
Qu'il soit anathème : ce n'est pas un vœu platonique. Celui qui fait ce que dit saint Paul, il est anathème.
Il n'est pas possible aux catholiques d'avoir société avec des falsificateurs manifestes, volontaires et obstinés de l'Écriture sainte.
C'est de quoi nous faisons ci-après notification.
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Pour notre part en effet, et n'engageant évidemment que nous-mêmes :
*Ayant dès janvier 1968 en privé, et dès février 1968 en public, averti les responsables des falsifications, nous les avons vu refuser de les corriger ; nous les avons vu les aggraver au contraire, en passant du* FONDS OBLIGATOIRE *aux manuels, dans plusieurs cas cités par nos précédents éditoriaux ; nous avons vu ces falsifications maintenues ou aggravées recevoir* «* visa de conformité *» *et* «* imprimatur *». *Nous avons alors, selon le commandement de saint Paul, interrompu toutes relations publiques ou privées avec les auteurs et les complices de la falsification de l'Écriture. Nous déclarons ici que nous refusons et refuserons de les reprendre aussi longtemps que ces altérations, mutilations et falsifications n'auront pas été corrigées. Et aujourd'hui, quinze mois après le premier avertissement public que nous leur avons donné, nous faisons connaître, par la présente notification, cette interruption de toutes relations avec des falsificateurs confirmés.*
*Telle est notre attitude personnelle dans l'attente du jugement explicite de l'Église sur les falsifications du nouveau catéchisme français -- et dans l'espérance de contribuer ainsi à exprimer le besoin, manifester la nécessité et hâter l'heure de ce jugement.*
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### Une définition annulée
*et la suite ?*
On lira ci-dessous, colonne de gauche ([^17]), le numéro 7 de l'*Institutio generalis* du nouvel ORDO MISSÆ dans sa version d'avril 1969 ; et, colonne de droite, dans sa version nouvelle :
NUMÉRO 7 VERSION DE 1969 :
« La cène du Seigneur ou messe est la sainte assemblée ou le rassemblement du peuple de Dieu, sous la présidence du prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. C'est pourquoi, pour cette assemblée locale de la sainte Église vaut éminemment la promesse du Christ : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt., XVIII, 20). »
NUMÉRO 7 VERSION CORRIGÉE DE 1970 :
« A la messe, ou cène du Seigneur, le peuple de Dieu s'assemble, sous la présidence du prêtre qui représente le Christ, pour célébrer le mémorial du Seigneur ou sacrifice eucharistique. Par conséquent, pour cette assemblée locale de la sainte Église vaut la promesse du Christ : « Où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt., XVIII, 20). En effet, à la célébration de la messe, dans laquelle se perpétue le sacrifice de la Croix, le Christ est réellement présent dans l'assemblée réunie en son nom, dans la personne du ministre, dans sa parole, et substantiellement, d'une manière ininterrompue, sous les espèces eucharistiques. »
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Nos premiers commentaires seront limités pour la raison suivante : cette nouvelle version est datée, paraît-il, du 26 mars 1970. Nous n'en avons pas encore le texte latin. Nous en avons seulement la traduction italienne, parue seulement le 12 juin 1970 dans *L'Osservatore romano* ([^18])*.*
Notre traduction française a été faite sur cette traduction italienne. Nos remarques s'entendent donc sous réserve d'un examen ultérieur du texte latin lui-même.
#### I. -- La définition est supprimée
La première version du numéro 7 *était une définition* (quelles qu'aient été les intentions déclarées de ses auteurs). Elle disait en effet *ce qu'est* la messe ; elle disait « la messe *est* l'assemblée ».
Le *Bref examen critique* observait :
« Cette nouvelle définition ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la messe et qui en constituent la véritable définition. L'omission, en un tel endroit, ne peut être que volontaire. Une telle omission volontaire signifie leur « dépassement » et, au moins en pratique, leur négation. »
La nouvelle version ne dit plus : « La messe *est* l'assemblée... »
Elle dit : « A la messe, le peuple de Dieu s'assemble... » *L'Osservatore romano* insiste sur le fait qu'il s'agit là simplement d' «* una descrizione liturgico-rituale *».
La mauvaise définition est donc annulée.
#### II. -- Première conclusion
Il était donc *licite* de critiquer la première version du numéro 7 ; il était *licite* de réclamer qu'elle soit corrigée.
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Que le Saint-Siège n'ait pu éviter de corriger son texte *moins d'un an* après sa première édition, cela est bien la preuve qu'il y avait *quelque chose qui vraiment n'allait pas.*
Ceux qui « s'interdisaient à eux-mêmes » et voulaient nous interdire de refuser la mauvaise définition, sous prétexte quelle « venait du Saint-Siège », -- ceux-là se trompaient donc, et fourvoyaient ceux qui leur faisaient confiance.
D'ailleurs *L'Osservatore romano* avait répété au moins trois fois, dès novembre 1969, qu'il y aurait des corrections :
« Dans la publication définitive... il sera toujours possible de retoucher quelques expressions de l'*Institutio generalis* pour en rendre le texte plus clair et plus compréhensible. »
Cet *avis* avait été ajouté subrepticement, par une feuille supplémentaire, au troisième tirage officiel (et prétendument unique) de l'*editio typica* du nouvel ORDO MISSÆ, (petit livre rouge).
Des agités et des ahuris proclamaient en sens contraire que l'ORDO MISSÆ relevait de l'infaillibilité pontificale : donc qu'il était irréformable, et que nous étions sacrilèges d'oser le critiquer. Ils enseignaient un « inconditionalisme » aberrant dans son principe, ignoble et avilissant dans sa pratique. Les voilà quinauds : ils l'avaient bien cherché, ils l'ont passablement mérité.
On remarquera que le motif allégué pour la modification du numéro 7 est que sa première version avait provoqué des *difficultés,* des *critiques,* des *contestations.*
C'est donc reconnaître que ces difficultés, que ces critiques, que ces contestations :
1° étaient *légitimes ;*
2° étaient *utiles.*
Nous prenons acte de cette reconnaissance officielle. Un jour ou l'autre, inévitablement, on reconnaîtra. qu'il était légitime, qu'il était utile, qu'il était nécessaire que nous refusions aussi les falsifications de l'Écriture imposées dans le nouveau catéchisme et dans la liturgie nouvelle.
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#### III. -- A suivre
Nous n'en dirons pas plus, pour le moment, sur cette *quatrième* édition, la quatrième *en moins d'un an,* du nouvel ORDO MISSÆ.
Mais il ne sera peut-être pas superflu, comme conclusion provisoire, de rappeler, de reproduire -- et de réitérer -- un passage de notre éditorial du numéro 139 (janvier 1970).
Le voici :
« Là modification du seul numéro 7 et du seul numéro 54 ne serait rien de plus et rien d'autre qu'un aveu. Avec ou sans cet aveu, avant comme après lui, une suspicion radicale est légitime et nécessaire a l'égard de ceux qui ont pu « élaborer longuement » et inscrire de tels énoncés dans une loi de l'Église.
« M. le secrétaire Hannibal Bugnini se moque du clergé et du peuple chrétien quand il concède qu' « il sera toujours possible de retoucher quelques expressions » : comme s'il s'agissait d'une malfaçon rédactionnelle tout à fait marginale et adventice. Il apparaît au contraire que tous les changements fondamentaux introduits dans la célébration de la messe ont *une seule fonction et un seul résultat *: la transformer DE MANIÈRE A LA CONFORMER, au moins partiellement, AUX ÉNONCÉS du numéro 7 et du numéro 54.
« *On pourrait maintenant corriger ou abroger ces énoncés :* comme un architecte peut détruire le plan selon lequel il a construit une maison, une fois la maison construite. Le nouvel ORDO MISSÆ, tel qu'il est, *demeurera* au moins partiellement *conformé à ces deux définitions* (*même*) *abrogées*.
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« Ces deux définitions, celle du numéro 7 et celle du numéro 54, non cohérentes avec la doctrine du Concile de Trente, sont en revanche parfaitement cohérentes avec les transformations et nouveautés introduites dans les rites de la messe.
« Il ne suffirait donc pas d'abroger ou de rectifier ces deux définitions : il faudra rectifier ou abroger les fabrications qui en sont issues. »
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### L'obéissance au pape selon les Pères de Chabeuil
Nouvelle doctrine, énoncée sous le titre : « *Il est toujours permis d'obéir au pape. *»
Reproduction intégrale de l'article :
Dans un de ses derniers discours d'évêque de Lourdes (décembre 1969), Monseigneur Théas disait qu'on semblait avoir honte actuellement, en certains milieux catholiques, de s'en référer au Saint-Père.
Ce n'est certes pas notre cas. Nous sommes heureux, au contraire, de rapporter les paroles et les gestes du Saint-Père, sans unilatéralisme, sans coupures, sans «* oui, mais *». Heureux de citer et heureux d'exhorter à faire confiance, à admettre intellectuellement, à agir en conséquence.
Bien que cela ne plaise pas à tous, voire à des gens qui se veulent nos amis et sont pourtant, à coup sûr, bien intentionnés, nous engagerons toujours nos retraitants dans une voie d'adhésion inconditionnée à la Chaire de Pierre.
Nous disons bien : « *inconditionnée *», et cela au risque de scandaliser nos savants théologiens. Qu'ils fassent, eux, le départ entre ce qui émane du Saint-Père à titre de Docteur de l'Église et ce qu'il enseignerait éventuellement à titre de docteur privé. Qu'ils expliquent, eux, quand l'obéissance au Pape est requise pour le salut (Denzinger, 570 b, etc.) et quand la conscience n'est pas engagée par ces directives. Nous savons qu'ils ont raison dans leur ligne..-- Pourtant nous ne les suivrons pas, car nous ne cherchons pas simplement à connaître quand l'adhésion aux enseignements du Saint-Père est obligatoire mais quand cette adhésion est permise.
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Or, il est évident pour nous « *qu'il est toujours permis *» de croire à ce que dit le Pape et de faire ce qu'il demande. A priori. De par la Providence générale de Dieu sur son Église. Voilà notre théologie, qu'elle soit ou non dans les livres... Nous allons jusqu'à penser « *qu'il n'y a pas de sainteté possible où il y a dissension d'avec le Pape *»*...* Sans doute tout le monde n'acceptera pas ce mot qui est pourtant de saint Pie X, mais voilà bien notre voie : « *Roma locuta est, causa finita est *»*. Et* « *Roma *» *c'est le Souverain Pontife avant tout.*
« *Alors, vous vous mettez au garde-à-vous devant le Pape *»*,* m'a dit quelqu'un irrité ! Ce crime, je l'avoue. Et tous les fils du Père Vallet le confesseront avec moi, pour ne pas dire, à mon avis, tous les fils aimants de l'Église.
C'est dans cet esprit de simplicité, en effet, qu'on nous a formés. « *Nous devons être les ânes du Pape *», nous a dit notre Père Fondateur. Qu'avons-nous donc à vouloir cultiver en ce domaine d'autre vertu que la docilité ?, puisque c'est elle que l'on attend d'une monture. Nous devons sentir avec le Pape pour sentir avec l'Église. « *Sentir, cela dit plus que soumission. Pas d'obéissance parfaite sans sentir avec son Supérieur... Nous devons être un groupe qui* « *sent avec l'Église *». *Si quelqu'un veut quelque chose de plus, qu'il parte. Nous devons être disposés à changer immédiatement notre façon de voir et avec joie, par une pensée de foi envers l'Église qui est assistée par le Saint-Esprit, si nous remarquions que sur un point nous ne sommes pas avec l'Église *». (Père Vallet, à Nazareth, le 24 octobre 1942). Et pour le Père Vallet, l'Église c'était avant tout le Pape. D'où l'application à son Œuvre des principes rappelés que nous lui avons entendu faire : « *Si le Pape n'était pas favorable à notre Œuvre, demain elle n'existerait plus *»...
Avec cela, nous sommes tranquilles, forts, heureux. Rien ne nous arrivera de fâcheux. Il nous semble que nous aurons une bonne réponse devant saint Pierre si nous pouvons lui dire au jour du jugement : « *Mais, c'est votre successeur qui nous le demandait ! *»
D'aucuns s'émeuvent devant la barque de l'Église extraordinairement agitée aujourd'hui. Ils regardent avec crainte, non seulement les vagues menaçantes, mais le grand mât qui penche. Ils croient que son poids va faire couler l'embarcation et ils voudraient le redresser, le redresser à leur manière évidemment, sinon le couper.
Hommes de peu de foi, et même de peu de bon sens ! Est-ce de par ses mâts que s'enfonce un navire ?
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On nous demande souvent : « *Mais où va donc l'Église ? *» Et nous répondons : « *L'Église véritable, celle qui fait corps avec le Pape, va vers le port du salut, flottant sur les* « *eaux de la Rédemption *»*. L'autre, celle qui discute, conteste, n'en veut faire qu'à sa tête, s'apprête ou commence à couler. *»
Pour nous c'est sûr, et c'est très éclairant, très consolant. Nous avons un Phare de la Vérité c'est Rome, un voyant c'est le Saint-Père.
Croyons au Pape, soyons-lui amoureusement dociles et nous nous en trouverons bien. Soyons les « *inconditionnels *» du Pape. Soyons les « *ânes *» du Pape !
Il faut le lire pour le croire. Non, ce n'est pas un pastiche. C'est la doctrine maintenant officielle des « Pères de Chabeuil » (G.P.C.R.), enseignée avec autorité, dans leur organe *Marchons* ([^19])*,* par leur Supérieur, le P. Francis Volle. Il n'y a humainement aucun remède : le P. Francis Volle sait qu'il n'a pas raison, il accepte d'avoir tort, il veut s'y obstiner. De ceux qui l'ont déjà détrompé, il dit carrément : « *Nous savons qu'ils ont raison... pourtant nous ne les suivrons pas. *» Ce n'est donc pas la lumière qui lui a manqué ; ni d'avoir reconnu qu'elle est la lumière. Il y oppose un pur REFUS DE LA VOLONTÉ. Un refus, comme il le dit, *a priori.*
Il a « *sa *» théologie, « *qu'elle soit oui non dans les livres *». Mais en l'occurrence, mon Père, « les livres » c'est la sainte Écriture, les Pères de l'Église, les décrets des conciles, l'enseignement des papes, et il n'était pas sans importance de savoir si « votre » théologie est ou n'est pas dans ces livres-là...
\*\*\*
Devant les dispositions ainsi manifestées par le P. Francis Volle, nous sommes désarmés. Hormis la prière, nous ne pouvons rien pour lui. Nous n'avons aucune chance ni aucun espoir de le convaincre : d'avance il nous concède que *nous avons raison,* d'avance il nous prévient que *pourtant* il ne suivra pas nos raisons ; qui ne sont pas « nôtres », mais précisément celles des « livres » que nous avons dits. Le P. Volle s'en tient à « sa » théologie, quoiqu'il en soit des livres et des raisons.
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Mais il est impossible de laisser se répandre parmi nos amis une telle « théologie », qui s'avoue contraire à la vérité reconnue comme telle : « *ils ont raison... pourtant nous ne les suivrons pas *».
C'est donc à nos lecteurs, plus qu'au P. Volle, que nous proposons quelques observations.
**1. -- **PREMIÈRE OBSERVATION, selon nous absolument décisive : non, *il n'est pas permis d'obéir* quand il n'y a pas de commandement : c'est-à-dire quand il y a un simple souhait, une demande, une opinion, une parole *sans autorité.*
Pour ce simple motif parfaitement évident : quand il n'y a pas de commandement -- quand la parole prononcée par le pape *n'est pas* un ORDRE donné ou une LOI énoncée -- suivre cette parole *n'est pas* « obéir » et ne *peut pas* l'être.
C'est autre chose : c'est un acte louable ou répréhensible, mais un acte nécessairement *d'une autre catégorie que la catégorie de l'obéissance.*
S'il est (en général) légitime ou, comme dit le P. Volle, « permis » de se soumettre à une simple opinion, un simple souhait, une simple demande du pape, la légitimité d'une telle attitude ne provient nullement du devoir d'obéissance. Et dans une telle soumission, la responsabilité personnelle de l'exécutant est engagée à un autre titre, d'une autre manière et pour d'autres motifs que ceux de l'obéissance. Ajoutons que cette responsabilité personnelle est alors beaucoup plus grande : elle n'est pas « couverte », comme on dit, par l'ordre reçu, *puisque ce qui est reçu n'est pas un ordre.*
**2. -- **SUITE DE LA PREMIÈRE OBSERVATION. -- Dans l'acte d'obéir, il y a une décision personnelle. Dans l'acte d'exécuter ce qui n'est pas un commandement, il y a une décision personnelle d'une autre sorte ; et une autre sorte de responsabilité. Dans l'acte de *prétendre* « obéir » à ce qui n'est ni une loi ni un ordre, il y a une *erreur :* car lorsqu'il n'y a ni ordre ni loi, *il n'y a pas matière à obéissance* (ni à désobéissance). Quand cette erreur est enseignée comme doctrine, il y a encore une autre sorte de responsabilité.
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Le P. Francis Volle se propose « une bonne réponse » à faire à saint Pierre : -- *Mais c'est votre successeur qui nous le demandait !*
Il n'est pas besoin d'être saint Pierre, ni grand clerc, pour voir que cette « bonne réponse » est doublement mauvaise, et que dans plusieurs cas, point seulement théoriques, mais très concrets et très actuels, elle s'expose à deux répliques :
a\) ce n'était pas *en tant que pape* qu'il vous le « demandait » ;
*b*) cette demande n'était ni une loi ni un ordre...
...et pour cette double raison, vous n'êtes pas « couvert » par l'obéissance. En réalité, vous avez *obéi à vous-même.*
\*\*\*
Cette première observation suffit à montrer que la doctrine officielle des Pères de Chabeuil est gravement erronée. Nous pourrions nous en tenir là. Ce n'est donc point pour « réfuter » davantage l'enseignement du P. Francis Volle que nous allons ajouter d'autres observations. La « réfutation », à ce point, est suffisamment acquise. Nos observations suivantes ont pour seule intention de contribuer à éclairer davantage les esprits qui s'interrogent, parfois avec trouble, sur ces inévitables questions.
**3. -- **Après avoir reconnu qu'il est légitime et nécessaire de distinguer « entre ce qui émane du Saint-Père à titre de docteur de l'Église et ce qu'il enseignerait éventuellement à titre privé », le P. Volle *écarte,* il *supprime* cette distinction, et il dit : « le pape demande » (etc.) en un sens *équivoque.* Il dit : « Rome, c'est le Souverain Pontife avant tout. » Il dit : « Il est toujours permis de croire à ce que dit le pape et de faire ce qu'il demande. »
C'est un sophisme tellement élémentaire qu'on peut espérer le voir tomber à plat et n'avoir aucune influence sur les « dirigés » de Chabeuil.
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Le propos du P. Volle revient à dire : *le pilote est celui qui est aux commandes de l'avion,* DONC *le pilote est* TOUJOURS *aux commandes.* Eh bien non. Il peut être, en touriste, parmi les passagers. Et pourtant il est toujours « pilote. », sa qualité est inscrite sur sa carte professionnelle. Il est toujours pilote, mais quand il est dans l'avion en passager, il n'y est pas *en tant que* pilote.
Tout le monde le sait à tous les niveaux. Le secrétaire du syndicat fait une déclaration *au nom* du syndicat ou bien à *titre personnel.* Le poète est celui qui écrit des poèmes, mais quand il écrit sa déclaration d'impôts, il ne fait pas forcément de la poésie...
\*\*\*
La proposition affirmative universelle : « *Il est toujours permis de croire à ce que dit le pape et de faire ce qu'il demande *». n'est pas purement et simplement vraie. Il est arrivé dans l'histoire que des papes « demandent » et même, par abus de pouvoir, « commandent » un péché. Ceux qui ont soi-disant « obéi » ont été coupables du péché commis (sauf sans doute dans le cas où leur aveuglement ne leur aurait pas laissé voir le caractère peccamineux de l'acte demandé ou commandé).
Un *ordre,* fût-il du pape, qui commande un péché, *n'est pas* un ordre : car personne n'a pouvoir de commander un péché. Dans un tel cas, il y a apparence trompeuse de commandement, et apparence trompeuse d'obéissance ou de désobéissance : mais en réalité il n'y a matière, dans un tel cas, ni à obéissance ni à désobéissance. Celui qui exécute un ordre illégitime fait AUTRE CHOSE qu'obéir, celui qui refuse de l'exécuter fait AUTRE CHOSE que désobéir.
**4. -- **Pour qu'un ordre soit légitime, IL FAUT MAIS IL NE SUFFIT PAS qu'il émane d'un chef lui-même légitime. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, il convient de le rappeler ici.
*Les criminels de guerre* « *obéissaient *» *à leurs chefs légitimes : on les a fusillés, ou pendus.* C'est une histoire qui est d'ailleurs fort loin d'être limpide en tous points, mais qui comporte, dans le principe, sa part de vérité.
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**5. -- **Là où le P. Francis Volle ne veut voir *aucune* question, il y en a au moins *deux.*
Ou plus exactement, il y a deux manières pour une parole du pape de *n'être pas* un ordre ou une loi :
*a*) la première, c'est de ne l'être *même pas en apparence :* c'est-à-dire d'être seulement une opinion, un souhait, une confidence (etc.) ;
*b*) la seconde, c'est de l'être *seulement en apparence* c'est-à-dire d'être un abus de pouvoir.
Autrement dit : il peut arriver, quand le pape parle, qu'il *n'utilise* pas son pouvoir ; et il peut arriver qu'il *abuse* de son pouvoir.
**6. -- **Il n'existe sur terre aucun pouvoir qui soit supérieur à celui du Pontife romain : mais il ne s'ensuit pas que ce pouvoir soit *illimité.* Au contraire : ce pouvoir est irréformablement *défini* par l'Église. Toute définition est en même temps une limitation.
**7. -- **Personne sur terre n'a le pouvoir de juger le Pontife romain : c'est-à-dire de le traduire devant un tribunal qui le ferait passer en jugement et prononcerait une sentence. Mais tout sujet du pape a le droit et le devoir de *juger* les actes du pape, *en ce sens* que l'obéissance elle-même comporte indispensablement *l'exercice du jugement* (au moins pour discerner et reconnaître : c'est un ordre, il me concerne, il s'applique à ce cas, etc.).
**8. -- **Nous ne savons pas dans quel contexte le P. Vallet fondateur des Pères de Chabeuil, a pu dire : « *Nous devons être les ânes du pape. *» Le sens obvie de cette formule est qu'elle s'applique au pape *en tant que pape.*
En outre, et c'était forcément la pensée du P. Vallet, cette formule comporte une réserve qui va de soi, qui est tellement obligatoire qu'il ne devrait pas être nécessaire de l'énoncer : -- *Sauf si le pape commande un acte manifestement contraire à la loi morale.*
54:145s
Qu'on n'aille pas se récrier il n'est inscrit nulle part que cela n'arrivera jamais. Cela est déjà arrivé dans l'histoire. En des temps barbares ? En des temps moralement et intellectuellement moins barbares que le nôtre.
Et enfin, le P. Vallet n'avait sûrement pas l'intention de recommander aux Pères de Chabeuil de devenir purement et simplement « des ânes ».
**9. -- **Ce qui est vrai, c'est que des points de la doctrine catholique qui sont CERTAINS en eux-mêmes peuvent apparaître subjectivement DOUTEUX à telle ou telle personne en raison de son ignorance religieuse. *Dans ce cas,* elle sera excusée de s'en remettre sans autre examen à ce qu'on lui présente comme parole du pape. Encore faut-il que l'ignorance religieuse invoquée ne soit pas une ignorance coupable. Tout fidèle est tenu d'acquérir des connaissances religieuses *proportionnées* à son état et à ses aptitudes : c'est-à-dire, en gros, des connaissances religieuses qui soient au moins du même *niveau* intellectuel que ses connaissances profanes.
Les drames actuels mettent parfois en cause des points de doctrine que plusieurs peuvent légitimement ne pas *connaître* ni *comprendre* (excuse qui, bien sûr, ne vaut pas pour les évêques) : ils ont seulement à examiner si ce n'est point par négligence coupable qu'ils n'en ont pas une connaissance assurée.
Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
Nous sommes véritablement dans une situation extrême.
Nous en sommes à la falsification de l'Écriture.
Les catholiques pratiquants, dans leur grande majorité, sont capables de reconnaître en toute certitude qu'un texte a été falsifié.
Leur *responsabilité personnelle* est entièrement engagée dans l'acceptation ou le refus des falsifications.
Ils ne sont ici « couverts » ni par l'excuse de l'obéissance ni par l'excuse de l'ignorance.
55:145s
L'Écriture sainte a fait l'objet de falsifications manifestes dans le nouveau catéchisme, toléré par le Saint-Siège, et dans le nouveau Lectionnaire, approuvé par le Saint-Siège. Si le P. Francis Volle voulait enseigner la doctrine chrétienne, il enseignerait à ses retraitants que personne au monde, fût-il pape, n'a pouvoir d'approuver, encore moins d'imposer, une falsification : et donc qu'il *n'est pas* permis d'y « obéir ».
\*\*\*
Nous n'avons parlé que de l'obéissance en général. Il faudrait subsidiairement remarquer une autre confusion, plus ou moins implicite, chez le P. Volle et dans plusieurs numéros de *Marchons :* la confusion entre, d'une part, la sorte d'obéissance qui s'impose à tous, et d'autre part celle qui s'impose aux religieux en vertu de leur vœu d'obéissance. Il y a une spiritualité de l'obéissance qui relève du vœu d'obéissance, mais qu'il peut être, selon les cas, imprudent de prêcher sans discernement à d'autres états de vie : prêtres séculiers et laïcs. La spiritualité qui s'exprime dans *Marchons* ne paraît pas toujours exempte de cette autre confusion. Mais nous ne donnons cette indication qu'en passant, et sans y insister, car ce n'est pas notre propos.
\*\*\*
C'est avec tristesse, mais avec fermeté, que nous devons dire aux doctrines de *Marchons :*
*-- *Non, nous ne *marchons* pas dans vos histoires, elles glissent de plus en plus en dehors de la doctrine catholique. Bien entendu, nous n'excluons pas, nous espérons un redressement doctrinal du Supérieur des Pères de Chabeuil, ou son remplacement, et une solide mise au point rectificatrice dans *Marchons.*
Sans quoi, nous serions obligés de déconseiller explicitement à nos amis (et nous ne serions pas les premiers à le faire) de participer aux retraites prêchées par ceux des Pères de Chabeuil qui suivent et enseignent les doctrines erronées du P. Francis Volle : la déviation en est manifeste, et elle est grave.
56:145s
### Le pèlerinage à Rome vient de commencer
... Percusso latere Petri, excitavit\
eum, dicens : -- Surge velociter.
... Et Petrus ad se reversus...\
(Act., XII)
LE PÈLERINAGE À ROME est la prière spécifique pour répondre à l'état présent de l'Église. Le projet, en 1969, avait paru soulever mille difficultés, provoquer mille oppositions, se heurter à mille impossibilités. Le mérite singulier de Mme Élisabeth Gerstner, la dynamique et rayonnante animatrice du Centre catholique européen d'Allemagne, est d'avoir décidé de prouver le mouvement en marchant, et d'y avoir réussi.
Le pèlerinage à Rome est possible, puisqu'il a eu lieu. Une première fois, le 28 et le 29 juin 1970, des fidèles du catéchisme romain et du Missel romain ont accompli une marche solennelle de prière et de pénitence à Saint-Pierre de Rome.
Ce n'est donc qu'un début.
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Mais un début qui fut en lui-même parfaitement conduit et pleinement démonstratif.
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En France, seul l'abbé Louis Coache avait apporté à Mme Gerstner un concours organique, en frétant un train spécial et en mobilisant ses amis : et pourtant le contingent français, avec cinq à six cents pèlerins, était le plus important du pèlerinage, dépassant de peu le contingent allemand. Sans compter les pèlerins venus isolément, et pour lesquels l'accueil de l'abbé Coache fut plein de modestie, de gentillesse et de tact. L'Espagne, le Portugal, la Belgique, la Hollande, la Suisse, l'Autriche, le Mexique étaient représentés par des prêtres et par des laïcs.
Les journaux ont selon leur humeur publié des estimations très variables, allant de cinq cents participants jusqu'à cinq mille, les deux chiffres étant, chacun dans son sens, manifestement exagérés.
La veillée de pénitence et de prière, du soir jusqu'à l'aube, sur la place Saint-Pierre, explique peut-être les estimations les plus basses. Elle ne fut pas suivie entièrement par la majorité des pèlerins, en raison des grandes fatigues du voyage en train toute la nuit précédente et de celles de la journée. Cette veillée n'était d'ailleurs prévue que pour un petit groupe : mais plus de quatre cents pèlerins y participèrent jusqu'au matin.
En une série de conférences de presse véritablement étincelantes, parlant tour à tour, avec le même bonheur, l'allemand, le français, l'italien et le latin, Mme Élisabeth Gerstner, activement secondée par l'abbé Coache, avait expliqué l'esprit et les intentions du pèlerinage : « traditionaliste ». si l'on veut, et si l'on tient à y mettre une étiquette, mais plus exactement : *catholique romain,* ce qui veut dire : résolution de rester fidèle, par obéissance à l'Église, au Missel romain et au catéchisme romain.
Assurément, toutes les catégories et toutes les tendances de la presse mondaine (et du catholicisme mondain), en Italie, en France et ailleurs, ont couvert le pèlerinage de quolibets méprisants. Mais cela fait partie, dans un monde apostat, d'un vrai pèlerinage et de son économie surnaturelle.
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Les crachats du monde, son mépris ignorant, sa superbe imbécile et méchante, sa « contradiction » à son niveau et selon ses moyens, sont l'accompagnement normal du pèlerinage chrétien sur la terre.
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Ce fut d'abord, le dimanche 28 juin, à 10 heures, la messe au Colisée. Le Vicariat de Rome avait manifesté son exquise délicatesse en interdisant sans raison, par un simple *hoc volo sic jubeo* non motivé, que l'abbé Coache en soit le célébrant : il n'avait point demandé à l'être, mais il fallait bien sans doute donner dans l'eau ce coup de sabre de bois. Par une telle *prévenance*, le Vicariat de Rome aura réussi à augmenter l'affectueuse sympathie dont l'abbé Coache est entouré.
Les hosties consacrées, même partagées, ne furent pas assez nombreuses, à cause de l'afflux imprévisible des Romains ; une seconde messe fut aussitôt célébrée pour ceux qui n'avaient pu recevoir la communion.
L'après-midi, rassemblement du pèlerinage à Sainte-Marie Majeure pour une prière au tombeau de saint Pie V puis c'est la procession à travers Rome, sous un soleil de plomb, en récitant le chapelet, jusqu'à Saint-Pierre ; bannières déployées, parmi lesquelles on remarque celle de la naissante « Confédération des familles chrétiennes ». La police de la circulation a refusé la chaussée, concédé les trottoirs : en rangs par quatre, les pèlerins défilent pendant plusieurs kilomètres ; les plus âgés ou les plus fatigués s'arrêtent une fois ou l'autre à une terrasse de café ; on les questionne ; ils expliquent ; partout le petit peuple romain déclare que si c'est « contre la nouvelle messe » il est bien d'accord, on en a assez et on n'en peut plus, quand donc finira cette grande misère, c'est à croire que les curés sont devenus fous...
Adoration du Saint-Sacrement. Prière au tombeau de saint Pierre. Prière au tombeau de saint Pie X ; serment de ne jamais quitter l'Église catholique.
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De 21 heures jusqu'à l'aube, veillée de pénitence et de prière sur la place Saint-Pierre. PREMIÈRE PARTIE : adoration et louange : *Adoro te, Veni Creator, Pange lingua, Inviolata *; chapelet des mystères joyeux ; litanies de la Sainte Vierge ; complies du dimanche. -- SECONDE PARTIE : supplications : chant du *Rorate* et du *Salve mater Misericordiæ *; grandes litanies ; *oremus pro pontifice nostro *; lecture spirituelle ; silence. -- TROISIÈME PARTIE réparation : chant de l'*Ave verum*, psalmodie du *Miserere *; chemin de croix autour de la place Saint-Pierre ; chant du *Stabat Mater *; chapelet des mystères douloureux ; *De profundis ;* lecture spirituelle ; silence. -- QUATRIÈME PARTIE : *O salutaris, Ave maris stella *; litanies du Sacré-cœur ; chapelet des mystères glorieux ; lecture spirituelle ; procession en silence, sur deux rangs, derrière la croix, autour de la place Saint-Pierre., Les étoiles commencent à pâlir pendant la procession. Dernière station au centre de la place : *Lauda Jerusalem*.
Ceux qui ont connu cette naissance de l'aube sur Saint-Pierre de Rome, après une nuit de prière, ceux qui ont chanté cet *Hosanna* final, dans l'épuisement et la joie d'un cœur d'enfant retrouvé, daignez vous en ressouvenir, Reine de la Promesse, et de leur long cheminement.
Ils reviendront. Sine intermissione. Entraînant avec eux le peuple chrétien innombrable des villes et des campagnes, ils reviendront vers Rome par tous les chemins et par tous les temps, non point ambitieux d'être reçus par le pape, s'il n'en a pas envie, mais pour supplier Dieu depuis le centre de l'Église en état d'autodestruction. *Oratio fiebat sine intermissione. Ad Deum. Pro eo*.
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Le lundi 29 juin, en la fête des saints apôtres Pierre et Paul, les premières messes sont célébrées au tombeau de saint Pie X A 10 heures, messe solennelle à S. Andrea della Valle, dans l'authenticité du rite romain. L'après-midi, clôture du pèlerinage par une bénédiction du Saint-Sacrement à S. Lorenzo in Lucina.
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L'accueil et l'aide de nos amis romains ont été fraternels et efficaces : ceux de la « Civiltà cristiana », ceux de « Vigilia romana », ceux de la « Critica cattolica », ceux d' « Una Voce », et d'autres encore. Pour accueillir le pèlerinage, ils avaient diffusé en tracts, dans les églises et dans les rues de Rome, une proclamation rédigée en latin :
CIVES CATHOLICI URBIS, *haeredes ac custodes christianae fidei, quae Romae fulget et Roma fluit ex quo Petrus propriam sedem in ea posait, fratribus ex variis Europae nationibus advenientibus, salutem magno corde dicunt !*
*Vos, divinae promissioni freti portas inferi nunquam praevalituras, sed tempestatum causa Petri navim magis magisque diabolico furore insidiantium trepidantes, certi tamen veritatem et lucem triumphaturas, Romam petitis.*
*In ipsa catholicae religionis arce, cupitis fidem vestram firmare, fidelitatemque Christo Regi et Mariae Victoriarum Dominae proclamare, necnon, obsequia Summo Pontifici praestantes, Eidem vestra desideria filiali animo patefacere*.
NOS, FRATRES VESTRI URBIS FILII, *eadem voluntate ducti, vobiscum erimus ad trophea Principum Apostolorum, ad sepulchra martirum gloriosa, ad aras Pontificum S. Pii V et S. Pii X, de Ecclesia optime meritorum, cum ipsi suo tempore Christi Sponsae hostes contriverint, et catholicam veritatem tutaverint.*
*Omnia bona vobis ferventer adprecamur*.
Nous avons quitté nos amis romains en leur disant au revoir. L'année prochaine, s'il plaît à Dieu, nous reviendrons à Rome en pèlerinage, et ce sera sans doute à la fin du mois de mai, pour la Pentecôte et pour Marie Reine : en pèlerinage de chrétienté, avec les enfants, avec les malades, et les curés en tête ; accompagnés par l'immense bruissement invisible des saints anges gardiens. *Et ecce Angelus Domini astitit*...
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Il paraissait impossible d'aller à Rome en pèlerinage sans demander une audience au Souverain Pontife ; mais aussi impossible de la lui demander à date fixe. Dans les deux cas, on était sûr d'être inculpé d'inconvenance par le bienveillant savoir-faire de la bureaucratie vaticane : soit l'inconvenance de prétendre fixer la date de l'audience, soit l'inconvenance de venir à Rome en ayant l'air d'ignorer le Saint-Père.
Le cardinal secrétaire d'État n'a pas manqué, bien sûr, de ronchonner dans le *Figaro* et d'y déclarer discourtois d'avoir entrepris un pèlerinage sans demander préalablement aux bureaux du Vatican si la date choisie leur était commode et leur paraissait opportune.
Quel rêve de bureaucrate !
Voyez-vous, Monseigneur le Cardinal-Secrétaire, le peuple catholique qui veut faire à Rome un pèlerinage de prière et de pénitence n'est pas à la disposition des bureaux vaticans. Il n'est pas comme les permanents appointés de vos organisations internationales, qui ont toujours du temps et toujours de l'argent, et qui n'ont au fond rien d'autre à faire que de se plier au planning administratif. Le peuple catholique n'entre pas dans ces considérations, parce qu'il ne peut pas y entrer. Le seul budget sur lequel il puisse prendre l'argent de son pèlerinage, c'est le budget familial. Et le seul temps sur lequel il puisse prendre pour venir à Rome est le temps qui est le sien, comme il y arrive, souvent le temps des vacances, des fêtes, des jours chômés. Seulement il est chez lui à Rome, jusqu'à preuve du contraire, il y est chez lui tous les jours de l'année, et il y vient *quand il le peut :* selon ses commodités à lui, qui sont des commodités vitales, et non selon les commodités des bureaux, qui ne sont qu'administratives, à moins qu'elles ne soient des commodités de circonstance, c'est-à-dire des prétextes.
D'ailleurs tout s'est très bien passé. L'audience pontificale avait été demandée selon le protocole. Par la voie diplomatique des nonces en Allemagne et en France, le Saint-Siège avait fait savoir avant le pèlerinage qu'elle était refusée.
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Les pèlerins, parmi lesquels ne figuraient ni chefs communistes, ni massacreurs de chrétiens, ni producteurs d'érotisme cinématographique, ni champions de course cycliste, ni autres clowns du cirque moderne, avaient appris ce refus « avec tristesse mais sans amertume », comme l'a très bien dit *La Croix,* qui aurait pu ajouter : « et sans surprise ».
La plupart d'entre eux n'ont jamais eu aucun espoir, ni aucun désir, d'être reçus par les grands de ce monde. Une audience pontificale eût sans doute été l'occasion de déposer aux pieds du successeur de Pierre la pétition, revêtue de centaines de milliers de signatures, demandant à l'Église du pluralisme la liberté de conserver le Missel romain : la liberté *administrative ;* car la liberté morale, on ne voit pas qu'il soit au pouvoir de personne de l'abroger. Et le sentiment grandit sans cesse qu'au point où nous en sommes parvenus, il n'est plus temps de s'adresser aux hommes. La démarche des pèlerins s'adressait principalement à Dieu : c'est une autre liberté qu'il n'est au pouvoir de personne de nous enlever. *Oratio fiebat sine intermissione* AD DEUM.
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En matière d'audiences pontificales, l'organe du Parti communiste italien a de bonnes raisons d'être quant à lui plus satisfait de Paul VI : « *Le pape a reçu les dirigeants de mouvements populaires en lutte contre l'impérialisme : et la puissance contre laquelle ils se battent est le très catholique Portugal *» ([^20])*.* Il s'agit de terroristes qui dirigent la lutte révolutionnaire en Angola, au Mozambique, en Guinée et au Cap-Vert.
Une « mise au point » de *L'Osservatore romano* ([^21]) assure sans rougir :
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« *Le pape, de par sa mission, reçoit ceux qui demandent le réconfort de sa bénédiction. *»
C'est tout simple en effet. Le pape reçoit ceux qui le demandent. Allez raconter ce boniment dérisoire à qui vous voudrez : mais point, *dans la même semaine,* aux pèlerins de Rome. Ils ont compris.
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Si Mme Élisabeth Gerstner fut, avec une parfaite maîtrise, l'organisateur et le chef du pèlerinage, l'abbé Louis Coache, assisté par plusieurs prêtres dont nous ne connaissons pas le nom, se trouva, sans l'avoir cherché, être le principal animateur des divers exercices religieux. Il remplit cette fonction avec une âme de prêtre de Jésus-Christ, de curé de paroisse, comme il le fait à la procession de Montjavoult : et le premier bienfait du pèlerinage fut, pour chaque pèlerin, intérieur et surnaturel, à la mesure de sa participation à ces exercices.
Ce n'est rien de rendre l'hommage public qui est dû à l'un et à l'autre, au prêtre et à l'organisatrice.
Nous leur devons surtout nos prières, pour que Dieu les éclaire, les soutienne et les console dans leurs portements de croix.
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Les pèlerins de juin 1970, et tous ceux qui viendront en 1971, n'ont pas forcément et jusque dans le détail des appréciations identiques sur *la cause proportionnée* de l'actuelle auto-destruction de l'Église.
Ils peuvent estimer diversement que
*a*) soit par sa faute,
*b*) soit sans qu'il y ait de sa faute,
Paul VI est prisonnier : *Petrus servabatur in carcere, --* prisonnier, aujourd'hui :
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*a*) soit de lui-même : *Petrus dormiens,*
*b*) soit d'une maffia ecclésiastique et mondaine : *vinctus catenis duabus,*
*c*) soit des deux à la fois, *et custodes ante ostium custodiebant carcerem.*
Le pèlerinage à Rome n'est pas un congrès académique où l'on confronte ces éventuelles divergences (ou complémentarités) d'opinion. C'est une démarche de prière et de pénitence :
*Et Petrus quidem servabatur in carcece. Oratio autem fiebat sine intermissione ab Ecclesia ad Deum pro eo*.
Dans le pèlerinage à Rome, la fidélité au trône de Pierre et à la succession apostolique n'implique et n'impose aucun hommage à la personne privée ou aux sentiments personnels du Pontife régnant ; ni le contraire. Il ne s'agit en aucune manière de flatter cette personne privée par des louanges de courtisans, ni de la prendre à partie par des algarades de contestataires. Il s'agit de s'adresser au Dieu Vivant et Vrai, *ad Deum pro eo,* le priant et le suppliant de MAINTENIR DANS LA RELIGION CATHOLIQUE LE PAPE, LES ÉVÊQUES ET LES PRÊTRES : c'est une prière parfaitement liturgique, c'est une supplication des Grandes Litanies *ut domnum apostolicum et omnes ecclesiasticas ordines in sancta religione conservare digneris, te rogamus audi nos*. Cette prière pour le pape, cette prière qui demande à Dieu que Pierre soit Pierre encore aujourd'hui, c'est sur le tombeau de Pierre, c'est en procession à Saint-Pierre de Rome qu'il convient le mieux de la faire. *Oratio autem fiebat sine intermissione ad Deum pro eo.* Nous pouvons la faire tous ensemble, sans qu'une opinion particulière y soit impliquée plutôt qu'une autre : telle fut l'une des principales démonstrations du pèlerinage de juin 1970.
\*\*\*
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Le pèlerinage à Rome s'adresse à Dieu, *ad Deum pro eo,* il ne s'adresse pas aux hommes par mode de communication humaine. Il n'est pas une manifestation au sens habituel du terme, encore que les manifestations de cette sorte puissent être parfaitement légitimes, et que lui-même puisse en être une par surcroît. Il est d'abord une manifestation de pénitence, de prière et de foi. Il n'entend faire pression sur personne, n'exercer de violence sur personne sauf, sur Dieu seul, la pression et la violence surnaturelle qu'Il nous demande, celles d'une prière qui ne cesse point. *Violenti rapiunt illud.*
Et au jour choisi par Dieu de toute éternité, son Ange viendra dire au successeur de Pierre : -- *Surge velociter.*
\*\*\*
Dans l'Église, par obéissance à l'Église, nous sommes en possession légitime, en possession résolue du Missel romain et du catéchisme romain. Une série de promulgations atypiques, incertaines, douteuses, renforcée par des actes de persécution administrative, a voulu depuis quelques années nous imposer progressivement un ORDRE NOUVEAU du catéchisme et de la messe, -- un ORDRE NOUVEAU qui culmine et qui se démasque dans la falsification systématique de l'Écriture sainte. Notre résistance est de tous les jours. Mais tant que dureront cette agression et cette épreuve, il sera nécessaire de recommencer sans cesse, *sine intermissione,* vers Rome et dans Rome, une marche de pénitence et de prière, suppliant Dieu avec véhémence de nous faire miséricorde et de nous envoyer son secours car tous les jours des âmes périssent, en commençant par celles des enfants.
Et c'est pourquoi il faudra le pèlerinage à Rome des enfants : premières victimes de la fausse religion moderne, ils sont criminellement privés de l'éducation que rien ne remplace, celle qui se fait par le catéchisme, par le rite romain, par le grégorien, -- sans lesquels, comme on le voit chaque jour dans les écoles, dans les rues, dans les églises, ils deviennent des apostats et des sauvages.
*Oratio fiebat sine intermissione :* le pèlerinage à Rome, aussi longtemps que continuera le massacre des enfants, ne cessera plus.
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Pour le catéchisme. Pour la messe. Pour le grégorien. Si Dieu veut ?
-- Dieu le veut !
*Et ecce Angelus Domini astitit...*
\*\*\*
*Et Petrus ad se reversus...* Aujourd'hui. Ou demain. Ou plus tard.
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... *Ad se reversus dixit : Nunc scio vere...* Le successeur de Pierre.
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*Et Petrus ad se reversus dixit : Nunc scio vere quia misit Dominus Angelum suum, et eripuit me de manu Herodis, et de omni exspectatione plebis Judaeorum.*
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### Réponse au Maître de l'Ordre des Chevaliers de Notre-Dame
8 juillet 1970
Monsieur,
Votre « réponse ouverte » datée du 30 mai m'atteint tardivement, cette semaine seulement, et fort indirectement, puisque ce n'est ni de vous, ni de votre éditeur, ni de vos amis que je la tiens. Vous m'y manifestez cependant une amitié, allant jusqu'à la familiarité, qui est pour moi une révélation. En considération de quoi je vous répondrai sur un seul point, celui sur lequel nous sommes d'accord.
Non que je refuse de vous répondre sur tous les autres, où nous sommes en complet désaccord : je le ferai dans un second temps, si vous y tenez ; et si préalablement vous voulez bien m'autoriser à reproduire dans ITINÉRAIRES le texte intégral de votre « réponse ouverte ».
Mais la manifestation soudaine, publique, inattendue de votre amitié est pour moi tellement saisissante que je veux m'y attarder ; et que je tiens à l'honorer en ne retenant cette fois-ci que le point du débat où il existe entre nous une concordance exempte de toute mésentente.
Sur quoi notre accord est-il entier ?
Sur ceci :
Vous déclarez que la revue ITINÉRAIRES était bien autorisée, par le cardinal Ottaviani lui-même, à publier sa lettre à Paul VI : la lettre qui est la préface et le résumé du *Bref examen critique,* et qui le présentait au Souverain Pontife en ces termes : « Comme le prouve suffisamment l'examen critique ci-joint, si bref soit-il... »
68:145s
Veuillez remarquer que mon témoignage se limite strictement à ce point : la revue ITINÉRAIRES était parfaitement autorisée à publier la lettre du cardinal et le Bref examen qui en est inséparable. Le cardinal Ottaviani avait donné cette autorisation à M. l'abbé Dulac en octobre 1969. Plus d'un mois après la « lettre à Dom Lafond » du 17 février 1970, permettez-moi de me citer, « je me suis assuré PERSONNELLEMENT, auprès du cardinal Ottaviani LUI-MÊME, que l'autorisation était authentique, réelle, non révoquée, et ne comportait, ni en elle-même, ni dans l'usage que nous en avons fait, aucun malentendu. Tel est mon témoignage. » Oui, tel est mon témoignage : cela, tout cela, rien de plus et rien d'autre.
Quand vous écrivez au fil de la plume que le témoignage de Pierre Lemaire vaut bien le mien, cela fait figure d'une insulte gratuite, pour qui connaît l'inépuisable et douce mythomanie du cher Pierre Lemaire.
Mais surtout, vous laissez supposer qu'il y aurait quelque part un témoignage de Pierre Lemaire qui contredirait le mien. Or il n'en existe, à ma connaissance, aucun sur ce point (sur l'autorisation), qui est le seul dont j'ai porté témoignage. Témoignage dont vous-même, d'ailleurs, reconnaissez la véracité et la vérité puisque, loin de contester l'autorisation, vous confirmez explicitement son existence.
Vous allez même fort loin dans cette confirmation, jusqu'à écrire maintenant : « En tout cas personne de chez nous ne vous a accusé de l'avoir publié sans autorisation. » Votre conviction nouvelle vous fait oublier votre accusation précédente.
Car c'est vous et vos amis qui avez publié l'unique document où il soit prétendu que personne n'avait reçu une telle autorisation.
Ce document est la « lettre à Dom Lafond ».
Qui contient donc une contre-vérité. Au moins une : cette contre-vérité-là. A laquelle je me limite aujourd'hui, puisque c'est la reconnaissance du mensonge de cette contre-vérité qui nous réunit dans un parfait accord.
Prétendre que personne n'était autorisé à publier la lettre du cardinal Ottaviani à Paul VI est une contre-vérité.
C'est une contre-vérité en soi, objectivement.
69:145s
C'est une contre-vérité à vos yeux, vous en convenez.
Et c'est, vous le savez, une contre-vérité aux yeux du cardinal Ottaviani.
Or cette contre-vérité est affirmée dans une « lettre à Dom Lafond » portant la signature du cardinal Ottaviani.
C'est clair.
Cela ne vous suffit-il pas ?
\*\*\*
Pour le cas où cela ne vous suffirait point, et où vous désireriez quelque développement un peu plus explicite, je soumettrai à votre sagacité deux conséquences, à deux niveaux différents :
I. -- Étant bien établi et bien reconnu que la « lettre à Dom Lafond » affirme une contre-vérité, comment pourrait-il se faire qu'une telle... anomalie ne frappe pas de suspicion légitime le document tout entier ?
Vous nous présentez la « lettre à Dom Lafond » comme un document capital, fondamental, décisif, absolument digne de foi : qui pourtant contient une contre-vérité, reconnue par vous comme telle.
Puisque c'est vous l'éditeur moral de cet étrange document, c'est à vous que l'on doit demander si vous auriez par hasard une explication qui puisse, après cela, en restaurer la crédibilité.
II\. -- Vous diffusez sciemment une contre-vérité. Vous ne l'avez pas retranchée du document. Ou, si un tel retranchement vous paraissait impossible, vous avez omis d'insérer une note rectificative, après les mots : « sans autoriser personne à la publier », -- une note disant par exemple :
« Cette assertion est absolument fausse. »
Puis-je vous demander combien de temps encore vous continuerez, contre votre conviction et contre votre conscience, à faire croire au public, en diffusant et en vantant la « lettre à Dom Lafond », que personne n'était autorisé à publier la lettre du cardinal Ottaviani à Paul VI ?
Je vous assure, Monsieur, que j'attends votre réponse, spécialement à cette dernière question, avec la plus attentive considération.
Jean Madiran.
70:145s
## AVIS PRATIQUES
■ Le présent fascicule est notre *second* supplément au numéro 145 ; il est envoyé à tous nos abonnés.
■ Notre *premier* supplément au numéro 145 porte la simple mention : « supplément au numéro 145 ». Il est la *nouvelle édition* de la brochure : NOTRE ACTION CATHOLIQUE, envoyé seulement à ceux de nos lecteurs qui en passent commande à nos bureaux : 3 F franco l'exemplaire.
\[...\]
============== fin du second supplément au numéro 145.
[^1]: -- (1). Rappelons ceci, qui est trop oublié : c'était un usage immémorial en France de lire la traduction de l'Évangile à la messe paroissiale, *après* sa proclamation *en latin par* le *célébrant.* Un indult du Saint Office en date du 17 octobre 1956 avait consacré cet usage et l'avait étendu à l'Épître, en permettant que « les ministres sacrés à la messe solennelle et le célébrant lui-même à toute messe avec assistance de fidèles, qu'elle soit chantée ou lue, puissent proclamer l'Épître et l'Évangile *d'abord* en latin, puis dans la langue du peuple. » -- A cet usage fut composé, et publié en 1959, un *lectionnaire latin-français en vue de la proclamation publique des Épîtres et des Évangiles des dimanches et des fêtes,* « adopté officiellement par l'Assemblée des cardinaux et archevêques ». La traduction française y était honnête, parfois médiocre, jamais falsificatrice. C'était avant ce que l'épiscopat français appelle aujourd'hui « l'évolution conciliaire ».
[^2]: -- (1). Comme on le sait, quelques-unes des falsifications les plus caractéristiques de l'Écriture dans le nouveau catéchisme sont recueillies dans notre brochure : *Le catéchisme sans commentaires.*
[^3]: -- (2). Parue dans *Carrefour* du 10 juin 1970.
[^4]: -- (1). Dans sa lettre, Louis Salleron donne ici, en grec, le texte grec.
[^5]: -- (1). D.F., numéro 115 de juin 1970, page 259.
[^6]: -- (1). D.F., numéro 115 de juin 1970, page 241.
[^7]: -- (1). Réponse commentée aux pages 33 à 74 de *L'hérésie du XX^e^ siècle* (un volume aux Nouvelles Éditions Latines).
[^8]: -- (2). Commentée dans le même ouvrage, pages 271 à 304.
[^9]: -- (1). Commentée dans ITINÉRAIRES, numéro 129 de janvier 1969, pages 18 à 83 : « Situation de l'épiscopat ».
[^10]: -- (2). Commenté dans ITINÉRAIRES, numéro 135 de juillet-août 1969, pages 152 à 174 : « Chronique des grandes litanies ».
[^11]: -- (1). Voir la brochure : *Notre action catholique, spécialement les* pages 1 à 19.
[^12]: -- (1). Voir ITINÉRAIRES, numéro 140 de février 1970, pages 227 et suivantes ; et numéro 141 de mars 1970, pages 191 et suivantes. -- On remarquera que c'est une thèse *protestante* (cf. notamment Brunner) : la thèse de la « décadence de l'Église depuis le IV^e^ siècle » et du « funeste héritage constantinien ».
[^13]: -- (1). Au moment même où paraissait l'article de Louis Salleron, cette déclaration du porte-parole de l'épiscopat -- qui n'avait été reproduite que dans *L'Aurore -- *était officiellement confirmée (cf. *Le Monde* et le *Figaro* du 24 juin). On faisait savoir à la presse que la Déclaration du Conseil permanent, dans sa transmission aux évêques, était précédée d'une « Note » ainsi libellée : « *Une bonne partie des travaux du Conseil a été consacrée à une réflexion sur quelques problèmes doctrinaux actuels. La Déclaration ci-jointe essaie d'y apporter une réponse claire et vigoureuse dans laquelle doivent se sentir visés aussi bien les groupes d'extrême-droite qu'* « *Échanges et dialogue *»*, aussi bien le P. Cardonnel ou les* « *Frères du Monde *» *que l'abbé de Nantes ou l'abbé Coache *». -- Selon *La Croix* du 25 juin, il s'agit là « d'un paragraphe du compte rendu sommaire des travaux du Conseil permanent », publié par la *Vie Diocésaine* de Dijon.
[^14]: -- (1). Voir les faits, les textes, les dates dans notre brochure : Le catéchisme sans commentaires (en vente à nos bureaux, 1 F. franco l'exemplaire).
[^15]: -- (2). NOTE CHRONOLOGIQUE. -- Le lecteur attentif risque de trouver incohérent qu'au sujet des falsifications dans le nouveau catéchisme nous ayons écrit ici, en juin 1969 : «* depuis quinze mois *», et que nous disions à Paul VI et au cardinal Gut, dans nos lettres de juin 1970 : «* depuis bientôt deux ans *». C'est tout simplement parce qu'ici nous faisions allusion au début de nos protestations, tandis que dans les lettres à Paul VI et au cardinal Gut nous faisions allusion au début de l'entrée en vigueur « obligatoire » des falsifications dans les leçons de catéchisme aux enfants. -- En effet, les falsifications de l'Écriture ont été publiées avant de devenir obligatoires : dans le FONDS OBLIGATOIRE, à la fin de l'année 1967 ; nos protestations ont commencé, en privé, au mois de janvier 1968, et en public au mois de février 1968 (soit quinze mois avant notre notification de juin 1969). -- Mais les manuels de catéchisme contenant ces falsifications ont été imposés seulement à partir de la rentrée scolaire d'octobre 1968 (soit un peu moins de deux ans avant nos lettres à Paul VI et au cardinal Gut de juin 1970). -- La première édition de notre brochure : *Le nouveau catéchisme* a paru le 20 février 1968. Entre le 20 et le 28 février 1968, *cent quatre-vingts exemplaires* en ont été distribués aux personnalités et aux organismes compétents du Saint-Siège. C'est pourquoi nous sommes bien placés pour savoir, quant à nous, qu'en ce qui concerne les falsifications du nouveau catéchisme français, Rome en est *informée* depuis la fin du mois de *février 1968*.
[^16]: -- (1). Nous ne reproduisons pas ici ces deux « Annexes ». On les retrouvera dans notre numéro 134 de juin 1969, pages 16 à 35. Nous signalons qu'elles contiennent des précisions, des dates, des textes indispensables à un historique exact de cette affreuse affaire.
[^17]: **\*** -- Ici : d'abord, et ensuite. \[note de 2003\]
[^18]: -- (1). En page 5, col. 1 et 2. -- Et c'est *seulement* du numéro 7 que le nouveau texte est publié (en italien) par l'*Osservatore romano.*
[^19]: -- (1). Numéro 390 de juin 1970, pages 176-177.
[^20]: -- (1). *L'Unita,* citée dans *La Croix* des 5 et 6 juillet 1970.
[^21]: -- (2). Cité dans *La Croix* du même jour. *Osservatore romano* du 4 juillet, page 2 : « *Il papa, per la sua missione, riceve quanti chiedono di avere il conforto della sua benedizione *». C'est en effet un grandi réconfort, pour les terroristes massacreurs de chrétiens, d'avoir la bénédiction de Paul VI. -- Ces terroristes, *L'Osservatore romano* les appelle des « ribelli » *entre guillemets.*