# 201-03-76 1:201 ## NOTE DE GÉRANCE ### S'asseoir avant de bâtir *Luc, XVI, 28* AVEC CE NUMÉRO 201 la revue ITINÉRAIRES entre dans sa 21^e^ année. Elle y entre, com­me on le voit, d'un pas presque impercep­tible ; d'un pas mesuré par l'exiguïté des moyens qui sont présentement à notre disposition pour aller plus loin. Nous avons le mois dernier jeté un regard sur les vingt années parcourues, sur la signification maintenue et précisée de notre com­bat spirituel. Dans des circonstances morales et matérielles qui lui étaient constamment contrai­res, la revue n'a pu poursuivre son activité que grâce au soutien militant et financier de ses lec­teurs. Depuis notre rencontre du 15 mars l'année dernière, nous avons multiplié les explications, les avertissements, les appels, vous prévenant que nous travaillons de plus en plus à contre-courant dans une société qui nous est de plus en plus hostile, « jamais encore l'action intellectuelle et morale de la revue n'avait rencontré des difficul­tés aussi sévères que celles que nous rencontrons maintenant » ; 2:201 vous annonçant en conséquence que nous n'arriverons plus à maintenir l'existence d'une revue mensuelle comme ITINÉRAIRES si « *de­main davantage qu'hier *» le soutien militant et financier de son public n'amplifie son renfort. A l'automne, dans notre numéro de novembre, nous avons appelé l'ensemble de nos lecteurs à une mobilisation immédiate. Quatre mois plus tard, nous devons constater que cette mobilisation n'a pas eu lieu. La campagne d'abonnements atteint 401 abon­nements nouveaux. La souscription pour les COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES arrive à 20.037 F. Je re­mercie très vivement les souscripteurs. Je les remercie d'autant plus qu'ils sont très peu nom­breux, et que chacun d'entre eux nous apporte une contribution qui est individuellement con­sidérable. Les 401 abonnements nouveaux ont été souscrits par 143 personnes seulement. Les 20.037 F proviennent de 73 souscripteurs. Qu'à la lecture de ces lignes, ils ne croient pas devoir redoubler leur effort. Je leur demande de s'en tenir là. Il serait trop injuste que la revue ITINÉ­RAIRES repose sur l'effort disproportionné et qua­siment surhumain d'une toute petite fraction de ses lecteurs, pendant que des milliers et des mil­liers d'autres, la presque totalité, demeurent im­mobiles et passifs, et comme indifférents. Il aurait suffi que la moitié ou le quart de nos lecteurs adressent un *petit* don aux COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES pour que la souscription dépasse les 110.000 F demandés. Et de même pour les 2.000 abonnements nouveaux qu'il nous fallait. Mais il n'y a eu que 143 plus 73 lecteurs, soit 216, pour faire quelque chose. Et encore, 216, c'est sans doute trop dire. Car les 73 qui ont souscrit les 20.037 F font souvent partie des 143 qui ont en­voyé les 401 abonnements. Cela fait bien peu de monde. 3:201 Alors, après vingt ans, à ce point de notre parcours, avant d'aller plus loin nous nous as­seyons un moment au bord du chemin, faisant le compte de nos amis, interrogeant leur résolution. Car il convient de s'asseoir avant de bâtir et de ne pas présumer de ses forces, ni des moyens dont on peut disposer. *Qui de vous en effet, s'il veut construire une tour, ne commence par s'as­seoir afin de calculer son budget et d'estimer s'il a de quoi aller jusqu'au bout ?* (Luc, XIV, 28.) Nous voilà donc arrêtés ; n'avançant pas ; assis pour méditer quels retranchements et quelles suppressions, sévères, vont devenir inévitables ; pour déterminer si la revue ITINÉRAIRES pourra demeurer mensuelle ; et si elle sera encore une revue. Il nous fallait deux mille abonnements nouveaux, vous n'avez été que 143 à répondre à l'appel, et cela en a fait 401, *cinq fois moins* que ce qui était nécessaire. L'abstention générale de nos lecteurs, 143 exceptés, est un sujet de ré­flexion. C'est pourquoi le présent numéro 201 est un numéro immobile, un numéro sans épaisseur, il n'entre pas vraiment dans notre 21^e^ année. Il reste sur le seuil ; un seuil de méditation. \*\*\* 4:201 Aux 143, il faut toutefois ajouter les trente à quarante abonnés qui chaque année souscrivent un « abonnement de soutien » dont le tarif est actuellement à mille francs. Nous ne les remercierons jamais assez. Ils constituent nos réserves générales, polyvalentes, pour faire face aux sur­prises, aux charges inattendues, aux nécessités imprévues du combat. Nous comptons bien sur eux. Nous ne leur disons pas suffisamment notre gratitude. La quasi totalité d'entre eux, nous ne les connaissons pas personnellement. Ils envoient leur « abonnement de soutien » sans rien dire et sans rien demander. Leur fonction est capitale. Cependant, que parmi les milliers et les milliers de lecteurs d'ITINÉRAIRES, il y en ait au total moins de quarante pour avoir à la fois les moyens et la volonté de souscrire un « abonnement de sou­tien », cela aussi est, pour nous et pour eux, un sujet de réflexion. Chiffres et calculs... Pourtant nous n'avons jamais eu, je crois qu'on le sait, le désir immodéré de faire nombre. Le cours sur *Divini Redemptoris,* cet hiver, nous avions annoncé que nous le ferions même s'il n'y avait que trois ou quatre inscrits (il s'est trouvé que, faute de place, nous avons dû refuser plus du tiers des inscriptions). La salle où nous don­nions ce cours avait été mise gratuitement à notre disposition : il n'y avait pas de frais. Le nombre n'avait donc aucune importance ; il n'avait au­cune influence sur notre activité, il n'en changeait ni la nature, ni le programme, ni les moyens. 5:201 Il n'en va pas de même pour la revue. Les diminutions du nombre des abonnés affectent son fonctionnement, limitent ses possibilités d'action, paralysent ses initiatives. Et il y a un nombre minimum au-dessous duquel, matériellement, elle n'est plus possible du tout. Au mois de novembre dernier, et dans chacun des numéros qui ont suivi, je vous avais donné rendez-vous en mars 1976 pour faire le compte définitif des résultats de la campagne d'abonnements et de la souscription le compte des bonnes volontés mobilisées, le comp­te des moyens matériels dont nous pourrions dis­poser. Nous sommes en mars, le compte est fait. \*\*\* On me dit pourtant que ce compte est trom­peur ; qu'il n'est pas définitif ; que tout n'est pas terminé. Que beaucoup de nos lecteurs lisent dis­traitement ce qui concerne la vie de la revue, et l'oublient à peine lu. Que souvent même ils ne lisent pas du tout les « avis pratiques » et autres « annonces ». Et qu'ainsi, en fait, ils ne sont pas au courant ; que malgré nos avertissements ils n'ont pas été avertis. On me dit secondement que, malgré leur insistance et leur répétition, nos ex­plications étaient trop sommaires. Et que, troisiè­mement, le sentiment domine encore un peu par­tout que la revue ITINÉRAIRES, qui a su paraître avec une parfaite régularité pendant vingt années, sera toujours capable de se tirer d'affaire ; 6:201 alors on nous écoute comme le paysan sur son champ qui ne trouve jamais que le temps est ce­lui qu'il faudrait, il y a toujours trop de pluie ou pas assez, il n'avoue jamais que la récolte était vraiment bonne, il maugrée toujours et quand il ne maugrée pas il fait semblant. On me dit enfin qu'avec un prix d'abonnement porté à 300 F, il n'est pas croyable que la revue ITINÉRAIRES soit réellement en difficulté. Eh bien on va voir. Ceux qui ne lisent habituellement pas nos avis, annonces et rappels, n'auront dans ce nu­méro 201 rien qui puisse leur dissimuler la pré­sente « note de gérance ». Peut-être cette fois ne passera-t-elle pas inaperçue. Quant aux explications, nous allons donc les détailler davantage. \*\*\* Il ne fait aucun doute, en effet, qu'avec un prix d'abonnement porté à 300 F, la revue ITINÉ­RAIRES ne devrait connaître aucune difficulté ma­térielle véritablement grave. A deux conditions cependant. Il faudrait premièrement que ce prix de 300 F soit réellement payé ; il faudrait secondement qu'il soit payé par un nombre suffisant d'abonnés. Or justement : ces deux conditions ne sont pas remplies. 7:201 **1. -- **Le prix indiqué de l'abonnement est : « 200 à 300 F ». Nous avons plusieurs fois expliqué que le prix réel est 300 F, soit un franc par jour ou­vrable, ce qui n'est nullement exorbitant. Cela est moins cher qu'un journal : or le prix de vente des journaux est calculé, comme vous le savez, non pas d'après leur prix de revient, mais de manière à être maintenu à un tarif qui, compte tenu du ni­veau général des traitements et salaires, permette à la plus grande partie de la population d'acheter aisément chaque jour un journal ou même deux, en plus du versement, bien entendu, de la rede­vance pour la télévision. Donc le prix de l'abon­nement à ITINÉRAIRES, nullement inaccessible à la plus grande partie de nos lecteurs, est d'un franc par jour ouvrable, soit 300 F par an. Nous l'avons dit. Nous avons précisé que l'indication : « 200 à 300 F » signifie que nous acceptons, exceptionnel­lement, de ceux qui ne peuvent pas faire davan­tage, des abonnements payés à un prix inférieur à 300 F, pourvu qu'il ne descende pas au-dessous du minimum de 200 F par an. Il est arrivé malheureusement que la plupart de nos abonnés ont adopté le tarif à 200 F. Ce qui aurait dû être l'exception a été la règle. Et c'est l'abonnement à 300 F qui est l'exception. Nos ex­plications et recommandations à ce sujet, répétées presque tous les mois dans nos « annonces et rappels », n'y ont rien fait. La conséquence va suivre. Puisque la plus grande partie de nos abon­nés ne s'est pas spontanément rangée dans la catégorie du tarif à 300 F, nous voilà obligés sans doute de ne plus maintenir le « 200 à » et de sup­primer la faculté exceptionnelle, puisqu'elle ne demeure pas une exception. 8:201 **2. -- **D'autre part le nombre total de nos abonnés, même en supposant qu'ils soient presque tous des abonnés à 300 F, est devenu lui aussi insuffi­sant. Ce nombre total est normalement variable ; il n'a pas cessé de varier au long des vingt années de l'existence de la revue ; mais c'étaient des va­riations lentes, tantôt en hausse et tantôt en bais­se. En chiffres ronds, nous avons chaque année 1.000 désabonnements (ou non-réabonnements) et 1.000 abonnements nouveaux : cet ordre de grandeur est, mystérieusement, d'une immuable stabilité. Tantôt un peu plus, tantôt un peu moins de 1.000, ce qui fait que le nombre total d'abon­nés demeure lui-même stable, avec des variations de faible amplitude. Notre public comporte donc une partie de lecteurs fidèles, qui demeurent les mêmes à travers les années, et une autre partie qui se renouvelle plus ou moins vite, mais sans cesse, par un va-et-vient continuel. Il en a été ainsi pendant les treize premières années de la revue, jusqu'en mars 1969. Depuis le mois d'avril 1969, l'ordre de grandeur est resté le même, mais toujours en baisse désormais c'est-à-dire avec une constante supériorité des désabonnements ou non-réabonnements sur les abonnements nouveaux. Les désabonnements ont été chaque année plus de 1.000. Chaque année le nombre des abonnements nouveaux a été inférieur à 1.000. 9:201 Aujourd'hui, en mars 1976, nous avons 2.290 *abonnés de moins* qu'en mars 1969 (compte non tenu des 401 abonnements nouveaux résultant de l'actuelle campagne d'abonnements). Chacune de ces sept dernières années, les désabonnements l'ont emporté, en moyenne, de plus de 300 sur les abonnements nouveaux. S'étant aggravée de plus de 300 chaque année, la situation en est arrivée au point actuel, où elle est devenue impossible. C'est pourquoi j'avais fixé comme but à la campagne d'abonnements instituée cet automne 2.000 *abonnements nouveaux pour mars 1976.* Ce nombre de 2.000 n'est pas arbitraire ou symbo­lique. Il correspond aux pertes numériques que nous avons subies depuis que nous sommes entrés dans le combat pour la messe catholique tradi­tionnelle, latine et grégorienne selon le Missel ro­main de saint Pie V. Ces pertes numériques ne nous ont pas surpris. Nous nous y attendions. Elles étaient inscrites dans une exacte analyse de la situation générale. Si nos lumières propres ne nous avaient pas suffi pour les prévoir, les lumières qui nous ont été prodiguées par d'autres nous auraient éclairé. Dans le courant de l'année 1969, j'examinais la conjoncture religieuse avec un ecclésiastique et avec un laïc l'un et l'autre bon connaisseurs de la psychologie catholique, l'un et l'autre chargés de responsabilités publiques. Leur pronostic était : 10:201 -- « Ni le clergé catholique ni le peuple chré­tien, dans leur ensemble, ne nous suivront si nous les appelons à maintenir la messe traditionnelle. » Ce pronostic était aussi le mien. Mais la conclusion pratique que nous en tirâ­mes les uns et les autres ne fut pas la même. Mes deux interlocuteurs en conclurent qu'il serait imprudent de s'engager, pour la messe, dans un combat sans retour. Ma conclusion était au contraire qu'il fallait s'y engager avec d'autant plus de résolution. Sans illusions, donc, sur les conséquences nu­mériques. Nous l'avons dit. Dans chaque numéro de la revue, tout au long de ces années, au cha­pitre des « intentions d'ITINÉRAIRES », vous avez pu lire et relire : « *Il est clair que l'ensemble du peuple chrétien et du clergé catholique n'auront pas spontanément le courage ou le discernement de garder l'Écriture sainte, le catéchisme romain et la messe catholique ; ils n'auront pas spontané­ment le courage ou le discernement de les main­tenir coûte que coûte au centre de l'éducation des enfants. Pour qu'ils aient ce discernement et ce courage, il faut qu'ils y soient positivement incités par l'autorité spirituelle que Dieu a établie pour cela. *» Ce discernement ou bien, selon les cas, ce courage a manqué jusque dans les rangs du pu­blic, supposé averti et fortifié, d'ITINÉRAIRES. Per­tes au combat : deux mille deux cent quatre vingt dix. 11:201 L'année dernière, ou la précédente, je ne sais plus, le directeur d'un journal catholique me confiait : -- « Nous ne pouvons pas, dans nos colonnes, parler du drame de la messe. Ce serait un suicide. Nous y perdrions la moitié de nos lecteurs. » Je ne sais pas s'il y perdrait la moitié de ses lecteurs. Nous n'y avons pas perdu la moitié des nôtres. Mais nous en avons tout de même perdu 2.290, et c'est trop : si l'on n'y porte remède nous ne pourrons pas continuer. Mais y porter remède, c'est envoyer à la revue, avant le 31 mars, *quatre fois plus* d'abonnements nouveaux que les 401 qui nous sont parvenus de­puis le début de la campagne. Si l'abstention de tous nos lecteurs (sauf 143) n'était que distraction ou négligence, ce sera facile. \*\*\* Seulement, recruter de nouveaux abonnés est une action *militante* qui ne s'improvise pas, et tout le monde n'en est pas également capable. Reste alors la ressource de suppléer à cette ab­sence de vertu militante par une autre forme de générosité, qui consiste à *offrir* un abonnement. Je vous avais proposé de regarder autour de vous -- et de faire en sorte qu'il n'y ait plus « aucun étu­diant, aucun collégien » dans votre famille et vos relations sans son abonnement personnel à ITI­NÉRAIRES. Il est bien tard, en un seul mois mainte­nant, pour atteindre un résultat aussi général, et qui n'a visiblement soulevé aucun enthousiasme parmi vous. 12:201 Mais que seulement une partie d'en­tre vous se décident à offrir seulement un abon­nement à un étudiant ou un collégien de sa pa­renté, et nous aurons dépassé les 2.000 abonne­ments nouveaux avant le 31 mars. Ceux qui ne disposent pas ce mois-ci de « 200 à 300 F » pour offrir un abonnement peuvent du moins envoyer un petit don, aussi petit qu'ils le voudront, aux COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES, chèques postaux Paris 19.241.14 ; adresse : 40 rue du Mont-Valérien, 92210 Saint Cloud. Depuis quatorze ans maintenant, les COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES rem­plissent avec exactitude leur première tâche : *faire en sorte que personne ne soit privé de la revue pour raison d'argent.* C'est à quoi pourvoit l'œuvre des bourses d'abonnement. Elle n'est pas faite pour ceux qui pourraient très bien verser un franc par jour, qui le font et au-delà pour leurs journaux et leur télévision, mais qui trouvent que pour ITINÉRAIRES c'est « trop cher ». Nous ne leur reprochons pas de le trouver trop cher : ils sont psychologiquement conditionnés par les prix de vente de l'ensemble des publications périodiques (environ la moitié de leur prix de revient, la pu­blicité commerciale faisant l'autre moitié de leurs ressources). Ce conditionnement psycho-sociolo­gique est leur excuse. Mais peu importe, notre propos n'est pas d'apprécier leurs circonstances atténuantes. Avec toutes les excuses que l'on vou­dra, ils se trompent, ils ont tort, et surtout, ce n'est pas d'eux qu'il saurait être question au cha­pitre des bourses d'abonnement. Elles sont des­tinées à ceux qui désirent s'abonner à la revue et qui en sont empêchés seulement parce qu'en vérité ils ne disposent pas d'un franc par jour pour cela. 13:201 Mais ne pas disposer d'un franc par jour pour ITINÉRAIRES, cela peut s'entendre de différentes façons. Il est arrivé plusieurs fois que le bénéficiaire d'une bourse d'abonnement, en nous disant ou en nous écrivant son remerciement, le précise et le détaille avec une tranquille franchise : -- « Grâce à l'économie qu'ainsi vous me per­mettez, je vais pouvoir envoyer une souscription à l'abbé de Nantes », mais oui, ou « au père Bar­bara », ou « à l'abbé Coache », ou « à Marcel Clément ». Chaque fois nous en sommes, bien sûr, sympa­thiquement émus. Nous n'avons aucune intention, ni d'ailleurs aucun moyen, de détourner qui que ce soit de verser son argent aux œuvres de Mar­cel Clément, etc. Mais nous aimerions rappeler, avec douceur et nuance, que les bourses d'abon­nement ne sont pas exactement faites pour cela. Elles fonctionnent grâce aux cotisations et aux dons d'un (trop) petit nombre de personnes qui ont le droit que l'on respecte leur intention de donateurs : ils donnent pour l'entraide à l'abon­nement, -- l'abonnement à ITINÉRAIRES. Quand ils veulent donner aux œuvres, publications et entre­prises de l'abbé de Nantes, etc. ils le font direc­tement, ils le font eux-mêmes. Assurément, l'uti­lisation abusive des bourses d'abonnement n'est pas toujours évitable. 14:201 Elle n'est d'ailleurs pas un drame. Elle fait partie du train ordinaire des choses. Louis Veuillot disait fort bien : « L'au­mône peut se tromper de pauvre, elle ne se trom­pe pas de Dieu. » Le maintien de l'entraide à l'abonnement demeure une nécessité morale de notre action. Mais il faut que vous sachiez qu'une grande partie des bourses attribuées par les COMPAGNONS et actuellement en service n'ont pu être réglées par eux à ITINÉRAIRES, ce qui surcharge d'autant le budget, déjà en difficulté, de la revue. Je n'ignore pas la désaffection grandissante à l'égard de la lecture, qui est inévitablement, aussi, désaffection à l'égard de ceux qui s'expriment et agissent par l'écriture. Moins de goût pour la lec­ture. Moins de temps passé à lire. L'aptitude, par suite, diminuant à mesure que diminue l'exercice ; l'aptitude aux lectures qui appellent une attention soutenue et qui demandent à être *relues.* Car lire n'est rien et ne sert à rien, si ce n'est afin de pouvoir relire, apprendre, méditer, comprendre. Jacques Bainville, il y a un demi-siècle, disait déjà : « Mais qui lit ? Qui comprend ce qu'il lit ? Qui retient ce qu'il a compris ? » C'était avant notre déluge universel d'images audio-visuelles, rinçage quotidien des cerveaux. Les vents et les courants sont à l'abandon de tout. Nos lecteurs eux aussi se laisseront-ils emporter par les cou­rants et les vents ? 15:201 Que voulez-vous que je vous dise d'autre. Il n'y a rien de plus à dire. Je vous ai parlé, cette fois à fond, je crois, des comptes et calculs qui commandent le fonctionnement de la revue ; je ne vous en reparlerai plus avant longtemps. Je tirerai simplement, sans commentaires, les con­séquences de ce que vous aurez ou n'aurez pas fait. Après toutes les considérations et précisions que vous venez peut-être de lire, ou que peut-être vous avez à peine parcourues, je n'ai aucune con­clusion à formuler. Car c'est maintenant au lec­teur de conclure. Avant le 31 mars. J. M. 16:201 ### Le cours des choses par Jacques Perret LE PETIT BOUT DE FILM SUR UN CAMP DE PRISONNIERS POLITIQUES EN LITUANIE. -- Pour atténuer on effet traumatisant on avait pris soin de nous prévenir, et d'une voix toute chavirée, qu'il s'agissait d'un document dramatique et bouleversant. Tenez-vous bien vous allez tomber de haut. Le présentateur lui-même en demeurait visiblement stupéfié. Stupéfaction stupéfiante elle-même que celle d'un professionnel de l'information paraissant ignorer l'existence de déportés politiques en Union Sovié­tique depuis plus d'un demi-siècle. Il faut dire à sa décharge que la connaissance des faits ne peut être aujourd'hui pleinement assurée que par l'ima­ge photographiée, pelliculaire de préférence. Tout malins, tout avertis que nous soyons du plus artificieux de tous les arts nous en sommes encore à Niepce et Daguerre : l'implacable vérité du photographe. L'objectif continue de jouer sur son double sens. Le roi du trucage est toujours l'impitoyable et scrupuleux serviteur de l'authentique, moyennant quoi la télévision sera fontaine de vérité. Sur les faits en question les innombrables témoignages oraux ou écrits publiés en Occident, et, pour finir, l'in­tense, abondante et atroce lumière dont Soljénitsyne les a inondés, seront tenus pour intrinsèquement subjectifs, partiaux, suspects et révocables aussi longtemps que la caméra ne les aura pas authentifiés. Or, voilà qui est fait. Un bout de film, obligatoirement tourné au péril de sa vie par un opérateur intrépide et mystérieux, nous sera pré­senté tout à l'heure, assorti hélas de toutes les garanties possibles. A tel point que nous sommes invités, la mort dans l'âme, à nous laisser convaincre par ce document rarissime, unique autant qu'effroyable ; « une grande première », comme ils disent. 17:201 Cela dit et ainsi prévenus, tenons-nous bien et ouvrons les yeux ; pas longtemps d'ailleurs, la séquence ne va durer que cinq à six minutes. Or, que voyons-nous ? Des prisonniers dans des camions, des crânes rasés, des gar­diens en armes, des barbelés, des miradors, et c'est fini... Pas de quoi fouetter un chat. Si vraiment l'opérateur a risqué sa vie pour tourner ça, il n'est pas payé de son courage. Il est tombé sur un jour plat, égal au tout-venant de la condition captive, à croire que l'horreur était pré­venue de sa visite. Car enfin des choses comme ça, des milliers, des centaines de milliers de téléspectateurs les ont déjà vues ou vécues en Allemagne dans les stalags, en France dans les camps de l'épuration. Et chez nous ce genre de décor est longtemps resté debout, ici et là. Peut-être même en est-il encore. Pas plus tard qu'hier à Saint-Maurice-l'Ardoise on voyait se languir et désespérer nos harkis, citoyens français juridiquement absous d'avoir été assez naïfs pour servir sous nos drapeaux. Ils ont dû crier très fort pour que soit décidé l'envoi d'un photographe et nul ne s'est ému à la vue des documents. Le spectateur n'ayant pas été prévenu qu'il allait découvrir un petit côté très moche de la république gaullienne et post-gaullienne, il n'a vu là tout bêtement que des images de routine. Et cette fois, chaudement averti de la révélation qu'il aurait enfin de l'existence du goulag, j'ai quand même l'impression que l'annonceur pathétique n'aura pas obtenu tout à fait la réaction qu'il attendait de son public. Pour peu que je lise les journaux je n'ai pas vu que la banalité, la bénignité de ce bout de film ait suscité aucune protestation ou ricanement dans les milieux in­formés de la presse écrite. Je ne m'attarderai pas à ex­pliquer ce phénomène bizarre. Toujours est-il que les au­teurs et exploitants du coup ont réussi à faire passer l'or­dinaire purgatoire pour séjour d'enfer sans provoquer pour autant un semblant d'indignation générale, efficace et dé­finitive. 18:201 Toutefois en accréditant de la sorte les rumeurs concernant l'existence en URSS de camps de travail à ca­ractère punitif, ils ont trouvé le moyen économique et courtois d'en finir avec le goulag dont les mystères gonflés commençaient à peser sur les intérêts de l'économie mon­diale. Ce n'est pas dire que le bout de film est truqué, c'eût été inutile et dangereux, il n'est que fallace. Le tru­cage est ailleurs : immatériel et quasiment affiché dans le développement de l'affaire. On peut même dire que M. Marchais, de sa bouche d'or, a fait de son mieux pour le laisser transpirer copieusement dans son dialogue avec Moscou. Ce numéro de Pont-Neuf a réjoui le vieux cœur de l'Europe en lui rappelant une fois de plus que la doc­trine marxiste, léniniste et stalinienne est plus que jamais une, indivisible et souriante. Qu'il y ait toujours de bons Français pour en douter, c'est encore un mystère que je n'ai pas l'intention d'élucider. La seule personne qui se soit dite gênée par la publi­cation de ce document à la noix, c'est le président auto­ritaire libéral avancé de la République française. Peu après l'émission une petite conférence a eu lieu à l'Élysée où Valéry recevait les responsables du journal TF 1. Dans une atmosphère édifiante, attendrissante par moments, on s'est congratulé, félicité de la parfaite indépendance de la télé­vision et de sa liberté d'expression. Giscard a même avoué, dans un sourire paternel, qu'en l'occurrence et pour sa part il n'était pas sans mérite. En effet : « La publication de ce document, a-t-il dit, m'a tout de même un peu gêné. » La postérité est trop capricieuse pour en espérer qu'elle retiendra cet aveu en tant que mot historique. Il aurait eu sa chance dans l'hypothèse où l'un des invités eût ré­pliqué : « En ce cas, M. le Président, nous serions heureux de savoir, en confidence et de votre bouche, que le dépôt de votre gerbe sur le tombeau de Lénine ne vous a pas gêné du tout. » Et quand bien même l'eût-il gêné beaucoup, nous som­mes payés pour savoir que la nation prend la mesure de son chef quand il sacrifie l'honneur à quelque grand des­sein de libération ou de confort universel. \*\*\* 19:201 LE MINISTÈRE DE LA QUALITÉ DE VIE. -- Il a pour but de satisfaire aux conditions matérielles du bonheur de vivre selon les normes établies dans une perspective égalitaire et mondiale correspondant au bien-être de la population à tous les âges de la vie en tous lieux et cir­constances. Chacun sera néanmoins en droit de le com­pléter à sa guise d'un bien-être particulier dont le libé­ralisme avancé lui garantira la jouissance. Premier râleur : « Calembredaines ! Il s'agit tout bon­nement d'une majorité présidentielle à élargir par une distribution de chocolat. Le seul nom de ce ministère est une câlinerie à ratisser toutes les voix de zozos. Ou alors notre Gigi ne serait lui-même que le premier zozo de la république. » Deuxième râleur : « Il ne peut s'agir que de promou­voir la qualité de vie dans une porcherie. » Un suppléant centriste : « Je suis pleinement d'accord sur l'utilité de ce ministère, sauf qu'il n'aura son plein effet qu'à la création du ministère de la quantité de vie. » Troisième râleur : « Préparez-vous à faire tintin du mandat que vous rêvez, mon cher. Le portefeuille que vous dites ferait double emploi avec celui de Mme Veil. » Nicole-Chique et Irène-Oncule (attachées de presse à l'Élysée, d'une même voix) : « Il faut s'en tenir, Messieurs, au commentaire officiel. Tous les membres du gouverne­ment ayant à charge la qualité de vie correspondante à leurs attributions, le nouveau ministère a mission d'assu­mer le contrôle et la coordination des dites qualités dans les quarante départements ministériels. » Quatrième râleur : « Les aveugles surveilleront les té­nèbres, et les paltoquets corrigeront les Jean-foutres. » Cinquième râleur : « Taisez-vous ! Je vois venir le mi­nistère de la Mort sans Ame. » Soyons sérieux. L'euphobiologie, autrement dit le French Way of Life, préalable à l'Universal Quality of Life, a déjà ses techniciens. Ils ont commencé par l'œuf. Le point de départ est sévèrement contrôlé. Il n'est pas de qualité sans sélection. Ne seront admis à l'existence que les individus justifiant de leur aptitude au bien-être en conditions favorables. 19:201 Après quoi lesdits techniciens, en toute logique et charité, se sont attaqués au cas des vieillards désespérés de mourir dans l'ignorance de la qualité de vie. En effet, le vieillissement accéléré de la population est un problème à la fois économique et senti­mental. Il n'y aura de solution que dans une qualité de vie également répartie du premier au troisième âge. Occupons-nous de celui-ci et voyons un peu les expériences en cours. Pour commencer, il ne sera plus question de vieillesse ni de vieillards ; ce sont là des mots crus dont le réalisme est douloureusement ressenti par les ayant-droits. L'au­torité du langage administratif et journalistique, magnifié par toutes les voix des mass-media, peut déjà se flatter d'avoir popularisé en les ressassant les expressions « troi­sième âge » et « personnes âgées ». Au demeurant, si la douceur des périphrases est agréable aux chnoques, on ne peut pas dire qu'il s'agisse là d'innovations. Hector en usait couramment à l'égard de Priam et les enfants de Clovis eux-mêmes, chères petites têtes blondes et tout coquins fussent-ils, en comblaient leur vieux père. Mais le débor­dement des sollicitudes officielles dont les personnes zâgées sont aujourd'hui l'objet a pris l'ampleur d'un engouement et, soit dit sans venin, il peut s'en suivre un petit revenant-bon en période électorale. Le succès du troisième âge dans l'opinion publique est assez prouvé par son budget fabu­leux. On va jusqu'à murmurer, dans un sourire attendri, que les personnes zâgées qu'on voyait naguère se traîner à la queue des soupes populaires sont aujourd'hui nour­ries à domicile du sang des travailleurs. On sait que la pullulation démographique traversée par la philanthropie galopante pose des problèmes. Or, comme il a coutume de le faire en réponse aux questions brutales des voltigeurs de l'interviou, Giscard a dit : « Pas de problèmes ! » C'est pourquoi ceux-ci donneront lieu à création d'un sous-se­crétariat du Troisième Age dont l'étude est en cours au comité de l'expansion ministérielle. Ce quarante-troisième portefeuille sera contrôlé lui aussi et au premier chef par la Qualité de Vie, autorité de tutelle par excellence. Toutes nos excellences ont d'ailleurs les yeux figés sur V.G.E., modèle et étalon de la Q.V. 21:201 Si mes observations vous paraissent inconvenantes ou même teintées de mauvaise foi, empressons-nous de les justifier. Remarquons d'abord que tout ce déploiement de zèle et de propagande au bénéfice des grands-pères a précisément lieu dans une société qui nous paraît consentir par ailleurs et paresseusement à la destruction progressive et légale des structures, us et coutumes familiales. On m'excusera si j'ai même entrevu l'hypothèse où ces gâte­ries ne seraient que l'appât d'un piège à vieillards. Conçus tout exprès pour eux, des parcs d'attractions s'organise­raient ici et là de telle sorte qu'éblouis et tourneboulés par les révélations d'une vie de qualité, les pensionnaires n'en voudraient plus sortir. Il serait alors bien facile, un jeu d'enfant, de procéder à l'extermination du troisième âge, ne serait-elle que morale. On en finirait une bonne fois avec la légende, le respect, la sagesse, le prestige im­posteur des personnes zâgées, insolente et parasitaire en­geance. Je n'en parle pas à la légère. Nous avons des commen­cements de preuves. Nous avons pu voir une émission télé-réclame en faveur d'un centre d'accueil et d'accession à la qualité de vie du troisième âge : sur fond musical pop des grands-pères travaillent au tapis leurs muscles abdomi­naux, des grands-mères en mini-jupe s'évertuent à des exercices de flexion extension des bras, de vénérables créa­tures sont initiées aux libérations du yoga, des couples séculaires aspirant au troisième souffle s'évertuent à dan­ser la bamboula cependant que d'ineffables duègnes s'aban­donnent aux derniers raffinements du massage automa­tique, et que d'antiques ménagères en relaxation sur fau­teuil médical, les yeux clos, la bouche ouverte, se font tripoter le visage par de joviales esthéticiennes, et tapoter les poches et pinçoter les rides au chant d'une trompette frémissante etcetera. Visions de cauchemar, le casino des zombies, on se refait une beauté, on se met en forme pour le jugement dernier, Égard Poe extrapolé par Léon Bloy, mise en scène du Grand Guignol. Un jour les enfants s'étaient concertés discrètement : « Alors ? On essaye d'envoyer pépé et mémé au géron­torium ? Ils y ont droit. » Ailleurs on disait le grand dab et la vioque. 22:201 *Les chnoques aux chiottes !* Ce graffiti au crayon feutre et calligraphié dans la station de métro Mouton-Duvernet sur une affiche représentant un vieux couple hilare se goinfrant d'une friandise philanthropique, c'est la modeste rançon du traitement Q.V. pour personnes zâgées. Chnoque moi-même l'inscription n'était pas de ma main. \*\*\* JARDIN DES PLANTES (suite). -- Ce sera pour la prochaine fois -- J'y poursuis en effet mon enquête sur la qualité de vie chez les invertébrés. Jacques Perret. 23:201 ### Informations et commentaires #### Un État qui prend des otages Tant de semaines après le 22 novembre 1975, jour où ils ont été arrêtés à Bône, on ne sait pas quand seront libérés deux ingénieurs français, qui sont gardés au secret à Cons­tantine. On ne sait même pas s'ils le seront jamais. Le gouvernement algérien les accuse d'espionnage écono­mique. C'est grotesque. La société qui emploie ces ingénieurs, et les a envoyés en Algérie, a protesté. La presse française a parlé de l'affaire pendant quelques jours. Le gouvernement français n'a pas bougé. Ce n'est pas cette attitude qui surprend. Des milliers de Français ont été enlevés en Algérie entre 58 et 62, et pour la majorité, après le « cessez-le-feu ». Cela n'a jamais gêné les gouvernements français qui se sont succédé. Ce qu'il faut noter c'est qu'on est revenu à un stade bien lointain des relations internationales : celui où une frontière nette séparait la Chrétienté du reste du monde. A l'intérieur de cette frontière, malgré les crimes et les exemples de mau­vaise foi qu'on peut citer, un certain nombre de règles sont respectées. Au dehors, n'importe quoi est possible. Il arriva ensuite que l'Europe déborda sur le monde ; on put avoir l'illusion que le respect du droit des gens devenait universel. En fait, c'était une question de force. On dira tout le mal qu'on voudra de « la politique de la canonnière » : elle permettait aussi de tirer des pattes d'un despote quelques malheureux. Cette politique, nous en sommes devenus incapables, par man­que de force (il ne s'agit pas uniquement de force matérielle) et nous feignons de nous rabattre sur l'O.N.U., sur les colloques et les accords innombrables. Nous refusons de regarder la réalité. L'exemple des prises d'otages ne nous a pas ouvert les yeux. Ces prises d'otages sont pratiqués : a\) par des individus, soit seulement par appât du gain, soit, quelquefois, sous un prétexte politique ; 24:201 b\) par des groupements à buts politiques : récemment en Hollande, des exilés des Moluques ; cas également des Toubous du Tchad qui retiennent Mme Claustre ; et, depuis des années, les Palestiniens. Là, on passe de la bande au demi-État : les Palestiniens sont représentés à l'ONU, ils sont à peu près dans la situation du FLN algérien en 1960. Le cas (c) pourrait être représenté par l'Algérie : quand elle détient ces deux ingénieurs, quand, en janvier, elle retient une semaine un certain nombre de Français, l'Algérie pratique une politique d'otages. Elle détient des ressortissants français pour la seule raison qu'elle compte en tirer rançon. Peut-être sous forme d'argent (Hissen Habré a bien reçu un milliard pour Mme Claustre, sans la délivrer pour autant). Peut-être sous forme d'accords économiques, d'infléchissement de la politique française au Maroc (par exemple) etc. Cela valait d'être remarqué : un État, membre de l'ONU, et dont une part de la presse française ne cesse de louer la « maturité » et la « sagesse » prend des otages comme un vulgaire bandit. A la réflexion, il ne fait que suivre l'exemple de l'U.R.S.S. (avec les Juifs qui voudraient émigrer) et de l'Allemagne de l'Est, quand elle retient les enfants dont les parents se sont enfuis à l'Ouest (ou ont voulu le faire) et qu'elle confie ces en­fants à des parents adoptifs politiquement sûrs. C'est un retour général à la barbarie. Georges Laffly. #### La troisième édition du livre de Mgr Lefebvre « Un évêque parle » ##### *Douze années* La troisième édition contient les principaux textes que Mgr Lefebvre a rendus publics de 1963 à 1975, soit ces douze dernières années ([^1]). 25:201 Douze années qui suivent ce que le Père Congar a nommé la « Révolution d'octobre » dans l'Église. Douze années qui ont vu se développer ce que le pape Paul VI lui-même a appelé « l'autodémolition de l'Église ». Douze années qui coïncident avec son pontificat. On trouvera dans ces textes de Mgr Lefebvre écrits au fil des années l'affirmation sereine et ferme de la doctrine de l'Église catholique, apostolique et romaine. On trouvera dans ces textes toutes les pièces qui témoi­gnent des conditions matérielles, intellectuelles et spirituelles de la résistance d'un évêque catholique au parti étranger qui prétend asservir l'Église ; de sa fidélité à l'éternelle Église romaine. ##### *Mil neuf cent soixante-quinze* Revêtues de la signature de Paul VI deux lettres furent adressées à Mgr Lefebvre le 29 juin et le 8 septembre 1975. Il y a quelques semaines, elles ont été rendues publiques par les évêques suisses. L'année 1975, l'Année Sainte, l'année de la réconciliation, fut celle de la « condamnation sauvage » de Mgr Lefebvre, selon l'expression de Jean Madiran. On trouvera dans ce livre l'exposé de ce qu'enseigne ordi­nairement Mgr Lefebvre par écrit et oralement ; enseignement qu'on a refusé même d'examiner. On y trouvera aussi son témoignage sur la façon dont il fut « jugé » et « condamné ». On y trouvera enfin la définition de l'attitude qu'en conscience, devant Dieu, Mgr Lefebvre croit devoir prendre en ces graves circonstances. \*\*\* Mgr Lefebvre est sauvagement persécuté parce qu'il obéit à son devoir d'évêque catholique en défendant sa foi, en défen­dant la nôtre, sereinement et fermement. Il est ainsi le père de nos âmes et des âmes de nos enfants. Il est aussi le père dans la foi catholique de ces jeunes hommes qui apprennent de lui à se donner au Christ et qui seront nos prêtres, à la grâce de Dieu. 26:201 Dans les graves circonstances où nous sommes nous tenons à dire que nous adhérons à la « Déclaration » de Mgr Lefebvre et à son enseignement ordinaire contenu dans ce livre. Nous affirmons que nous entendons rester -- Dieu aide et Notre-Dame -- dans la communion catholique qui est la sienne. Antoine Barrois. #### Downham Market Épilogue *Eh bien, je m'étais trompé, une fois de plus. Ce n'était pas fini. Mgr Grant, évêque de Northampton, n'était pas si géné­reux ; et son auxiliaire, Mgr Clark, dans le temps que j'écris, est un des favoris pour la succession du cardinal Heenan. Lieux et prêtres sont maintenant* *interchangés. L'ancien curé de St-Dominique, à Downham Market, dit toujours la messe tridentine, mais dans une salle municipale, devant une table recouverte pour l'occasion de la croix, de flambeaux et de linge, et le nouveau prêtre, venu de Swaffham, a pris possession de la chapelle, où il dit la nouvelle messe. C'est dans l'ordre : le nouvel ordre !* *J'ai eu la curiosité de me rendre à l'ancienne chapelle, avant de gagner le nouveau lieu. La messe ayant été dite plus tôt, elle était déserte. Rien n'avait changé : la crèche était en­core là, les bancs, etc. Une seule chose avait subi, toutefois, un déplacement : l'autel, bien sûr. Comme il était accolé au mur du fond, on l'avait forcé hors de son repaire, décroché de son appui, de façon à permettre au nouveau prêtre de se glisser entre le mur et ce qu'il en restait pour opérer face aux fidèles, comme de juste. Alors, ce pauvre autel de bois, qui se révélait creux à l'intérieur, m'apparut comme la coque d'un bateau qui aurait fait naufrage, et il y avait bien de cela. On voyait ses étais intérieurs, il semblait presque, ainsi, un accessoire de comédie, ou de tragédie, comme on voudra, le pauvre autel écartelé, pour satisfaire à la nouvelle mode. Et le Dieu sur la croix regardait cela d'en haut, en attendant son probable dé­placement.* *Ainsi, on n'a rien eu de plus urgent, de plus significatif, de plus symbolique à faire que de démolir cet autel, qui pou­vait continuer à servir, comme le prêtre lui-même, ministre et serviteur à l'image de son divin Maître, en attendant d'y substi­tuer sans doute un autel sur mesures néo-romaines.* 27:201 *On, c'est-à-dire l'Église officielle. Quand je disais qu'il y avait rupture et qu'elle venait de Rome ! Pourquoi l'évêque aurait-il attendu cinq ans pour agir, s'il n'avait reçu un rappel à l'ordre ? Les choses sont là pour le dire, elles portent témoignage, et ce té­moignage est incontestable, douloureusement incontestable, par­ce que les choses ne discutent jamais les décisions humaines, elles subissent.* *Et nous, nous sommes à l'image de ces choses, nous à qui on a imposé un déchirement aussi net que celui auquel on a soumis cet autel et dont il porte la marque, -- on va sûrement le faire disparaître, lui aussi, comme un témoin gênant. Et tout reprendra son cours normal, je veux dire* « *normatif *»*. Et tous nos moutons bêleront de contentement dans la bergerie :* Sei­gneur, prends pitié ! Lord, have mercy on us ! *Moi*, *je dirais :* Seigneur Paul VI, ayez pitié de nous ! *Au nom du Dieu vivant, ne déchirez plus son Église ! Car, décidément, j'ai bien lutté, mais je me rends : cette Église qui s'est faite sous votre ponti­ficat n'est plus la mienne. Et je m'en vais, sans claquer la porte, sur la pointe des pieds.* *......................................................* ([^2]) Jean-Bertrand Barrère. #### Le « Vade mecum » de l'abbé Coache Le Vade Mecum, par M. l'abbé Coache, qui lors de sa pre­mière édition remua les consciences et servit de signal d'alarme à beaucoup de distraits, d'indifférents, est réédité, 4^e^ édition, par « Diffusion de la Pensée Française », Chiré-en-Montreuil, 86190 Vouillé, au prix de 2 F l'exemplaire (grosse réduction par quantité) : 28:201 Cette édition, mise à jour pour 1976, comporte toute une explication canonique et morale de la nocivité de la nouvelle messe et de l'irrégularité des interdictions de la messe tra­ditionnelle. N'oublions pas que les aberrations massives en matière et pratique religieuses viennent de l'ignorance, une ignorance in­croyable que ce petit livret attaque directement. Et puis, il est porteur d'une grâce particulière car son auteur a souffert et souffre persécution pour la justice. ITI­NÉRAIRES a publié le dossier complet de « *l'injuste condamnation de l'abbé Coache *»*.* Luce Quenette. #### Les deux étendards. De Mgr Lefebvre à Mgr Elchinger Sous ce titre, article de Louis Salleron dans le SUPPLÉMENT-VOLTIGEUR du 15 janvier : Strasbourg. Samedi 13 dé­cembre 1975, 18 h 30. Dans l'église protestante de Saint-Nicolas, -- devenue « Ago­ra (?) de Saint-Nicolas », -- une cérémonie étrange com­mence. Une assemblée semi-circu­laire (60 à 80 personnes) bor­de un autel sans croix, -- une table. Qui sont ces hommes, ces femmes, ces enfants ? Des protestants et des catholiques. Ils chantent, ils prient, ils font des lectures. Esaïe 40, 1-5. *-- Dieu ré­conforte : Il va libérer son peuple.* Esaïe, 61, 1-3a -- *Rempli de l'Esprit Saint le Messie récon­forte et libère les opprimés.* Jean 1,6, 8, 19 s. -- « *Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. *» Deux hommes, assis au pre­mier rang, se lèvent et montent à l'autel où ils se placent face au peuple. Ils sont en civil. L'un est pasteur, l'autre prê­tre catholique. Chacun a, en face de soi, une assiette remplie d'hosties et un gobelet rempli de vin. « *Rendons grâces à Dieu ! *» « *Hosanna ! Toi seul es saint ! *» Chant. Le prêtre catholique prend son assiette et la présente au peuple : « Voici le mémorial, le signe, le pain partagé pour la communauté dispersée, que nous mangerons pour recevoir son Esprit. » 29:201 A son tour, le pasteur lève son gobelet et présente le vin « qui sera le Vin du Bonheur éternel ». Tout le monde récite le « Notre Père ». L'assemblée fait cercle autour de l'autel. Chacun des deux célébrants se communie dans son assiette et son gobelet. Ensuite ils passent les deux assiettes aux assistants, les invitant à ser­vir chacun son voisin dans la main. Ils font également cir­culer les deux gobelets. « Allez en paix ! » Béné­diction-renvoi en commun par les deux concélébrants. Récitation par l'assemblée d'un mini-credo. La cérémonie est terminée. On se lève, on se retrouve, on bavarde frater­nellement et on s'en va. \*\*\* Célébration sauvage ? Nulle­ment. Le prêtre catholique est l'abbé S. ; il appartient à la paroisse de la cathédrale et il est membre de la commis­sion diocésaine pour les pro­blèmes œcuméniques. S'il est là, c'est nécessairement en plein accord avec son évêque Mgr Elchinger qui, depuis des années, construit l'œcuménis­me en Alsace, allant toujours plus loin dans ses réalisations. Cette fois il franchit le pas décisif. Violant la Loi et la Foi de l'Église, il abandonne la messe et le sacerdoce pour mettre en place la Religion Nouvelle. Sera-t-il inquiété ? Mais pourquoi le serait-il ? Il sait bien qu'il a l'accord tacite (ou exprès) de la Conférence épis­copale et du cardinal Villot, secrétaire d'État. N'agit-il pas conformément aux « orienta­tions du Concile » ? \*\*\* Telle est la situation de « l'Église de France ». Mgr Lefebvre est persécuté parce qu'il s'obstine à vouloir sauver la messe et le sacerdo­ce. Mgr Elchinger opère en li­berté parce que « l'esprit conciliaire » est un esprit d'adap­tation, de mutation, d'innova­tion, qui permet tout. L'Église est coupée en deux. Où sera-t-elle, que sera-t-elle demain ? \[Fin de la reproduction intégrale de l'article de Louis Salleron paru dans le *Supplément-Voltigeur* du 15 janvier 1976.\] La « concélébration » du samedi 13 décembre a été re­commencée dans les mêmes conditions le samedi 10 janvier, selon l'article du P. Bruckberger dans *L'Aurore* du 22 janvier : L'Alsace et Strasbourg ont ceci de particulier en France que protestants et catholiques y sont en nombre sensible­ment égal. 30:201 C'est le terrain qui semble avoir été choisi pour lancer des concélébrations eu­charistiques avec, à égalité, un prêtre catholique et un pasteur protestant. Ce n'est plus de l'œcuménisme, c'est un syncrétisme, où la nature de la messe catholique se trouve complètement évacuée et dis­soute. La première de ces concé­lébrations a eu lieu *dans* l'église protestante Saint-Nico­las, à Strasbourg, le samedi 13 décembre, à 18 h 30. De telles concélébrations doivent se renouveler en 1976, chaque deuxième samedi du mois. Du coté catholique, le célébrant est l'abbé Steyer, membre de la Commission diocésaine pour les problèmes œcuméniques. Il serait invraisemblable que l'évêque du lieu, Mgr Elchin­ger, ne soit pas au courant. A la concélébration qui eut lieu le samedi 10 janvier, les paroles de la consécration fu­rent prononcées sur le pain par le pasteur ; sur le vin par le prêtre catholique. Cette concélébration est, pour le moins, un simulacre en lui-même scandaleux. Pour le pi­re, elle est consécration valide du vin converti dans le sang du Christ, consécration inva­lide et donc nulle du pain, puisque le pasteur n'a aucun pouvoir sacerdotal. Le sacri­fice de la messe n'a donc pas eu lieu, et cela est sacrilège. \[Fin de la citation extraite d'un article du P. Bruckberger paru dans *L'Aurore* du 22 janvier 1976.\] ##### Le communiqué de Mgr Elchinger paru dans « La Croix » Dans son numéro du 27 janvier, *La Croix* publie un com­muniqué de Mgr Elchinger dont voici l'entière reproduction (nous voulons dire l'entière reproduction de ce qui a paru dans *La Croix*) : *Dans un communiqué daté du 22 janvier, Mgr Elchinger, évêque de Strasbourg, répond à des articles récents -- no­tamment du P. Bruckberger* dans l'Aurore *du 22 janvier -- concernant des* « *eucha­risties œcuméniques sauvages à Strasbourg *»*.* « On suggère, dit Mgr El­chinger, que ces célébrations se feraient avec l'accord ou même l'encouragement de l'é­vêque de Strasbourg qu'on voudrait ainsi rendre respon­sable de confusionnisme œcu­ménique de plus en plus pous­sé. L'évêque de Strasbourg pro­teste contre de telles insinua­tions. De fait il a eu connais­sance d'une célébration con­célébrée par un prêtre catho­lique et un pasteur protestant et qui a eu lieu dans un tem­ple protestant. 31:201 Ayant eu connaissance de cette célébration inadmissible, Mgr Elchinger a interdit for­mellement qu'un prêtre catho­lique participe à de tels offi­ces. Le mouvement œcuménique ne peut progresser que dans la clarté et la fidélité aux di­rectives doctrinales du Saint-Siège et de l'épiscopat. Tout ce qui favoriserait les initia­tives fantaisistes, le relativis­me religieux et les situations ambiguës ne peut que porter préjudice aux efforts sincères et persévérants faits par l'Église catholique et les autres Églises chrétiennes en vue d'une meilleure compréhen­sion réciproque et d'un rap­prochement progressif. » \[Fin de la reproduction intégrale du texte paru dans La Croix du 27 Janvier 1976 sous le titre : Mgr Elchinger désapprouve les « eucharisties œcuméniques sauvages ».\] Il semble que *La Croix* n'ait reproduit qu'une partie du communiqué, dont on conçoit mal qu'il puisse commencer par les mots : « On suggère que ces célébrations se feraient... » D'autre part, il existe deux raisons d'accueillir avec pru­dence l'attribution de ce communiqué. *Première raison.* D'après les *Dernières nouvelles d'Alsace* en date du 24 janvier, « le 30 décembre 1975 Mgr Elchinger a subi une in­tervention chirurgicale qui le tiendra indisponible jusqu'en mars ». De son côté *L'Église en Alsace,* mensuel qui est le bulletin diocésain de Strasbourg, publie dans son numéro de février une « Lettre du Père évêque », datée du 16 janvier 1976, où l'on -- peut lire notamment : ... Je viens de subir une in­tervention chirurgicale à la hanche. Cette opération était devenue indispensable, afin que je puisse retrouver toute ma mobilité. Après avoir, com­me tous les ans, assuré les of­fices de Noël à la cathédrale, j'ai pris, le 28 décembre au matin, le train en vue de me rendre à près de 500 km de Strasbourg, afin d'être, par cette distance, assuré de la solitude et du calme nécessai­re à un rétablissement aussi rapide que possible. Le 30 dé­cembre, à 6 h 30 du matin, j'étais sur la table d'opération. L'intervention a été faite par un spécialiste avec lequel j'ai des rapports d'amitié depuis bientôt dix ans. Il m'avait écrit le 18 décembre : « Je vous opérerai, comme tous mes ma­lades, avec attention et amour, en suivant le précepte : il n'y a pas de détails dans l'exé­cution ; tout est important. » 32:201 Dans la clinique où je suis, la plupart des patients sont des paysans de la montagne (...). ... Cet arrêt de travail me permet de prendre du recul par rapport aux problèmes quotidiens et me procure une « cure de bon sens »... \[Fin de la citation extraite de la Lettre du Père évêque du 16 janvier 1976 publiée par Mgr Léon Arthur Elchinger dans le bulletin diocésain de Strasbourg *L'Église en Alsace*, numéro de février 1976.\] Il est possible que cette maladie et cet éloignement n'aient pas empêché Mgr Elchinger de lire les journaux et de rédiger le communiqué que cite *La Croix.* C'est possible mais peu pro­bable. Car il y a une seconde raison. *Seconde raison.* Le communiqué « de Mgr Elchinger » semble inconnu à Strasbourg. On y connaît en revanche un *autre* communiqué, qui est « de l'évêché » et non plus de l'évêque. Son dernier alinéa est identique à celui du communiqué de *La Croix ;* le reste est différent. ##### Le communiqué de l'évêché publié à Strasbourg Voici ce communiqué en son entier, d'après les *Dernières nouvelles d'Alsace :* L'évêché de Strasbourg nous communique : Un journal parisien (« L'Au­rore ») et la revue « Itiné­raires » mettent Mgr l'évêque de Strasbourg et son action œcuménique en cause à la suite de « messes œcuméni­ques sauvages » qui seraient célébrées à Strasbourg et où il y aurait une concélébration intégrale entre un prêtre ca­tholique et un pasteur protes­tant. Une telle concélébration a eu lieu effectivement il y a quelque temps dans une église protestante de Strasbourg, en­couragée par des foyers mix­tes. En l'apprenant, Mgr El­chinger a protesté avec fer­meté auprès du prêtre catho­lique qui avait concélébré, car une telle manière d'agir ne peut que nuire à un sain œcu­ménisme. L'évêque de Strasbourg s'est opposé pour sa part à la con­tinuation de telles expériences. 33:201 Le mouvement œcuménique ne peut progresser que dans la clarté et la fidélité aux di­rectives doctrinales du Saint-Siége et de l'épiscopat. Tout ce qui favoriserait les initia­tives fantaisistes, le relativis­me religieux et les situations ambiguës, ne peut que porter préjudice aux efforts, sincères et persévérants faits par : l'Église catholique et les autres Églises chrétiennes en vue d'une meilleure compréhen­sion réciproque et d'un rap­prochement progressif. \[Fin de la reproduction intégrale du commu­niqué de l'évêché de Strasbourg publié par les *Dernières nouvelles d'Alsace* du 24 janvier 1976 sous le titre : A propos d'eucharisties œcuméniques sauvages à Strasbourg.\] Dans *L'Aurore* du 29 janvier, le P. Bruckberger remarque l'hypocrisie de ce communiqué : Il commence sur un mode conditionnel, dont un gram­mairien qui fait autorité dit qu'il est employé « pour mar­quer un fait douteux, éventuel, en particulier lorsqu'on pré­sente ce fait comme un oui-dire, comme une assertion dont on ne veut pas se porter ga­rant » (Grevisse). C'est ainsi que le communiqué parle de messes sauvages qui « *seraient* célébrées » et ajoute : « Il y *aurait* eu concélébration in­tégrale entre un prêtre catho­lique et un pasteur protes­tant » (...) Une telle introduc­tion est rédigée pour mettre d'emblée le lecteur en garde sur la vérité de l'information en cause. ...Après ces phrases condi­tionnelles et ambiguës -- et en complète contradiction avec elles -- le communiqué pour­suit : « *Une telle concélébra­tion a eu lieu effectivement, il y a quelque temps, dans une église protestante de Stras­bourg. *» \[Fin de la citation extraite de l'article du P. Bruckberger dans *L'Aurore* du 29 janvier 1976.\] Puisqu'on ne peut nier les faits, on jette la suspicion sur ceux qui les ont fait connaître. Le communiqué de l'évêché parlait au conditionnel de « messes œcuméniques sauvages »...Un article du *Nouvel Alsacien* parle de *soi-disant* « *eucharisties sauvages *»*.* Dans les deux cas on se demande ce que viennent faire les guillemets. Ni le P. Bruckberger ni Louis Salleron n'ont parlé de « sauvagerie » en cette affaire. Ou plutôt Louis Salle­ron a explicitement précisé qu'il ne s'agissait *nullement* d'une célébration *sauvage. --* L'article du *Nouvel Alsacien* est dans le numéro du 24 janvier, il est signé « Alsaticus » : 34:201 A Paris on vient de faire du bruit autour de soi-disant « eucharisties sauvages » cé­lébrées entre catholiques et protestants à Strasbourg. Je ne serais pas étonné que le « scandale de Strasbourg » alimente des disputes bien or­chestrées dans les jours à ve­nir. Renseignements pris à la bonne source, il s'agit de l'une ou l'autre célébration qui sont intervenues dans des groupes œcuméniques dont les prêtres et les pasteurs ne sont nullement en rupture de ban avec l'autorité de leur Église respective. \[Fin de la citation extraite de l'article d'Alsaticus dans *Le Nouvel Alsacien* du 24 Janvier 1978.\] Donc, « renseignements pris à la bonne source », cela a bien eu lieu comme on l'avait dit, et le prêtre coupable n'était et n'est « nullement en rupture de ban » avec l'autorité dio­césaine. ##### Conclusions **1. -- **Les abominations sacrilèges révélées par Louis Salleron ont eu lieu, de manière publique, le 13 décembre 1975. *Elles n'ont soulevé aucune réprobation publique de l'évêché de Strasbourg. --* Et d'ailleurs, précise le P. Bruckberger, elles ont été réitérées le 10 janvier. Il y a donc eu l'article de Salleron le 15 janvier, l'article du P. Bruckberger le 22 janvier. C'est seulement *après* ces deux articles qu'on nous assure, selon les versions : -- soit que « ayant eu connaissance de cette célébration inadmissible, Mgr Elchinger a interdit formellement qu'un prê­tre catholique participe à de tels offices » ; -- soit que « en l'apprenant Mgr Elchinger a protesté avec fermeté auprès du prêtre catholique qui avait concélébré ». Sans les articles, la réprobation n'aurait pas été connue. On peut même dire que tout s'est passé Comme si, sans les articles, il n'y aurait pas eu de réprobation. **2. -- **Le prêtre coupable est *membre de la* « *commission diocé­saine *» *pour les problèmes œcuméniques.* Son œcuménisme n'est donc pas un œcuménisme « sauvage », comme le prétend après coup l'évêché de Strasbourg, mais bien un œcuménisme autorisé, un œcuménisme officiel, un œcuménisme « diocé­sain », Le prêtre coupable est *commissaire à l'œcuménisme* de l'évêché de Strasbourg. 35:201 **3. -- **Dans son communiqué, l'évêché de Strasbourg réprouve ce qu'il appelle les « initiatives fantaisistes », les « situations ambiguës » et autres choses du même genre ; les qualifications (bénignes) d'ambiguïté et de fantaisie sont les mêmes dans le communiqué attribué à Mgr Elchinger en personne. Mais ni l'un ni l'autre communiqué, ni aucune autre communication épiscopale, ne parle de l'essentiel, à savoir qu'il y a eu *sacrilège* et *trahison.* **4. -- **Quand il s'agit de prêtres traditionalistes accusés de demeurer fidèles à la tradition catholique, on prétend leur imposer une suppression totale de leurs activités. Pour le prê­tre coupable de *trahison* et de *sacrilège,* rien de semblable. On ne nous a même pas annoncé qu'il aurait perdu sa fonction et son titre de commissaire diocésain. **5. -- **La responsabilité personnelle de Mgr Elchinger est *au moins* d'avoir nommé un tel commissaire diocésain à l'œcumé­nisme, et en outre de n'avoir pas encore, pour autant que l'on sache, retiré sa fonction au fonctionnaire indigne. **6. -- **Notre propos n'était pas de mettre Strasbourg en vedette comme si cette ville et ce diocèse avaient été le théâtre d'un sacrilège et d'une trahison sans précédent. Des sacrilèges, des trahisons analogues, il s'en produit partout dans l'Église post-conciliaire, et il continuera de s'en produire de plus en plus tant que se prolongera l'actuel collapsus de l'autorité. Nos protestations n'y changeraient rien, elles ne sauraient suppléer à la carence de l'autorité, et c'est pourquoi ce n'est pas exacte­ment une protestation que nous avons fait entendre. L'article de Louis Salleron était simplement explicatif : il montrait que « l'Église est coupée en deux », et qu'il y a « deux étendards », celui de l'Église selon Mgr Elchinger et celui de l'Église selon Mgr Lefebvre. #### Un autre procédé d'autodémolition de l'autorité dans l'Église La déclaration romaine « sur quelques questions d'éthique sexuelle » a été présentée aux journalistes, le 15 janvier 1976, dans la salle de presse du Saint-Siège, par le P. Robert Tucci, directeur de Radio-Vatican. 36:201 Cette conférence de presse est rapportée par *L'Osservatore romano* du 16 janvier, en page 4. Le compte rendu souligne comme « particulièrement intéres­sante » la réponse faite par le P. Tucci à un journaliste qui demandait « quelle différence y a-t-il entre une encyclique et une déclaration comme celle qui nous est présentée aujour­d'hui ». « L'autorité est la même, *l'autorità è identica,* a répon­du le P. Tucci. Le pape lit les documents ligne à ligne, et point une seule fois. Il a ratifié et confirmé cette déclaration, et il en a ordonné la publication. » Incroyable énormité. Il est absolument certain, au contraire, que *l'autorité n'est pas la même.* L'incroyable énormité ainsi proférée de manière autorisée et quasiment officielle par le P. Tucci a été rapportée en sub­stance et sans aucune réserve ([^3]) par la *Documentation ca­tholique* du 1^er^ février (note à la page 108). En sens contraire, le jeune évêque de Poitiers, l'auvergnat Mgr Roziers, a déclaré selon *La Croix* des 8 et 9 février : « Ce document n'est pas une encyclique ni un texte du pape. » C'est manifestement l'évêque de Poitiers qui a raison. Mais il a raison contre le P. Tucci, contre *L'Osservatore romano,* contre la salle de presse du Saint-Siège, contre la nouvelle manière vaticane d'embrouiller dans une confusion totale les questions concernant l'autorité. La « déclaration sur quelques questions d'éthique sexuelle » est un acte *de la congrégation,* elle n'est pas un acte *du pape.* Que le pape l'ait lue ligne à ligne et à plusieurs reprises n'en change pas la nature ; et pas davantage qu'il l'ait ratifiée et qu'il en ait ordonné la publication. Voyons cela de près. Le document précise en son second paragraphe : « La sacrée congrégation pour la doctrine de la foi, de par sa fonction à l'égard de l'Église universelle et par mandat du souverain pon­tife, a jugé nécessaire de publier la présente déclaration. » Il se termine par ces mots : « Au cours de l'audience accordée le 7 novembre 1975 au préfet soussigné de la sacrée congré­gation pour la doctrine de la foi, le souverain pontife, par la Providence divine, pape Paul VI, a approuvé cette déclaration sur quelques questions d'éthique sexuelle, l'a confirmée et en a ordonné la publication. » Ces formules sont parfaitement clas­siques, elles manifestent sans qu'aucun doute soit possible une approbation pontificale IN FORMA COMMUNI, et non pas une approbation IN FORMA SPECIALI. 37:201 Nous avons déjà eu l'occasion de rappeler la portée de cette distinction en page 128 de notre numéro 200 ; et dans la note 3 au document 14 de la nouvelle édition de notre brochure : *La condamnation sauvage de Mgr Lefebvre.* Nous y reviendrons prochainement, avec tous les détails et toute l'insistance nécessaires. Car l'affaire est grave. Disons dès maintenant, en résumé, l'essentiel. Seule l'ap­probation pontificale IN FORMA SPECIALI transforme l'acte d'une congrégation romaine en un acte proprement et strictement pa­pal, dont le pape est dès lors l'auteur juridiquement respon­sable. Au contraire l'approbation courante et ordinaire IN FOR­MA COMMUNI ne transforme pas l'acte et n'en change pas l'au­teur. L'actuelle coutume vaticane est de méconnaître systéma­tiquement cette distinction. On a vu cette méconnaissance imposée par le cardinal Villot dans l'affaire de Mgr Lefebvre. Le cardinal Villot est le principal bénéficiaire de cette con­fusion organisée : n'importe quelle décision administrative venant de Rome est présentée comme un acte du pape, n'im­porte quel caprice du secrétaire d'État passe pour une volonté du souverain pontife en personne. Ainsi les divers degrés de l'autorité sont abolis. Ainsi la réforme la plus passagère peut être présentée comme *aussi sacrée* qu'une définition dogma­tique. Ainsi les innovations pastorales issues de Vatican II peuvent nous être données comme ayant *autant d'autorité et plus d'importance* que les dogmes du concile de Nicée. Ainsi se poursuit, par cette façon d'embrouiller tout, l'autodémolition de l'autorité dans l'Église. J. M. 38:201 ### Annonces et rappels Rencontres et actions Si vous cherchez des prêtres, des messes, des lieux de culte, des activités organisées, il est inutile d'écrire à la revue. Nous ne diffusons pas de listes. Nous organisons les rencontres et les échanges d'informations entre gens, laïcs et prêtres, qui se connaissent personnellement. Cela est beaucoup plus mo­deste, local, artisanal, mais beaucoup plus sûr. Vous pouvez y participer et en bénéficier en écrivant aux COMPAGNONS D'ITI­NÉRAIRES, 40, rue du Mont-Valérien, 92210 Saint Cloud. Les Compagnons d'Itinéraires Les COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES sont une association dé­clarée selon la loi de 1901, L'adhésion et la cotisation aux COMPAGNONS sont entièrement distinctes de l'abonnement à la revue. Être membre d'une association n'est pas la même chose qu'être abonné à une publication. L'association n'a pas commu­nication de la liste des abonnés ; elle ne connaît donc *que* ceux qui se font connaître. Si vous n'avez pas besoin de bénéficier de l'entraide à l'abonnement organisée par les COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES, en revanche les COMPAGNONS D'ITINÉRAIRES ont sûrement besoin de l'aide que vous pouvez leur apporter ; au moins vos coti­sations et vos dons, afin que l'œuvre de l'entraide à l'abonne­ment puisse continuer à fonctionner. Prenez contact avec leurs délégués et correspondants lo­caux : à défaut, écrivez au siège central des COMPAGNONS, 40, rue du Mont-Valérien, 92210 Saint Cloud. Un portrait de Marcel De Corte A l'occasion de l'éméritat du professeur Marcel De Corte, ses collègues, ses anciens élè­ves, ses amis lui offrent un portrait gravé dont l'exécution a été confiée au maître liégeois Émile Hougardy. Des exem­plaires, de cette gravure ori­ginale, dédicacés par Marcel De Corte, sont offerts en sous­cription. Le tirage de la gra­vure sera limité et numéroté selon l'ordre des inscriptions reçues. 39:201 Le cuivre gravé sera offert à Marcel De Corte au cours d'une cérémonie qui aura pour cadre la bibliothèque de phi­losophie de l'Université de Liège, dont il a assumé durant tant d'années la direction gé­nérale. C'est dans le même lo­cal que le cuivre gravé sera exposé et perpétuera ainsi, au sein de la section, le souvenir de celui qui la présida si long­temps. Les souscripteurs seront personnellement conviés à la cérémonie d'hommage. On souscrit en versant la somme de 500 francs belges au compte de chèques postaux 000.0976289-81 au « compte affaires » de M. André Motte, à Loncin, avec la mention : « hommage à Marcel De Cor­te » et en prenant soin d'in­diquer son adresse. Spécifications techniques de l'estampe : pointe sèche sur, cuivre. Dimensions de la pla­que : 258  328 mm. Tirage limité et numéroté sur format 1/2 raisin 325  250 mm. « L'aveuglement de Rome » Sous ce titre Marcel De Cor­te a publié dans les *Cahiers Charles Maurras* une forte étude sur la condamnation de l'Action française par Pie XI en 1926. Il en existe un tiré à part que l'on peut demander aux Cahiers Charles Maurras contre la somme de 1,60 F pour frais d'envoi. (Écrire aux Cahiers Charles Maurras, 13, rue Saint-Florentin, Paris VIII^e^.) On peut à la même adresse demander des numé­ros spécimen et des rensei­gnements. Les Cahiers Charles Maurras sont une excellente publication périodique parais­sant tous les trois mois. Ils publient en outre un impor­tant complément au Diction­naire politique et critique de Maurras. Tous ceux qui s'in­téressent à la pensée maurras­sienne ont intérêt à s'abonner à ces cahiers trimestriels. ============== fin du numéro 201. [^1]:  -- (1). Mgr Marcel LEFÈBVRE : *Un évêque parle,* 3^e^ édition augmentée, écrits et allocutions 1963-1975. Un volume chez Dominique Martin Morin, 96, rue Michel-Ange, 75016 Paris. [^2]:  -- (1). Dans la seconde partie de son article, qu'il ne nous convient pas de publier, Jean-Bertrand Barrère explique assez longuement qu'il cesse sa collaboration à ITINÉRAIRES parce qu'il ne peut sup­porter d'y être en compagnie de choses comme « Pius Maurras » (numéro 198) et comme « Tombeau du général Franco » (numéro 199). Demeurant « intégriste » mais, en même temps, de « convic­tions démocratiques », Jean-Bertrand Barrère a le sentiment de ne pouvoir trouver sa place nulle part dans l'éventail des publications françaises. Nous regrettons son départ et son retour au silence. Il a été un bon écrivain et un bon défenseur de la messe catholique. -- J.M. [^3]:  -- (1). Mais s'ils ne formulent aucune réserve explicite, les bons connaisseurs qui publient la *Documentation Catholique* ne sont pas dupes des innovations vaticanes. Ils ont classé la déclaration, com­me il se doit, dans la rubrique des « actes *du Saint-Siège *» et non pas dans celle des « actes *de S.S. Paul VI *»*.*