# 260-02-82 1:260 ### Le dormeur ne s'est pas réveillé *il s'est tout juste retourné\ dans son lit* Tour à tour hypnotisé, somnambule, anesthésié, l'Occident n'est pas sorti de sa somnolence. Le Noël sanglant de la Po­logne ne l'a pas mieux réveillé que l'automne hongrois ou le printemps de Prague. Essayons pourtant. Essayons, parmi les tragiques enseignements que nous réitère le drame polonais, essayons de retenir -- et de méditer -- les plus généraux, les plus urgents, les plus graves. **1. -- **Le communisme n'a pas changé. Il est toujours « stalinien ». Il est toujours « léniniste ». Il est toujours menteur et bar­bare, monstrueusement inhumain. Il est toujours lui-même. Il travaille toujours à l'asservissement des peuples en vue de sa domination mondiale. La « détente » était une duperie qui a désarmé l'Occident, moralement et matériellement, et qui n'a désarmé que lui. **2. -- **Les peuples ne sont pas communistes. C'est l'illusion la plus tenace de l'Occident : s'imaginer que le communisme ne pourrait se maintenir au pouvoir sans un certain consentement des peuples qu'il domine. 2:260 Cette illusion est fabriquée par la propagande communiste elle-même. Dans tous les pays communistes sans exception, le parti communiste est une infime minorité, vomie par l'ensemble de la population : au moins 97 % des Polonais, comme on vient de le voir. Le communisme est partout une *domination étrangère,* même en Russie, c'est le témoignage de Soljénitsyne. Nulle part, d'ailleurs, le commu­nisme n'est arrivé au pouvoir par le consentement des peuples ; mais toujours, sans aucune exception, par la violence politique ou militaire. **3. -- **L'agriculture et l'industrie des pays du bloc communiste demeurent (ou sont devenues) spectaculairement sous-développées, c'est le résultat de la « construction du socialis­me ». Mais leur puissance militaire est maintenant la première du monde. Cette puissance a été édifiée et elle est entretenue par l'Occident lui-même, ses crédits financiers, ses ventes de produits, la livraison de ses techniques de pointe et de ses inventions. Attitude lamentable des dirigeants occidentaux dé­clarant que si l'URSS continue, ou si elle en fait davantage en Pologne, on envisagera de suspendre une partie de nos livrai­sons. Il faut les supprimer toutes, tout de suite, inconditionnel­lement et définitivement, car toutes servent à renforcer son entreprise de domination mondiale. Même les denrées alimen­taires et les produits de consommation courante : l'URSS, nous les achète (à crédit ou en monnaie de singe) pour n'avoir pas à les produire elle-même et pouvoir ainsi donner tout son effort aux productions militaires. En acceptant d'approvisionner l'en­nemi, l'Occident vérifie la sarcastique prédiction de Lénine « *Ils nous vendront jusqu'à la corde pour les pendre. *» L'Occi­dent n'entend pas non plus la tragique supplication de Soljé­nitsyne : « *Le communisme nous enterre vivants, ne lui envoyez pas des pelles. *» Tout est dit en ces deux paroles que les gou­vernements occidentaux n'ont pas voulu prendre en considé­ration. Quand donc les comprendront-ils ? A l'URSS et à ses colonies, ne livrez plus ni pelles ni cordes ; à plus forte raison, ni usines clés en main ni technologie. 3:260 **4. -- **On nous dit qu'avec la Pologne l'Église maintenant se trouve en première ligne face au communisme. C'est bien beau ; mais ce n'est plus l'Église de 1936 et de 1937, déclarant à la face du monde que le communisme est intrinsèquement pervers et que rien n'est plus urgent qu'une coalition universelle contre lui... Depuis lors l'Église a réuni un concile œcuménique pour traiter principalement des *problèmes de ce temps,* ils ont tous été traités, sauf le plus important : la marche du communisme à la domination mondiale. On peut lire et relire, à l'endroit et à l'envers, la « charte du catholique dans le monde de ce temps », à savoir la cons­titution conciliaire *Gaudium et Spes :* on n'y trouve exactement rien sur l'agression permanente du communisme. Dans cette guerre incessante que nous fait Moscou pour nous asservir, le désarmement spirituel de l'Église est au moins aussi grand que le désarmement politique et militaire de l'Europe. Depuis la mort de Pie XII, l'Église a parié sur le dialogue et le compromis avec un communisme dont on supposait qu'il deviendrait moins inhumain. Cela n'a servi qu'à favoriser la pénétration des idées et des hommes du communisme à l'in­térieur de l'Église, à tous les niveaux. Là aussi, le redressement nécessaire sera rude. Jean Madiran. 4:260 ### Dans une situation analogue l'attitude et l'enseignement de Pie XII en 1956 *Contre l'esclavagisme communiste, il y avait eu en 1956 la révolte du peuple hongrois, écrasée par les chars soviétiques. Rien sans doute n'est jamais exactement pareil. Mais souvent les événements se ressemblent. Le dramatique Noël polonais de 1981 rappelle le sanglant automne hongrois de 1956. Entre les deux il y a de grandes différences ; il y a aussi une analogie profonde. Devant une telle situation, quelle fut l'attitude, quel fut l'enseignement de Pie XII en 1956 ? Pour le rappeler sans être influencé par les circonstances actuelles, nous reproduisons ci-après l'éditorial paru alors dans ITINÉRAIRES, numéro 10 de février 1957. En méditant ces consignes et ces leçons de Pie XII, on mesurera aussi à quel point elles ont été méconnues par les dirigeants politiques, et perdues de vue dans l'Église à tous les niveaux.* \[Voir : Résistance et croisade, It 10, p. 1\] 13:260 ### Le recours surnaturel : Fatima En 1960 au plus tard, le Saint-Siège aurait dû rendre publique la troisième partie du secret de Fatima. Il ne l'a pas fait parce que, depuis la mort de Pie XII en 1958, les apparitions, révélations et dévotions de Fatima ont été reléguées dans la même oubliette que l'encyclique déclarant le communisme « intrinsèquement pervers », que le serment anti-moderniste et que les trois connaissances nécessaires au salut du catéchisme du concile de Trente... Pie XII au contraire ne craignait pas de déclarer au P. Suarez, maître général des Dominicains, en janvier 1953 : « *Dites bien à vos religieux que la pensée du pape est contenue dans le message de Fatima. Dites-leur qu'ils continuent avec le plus grand enthousiasme à travailler à la propagande du culte de Notre-Dame du Rosaire de Fatima. *» ([^1]) Le « message de Fatima » méconnu, oublié, occulté... L'essentiel de ce message est quand même véhiculé et transmis par la « prière d'engagement, à renouveler utilement chaque jour » : 14:260 *Sainte Vierge Marie, notre Mère et notre Reine, qui êtes apparue à Fatima et avez promis, si l'on écoute vos demandes, de convertir la Russie et d'apporter la paix au monde, je réponds à votre appel.* *Je me consacre à votre Cœur Immaculé, vou­lant me souvenir sans cesse que je vous appartiens et que vous pouvez disposer de moi pour le Règne du Cour Sacré de votre Fils.* *Je vous promets, en réparation des péchés que vous avez si douloureusement déplorés :* *d'offrir chaque jour les sacrifices nécessaires à l'accomplissement chrétien de mes devoirs quo­tidiens ;* *de réciter chaque jour une partie du Rosaire, en union aux mystères de la vie de Jésus et de la vôtre.* *Notre-Dame de Fatima, gardez-nous fidèles.* *Saint Joseph, aidez-nous à servir.* *Sancte Michaël archangele, defende nos in proelio.* 15:260 ## NOTE DE GÉRANCE ### Pour asphyxier la presse dite périodique Les publications qui ne sont ni des quotidiens ni des hebdomadaires appartiennent à la catégo­rie professionnelle dite des « périodiques ». Cette catégorie, jusqu'à présent, bénéficiait d'une « option fiscale » lui permettant de choisir d'être exonérée de la TVA : ce choix n'était pas le plus avantageux dans tous les cas, mais il allait de soi pour les périodiques ayant peu ou point de publicité, c'est-à-dire la plupart d'entre eux. Les 17 et 19 décembre 1981, les socialistes au pouvoir ont supprimé l'option ; ils ont assujetti tous les périodiques à une TVA de 4 % à partir du 1^er^ janvier 1982. Ils avaient été instamment avertis, amplement informés par les organisations professionnelles. Ils savaient très bien que leur décision condamnait à mort la plupart des « pério­diques ». Ils l'ont voulu en pleine connaissance de cause. 16:260 La FNPF (Fédération nationale de la presse française) a publié le 18 décembre un communi­qué de protestation : La FNPF : -- prend connaissance avec inquiétude du vote qui est intervenu le 17 décembre 1981 à l'Assemblée nationale n'ayant pas retenu, pour la presse périodique, le maintien de l'option fiscale en 1982 ; -- rappelle que pour les périodiques n'ayant pas ou peu de publicité, la taxation des ventes à 4 % entraînera des charges supplémentaires susceptibles à terme de faire disparaître des périodiques qui participent au maintien du pluralisme de la presse, avec pour autre conséquence une aggravation du problème de l'emploi ; -- attire l'attention des pouvoirs publics sur le fait que cette décision intervenant à quelques jours de sa mise en application est matériellement impossible à mettre en place immédiatement ; -- et demande en conséquence que l'assujettissement de la presse périodique à un taux de TVA de 4 % soit reporté au 1.4.1982. L'emploi ? Les socialistes au pouvoir président, comme prévu, à l'accroissement du chômage. Le « pluralisme de la presse » ? Les socialistes au pouvoir ne le voient pas d'un bon œil, surtout quand il s'agit des *périodiques* professionnels, cul­turels, spécialisés, etc., où s'expriment principale­ment les classes moyennes de la France, celles que les socialistes regardent comme leur « ennemi de classe », celles contre lesquelles ils ont formé un « front de classe » avec le parti communiste, celles qu'ils entendent conduire à petits pas, sous anesthésie, à l'asphyxie d'un Katyn économique et social. 17:260 Pourtant, par un amendement à l'article 20 de la loi de finances pour 1982, le Sénat avait réta­bli l'exonération des « périodiques ». Les organisations professionnelles de la presse avaient alors obtenu des socialistes l'assurance que l'amendement sénatorial serait accepté par l'Assemblée nationale. La FNPIS (Fédération na­tionale de la presse d'information spécialisée, membre de la FNPF) révèle dans sa « Note d'in­formation » du 21 décembre : « Forts des assurances reçues de la part du porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, nous avons espéré jusqu'au dernier moment -- c'est-à-dire la seconde lecture à l'Assemblée nationale de cet article 20 de la loi de finances 1982 -- que la majorité des députés suivraient l'amendement adopté par le Sénat. Ce n'est que le 17 décembre que cette seconde lecture eut lieu ; lors de celle-ci, l'Assemblée nationale a repoussé l'amen­dement du Sénat et le samedi 19 décembre, malgré une dernière navette entre les deux assemblées, l'Assemblée nationale confirmait définitivement son vote. » Pour la plupart des publications périodiques sans publicité, cet assujettissement à la TVA sera le coup de grâce. Il vient après une augmentation de 27 % (vingt-sept pour cent) des tarifs postaux pour la presse, entrée en vigueur le ter octobre dernier : et d'autres augmentations des mêmes tarifs sont programmées pour 1982. Les « pério­diques » sont diffusés surtout par abonnements, l'augmentation frénétique de leurs tarifs postaux les étrangle. Sans parler du prix du papier, dont l'augmentation est de l'ordre de 25 % par an. Les socialistes au pouvoir ne perdent pas de temps. \*\*\* 18:260 La revue ITINÉRAIRES appartient à la catégorie dite des « périodiques ». Le *tarif normal* d'abonnement à ITINÉRAIRES (575 F) n'a pas bougé depuis plus d'un an depuis décembre 1980. Le *tarif minimum* (400 F) est demeuré au ni­veau du « tarif nécessaire » qui avait été fixé en mars 1979 : *il y a trois ans.* Ce maintien à 400 F, ce fut, c'est notre « opé­ration 400 ». Grâce à l'effort de tous ceux de nos abonnés qui ont accepté de verser davantage, grâce à la générosité de ceux qui souscrivent des « abonnements de soutien »*, nous avons pu pen­dant trois années maintenir sans limitation la possibilité de s'abonner à* ITINÉRAIRES *pour 400 F par an.* Dans les circonstances actuelles, nous ne pour­rons plus maintenir cette possibilité très long­temps encore. 19:260 ## CHRONIQUES 20:260 ### La Pologne à l'heure des échéances par Louis Salleron EN AVRIL 1981*,* nous nous interrogions dans ITINÉRAIRES sur ce qui arrivera « quand, il faudra payer la note ». Car nous sommes en présence d'une banqueroute uni­verselle dont il faudra bien sortir un jour ou l'autre par des moyens inédits. Apparemment, la banqueroute n'est que pour les pays en­dettés -- qui ne peuvent payer. Mais comme, précisément, ils ne peuvent payer, la banqueroute est également pour les pays créanciers. Les chiffres retiennent à peine l'attention. C'est l'affaire des experts. D'ailleurs ils varient, car chacun sait que la statistique n'est qu'un « damné mensonge ». Tout de même retenons ceux-ci : l'O.C.D.E. estimait la dette des pays du Tiers-Monde, fin 1981*,* à *524* milliards de dollars, soit quelque 3.000 milliards de nos francs, 300.000 milliards de centimes. Pour rembourser, les pays emprunteurs doivent payer chaque année -- « intérêt et principal », comme la cigale de La Fontaine -- des sommes considérables (112 milliards de dollars en 1981) qui excèdent leurs possibilités et les obligent à emprunter de nouveau. La spirale est sans fin. 21:260 Le cas des pays du Tiers-Monde est également, *mutatis mutandis,* celui des pays de l'Est européen vis-à-vis de l'Occi­dent. Mais là on se trouve devant un imbroglio de situations et de monnaies qui rend l'analyse très difficile. Il faut distinguer notamment les dettes de gouvernements à gouvernements et de gouvernements à banques. Entre gouvernements on peut s'arran­ger (provisoirement), mais les banques ne peuvent consentir à la faillite sous peine de répercussions en chaîne susceptibles de déclencher *la crise* de type classique, celle que l'on conjure depuis des années par l'inflation et l'augmentation des taux d'intérêt. *La Vie française* du 28 décembre 1981 a consacré un article à cette question que l' « état de guerre » polonais rend d'une actualité brûlante. Nous y apprenons que l'endettement des pays de l'Est à l'égard de l'Occident est passé globalement de 6 milliards de dollars en 1970 à 70 milliards en 1980 et à 75-80 milliards en 1981*.* « *Quant à la Pologne, la croissance de sa dette a été vertigineuse : de 800 millions de dollars en 1970 à 25,7 milliards en octobre dernier. On sait que le rééche­lonnement de cette dette a fait l'objet d'un accord qui devait être signé dans les prochains jours, mais cela est remis en ques­tion du fait des événements politiques ; s'y ajoute l'obligation de payer avant la fin 1981* (*?*) *les intérêts sur la dette échue se montant à 350 millions de dollars. *» La part des banques occidentales dans la dette polonaise se montait, fin 1981*,* à 13,5 milliards de dollars. Dans ce total, les banques françaises s'inscrivent pour 2,7 milliards (*Le Monde,* 20-21 décembre 1981). On conçoit l'embarras de ces banques et on ne s'étonne pas que leur vœu secret (ou exprès) soit que le général Jaru­zelski rétablisse rapidement l'ordre à Varsovie. Elles seraient même prêtes, en ce cas, à lui accorder de nouveaux crédits. En Suisse et en Allemagne on pousse en ce sens. Selon *Le Monde,* les créances bancaires allemandes « s'élèvent à 600 millions de DM pour la Commerzbank et à 400 millions pour la Deutsche Bank et la Dresdner Bank réunies. Mais il est certain que celles détenues par la banque des syndicats alle­mands, la Bank für Gemeinwirtschaft, sont d'un montant beau­coup plus élevé ». Étonnons-nous de l'attitude de M. Brandt et de celle (un peu plus en retrait) du chancelier Schmidt ! En France, la politique intérieure commande tout. Nos socialistes feraient des pèlerinages à Chestochowa pour marquer des points contre leurs alliés communistes. Le PCF. n'en continue pas moins à affirmer imperturbablement son accord avec le général Jaruzelski ; et M. Krasucki vient de rappeler aux socia­listes que la CGT est la seule organisation capable d'assurer la paix sociale dans les entreprises -- à bon entendeur salut ! 22:260 On se demande constamment en France si le général Jaru­zelski fait une politique essentiellement polonaise ou essentiel­lement soviétique. C'est oublier que la situation de la Pologne ne permet pas la distinction. Successivement des révoltes popu­laires ont amené au pouvoir Gomulka, Gierek et Kania. Suc­cessivement ils ont été rejetés après avoir déçu les espoirs du peuple. La Pologne, chaque fois, a fait un pas en avant vers la liberté et l'indépendance nationale. Mais l'étau soviétique est le plus fort et Helsinki n'est qu'un faible rempart contre Yalta. De tous côtés on veut ce qu'on veut et le contraire de ce qu'on veut. C'est frappant pour l'Europe et plus encore pour la France. Quand Reagan a voulu installer des missiles en Alle­magne pour rétablir l'égalité avec l'U.R.S.S., ce fut un tollé général. Neutralisme et pacifisme mobilisèrent les masses dans tous les pays de l'Ouest. On veut le parapluie américain, mais à condition qu'il reste fermé. Plus récemment, face à la milita­risation de la Pologne, les Européens, Français en tête, ont dénoncé la mollesse de la réaction américaine. Quand Reagan a dit qu'il allait couper les vivres à la Pologne, les critiques redou­blèrent. C'est l'U.R.S.S. qu'il fallait sanctionner et pas la malheu­reuse Pologne qui n'était qu'une victime dont on n'allait qu'aggraver le sort. Bon prince, Reagan a décidé alors d'appli­quer à l'U.R.S.S. un ensemble de représailles économiques assez impressionnant. De nouveau, fureur et tremblement chez les Européens, Allemands en tête, qui voient leur commerce avec les Soviets menacé et les mirifiques contrats suspendus au gaz sibérien risquer de s'évanouir en fumée. La France, plus éloignée que l'Allemagne de la Pologne et de l'U.R.S.S., se donne à bon compte des airs avantageux. Mais à terme ses contradictions la vouent au désastre. La (pseu­do) légitimité est détenue par la Gauche. Le libéralisme confesse le socialisme. Le socialisme confesse le communisme. La tra­dition révolutionnaire associe dans un culte commun 1789 et 1917. Les communistes le savent bien et se moquent éperdu­ment des criailleries socialistes. Dans un pays pour qui le général Pinochet est un monstre et Léonid Brejnev un inter­locuteur valable, les déclarations pathétiques en faveur des droits de l'homme et des libertés civiles ou syndicales ne sont que mensonge et hypocrisie. Le socialisme français est la fine pointe de la démocratie française et le communisme soviétique la fine pointe du socialisme national. 23:260 La Pologne dérange ce bel ordre de l'imposture universelle. Elle ébranle l'empire soviétique dont les sujets directs et indi­rects sont las d'un niveau de vie très bas et d'un asservissement total. Elle ébranle aussi l'Occident qui n'a pas la moindre envie de renoncer à la société de consommation et dont la solidarité avec Solidarité entend demeurer « responsable ». Restent les échéances. Pour la Pologne, elles sont arrivées. Pour nous, elles sont prochaines. Elles signifient, ici et là, un recours à des gouvernements d'autorité : en Pologne, sous un nom ou sous un autre, le régime actuel, plus ou moins ouvert aux libertés personnelles selon les formules d'accord auxquelles on sera parvenu mais rendant aux activités économiques les moyens de se manifester ; en France..., Dieu seul le sait. Nous avons encore quelques crans à descendre. Mais les échéances n'attendront pas longtemps. Louis Salleron. 24:260 ### Une certaine idée de l'Amérique par François Brigneau DANS LES DERNIERS MOIS DE SA VIE, alors qu'il se trouvait au Panama, malade, abandonné, menacé d'arrestation et d'extradition, le Shah d'Iran éprouvait toute « l'amer­tume de l'homme trahi ». C'était surtout le retournement de M. Valéry Giscard d'Estaing qui l'encolérait. Un jour, devant un visiteur, il explosa : -- Quand je pense qu'il y a moins d'un an cet homme m'ap­pelait « Votre Majesté Impériale » et qu'il me léchait les bottes ! M. Pierre Salinger, qui fut l'attaché de presse de John Kennedy et qui dirige actuellement le bureau parisien de la chaîne de télévision américaine ABC-NEWS, rapporte ce trait, entre beaucoup d'autres, dans son dernier livre *Les Otages* ([^2])*.* Il n'est d'ailleurs pas plus tendre pour son propre président, Jimmy Carter, l'éternel indécis, partagé et versatile, plus préoc­cupé de sa réélection que des intérêts supérieurs de sa patrie et qui occupe une place de choix au Panthéon des politiciens vendeurs de boniments et de paroles d'honneur bradées au kilo. 25:260 Le voici, par exemple, le 31 décembre 1977, à Téhéran. Le Shah donne une réception somptueuse au Palais de Niavaran. Des tapis persans couvrent le marbre des sols. Les murs-miroirs multiplient le reflet des lustres et des tables où luit l'or et scintille le baccarat. Le banquet a été fastueux : perles de la Caspienne, ce caviar spécial réservé au Shah, brochettes, pilaf, perdreaux émincés. La nuit se fait pour que flambent les glaces au sherry. Les vins sont français et le champagne du Dom Pérignon. Un orchestre joue Verdi et Chopin. Puis M. Carter se lève. Les électeurs américains l'ont élu contre le mensonge et pour sa loyauté. Il laisse glisser sur l'assistance son regard d'un bleu pâle. Puis, de sa voix « plate et monotone », car la vérité n'a besoin ni de trompettes ni de clinquant, il dit avec une conviction et une émotion qu'on n'a pas fini d'apprécier : -- « L'Iran, dont le Shah préside si remarquablement à la destinée, est une île de stabilité dans l'une des régions les plus troublées du monde... En circulant dans les belles rues de Téhéran, aujourd'hui, avec le Shah, nous avons vu littéralement des milliers de citoyens iraniens rassemblés pour me manifester leur amitié. J'ai vu aussi des centaines, peut-être des milliers de citoyens américains, venus accueillir leur président dans cette nation qui a su les adopter et où ils sont chez eux... Votre peuple et les dirigeants de nos deux nations partagent le même profond attachement à la cause des Droits de l'homme. Il n'est aucun chef d'État envers lequel j'éprouve un sentiment plus profond de gratitude personnelle et d'amitié personnelle. » Un an et quinze jours plus tard, nonobstant la qualité de cette gratitude et de cette amitié, M. Jimmy Carter et son gouvernement cherchaient fébrilement, dans l'arsenal des four­beries d'État, le prétexte le moins misérable qui leur per­mettrait de refuser l'entrée des U.S.A. à l'ami personnel du président en exercice, à l'ex Shah des Shah, à celui qui avait été la Lumière des Aryens et n'était plus qu'un pauvre diable de bouc émissaire, riche encore et pourtant démuni de tout, menacé par des tueurs à gages désireux de gagner de vitesse ce cancer de la lymphe qui se généralisait dans le corps du monarque déchu. \*\*\* 26:260 Si riche que soit ce thème, ce n'est pourtant pas la tragédie du despote éclairé victime de ceux qui l'avaient poussé aux Lumières, qui retient M. Salinger. *Les Otages,* ce gros repor­tage-document-dossier de 308 pages, n'a pas cette ambition. Son sujet est ailleurs. Il préfère Pulitzer à Shakespeare. Rédigé, plus qu'écrit, selon les recettes du genre, quelques trucs holly­woodiens dans la construction du récit tenant lieu de talent, bourré de renseignements, même inutiles, il ne veut être que le récit détaillé des 444 jours de négociations multiples, con­fuses, embrouillées, parallèles ou croisées, contradictoires et contrariées, qui aboutirent finalement à la vente sur le marché des otages des 52 fonctionnaires américains blancs que les étudiants de la Révolution tenaient séquestrés à Téhéran. Je dis *blancs* parce que les noirs, les indiens, les basanés d'origine mexicaine connurent un traitement de faveur. Leurs geôliers les libérèrent au bout de quelques semaines. M. Salin­ger se contente de rapporter le fait sans le commenter. A l'époque il n'émut personne. Aucun des professionnels de la lutte contre la discrimination raciale, que nous avons la dis­grâce de rencontrer au Palais de Justice, ne crut de son devoir d'alerter les consciences sur ce cas de discrimination raciale. Le racisme ne choque pas quand il est anti-blanc. \*\*\* Le cirque dans lequel M. Salinger nous fait pénétrer se joue sur trois pistes. D'un côté il y a les États-Unis de M. Car­ter, saisis par l'extravagant phénomène de l'élection présiden­tielle, cette année sabbatique qui revient tous les quatre ans. De l'autre, il y a l'Iran de l'ayatollah Khomeyni, enflammé par la Révolution que les Soviétiques et leurs agents attisent et exaspèrent. Entre les deux se trouvent les otages prisonniers des étudiants, ces détonateurs des révolutions modernes, que tout révolte et surtout l'idée qu'il leur faut travailler pour apprendre et que transporte la possibilité d'interpréter la version persane (et améliorée) du mai 68 français devant les caméras du monde entier. Raisonnablement, après quelques charivaris par les artistes, tout aurait dû trouver rapidement une heureuse solution. M. Carter avait besoin des otages : sa réélection en dépendait. Ils coûtaient cher à l'ayatollah Khomeyni tant en argent qu'en crédit moral. Enfin les étudiants ne savaient trop qu'en faire. 27:260 Mais les situations révolutionnaires aiment le saugrenu, l'abracadabrant et le surréaliste. Les Américains ne savaient com­ment, à qui et par qui parler aux révolutionnaires iraniens. Réfugié derrière sa barbe, l'ayatollah avait interdit sous peine de destitution, d'emprisonnement et même de mort, qu'on prit contact avec les États-Unis. Quant aux étudiants, encore éber­lués d'avoir pu faire prisonniers les représentants du plus puissant pays du monde, alors qu'ils n'étaient que deux dou­zaines de palabreurs armés de quatre pistolets, ils flottaient sur un petit nuage rose et entendaient n'écouter personne. Un tel état est naturellement propice à l'activité fébrile de négociateurs de fortune, bénévoles ou intéressés, illuminés, convaincus ou flairant le bon coup, agissant d'inspiration ou sur ordre, agents en mission ou ne représentant qu'eux-mêmes. Ici M. Salinger se trouve à son affaire. Il connaît tout le monde. Dès que cela frétille, remue et magouille, il arrive der­rière son cigare et ses étonnantes cravates. Le nom de Kennedy continue d'agir comme un Sésame. Il ne nous fait grâce d'aucun détail. Son livre est bourré de renseignements, même inutiles, pour prouver qu'il était au parfum. Et pourtant, malgré ce foisonnement de « secrets » et de « scoops », ce livre vaut moins par ce que son auteur nous révèle de l'imbroglio des tractations que par ce que nous découvrons, presque à son insu, du système politique mondial sous lequel nous vivons. \*\*\* Ainsi on est frappé par l'attitude de M. Salinger devant la prise des otages. Il l'accepte. Il ne manifeste ni indignation, ni colère. Il n'appelle pas aux représailles. Il semble ignorer l'importance de l'affront ; ses conséquences sur l'avenir de la politique américaine. Le drame quotidien des hommes et des femmes séquestrés, leurs : angoisses, leur héroïsme ou leurs défaillances ne l'inté­ressent pas davantage. Il n'en parle pas. Pas un mot. C'est tout de même curieux. S'ils avaient été aux mains du général Pinochet, je me demande si M. Salinger aurait été aussi indifférent à leurs misères. Sur leur emprisonnement sans motif ni jugement, par des trublions sans mandat, dans des prisons clandestines, il paraît partager l'opinion de ses interlocuteurs khomeynistes ou pro-khomeynistes qui répètent : 28:260 -- Il ne sert à rien de condamner cette prise d'otages. L'important c'est de réussir à les libérer. Et de savoir comment nous allons nous y prendre, quel stratagème nous allons établir, quel scénario (le mot revient vingt fois) nous allons monter pour y parvenir. Le livre n'aurait donc pas dû s'appeler *Les Otages.* Ce titre est un titre racoleur et menteur. Le vrai titre aurait dû être : *Match pour la libération des otages.* La seule fièvre qui court dans ce récit rappelle celle des amateurs de spectacles sportifs. Allons plus loin. Cette acceptation du fait accompli est très révélatrice de l'esprit, de la morale, du comportement de *l'establishment* politique multinational dont M. Salinger est une des figures les plus représentatives. Pas une seule fois il ne pose ni ne se pose la question essentielle. A savoir : -- Et si la libération des otages n'était pas le problème n° 1 ? Et si les conditions de leur libération étaient plus im­portantes que leur libération elle-même ? On sacrifie volontiers des soldats aux intérêts supérieurs de la patrie. Pourquoi n'ac­cepterions-nous pas de sacrifier des diplomates et des fonction­naires du corps diplomatique si le passé, le présent, l'avenir des États-Unis, la politique des États-Unis, les intérêts supérieurs des États-Unis, une certaine idée des États-Unis d'Amérique et de l'honneur américain l'exigeaient ? M. Salinger est Juif. Le gouvernement d'Israël ne cède jamais au chantage aux otages. On l'a vu à Munich. Ce ne sont pas des soldats qu'il a sacrifiés. Ce sont des athlètes. Nous avons tous été sensibles à la grandeur et à l'héroïsme de cette décision. Les juifs, eux, en ont tiré des motifs de fierté et d'orgueil ; M. Salinger en tête ; et ils avaient raison. Mais alors, comment expliquer que M. Salinger n'en exige pas au moins autant du gouvernement américain qui a des moyens que ne possède pas Israël ? Quand on célèbre Fort Alamo, en cinémascope, comment peut-on accepter d'un cœur si léger la reddition de l'ambassade de Téhéran et l'aplatissement de Washington dans les palabres des marchands de tapis qui vont suivre ? 29:260 M. Salinger est un homme répandu. Il s'est frotté aux in­tellectuels les plus huppés ; surtout à ceux qui font la couver­ture des magazines. Ne serait-ce qu'à cause des Kennedy, il ne peut pas oublier que la mort est l'étalon qui permet de mesurer la vérité des hommes, la valeur de leurs engagements, leur sincérité, leurs vertus, et même leurs passions. Quand le sacrifice suprême n'est plus exigé ou offert et donc célébré et honoré, nos civilisations sont atteintes dans leur ressort essen­tiel. Comment expliquer, dès lors, que M. Salinger, acteur et spectateur du grand « show » politique planétaire, ne se pas­sionne que pour les mécanismes de la digestion d'une capitu­lation, le suspense de bazar qui en découle et les tribulations des marchands de poudre de perlimpinpin qu'elle entraîne ? Ne serait-ce pas parce que M. Salinger est intellectuellement et sentimentalement de gauche et que malgré l'Islam et le traditionalisme révolutionnaire de Khomeyni, la révolution iranienne est une révolution de gauche, en tout cas une révo­lution qui profite de la gauche, une révolution dont le béné­ficiaire numéro 1 sera l'impérialisme, communiste, le seul mou­vement organisé capable de profiter de l'affaiblissement du prestige américain ? Ainsi que des répercussions fâcheuses que cette situation a sur le ravitaillement pétrolier des U.S.A. ? Ce qui est important dans ce livre, ce que l'on y découvre presque à l'insu de son auteur c'est cela, c'est la fascination que l'intelligentsia américaine éprouve, jusque dans sa Maison Blanche, pour la gauche cosmopolite plus ou moins manipulée par le K.G.B. Je ne citerai qu'un exemple. Le président des États-Unis en personne reçoit, dans le bureau ovale, un des personnages les plus remuants et les plus ténébreux de l'intrigue. Il s'appelle Christian Bourguet. C'est un Français, avocat et militant d'ex­trême-gauche. Il l'affiche jusque dans sa tenue. Il porte la barbe et les cheveux longs comme un drapeau. Le détail ne saurait freiner M. Carter. Il s'avance vers M^e^ Bourguet, la main ten­due. Un grand sourire éclaire son visage anxieux. Et il s'écrie : -- Ah ! Christian, notre héros ! Qu'a fait M^e^ Bourguet ? Rien qui ait abouti. Toutes ses démarches ont tourné court. Toutes ses négociations ont avorté. Il n'a enregistré que des échecs. Non seulement il n'a pas réussi à faire libérer les otages de Téhéran, mais il n'a pas non plus réussi, à Panama, à faire incarcérer le Shah, le meilleur ami du président Carter, ainsi qu'il en avait le projet. Mais peu importe. Ledit président Carter est ravi de le recevoir. Il s'écrie : 30:260 -- Ah ! Christian, notre héros ! Il faut ajouter que M^e^ Bourguet est un adversaire déter­miné des États-Unis. Il est membre de l'association « Amitié et Solidarité du peuple iranien » dont le président est M^e^ Nuri Albala, son ami, avocat français, membre du parti communiste, ou pour être plus précis, plus près de la vérité, agent commu­niste international. M^e^ Albala voulait que les otages américains de Téhéran fussent jugés par un tribunal de Nuremberg-bis. C'était l'idée d'un autre négociateur, l'Irlandais Sean Mac Bride, prix Lénine, fondateur d'Amnesty International. Partout, et en particulier lors de la guerre du Vietnam, M. Christian Bourguet avait travaillé à la défaite des États-Unis. C'est-à-dire à la victoire de l'expansionnisme soviétique. Il n'empêche. Dans le bureau ovale de la Maison Blanche, le président des États-Unis le recevait avec tous les honneurs et lui disait : -- Ah ! Christian, notre héros ! \*\*\* La chute du Shah d'Iran a des causes multiples où l'Amé­rique tout entière a beaucoup de responsabilités. Mais dans la phase finale de cette chute, dans l'abandon déshonorant d'un homme qu'on avait porté, d'un allié qu'on avait flatté, d'un chef politique qu'on avait guidé, d'un ami pour lequel on éprou­vait de la gratitude, c'est la gauche américaine, celle de M. Salinger et de ses coteries, que l'on trouve aux postes de com­mande de l'ignominie -- cette gauche qui, aux États-Unis comme ailleurs, qu'elle soit aveugle ou consciente, fait toujours le jeu du communisme. Le Shah avait découvert cette vérité première qui donne la clef de toutes nos défaites. Quelques mois avant de mourir, il commentait ainsi le chaos iranien : 31:260 « Chaque jour apporte son contingent de meurtres, d'ef­fusions de sang et d'exécutions sommaires, l'annonce de la mort d'amis et de tant d'innocents. Toutes ces horreurs font partie de la destruction systématique par Khomeyni du tissu social que j'avais tissé pour mon pays en 37 ans de règne. Il est bien triste de constater que les États-Unis, comme la plupart des pays occidentaux, ont en matière de moralité internationale deux échelles de valeurs : toute action se réclamant du marxis­me, quelque sanglante et vile qu'elle soit, est acceptable ; la politique des gouvernements socialiste, centriste ou de droite, elle, n'est pas acceptable. » C'est la meilleure citation du livre de M. Salinger. François Brigneau. 32:260 ### L'utopie naturiste de l'écologie par Gustave Thibon CHOSE ÉTRANGE : quand, il y aura bientôt un demi-siècle, j'émettais des idées très modérées sur les impasses et les dangers de la civilisation technique, je pas­sais pour un affreux rétrogra­de, un nostalgique du passé et un avorteur de l'avenir, tandis qu'aujourd'hui les mêmes idées poussées à l'extrême sont passées dans le camp du fu­turisme révolutionnaire. En bref, la politique s'en mêlant, la couleur du pavillon écolo­gique a viré en quelques an­nées du blanc au rouge. Indigné -- et non sans rai­son -- contre les retombées malsaines de la civilisation in­dustrielle (concentration ur­baine, nourriture frelatée, bruit, pollution, etc.), un jeu­ne écologiste me déclarait ré­cemment : « nous vivons dans un milieu artificiel qui déshu­manise l'homme, et il n'est pas d'autre solution qu'un retour massif à la nature ». La création et la vogue très récente du mot « naturisme » correspond parfaitement à cette mentalité. Mais je pose aussitôt la question : qu'entend-on par na­turel et par artificiel ? La na­ture, c'est l'ensemble de la création -- minéraux à l'état brut, plantes et animaux sau­vages -- tel qu'il se présente en dehors de toute intervention humaine. 33:260 Tout le reste -- de­puis la culture des plantes, l'élevage des animaux, la con­fection des vêtements, la cons­truction des maisons jusqu'aux plus hautes réalisations de la science et de l'art -- c'est l'œuvre de l'homme et par conséquent artificiel. Le natu­risme intégral consisterait donc à errer tout nu dans la bonne nature et à chercher, au ha­sard des saisons et des ren­contres, de quoi se nourrir et où s'abriter. Combien de jours survivrait-on dans nos climats et, en hiver, combien d'heu­res ? Qui parle d'aller jusque là ? a rétorqué mon jeune naturis­te. Je veux dire simplement qu'il faut se rapprocher le plus possible de la nature. Exemple : je viens de passer quinze jours à la montagne. La pureté de l'air, l'ivresse du ski sur les pentes, la contem­plation des cimes neigeuses est-ce que cela se compare avec l'atmosphère polluée des villes, la circulation dans le métro et la vision affligeante des H.L.M. ? Je suis bien d'accord, mais je vous ferai deux remarques. J'ai bien connu dans ma jeunesse des paysans de la Haute-Ardèche. Ils vivaient, suivant l'idéal que vous pro­clamez, aussi près que possible de la nature : habitat sommai­re, nourriture empruntée pres­que exclusivement aux pro­duits de la terre qu'ils culti­vaient et par là terriblement monotone (pain de seigle, châ­taignes, laitages), travail ac­cordé au rythme des saisons, etc. Et je dois vous avouer qu'ils ne représentaient, ni au physique, ni au moral, des ty­pes accomplis d'humanité. L'âpreté de leur combat avec la nature usait très vite leur corps et paralysait leur esprit. -- Et quant à vos radieuses vacances de neige, laissez-moi dire qu'elles n'ont aucun rap­port avec la dure vie quoti­dienne de ces pauvres gens, mal nourris et mal logés, en proie aux rigueurs de l'hiver. Est-il « naturel » de trouver des remonte-pentes au flanc des cimes et des hôtels bien équipés pour vous accueillir après les saines fatigues du ski ? Et n'est-ce pas cette ci­vilisation technique que vous maudissez qui vous fournit l'argent et les loisirs par les­quels vous jouissez pleinement des avantages de l'hiver sans souffrir le moins du monde de ses inconvénients ? Mais quoi de plus artificiel que cette na­ture si soigneusement aména­gée pour votre confort et votre plaisir ? De même dans tous les au­tres domaines. L'illusion -- pour ne pas dire l'hypocrisie -- du naturisme consiste à faire un crédit illimité à la nature tout en restant solide­ment adossé aux progrès scien­tifiques et techniques qui nous protègent contre sa cruelle indifférence. 34:260 L'alimentation. Je connais et je réprouve les excès de la chimie alimentaire. Mais ces aliments dits « biologiques » qui jouissent aujourd'hui d'une si grande vogue, les trouve-t-on tels quels dans la nature ? Et se souvient-on des famines qui décimaient les populations aux époques où l'agriculture embryonnaire s'écartait si peu de la nature ? L'hygiène et la médecine. On dénonce à juste titre l'abus des remèdes et les maux qui en résultent. Mais quoi de plus naturel que les miasmes, les microbes et tous les agents pathogènes qui existent à pro­fusion sur la planète et qui causaient jadis tant de rava­ges ? est-ce en laissant faire la nature qu'on guérira de la diphtérie ou du diabète, qu'on éliminera un calcul de la vési­cule ou qu'on verra repousser une dent qui tombe ? En matière sociale, les sociétés de sauvages sont-elles plus harmonieuses, plus justes, plus respectueuses de la digni­té humaine que nos civilisa­tions trop élaborées ? A voir le visage et le comportement des tyranneaux éphémères que furent un Amin Dada ou un Bokassa, on les devine plus près de la nature et de ses pulsions élémentaires que les dirigeants de nos pays occiden­taux. Mais serait-ce un « re­tour aux sources » que de vi­vre sous leur dictature ? Concluons. Les écologistes affirment avec raison que la nature n'est pas un matériau informe que le génie humain peut modeler indéfiniment au gré de ses désirs et de ses ambitions. Elle a ses lois et ses harmonies dont le viol trop poussé et trop prolongé équi­vaudrait pour nous au suicide. Mais ces lois et ces harmonies sont relativement élastiques et c'est la vocation de l'homme, le seul être conscient et libre de la création, d'infléchir ces déterminismes aveugles pour les accorder aux exigences de sa survie et de son bien-être physique comme de son ac­complissement spirituel. Il ne s'agit donc pas d'une alterna­tive entre l'exploitation sans frein et le respect incondition­nel de la nature mais d'un do­sage de ces deux attitudes. Toute civilisation est un mé­lange, à proportions variables, d'obéissance à la nature et de victoire sur la nature. Que notre civilisation indus­trielle ait besoin d'être rééqui­librée, personne ne le conteste. Mais c'est à la science et à la technique, éclairées et orien­tées par la sagesse et l'expé­rience, qu'il appartient de cor­riger leurs erreurs et leurs abus passés ou présents. 35:260 Si­non, comme on l'a déjà vu aux époques chaotiques qui ont suivi la chute de l'empire romain, le retour brutal à la nature signifierait purement et simplement le retour à la bar­barie... Gustave Thibon. 36:260 ### Quand l'illusion est quotidienne par Georges Laffly #### *Télévision et ubiquité* Avec la télé, nous sommes reliés par l'image et par le son, dans l'instant même, à n'importe quel coin de la ter­re. C'est comme si nous étions transportés aux Indes, ou à New York, ou sur un chalu­tier de l'Atlantique, partout où il se passe quelque chose. Comme si nous étions trans­portés ? C'est beaucoup dire. Quand on nous affirme que des dizaines de millions de personnes ont vu en direct un championnat de tennis, « en direct » signifie seulement que nous voyions les images à me­sure que le jeu se déroulait. En direct veut dire ici en mê­me temps, et non pas direc­tement, puisqu'il y a un inter­médiaire : la caméra et celui qui l'utilise. C'est le journa­liste qui filme qui est en di­rect. Il s'est déplacé, et c'est par ses yeux, en quelque sorte que nous voyons : les images sont celles qu'enregistre son regard. Ils sont au mieux deux ou trois hommes à voir, et nous sommes des millions à recevoir leurs images. Le corps social délègue ses émissaires au contact de la réalité, et les foules de cellules de ce gros corps perçoivent et digè­rent le résultat. 37:260 Ce n'est que par illusion que nous sommes persuadés de voir par nous-mêmes. Cha­cun de nous seul face à son appareil peut s'imaginer que c'est son propre regard qui est porté sur l'événement. Quand nous en parlons ensuite, nous comprenons que nous étions un élément d'une foule. Con­séquence : une cohésion sup­plémentaire de la société, une uniformité plus grande. A la même heure, tous ensemble nous avons regardé le même spectacle. Nous avons réagi à peu près de la même façon. L'instrument collectif qu'est la télé a une fois de plus mode­lé notre sensibilité à sa ma­nière, et nous a alignés sur le même profil. Autre consé­quence : une dépossession. Nous n'avons pas choisi le programme (en France, nous avons quatre possibilités : ou­vrir une des trois chaînes, ou fermer le poste). Nous n'avons pas non plus choisi le regard porté sur l'événement. Pour un match, cela peut constituer un avantage : les caméras, bien placées, multiples, nous permettent de nous déplacer sur le terrain (exactement permettent un regard multi­ple), ce qui n'est pas possible pour qui a loué un gradin. Mais s'il s'agit d'une enquête, d'un reportage, nous savons bien -- nous oublions que nous aurions vu d'autres cho­ses, posé d'autres questions, peut-être suivi d'autres pistes. Nous ne sommes pas trans­portés sur des lieux lointains. Nous voyons et écoutons ce que d'autres voient et enten­dent parce qu'ils ont fait le déplacement. Forcément, leur manière de voir agit sur nous, depuis le sujet qu'ils ont choi­si jusqu'à leur manière de le traiter. La télé nous mène partout où il se passe quelque chose. Mais c'est elle qui peut déci­der de ce qui se passe, choisir ses sujets, orienter notre cu­riosité (et donc également dé­tourner notre attention). Le sujet choisi, la façon de l'en­visager, les faits que l'on sou­ligne et ceux que l'on omet, tout cela constitue un filtre, qui s'impose à nous. En de­hors de ce qui tient à l'idéo­logie et à la mode, le tempéra­ment de chacun est aussi un filtre inévitable. Et c'est bien pour cela qu'il ne faut pas oublier que ce n'est pas notre regard qui se pose sur la réa­lité, mais le regard du journa­liste qui nous parvient. Si nous n'y prenons garde c'est son regard, sa manière de voir qui se substitue à la nôtre : nous finissons par l'adopter. 38:260 Il est donc bon de se rappe­ler qu'entre la réalité et le spectateur il y a ce relais obli­gatoire. Au moment même où j'imagine être témoin d'un fait, je suis seulement témoin de ce qu'un autre a vu. Drôle de témoin, qui voit, mais qui ne peut pas intervenir. Le té­moin qui ne peut pas se faire égorger. Situation idéale ? La télé réalise le vieux rêve de l'ubiquité : se trouver au même moment en des lieux différents. Mais ce rêve, réali­sé par une machine, est bien incomplet. On ne se trouve pas vraiment en plusieurs en­droits, on croit y être. #### *Les distributeurs automatiques* Notre société devient ab­straite. Les chiffres et les ma­chines mettent un écran entre la réalité et nous. Un geste typique, c'est celui qu'on a avec les distributeurs automa­tiques. On glisse une pièce dans une fente, on ouvre un tiroir, et on en tire une mar­chandise. Il y a là quelque chose de mécanique, d'autonome, de parfait (parfait parce qu'inhu­main) que le commerce ne connaissait pas. N'oublions pas que l'un des sens de ce mot est « fréquenter, avoir des relations » avec des gens. Dans le commerce moderne, c'est justement cette commu­nication avec d'autres hommes qui tend à disparaître. La mar­chandise surgit comme par magie, en échange d'une pièce qui a elle-même quelque chose de magique, puisque sa valeur n'a rien d'objectif, de raison­nable. Elle est fixée par dé­cret. Dans cette opération du distributeur, on évite le con­tact avec le commerçant, com­me on évite le contact avec la matière. Le produit à con­sommer apparaît « condition­né », enveloppé de papier ou de plastique. Dans les mar­chés, on voit de plus en plus des légumes, des fruits qui sont présentés ainsi. Et aussi bien des tranches de viande. Cela enlève à ces objets élé­mentaires quelque chose de naturel, pour leur attribuer en quelque sorte une garantie de produit fini, aseptisé, hygiéni­que. L'effet peut être rassurant ou rebutant, selon l'humeur. 39:260 L'échange de la marchan­dise contre l'argent est le point de rencontre de deux longues séries de gestes qui convergent vers ce point commun. Tout se passe aujourd'hui comme si l'on faisait oublier ce qui se passe avant cette rencontre. Elle devient hasard pur. L'exemple de l'aliment est le plus simple. Pour qu'il ar­rive au stade de la marchan­dise, il a fallu de longues ac­tions de culture, des semail­les à la récolte, puis le trans­port, des transformations di­verses, du blé en farine puis en pâte, par exemple, et des opérations d' « habillage ». Pour l'autre série, celle qui aboutit à la pièce de monnaie, elle représente le travail quo­tidien, ses chances et ses fa­tigues. De plus en plus, le consom­mateur est inconscient de la première série de gestes. Il est incapable de l'imaginer, faute d'expérience. Quant à la deu­xième, celle qu'il produit lui-même par son travail, elle de­vient aussi abstraite. On voit mal le rapport entre les heu­res passées à l'usine ou au bureau et l'obtention d'un bien. Ce rapport peut être flou : on peut estimer que l'ef­fort fourni vaut plus que le salaire reçu. Ou bien l'argent a été gagné au tiercé, au loto il est devenu la preuve d'une chance, d'un coup heureux. Pensons aussi au cas où c'est un enfant qui actionne le dis­tributeur automatique. L'ar­gent dépend des parents. Pen­dant ses quinze premières an­nées au moins, un enfant s'ha­bitue à recevoir de l'argent sans effort de sa part. C'est le hasard familial qui décide certains en ont beaucoup, d'autres peu (et ce ne sont pas les familles les plus riches qui donnent le plus d'argent de poche). Pas étonnant si tout cela donne l'impression d'une ma­gie. On se retrouve au pays des souhaits, où c'est une fée, un lutin, qui décident ce que vous aurez, sans que la raison intervienne. On est plongé dans un infantilisme qui est le résultat paradoxal d'une société industrielle fondée sur le calcul rationnel, l'effort, l'effi­cacité. Les biens essentiels en sont d'ailleurs dévalués. Hier, on n'aurait pour rien au mon­de jeté du pain. Un croûton était respecté, parce qu'il re­présentait la céréale divine. Personne ne sait plus cela. On jette, on gaspille, parce qu'on croit vaguement que tout est indéfiniment remplaçable, qu'il n'y a pas de limites à ces ri­chesses-là : il suffit de trouver le distributeur. 40:260 #### *Le chapeau et la cravate* Imaginez la scène. Nous sommes en 1940, année tragi­que. A Versailles, le préfet, Robert Billecard, homme d'in­telligence et de caractère, se débat presque seul au milieu de difficultés immenses. Un matin où il doit partir pour Étampes, son adjoint, Michel Junot, s'apprête à le rejoindre dans la voiture quand il est arrêté par une remarque sè­che : « Vous ne pensez pas, je suppose, partir dans cette tenue ? » Junot, déconcerté, examine la manière dont il est vêtu. Et le préfet, agacé, re­prend « Où est votre cha­peau ? » Il était inconcevable à ses yeux que l'on puisse se pré­senter tête nue. Et répétons-le, R. Billecard était un homme de grande valeur. C'est Michel Junot, aujourd'hui médiateur de Paris, qui raconte cette his­toire dans son livre charmant et véridique *L'Illusion du bonheur* (éd de la Table ron­de). C'était il y a quarante ans. Des détails de ce genre permettent de mesurer ce qui sépare deux époques. Nous aurions tort de nous étonner trop fort. Les hommes se sont depuis démunis du chapeau, accessoire vesti­mentaire qui avait d'ailleurs son utilité, protection contre le soleil, le vent et la pluie. Ils ne sont toujours pas dé­barrassés de la cravate, orne­ment ridicule, nœud coulant qui les étrangle, tissu qui pend bêtement sur la poitrine et par-dessus le marché ne sert strictement à rien. Il y a là une forme de féti­chisme. Dans un certain nom­bre de professions, impossible de se passer de cet appendice. Un candidat sans cravate ne se fera pas embaucher, et après vingt ans de loyaux ser­vices, un homme fera scandale et sera soupçonné de vouloir partir avec la caisse s'il se présente chemise ouverte ou avec un polo à col roulé. Sans doute, la domination de la cravate n'est plus aussi ab­solue qu'elle le fut. Mais elle reste immense. Les extrava­gances de mai 68 n'avaient peut-être pas d'autre ambition réelle que d'abolir ce carcan. Ce fut l'échec. Les cols Mao ou les cols roulés tentèrent une percée un moment réussie, mais ne tardèrent pas à reculer, à renoncer. 41:260 La cravate est restée l'insigne de l'homme sérieux, responsable. On ne pénètre pas sans elle dans un certain nombre de lieux honorables, des palais des fonctionnaires aux grands restaurants. Il a fallu deux guerres mondiales, des révolutions plus ou moins complètes, la bombe atomique et les voyages dans la lune pour que les chapeaux s'envolent et que les guêtres tombent. Mais les hommes sont toujours tenus en laisse par leur ruban bizarre, sym­bole de l'esclavage à l'égard des idées reçues. Ils font pen­ser au chien de la fable, qui gardait la trace du collier. « Attachés ? dit le loup ». Nous aussi nous sommes atta­chés. #### *Magie technique et séduction* Nous avons des escalier roulants pour monter les étages sans fatigue, et aussi de portes à œil électronique qui s'ouvrent toutes seules. Pour quoi prend-on tant de soin ; pour nous éviter les efforts C'est vrai que la vie dans les villes est fatigante, mais on n'y souffre pas en général d'un excès d'exercice musculaire Ce sont plutôt les nerfs qui sont éprouvés. On peut avoir une idée de ce qui se passe en comparant ascenseurs et escaliers roulants. On trouve les deux appareils dans les grands magasins et ils remplissent le même office : faire parcourir les éta­ges sans remuer les jambes. Il y a quand même une diffé­rence. Incontestablement, l'es­calier roulant est plus amu­sant. Au lieu d'être enfermés et pressés dans une cage où l'on ne voit que les parois d'une cellule, les clients sen­tent qu'ils s'élèvent, et leur regard s'étend au loin. Ils voient s'enfoncer sous eux les présentoirs et les objets de l'étage qu'ils quittent. Ils do­minent un monde qui s'éloi­gne, ils accèdent à un autre étage, à un autre état. Cette ascension où l'on est immo­bile, souverain, ressemble à une apothéose. Grimper, qui est si pénible, devient une opération de majesté. 42:260 Pour l'ouverture électroni­que des portes, on ne peut vraiment pas dire qu'elle épar­gne une fatigue. Le but est donc différent. Vous avancez et deux panneaux de verre s'écartent devant vous pour vous livrer passage. Il est clair qu'en cet endroit, vous avez vos entrées, comme on dit. Vous voilà à la fois reconnu (pas besoin de frapper, de don­ner son nom) et honoré. C'est comme si l'on vous disait : vous êtes chez vous. Rien de plus flatteur. Des serviteurs invisibles sont là pour vous attendre et pousser quand il le faut les panneaux de la porte. Et il est vrai que la tech­nique a mis à notre disposi­tion toutes sortes de serviteurs qui chauffent l'eau, apportent la lumière, lavent le linge, nous font voir ce qui se passe à l'autre bout du monde ou rouler à cent vingt à l'heure. Nous finissons par les oublier, sauf pour nous plaindre d'eux quand ils ne font pas leur tra­vail. Nous sommes habitués à la puissance, comme un riche Romain entouré de mille es­claves. Et cette puissance est magique, d'abord parce que nous l'expliquons mal. Qui sait comment fonctionnent un fri­go, une télé ? On l'apprend et on l'oublie. On se contente de pester quand il faut appe­ler le réparateur. Puissance magique aussi parce qu'elle ajoute au service le plaisir. La porte automatique est un bon exemple. Elle nous flatte. Elle nous dispose donc favo­rablement envers l'hôte qui nous accueille si bien et re­connaît notre importance. Cet hôte, c'est une banque, ou un magasin aussi rempli de ri­chesses que la caverne d'Ali Baba. Et nous n'avons même pas besoin de dire « Sésame, ouvre-toi ». On nous attendait. De même nous sommes heu­reusement impressionnés par l'ascension due à l'escalier mécanique. Nous accédons à l'étage cherché dans l'eupho­rie. Dans les deux cas, il y a une entreprise de séduction. A l'éclat des objets qui nous accueillent, à leur élégance, il faut ajouter une musique ber­ceuse qui nous maintient dans le rêve. Nous arrivons *enchan­tés.* Bien sûr, la caverne ne livre pas ses trésors pour rien, à nous de ne pas l'oublier. Les petits cartons avec les prix sont là pour nous ramener sur terre. Mais la magie a joué. Il semble que le but de notre technique est de remplacer la nature par un monde où tout est facile, tout est offert. Com­me dans les jardins des con­tes, où l'on ne voit jamais bê­cher ou arroser, mais où les fruits pendent, en toute saison, à portée de la main. La tech­nique, en ce sens, nous don­nerait un monde où il n'y a qu'à cueillir, où il n'y a rien à faire. 43:260 Rien à faire ? Ce n'est pas souhaitable : on le comprend quand on voit que les gens écoutent leur radio, mais ne chantent plus. La radio chan­te pour eux, et mieux qu'eux (on veut bien le croire). Pour­tant, il vaudrait mieux qu'ils ferment leur appareil et pous­sent leur chansonnette, même faux. #### *Mythologie* Le mot histoire a pris une nouvelle signification, du jour où avec la philosophie alle­mande, on a pensé que l'his­toire a un sens, qu'elle est le juge des actions des hommes. Dans l'esprit de beaucoup cet­te notion est devenue ceci l'histoire est une sorte de dées­se, qui représente le destin. Mystérieusement, l'histoire dé­crète, tranche, mais elle peut aussi s'absenter, malgré les prières des militants. Exemples. I. -- Un professeur de let­tres, rocardien, à Carmaux, dit : « *L'histoire n'avance pas toujours aussi vite qu'on le voudrait *» (Voir *Le Monde* du 11.11.80). II\. -- Dans l'avion qui le ramène du Caire, après l'en­terrement de Sadate, Mitterrand parle avec des journalistes. Il leur dit que la mort de Sadate était inscrite « *dans la dialectique de l'Histoire *» car « *tant de gens et d'organisations l'avaient souhaitée que le chemin en était déjà frayé *» (*Le Monde,* 13.10.81). Il faut croire que le chemin n'avait été frayé ni pour Hitler, ni pour Staline, ni pour Gengis Khan. III\. -- A l'Assemblée nationale, Vouillot, député du P.S., déclare : « *1936... 1981, l'histoire reprend son cours *» (*Le Monde,* 21.11.81). Ce dernier exemple est celui qui me plaît le plus. Ainsi l'histoire marche ou s'arrête, coule ou gèle selon que la gauche est au pouvoir ou non. Entre 36 et 81, nous étions en panne d'histoire, malgré la guerre mondiale, la bombe atomique, la décolonisation, etc. L'histoire est donc une déesse bizarre, qui ne vit, ou n'apparaît dans la vie des hommes, que lorsque la gau­che est au pouvoir. Son action est alors très forte : elle ac­complit les volontés de la gau­che. Si celle-ci perd le pouvoir, l'histoire s'envole dans les nuages, et tout ce qui peut arriver alors n'est qu'une sui­te d'accidents sans significa­tion, donc sans portée. Non avenus, véritablement. Tout au plus, pendant ce temps, les prêtres de l'histoire, c'est-à-dire les dirigeants de la gau­che, peuvent-ils dire ce que l'histoire ferait, ce qu'elle fera fatalement un jour. De même les tribus primi­tives croient-elles que les hom­mes des autres tribus sont des fantômes, de faux hommes, qui feignent de chasser, de chanter ou de manger, qui fei­gnent de parler. Ils ne *sont* pas vraiment. Et l'histoire qui se fait hors de la gauche est une fausse histoire, qui ne compte pas. L'assassinat de Jaurès est un crime, non pas, comme vous et moi le pen­sons, parce qu'il est un assas­sinat, mais parce qu'il contra­rie les desseins de l'histoire. Celui de Sadate est au con­traire inscrit « dans la dialec­tique de l'histoire », ce qui fait qu'il est certainement beaucoup moins coupable, et peut-être pas coupable du tout. Georges Laffly. 45:260 ### Pour les jeunes artistes VII\. -- Histoire de l'art par Bernard Bouts Il paraît qu'on n'étudie plus l'histoire dans les écoles des Beaux-Arts brésilien­nes, serait-ce possible ? Rempla­cée, me dit-on, par la psycholo­gie de l'art. Je croyais au con­traire que l'histoire -- addition­née sans doute de psychologie, de philosophie et même d'un peu de chimie de la couleur -- était la seule chose que puisse enseigner un professeur, le res­te, c'est-à-dire tout, ne pouvant que se repasser de maître à élè­ve, sur le tas. Tout cela n'est pas facile. Les professeurs de dessin ne for­ment guère que d'autres profes­seurs de dessin et finalement tout tourne en rond sans grand profit pour la création ; et je comprends jusqu'à un certain point les esprits indépendants qui veulent faire table rase du passé dans l'espoir de percer le cercle vicieux pour se retrou­ver sur leurs pieds et non sur ceux des autres. 46:260 Mais voilà, qui dit qu'ils pourront seuls repenser et réap­prendre ne serait-ce que les techniques matérielles ? et puis, auront-ils le courage et la pa­tience de se plier à une disci­pline personnelle d'apprentissa­ge comme font les musiciens (et les sportifs), dans un art où l'on est à la fois créateur et exécu­tant ? Enfin la technique intel­lectuelle, qui est la vision du chemin à parcourir, n'est pas toujours claire ; ne risquent-ils pas de se tromper de route plu­sieurs fois dans le labyrinthe ou le jeu d'échecs de la pensée ap­pliquée avant de trouver la vé­rité ? Qu'on ne vienne pas me re­battre les oreilles avec le lieu commun : « à chacun sa vé­rité ». Rien n'est plus faux en art, malgré les manières très di­verses et des résultats en ap­parence différents. L'essentiel est de garder, respecter les cons­tantes, sortes de lois naturelles, dont la principale est *l'expres­sion par la forme* et non pas par les gesticulations ou les ex­pressions psychologiques. Un certain statisme est nécessaire pour parler des valeurs de l'âme ; la civilisation n'est rien d'autre que de placer très haut ces valeurs. Ni les cris, ni les impressions, ni les sensibilités, ni les surcharges, ni les grâces, ni les ombres douteuses, ni les révoltes ne retrouveront les va­leurs dont je parle. Il est bon de le savoir, et puis il faut un don. Sans les con­naissances le don risque d'être mal servi, mais sans le don les connaissances risquent d'être mal traitées. Enfin il faut l'amour : l'amour du travail soi­gné, l'amour de la réussite, et l'amour du travail en soi : car il ne faudrait pas croire que ce soit toujours amusant de pein­dre, et une personne qui n'est pas habituée au travail, quel qu'il soit, aura tendance à bâ­cler ce qui l'ennuie. Telles sont en quelques mots les données essentielles de l'art et je ne développerai pas, sa­chant de longue date que si on ne comprend pas ces premières données, grosso modo, on ne comprendra pas mieux les dé­tails, mais si vous les compre­nez, il suffit. Tout ce que je viens de dire s'adresse à ceux qui peignent plutôt qu'à ceux qui regardent. Comment ces derniers doivent-ils regarder ? Il y a une infinité de livres et de manuels pour répondre à ces questions, géné­ralement compliqués comme des grammaires mais sans choix, dans leur souci de rester libé­raux, à tel point qu'ils placent sur un même niveau les œuvres savantes et les enfantillages, nous faisant prendre à longueur de chapitres des vessies pour des lanternes. Ce sont la plu­part du temps des nomenclatu­res, des classifications arbitrai­res où sont recherchées avant tout les influences et les raisons, et nous sourions de voir com­me il leur arrive de passer à côté. A côté de quoi ? Mais, à côté de ce qui s'est passé ! La réalité des faits échappe facilement aux intellectuels, mais hélas, il faut convenir que ce ne sont pas souvent les artistes d'aujourd'hui qui pourront don­ner des indications sur les sour­ces de leur inspiration et les raisons de leur choix. 47:260 Je veux dire finalement que hors quelques directives, quel­ques lois de caractère général, quelques concepts inhérents à l'art, on n'explique pas l'art, qui reste imprévisible comme les mouvements de l'esprit. Nous pouvons multiplier et af­finer nos connaissances, nous pouvons parfois, à l'extrême, raisonner des détails de propor­tions, ou des rapports de cou­leurs, mais enfin c'est *la lon­gue pratique du métier* qui compte et, pour le spectateur, *la fréquentation des œuvres de qualité.* J'ai vu en France que même les personnes qui ne s'y connaissent pas en vins boivent du vin. C'est leur droit de s'émoustiller mais ce n'est pas eux qui feront augmenter la qualité du vin. J'ai vu aussi des gens, beaucoup de gens à vrai dire, qui, après vous avoir an­noncé qu'ils ne connaissent rien en art, vous étalent leurs goûts et, non contents d'opiner, ju­gent péremptoirement des œu­vres et des ouvriers sur la base de leurs connaissances réduites. C'est un peu court, mais cela fait partie du libéralisme géné­ral. On a cru, il y a peut-être encore des gens qui croient au progrès de la civilisation par le libéralisme et par le suffrage universel, et pourtant, sans vou­loir me fourvoyer dans les po­litiques ou dans les mathéma­tiques ou les informatiques, je me permets, après cinquante ans de navigation dans le ba­digeon et dans les milieux d'art et les problèmes de l'art, d'in­sinuer que la culture artistique (et la civilisation à laquelle elle contribuait) ne montera ni par le vote populaire, ni par les ouvrages de divulgation, mais par la qualité d'âme des créa­teurs. Le peuple s'y reconnaîtra et suivra. Mais alors, ne faudrait-il pas commencer par éliminer les im­posteurs et les commerçants ? Ceci me semble un problème insoluble, aussi bien dans les pays capitalistes que dans les pays collectivistes, tant qu'on n'arrivera pas à reformer un système corporatif, qui était au­trefois ce qui se faisait de mieux, ou de moins mal, pour mettre en valeur les ouvrages valables. Bernard Bouts. 48:260 ### Le roman des prénoms *Jean* par François Sentein *La préface à ces études de François Sentein a paru dans notre numéro 255 de juillet-août* 1981* :* « *Raisons et roman des prénoms. -- De la liberté des noms des enfants de Dieu. -- Du prénom propre au nom commun. *» JEAN*,* contraction du médiéval *Jehan,* est parvenu au français par la forme latine et grecque *Iohannès,* qui transcrivait l'hébreu *Yehôhanan,* contracté en *Yôhânân,* et signifie « Donné par Dieu, Cadeau de Dieu ». Le même sens est rendu par les noms grecs Théodore et Théodora. Si à Byzance et en Russie ces deux noms connurent le succès (Feodor\>Fiodor Dostoïevski), en France ils n'évoquent qu'une pièce de Courteline et une comédie améri­caine : *Théodore cherche les allumettes* et *Théodora devient folle.* Merci pour le cadeau ! pensent Théodore et Théodora. 49:260 Cependant que dans tous les pays Jean devait à travers les siècles connaître un destin fabuleux. Imprimées à la queue leu leu en petits caractères, les formes, officielles et familières, qu'il prit dans toutes les langues du monde -- de l'arabe (*Yahya*) au chinois -- prendraient la place de plusieurs de ces articles. Porté par la brise biblique, puis par le souffle de l'Évangile et le vent de l'Islam, ce nom a pris une ampleur cosmique. Le Messie aura été annoncé par Jean le Prodrome, qui a sa fête au solstice d'été ; révélé par Jean l'Évangéliste que l'on honore au solstice d'hiver. Au moment même (XII^e^ siècle) où le nom de Jean étendait à l'occident le règne qu'il avait établi en orient, l'observation de cette symétrie ne tombait pas dans le tympan d'un aveugle. Je veux parler du tympan du portail central de Vézelay où le Christ siège au centre, au-dessus du Baptiste, tronc coupé du nouvel arbre de vie, entre ses douze apôtres représentés dans leurs actes et parallèlement aux travaux des douze mois de l'année, cependant que les actes du douzième, Jean l'Évangéliste, se dé­roulent dans l'arc du cintre, comme si la parole de Dieu pénétrait le calendrier. Sur le retable d'Isenheim, Mathias Grunewald a représenté le Baptiste et l'Évangéliste soutenant Marie de part et d'autre de la Croix -- dont la verticale figure le temps, pour la réflexion symboliste, et l'horizontale, l'espace. Le nom de Jean pullulait sur la terre et, levait-on les yeux, le ciel était plein de saints Jean. En 1636, Jean N..., jésuite de Prague, pouvait établir une « Année de Jean » où il indiquait pour tous les jours de l'année un saint Jean ou une Saint Jean. Jean n'est plus un prénom ; c'est le prénom. Sa puissance de vie est telle que lorsqu'il fut galvaudé, sa façon de se requinquer fut de mettre son énergie prénominante au service des prénoms victimes de la mode. La générosité de son sang fait toute sa fortune ; c'est le prénom prolétaire. Dans les premiers manuscrits des *Misérables* Jean Valjean était encore Jean Tréjean, c'est-à-dire, dans l'esprit de Victor Hugo, Jean trois fois Jean, trois et quatre fois misérable... Jean Arthur Rimbaud ne voulut se connaître qu'Arthur. Aujourd'hui Arthur ne serait plus avouable qu'accompagné de Jean. Depuis que les prénoms ne sont plus choisis que pour leur charme, ils cessent vite d'enchanter et meurent de plus en plus jeunes. Heureusement la mode des doubles prénoms -- forme de la surconsommation, qui, au temps des doubles cafés et des doubles whiskies, double le plaisir de nommer qui l'on aime -- permet de transfuser à ces natures fragiles le sang d'un gaillard de village, lequel est presque toujours Jean. Certains lui ont dû de subsister : Jean-Clet, Jean-Roch. 50:260 Il impatronise n'importe quel autre aussi bien que les grands noms déjà liés à lui entre le Précurseur et l'Évangéliste : avec Jean-Jacques, Jean-Pierre, Jean-Marc et surtout Jean-Marie, qui s'est formé au pied de la Croix. Marie joue pour les prénoms doubles des filles le même rôle que Jean pour ceux des garçons. Ce sont les donneurs universels. François Sentein. 51:260 ### Teilhard à Notre-Dame par Louis Salleron L'ANNÉE 1981 aura été marquée, sur le plan religieux, par deux événements : le Con­grès eucharistique international de Lour­des et la célébration du centenaire de la naissance de Teilhard de Chardin. En ces deux occasions, la théologie du nouveau christianisme se sera affirmée avec éclat. L'avenir dira si ceux qui s'y montrent rebelles ont tort ou raison. Nous pen­sons qu'ils ont raison. Ce qui reste d'ambiguïté dans la religion nouvelle permet d'en discuter. Mais l'ambiguïté fait place de plus en plus à une parfaite clarté. L'Église ne pourra tarder bien longtemps à dire où est le vrai et où est le faux. Le doute, à nos yeux, est impossible : le christia­nisme post-conciliaire est incompatible avec le Credo de la Tradition. L'évolution du monde n'y changera rien. \*\*\* 52:260 Laissons ici le Congrès de Lourdes. C'est de Teilhard que nous voulons parler. On connaît les panégyriques qu'ont fait de lui le cardinal Casaroli, le P. Arrupe et le P. Madelin ([^3]). Il faut maintenant y ajouter celui du P. Martelet, dans la conférence qu'il fit à Notre-Dame de Paris, le 20 septembre 1981. On en trouve le texte intégral dans la *Documentation catholique* du 6 décembre (n° 21). De l'œuvre religieuse de Teilhard, le P. Martelet retient « la vision qu'il développe du Christ universel » et montre comment cette vision « éclaire quelques grands éléments du mystère chrétien ». Le dessein est légitime. Surnaturelle ou non -- et celle de Teilhard, purement naturelle, est poétique, à partir d'élé­ments scientifiques, philosophiques et théologiques -- une vision peut projeter des rayons de lumière sur le mystère uni­versel. En l'espèce, puisqu'il s'agit du Christ et du mystère chrétien, elle peut effectivement, par le flot d'images qu'elle véhicule, amener des esprits, croyants ou incroyants, à s'in­terroger sur les certitudes simples avec lesquelles ils vivent habituellement. Au terme, le résultat de leur réflexion est im­prévisible. Car si, profondément influencés par Teilhard, ils épousent sa foi religieuse, auront-ils, croyants, redécouvert ou perdu la foi catholique, incroyants, l'auront-ils découverte ? Ce qui revient à poser la question de fond : la foi personnelle de Teilhard est-elle *objectivement* catholique ou non ? Si, comme nous le pensons, elle ne l'est pas, son influence ne peut être globalement que néfaste -- comme elle est, selon nous. Concrètement, cependant, les effets de l'influence de Teilhard doivent être moins appréciés en fonction des indi­vidus que des *milieux sociaux* intéressés. Par exemple, des ingénieurs catholiques mal-croyants et peu pratiquants peu­vent redevenir, au contact de Teilhard, d'excellents catholiques parce qu'il aura levé chez eux l'hypothèque du scientisme athée et que la petite gnose subjective qu'ils en tireront se logera sans difficulté dans la foi de leur baptême. 53:260 A l'inverse, des milieux de théologiens, d'exégètes, de séminaristes, de philosophes, impatients d'une orthodoxie à laquelle se heur­tent leurs intuitions et leurs doutes, risquent de trouver chez Teilhard l'audace libératrice qui, non seulement leur garantira l'authenticité de leur foi, mais la lancera à la conquête du monde. C'est, en effet, ce qui est arrivé. On nous a dit et redit que Vatican II confirmait les intuitions prophétiques du précurseur. On nous dit et on nous répète que l'Église post­conciliaire est celle qu'il avait annoncée. Le centenaire du nouveau Jean-Baptiste est l'occasion des louanges sans réserve du cardinal Casaroli et des RR.PP. Arrupe et Madelin. Au­jourd'hui le P. Martelet va plus loin en célébrant, sur le mode théologique, « *une œuvre religieuse dans laquelle se trouvent réunies la force inébranlable des certitudes de la foi et la beauté de l'expression *»*.* Les théologiens nous diront ce qu'ils en pensent. Pour nous, certaines choses nous sont claires. Le P. Martelet, pour mettre en forme les illuminations théologiques de Teilhard, part de sa vision du « Christ universel ». C'est, si l'on ose dire, le bon créneau, car c'est celui où la gnose paulinienne cautionne le mieux, en apparence, la gnose teilhardienne. « Sans la vision qu'il a du Christ universel, écrit le P. Martelet, Teilhard demeure inexplicable comme penseur chré­tien. » « *Le Christ universel, tel que je le comprends,* nous dit-il (Teilhard), *c'est une synthèse du Christ et de l'univers* (IX, 146). » ([^4]) L'ambiguïté apparaît immédiatement. Quel peut être ce Christ qui est une synthèse de lui-même et de l'uni­vers ? Quel sens peut-on donner au mot « synthèse » ? Quelle différence y a-t-il entre le « Christ » et le « Christ universel » ? Notons ici une réflexion étrange du P. Martelet. Il estime que « les affirmations de saint Paul et des Épîtres de la captivité sur le règne cosmique du Christ allaient pour ainsi dire de soi » quand « l'espace et le temps demeuraient des grandeurs à la portée de l'homme » ; mais depuis Copernic et ses successeurs, depuis que dans l'immensité de l'univers galaxique notre histoire semble se noyer, « se noie du même coup, ou semble se noyer, l'importance cosmique du Christ qui, de sa Galilée natale, ne peut plus contrôler, nous dit-on (?), ce nouvel univers... C'est à ce point précis que Teilhard inter­vient ». 54:260 Ce porche dressé au Christ « universel » étonne encore plus qu'il ne scandalise. Quoi ! ni le Paul des rives de la Méditerranée, ni le Christ de la Galilée ne pouvaient concevoir l'immensité cosmique ? Laissons le vrai Dieu pour ne retenir que le vrai homme qu'est Jésus (Christ) : ni son intelligence, ni sa conscience, ni son intuition mystique -- sa « vision » personnelle -- n'ont eu contact avec le Dieu infini que chante l'immensité des cieux ? L'infini est plus infini et l'immensité plus immense depuis Copernic, Newton et Einstein ? Teilhard doit être loué pour avoir voulu faire le Christ plus grand, pour l'avoir « immensifié » ? On demeure confondu. C'est pourtant bien cette observation (psychologique) qui guide le P. Martelet dans la reconstruction savante qu'il fait de la théologie teilhardienne concernant l'Incarnation, l'Eucha­ristie et la Parousie. L'*histoire* de l'homme étant « immensifiée » en *évolution,* le Christ universel dévore le Christ messianique. Le temps de l'histoire devient celui de l'évolution. Les faits de l'histoire deviennent les épisodes figuratifs de la courbe de l'évolution. L'épiphanie du Christ historique s'efface devant la « diaphanie » du Christ cosmique. On imagine ce que peuvent devenir, dans une telle vision, la création du monde et celle de l'homme, le premier et le nouvel Adam, le péché originel, le problème du mal et celui de la mort, la transsubstantiation et la présence réelle, le re­tour sur la terre du Fils de l'homme ! Pour en juger, il nous faudrait reproduire l'article entier sous peine d'être accusé de choisir nos citations -- comme toutefois le P. Martelet choisit les siennes, déjà terriblement significatives mais qui le seraient bien davantage si on les rapprochait de mille autres passages infiniment plus éclairants de la pensée profonde de Teilhard. Je ne peux là-dessus que renvoyer à mon petit livre *Contre Teilhard de Chardin* (Berger-Levrault 1967). Un mot pour finir. Le P. Martelet écrit que « c'est en grande partie à Teilhard que l'on doit ce regain d'optimisme devant la fin du monde, que justifie l'ensemble du Nouveau Testa­ment ». Le mot « optimisme » est bien déplacé pour parler de la fin du monde. C'est la crainte et l'espérance -- l'Espérance théologale -- qui sont en question. Quant à dire que de Teilhard « émanait l'impression du bonheur », c'est une im­pression toute personnelle. Un autre jésuite, le P. Ravier, nous invitait, lui, à « découvrir de quel fond d'angoisse, de quel vertige intérieur ressurgissent ce que l'on appelle d'un mot fort ambigu l'optimisme de Teilhard de Chardin et sa foi dans le monde. 55:260 De l'inutilité humaine de certains échecs, de la souf­france, de la mort, de tout ce qu'il nomme les passivités de diminution, il eut toujours un sens panique. Mais plus encore, c'est l'existence elle-même qui le remplit d'effroi » ([^5]). Quoi qu'il en soit, c'est un fait que le *Monitum* du 13 juillet 1962 par lequel le Saint-Office mettait en garde contre les œuvres de Teilhard (qui « *fourmillent de telles ambiguïtés et même d'erreurs si graves qu'elles offensent la doctrine catho­lique *») est aujourd'hui gommé. L'Église post-conciliaire est teilhardienne. Les voûtes de Notre-Dame ont consacré sa canonisation. Louis Salleron. 56:260 ## TEXTE ### Le programme en quelques siècles Un livre d'Alain Bourdon (collection Poètes d'aujourd'hui, éd. Seghers) vient de remettre en circulation des poèmes d'Ar­mand Robin. En même temps, on a sur lui deux numéros des *Cahiers bleus* (rue Champeaux, à Troyes, 10000) et un cahier *Plein Chant* (Bassac, 16120, Châteauneuf-sur-Charente). Les poètes, aujourd'hui, personne ne les écoute. Les anarchistes comme Robin (je ne parle pas des anarchistes fonctionnaires, officiels) on s'en gare. Et c'est encore pire quand ce mur du silence est percé, juste le temps qu'une cause en vogue s'approprie un héros : nous aurons bientôt, sans doute, un Robin mis au service du régionalisme gauchiste. (Il était Breton, n'apprit le français qu'à six ans ; fils d'un père très pauvre, il put faire de brillantes études, mais ne s'accommoda pas de la vie universi­taire ; il voulut être homme de partout et traduisit des poèmes de vingt-cinq ou trente langues ; il mourut en 1961, à l'infirmerie du dépôt, assassiné, peut-être.) Ce qui compte surtout, c'est qu'il fut un vrai poète, avec sa voix propre, rugueuse et fraîche, inimitable. Et que ce révolté avait compris tous les pièges, et que la Révolution est destructrice de l'homme qu'elle prétend « libérer ». 57:260 Voici l'un des *Poèmes indésirables,* édités en 1946 par la Fédération anarchiste, réédités en 1979 par « Plein-Chant ». On y trouvera l'image de notre histoire intellectuelle et spirituelle, et du gigantesque retournement des derniers siècles. A partir du moment où l'homme se sent grand garçon -- on dit : adulte -- il renie toute relation au divin, toute intercession. Il ne veut plus penser qu'à sa propre force, il se glorifie d'être seul : la Frater­nité lui paraît supérieure à l'Amour, la justice à la Charité. Il refuse ce détour par Dieu. Un temps, on a vécu ainsi d'un reflet. Et maintenant, le reflet même évanoui, on reste dans la nuit, la tyrannie, le rien. Georges Laffly. *On supprimera la Foi* *Au nom de la Lumière,* *Puis on supprimera la lumière.* *On supprimera l'Âme* *Au nom de la Raison,* *Puis on supprimera la raison.* *On supprimera la Charité* *Au nom de la justice,* *Puis on supprimera la justice.* *On supprimera l'Amour* *Au nom de la Fraternité,* *Puis on supprimera la fraternité.* *On supprimera l'Esprit de Vérité* *Au nom de l'Esprit critique,* *Puis on supprimera l'esprit critique.* 58:260 *On supprimera le Sens du Mot* *Au nom du Sens des mots,* *Puis on supprimera le sens des mots.* *On supprimera le Sublime* *Au nom de l'Art,* *Puis on supprimera l'art.* *On supprimera les Écrits* *Au nom des Commentaires,* *Puis on supprimera les commentaires.* *On supprimera le Saint* *Au nom du Génie,* *Puis on supprimera le génie.* *On supprimera le Prophète* *Au nom du Poète,* *Puis on supprimera le poète.* *On supprimera les Hommes du Feu* *Au nom des Éclairés,* *Puis on supprimera les éclairés.* *On supprimera l'Esprit* *Au nom de la Matière,* *Puis on supprimera la matière.* AU NOM DE RIEN ON SUPPRIMERA L'HOMME ; ON SUPPRIMERA LE NOM DE L'HOMME ; IL N'Y AURA PLUS DE NOM. NOUS Y SOMMES. Armand Robin. 59:260 ## NOTES CRITIQUES ### Somme théologique : après la désaffection, le ratage (volontaire ?) *Avis utile à tous les acheteurs\ du dernier volume paru* L'édition française de la Somme théologique de saint Thomas, qui était autrefois dite « de la Revue des Jeunes », et qui est souvent encore désignée sous ce nom, a commencé à paraître par petits volumes en 1925. Elle portait alors la mention : « Éditions de la Revue des Jeunes. Desclée et Cie, Paris, Tournai, Rome ». Elle la porta jusqu'en 1953. A partir de 1954, les nouveaux volumes se présentèrent comme une co­édition de Desclée et des Éditions du Cerf, on ne vit plus mentionner la « Revue des jeunes », sauf dans le copyright de quelques rééditions. Enfin, depuis l'année dernière, Desclée a disparu à son tour, les Dominicains des Éditions du Cerf sont maintenant le seul éditeur. Quoi qu'il en soit de ces avatars, les Dominicains français (ou plus spécialement, semble-t-il, ceux de l'une des trois « provinces » dominicaines françaises, la province de Paris, dite « province de France », les deux autres étant celle « de Lyon » et celle « de Tou­louse ») sont depuis le début les maîtres d'œuvre et les artisans de cette publication. En plus d'un demi-siècle, ils n'en sont pas encore arrivés à bout ; leur traduction française de la Somme théologique n'est toujours pas terminée. Il est vrai que leur piété filiale et même leur intérêt intellectuel pour saint Thomas d'Aquin sont allés en décroissant surtout depuis 1950, et que maintenant leur désaffection est à peu près complète. 60:260 D'autre part le contenu et la méthode de ces petits volumes ont évolué : c'était avant la guerre une édition manuelle, pratique, précieuse avec un minimum de « notes explicatives » et de « renseignement techniques » (parfois très remarquables, presque toujours honnêtes et sûrs) ; depuis la guerre cette collection s'efforce de devenir une édition savante. Ce changement saute aux yeux lors des rééditions : le traité de la vertu de prudence, première édition de 1925, avait 298 pages ; la seconde édition, qui est de 1949, en comporte 556. Ce n'est pas le texte de saint Thomas qui s'est allongé, ni la dimension des caractères d'imprimerie qui a augmenté. Ce sont les commentaires, de plus et plus érudits, qui manifestent une croissance démesurée. Ceux du Père T.H. Deman sur la prudence sont au demeurant de première qualité Mais la nature même de la collection s'est modifiée. Une évolution tout à fait analogue se remarque chez Gallimard pour la collection dite de la Pléiade. C'est une mode. Elle a son côté sérieux et utile. Elle a aussi de plus en plus, son côté pédant, et sa chute progressive vers l'insignifiance et la stérilité. Dans le traité de la loi, les questions 106 à 108 de la prima-secundae, concernant *la loi nouvelle,* n'avaient jamais encore été publiées dans cette collection. Le volume vient de paraître, sous ce titre, au mois de novembre, la traduction française et les commentaires sont du Père Jean Tonneau. Mais voici le ratage. A moins que ce ne soit un sabotage. Le livre est sorti des presses sans que l'auteur ait pu voir les secondes épreuves (avec pagination chiffrée) et sans qu'il ait donné le bon à tirer. Il en est réduit à reprographier et distribuer lui-même un petit cahier intitulé *La loi nouvelle, corrections et compléments,* où l'on peut lire : « *Il reste dans l'ouvrage plusieurs fautes d'impression* (*...*) *dont quelques-unes sont insolubles pour le lecteur.* « *Surtout, il y manque la table analytique et l'index des auteurs et ouvrages cités qui méritaient, selon l'Avant-propos, un soin particulier, et que je ne pouvais terminer que sur épreuves mises en pages.* « *Pour remédier dans une trop faible mesure à ce fâcheux contre­temps, je propose aux lecteurs studieux qui m'en feront la demande ce petit fascicule de corrections et de compléments. *» Avis est donc donné aux acheteurs du volume sur *La loi nouvelle* qu'ils demandent ce petit cahier dactylographié au P. Jean Tonneau, en lui écrivant 5, avenue de la République, Le Mesnil-Le-Roi, 78600 Maisons-Laffitte. 61:260 Si les Dominicains des Éditions du Cerf n'étaient pas, depuis des années, tombés aussi bas ; si, à défaut de la doctrine traditionnelle, ils avaient au moins gardé les vertus naturelles de leur métier d'éditeurs, l'honneur professionnel et le respect du public, ils auraient imprimé eux-mêmes les « corrections et compléments » du P. Tonneau, pour les donner à tout acheteur du volume. Mais de telles considérations ne peuvent sans doute plus, là où ils en sont aujourd'hui, que les faire ricaner. J. M. ### Autour de l'argument ontologique On appelle argument ontolo­gique celui qui entend prou­ver l'existence de Dieu par l'idée d'un être parfait que nous tirons de notre imperfection. Cet argu­ment est classiquement considéré comme non valable pour la raison que l'idée d'un être parfait n'im­plique pas nécessairement son existence. Cette contestation de l'argument ontologique ne m'a jamais con­vaincu. Je me souviens fort bien que dès la classe de philosophie j'opposais à mes professeurs qu'on ne pouvait prouver l'existence in­visible qu'à partir de l'existence visible et que mon existence m'était plus certaine encore que celle du cosmos. Tout raisonne­ment est d'ordre intellectuel. Si on le refuse sur l'idée de perfec­tion, on doit le refuser sur l'idée de cause. Indirectement, le refus de l'argument ontologique revient au kantisme. Depuis l'époque lointaine de mon adolescence, je n'ai guère évolué sur ce point. Mon évolution a été autre. C'est le Mystère qui s'impose à moi. Que le Dieu des savants et des philosophes soit aussi le Dieu des chrétiens, sans doute, mais au plan de la science et de la philosophie. Le Dieu tri­nitaire, incarné, rédempteur, celui donc de la Révélation est, dans son mystère, sans commune me­sure avec lui. Je lis les philosophes et les théo­logiens avec intérêt, mais avec méfiance. Ce que je cherche en eux et ce que je retiens d'eux, ce sont, si j'en trouve et qu'elles me paraissent justes, leurs intui­tions. Ce que j'en écarte, c'est leur système. Tout système, philo­sophique ou théologique, est faux en ce sens qu'il tend à évacuer le mystère en l'enfermant dans la raison. A cet égard, nous devons nous féliciter de la mort (toute récente) du scientisme. Mais nous en sommes encore à attendre celle du « philosophisme ». Ce n'est pas que les synthèses scientifiques et philosophiques soient interdites, mais elles doivent être proposées comme hypothétiques et provisoi­res. 62:260 Je me suis expliqué sur tout cela dans mon petit livre « ...Ce qu'est le Mystère à l'Intelligence » (Éd. du Cèdre). Ma position sur Dieu -- le Dieu des savants et des philosophes et le Dieu des chrétiens -- s'exprime dans les quelques lignes suivantes : « *Rappelons-nous ce qu'écrit Simone Weil :* « *La méthode pro­pre de la philosophie consiste à concevoir clairement les problè­mes insolubles dans leur insolubi­lité, puis à les contempler sans plus, fixement, inlassablement, pen­dant des années, sans aucun es­poir, dans l'attente. *» « *Les problèmes religieux rela­tifs à la foi sont par nature inso­lubles. La réflexion philosophique ne peut s'y porter que de la ma­nière indiquée par Simone Weil. Le problème scruté devient ainsi mystère contemplé. La contempla­tion ne résout pas le problème, elle le transmute en mystère. La répon­se nous est donnée par la foi elle-même. *» C'est en somme le *credo ut intel­ligam.* Mais quelle que soit la né­cessité de la théologie en la ma­tière, l'intelligence de la foi nous est rendue plus sensible par les mystiques que par les théologiens, parce que l'intuition mystique est en prise plus directe sur son objet que le raisonnement théologique. Ces considérations me viennent à l'esprit à la lecture de *La contre-réforme catholique* de l'abbé de Nantes (n° 171, novembre 1981). Quand j'ai aperçu, dans un cha­pitre sur « La certitude rassurante de l'être pur » l'inter-titre « L'ar­gument ontologique », j'ai lu aussitôt tout l'article avec la plus grande attention. Il y a à boire et à manger chez l'abbé de Nantes. C'est dans ses pages polémiques qu'il est le meil­leur. Son esprit intuitif et mysti­que y fait merveille et l'outrance, fréquente, ne gêne pas tant elle est évidente. Je suis moins sensi­ble à ses études de fond que je parcours en général plus que je ne les lis. Ces dissertations théolo­gico-métaphysico-scientifiques ont peu d'attrait pour moi sauf, préci­sément, quand j'y rencontre quel­que intuition soudaine qui lance un instant d'éclair dans la nuit profonde du mystère. Dans le cas présent, il s'agit d'une étude de fond. Or, pour une fois je suis totalement d'ac­cord avec elle ; et l'écrivain-né qu'est l'abbé de Nantes lui donne une forme, remarquable. Impossi­ble de résumer l'article ; mais en voici le noyau : « Ontologique, cet argument dépouillé de son masque idéaliste mériterait bien plutôt d'être dé­claré *existentiel* (*...*) « Ce n'est pas *l'idée innée* de perfection, ou d'infini, qui pour­rait me donner à conclure à son existence. C'est le *fait de l'exis­tence,* qui me contraint à penser cette même existence des choses, dégagée de leurs limites, comme existence parfaite, infinie, immen­se, éternelle. Plénière. Si je cher­che un mot qui dise convenable­ment cet Être pur sans le souiller, sans l'identifier à rien d'autre, sans l'enfermer dans quelque dé­finition, je retrouve le Nom que le Dieu de Moïse s'est donné, il y a plus de 3 000 ans, « JE SUIS JE SUIS ». S'il y a existence, il y a Dieu... *Si un être est, l'Être pur est.* Sur la ligne de méditation de l'existence, je ne suis arrêté par aucune barrière et je vais à l'in­fini directement » (p. 9). 63:260 Les italiques sont dans le texte sauf celles des mots « *Si un être est, l'Être pur *» qui sont miennes. Comment ne serais-je pas d'accord, moi qui, dans « ...ce qu'est le Mys­tère à l'Intelligence », écris « Tous les problèmes, toutes les difficultés, toutes les antinomies n'arrivent pas à me détourner d'une évidence qui s'impose à moi : l'Être est. *Je suis ; et je ne suis pas l'Être. Donc l'Être est. *» (p. 201.) Bien entendu, tout cela est plus compliqué, à moins que ce ne soit plus simple. Les défenseurs de l'argument ontologique ne s'op­posent pas aux défenseurs des ar­guments classiques, ni vice versa. L'abbé de Nantes nous livre là-dessus des propos significatifs de Jacques Maritain et du P. Bouyer. J'ai eu, du coup, la curiosité de rouvrir le gros dictionnaire de théologie de Vacant et Mangent. Juste ciel ! Quel foisonnement ! Dès qu'on touche au mot « Dieu » tout et son contraire peut être dit et contredit, opposé ou rapproché. Aussi bien n'ai-je eu ici pour objet que de faire écho à mes propres pensées, heureux d'être pour une fois pleinement d'accord avec l'ab­bé de Nantes qui ne sera pas d'ailleurs pour autant nécessaire­ment d'accord avec moi. Je l'ac­cepte sans peine et lui en donne acte d'avance. Louis Salleron. ### Livres pour enfants : après les cadeaux de Noël La grande spécialité de notre époque c'est l'emballage. La moin­dre chaussure trône souvent sur piédestal de velours. Le plus petit mouchoir s'orne de boîtes glacées à rubans et le sujet le plus mince fait souvent florès au milieu de papier de luxe. Restent les thèmes plus ou moins subversifs à cou­verture séduisante ou drôle et qui cachent quoi ? Je vais vous le dire. Aux éditions G.P. vient de sor­tir un petit livre à première vue charmant par le sujet et amusant par les images : *Le très féroce loup d'Aggobbio,* illustré par Jac­queline Duhême. En lisant le texte on découvre ceci : « De tous les saints de la Chrétienté François d'Assise sur, les collines de l'Ombrie, apparaît le plus merveilleux, au sens exact du terme. » Ce merveilleux-là est une es­pèce de thème ambigu qui par­fume toute l'histoire, dont on ne sait jamais très bien sur quel plan exact elle se situe. 64:260 Un peu plus loin par exemple vous trouvez : « Le loup est le symbole de la force brutale et mauvaise. Celui de Gubbio passe aussi pour incarner l'un de ces guerriers sanguinaires qui déso­laient alors la contrée et se laissa fléchir par le moine de la dou­ceur. » Plus gênante encore est la suite : « Les jeunes lecteurs à qui le bestiaire universel est fa­milier sauront goûter dans cette histoire fabuleuse si bien traduite pour eux en images, sa teneur concrète et sa valeur d'allégorie. » On nage. L'adulte ne nage pas, lui, com­prenant assez vite que saint Fran­çois d'Assise est envoyé rejoindre le patrimoine joli et païen des contes universels. Bref rien n'est sûr ni solide. Même la fin nous offre Saint François d'Assise en caractères gras à l'endroit où fi­gure d'habitude la signature. Pourtant le début de l'ouvrage portait l'indication *Fioretti.* L'enfant sera perdu. Il n'y a plus rien de chrétien dans tout cela. Si ce livre figure parmi les ca­deaux reçus pour Noël, il ne vous reste plus qu'à rendre à saint François son beau visage en ra­contant son histoire. Dans son genre et pour des raisons bien différentes, *Benoît de Nursie parle aux enfants* n'est guère plus utile. Édité chez Téqui, ce livre est écrit par une religieuse et illustré par une autre. Toutes deux com­mettent une erreur consacrée de­puis longtemps par l'habitude : elles font de saint Benoît un en­fant pour que les enfants s'y re­trouvent. Cela empêche justement le petit de sortir de lui-même et de *s'élever* pour rejoindre le saint. Cette inversion est si ancrée dans les mœurs, qu'elle a pris la place de l'art vrai, en rapport avec son sujet, aussi haut soit-il. C'est, semble-t-il, spécifique aux arts plas­tiques. Dans le domaine musical on ne fait pas cette sottise. Beau­coup et bien avant l'adolescence, apprennent le chant grégorien ou les polyphonies du Moyen Age. Ils comprennent très bien ce que cela veut dire ! Ce livre du coup rabaisse, faus­se et vide son sujet de toute sub­stance. Que reste-t-il des vrais vi­sages de moines dans ces lutins à capuches qui parcourent l'ou­vrage ? Indéniablement l'intention était droite. Incontestablement le résultat est mauvais. Reprenez le texte gentiment bêtifiant et rendez-lui corps et vie à partir de la règle de saint Benoît et de sa vie, commentées par vous à un mo­ment propice. \*\*\* La poésie aussi est un cadeau habituel en fin d'année. *Grimaces et malices* de Chris­tian Poslianec et Lise Le Cœur, paru à l'École des Loisirs, dans la collection Chanterime, est d'une laideur subtile. C'est un univers grêle et fou où les poèmes n'ont ni queue ni tête, quand ils ne sont pas subversifs. Voici un exemple : *Une idée.* *Est-ce une araignée à huit pattes* *ou un mammifère* *ou alors un serpent* *qui se glisse silencieusement* *dans les oreilles des enfants* *quand ils entendent crier leurs parents ?* Des non-sens montés en épingle, des couleurs creuses et l'incohéren­ce mise à la portée des petits, c'est à peu près tout ce que l'on peut attendre de cette catastrophe en papier. A mettre à la poubelle tout de suite ! 65:260 Toujours à l'École des Loisirs, commis par Anne Chapouton, vient de sortir un *Grimoire, for­mules magiques à l'usage des en­fants.* Bien sûr ces formules magiques ne sont pas méchantes. Ce qui l'est plus c'est *l'univers suggéré.* Ce qui est dangereux c'est le goût de l'imitation chez les jeunes. L'habitude des incantations in­nocentes peut donner, plus tard, l'idée d'incantations plus diaboli­ques. De toutes façons, le monde des sorciers et des maléfices, s'il n'est bon pour personne, est un vrai poison pour les enfants. Dans ce domaine je pense aussi à un livre, *Les sorcières,* « écrit par Colin Hawkins et une vieille sorcière » annonce la couverture. Il vient de paraître chez Albin Michel, dans la collection « jeu­nesse ». A première vue c'est de l'hu­mour anglo-saxon ; celui qui ferait mieux de rester en Angleterre. Ce portrait robot des sorcières et de leurs habitudes ne convient pas aux Français. Et puis certaines phrases peuvent s'imprimer ici ou là dans une imagination trop sen­sible. Le propos de l'auteur est de vous aider à savoir si votre grand, mère est une sorcière. A cet effet arrive un questionnaire sur ses qualités et habitudes, où l'on trouve notamment ceci : « Votre grand'mère guérit-elle a) les fiè­vres bénignes, b) les fièvres ma­lignes, c) les mauvaises humeurs. » Et l'auteur ajoute : « Si vous avez répondu non partout voici un test supplémentaire et infaillible : De­mandez à votre grand'mère si elle vous aime. Une véritable sorcière répond toujours oui. » Suit un chapitre sur les *chouchous.* Les *chouchous,* apprenez-le, ce sont les chats ; de faux chats, lutins transformés, qui espionnent au profit de ces dames. Là aussi le petit joue avec des univers inquiétants, ce qui les dé­mystifie et fait oublier qu'ils sont redoutables. \*\*\* Une autre forme de laideur est d'avilir ce qui est naturellement beau ; tel cet album intitulé *Un lion chez le coiffeur,* écrit par André Massepain, illustré par Alain Millerand et paru aux édi­tions Magnard. La couverture est jolie mais très vite images et tex­tes sentent le persiflage. Le roi des animaux est ridiculisé. Non seulement il est coiffé comme Louis quatorze mais toutes les images l'abîment, tant par la po­sition que par l'expression. A la fin la bête couronnée n'est plus qu'un fantoche de cirque. *Nestor Babylas,* de Édith et Gilles Cottin, chez le même édi­teur est également à proscrire. Cet hippopotame qui barbote à Veni­se est d'une facture parfaitement grossière. En plus les images déna­turent le peu que l'on voit de la ville. L'ensemble ne peut qu'ap­prendre le mauvais goût. Cette vulgarité d'images, accom­pagnée cette fois d'une absence de sujet, est le fait d'un autre ouvrage, toujours paru chez le même éditeur : *Mic et moi on a fait un exploit,* de Jeanne Loisy, illustré par Gilles Cottin. Il s'agit là d'un livre qui apprendra au lecteur un français commun et affreusement plat. En revanche, *Des bruits dans l'autruche,* de Georges Kolebka, aux éditions Nathan dans la col­lection Arc-en-poche, ne manque pas de couleur. Seulement ces aventures surréalistes ne peuvent que faire du mal. Contes de l'ab­surde et de l'étrange, certains amu­seraient des adultes. Les petits, eux, seront déroutés et perdus dans un monde incompréhensible. Le plus mauvais est le conte de *La pomme verte.* Écoutez : 66:260 « Lorsque le premier quart de pomme eut sonné, une Pomme jaune sortit de la Pomme où elle habitait, elle roula durant quel­ques minutes à la recherche d'une Pomme-taxi »... Plus loin vous trouvez ceci : « La Pomme jaune fouilla dans la pomme où elle mettait son argent et sortit quatre pommes. » Dans cet univers tout est pom­me. Du coup les pommes servent aux pommes venues déjeuner à *La pomme rouge* des paupiettes de pomme et des pommes farcies aux pommes tandis que les pom­mes, assises sur des pommes, at­tendent leurs pommes. Il n'y a plus d'être. Les diver­ses identités sont réduites en com­pote -- c'est le cas ou jamais de le dire ! C'est à ne pas mettre entre des mains enfantines ; ces images por­tent l'incohérence dans les esprits. Toujours chez le même éditeur et dans la même collection *Le Grand Réparateur* de Guy Jime­nes n'est pas mieux. C'est l'histoire d'un garçon dont toutes les bêtises sont réparées par un reflet de lui-même : *le Grand Réparateur.* Qui est-il ce Grand Réparateur ? *L'i­dentité* de ce personnage reste va­gue et multiple tout au long de l'aventure qui laisse au lecteur un malaise. Tantôt c'est le double de Pierre, tantôt c'est le diable et tantôt un phantasme du petit garçon. En quelque sorte celui-ci est possédé par un esprit indéfi­nissable qui le porte à faire mille bêtises. C'est d'ailleurs sans im­portance car les déprédations mul­tiples sont toujours réparées à temps. On ne saura jamais s'il s'agit de Satan ou d'un trouble mental passager. Non seulement l'ambiance du livre est malsaine mais elle tend à évacuer l'action diabolique dont on reconnaît ici toutes les apparences. Si vos enfants ont lu ce livre demandez-leur ce qu'ils en pen­sent. Faites en sorte qu'ils ne s'amusent pas à des jeux aussi redoutables. Certains pourraient chercher à faire connaissance avec ledit *Réparateur.* \*\*\* Dans le genre phantasme il y a beaucoup de choix. Soit cette histoire que je vous garde, comme étant la plus laide, pour la fin : *Le Père Cafetière,* de Jean Alessandrini, paru chez Hachette dans la collection Gobe­lune. Imaginez une sorte de vieillard un peu du style sapeur Camembert -- ce qui n'est certes pas un reproche. Dans cet album ce bon vieux fabrique à longueur de temps toutes sortes d'objets hété­roclites. Le voilà qui invente une cafetière monstrueuse et s'en va offrir son café aux populations enchantées. Hélas, le roi, lui, ne peut jamais en avoir. L'illustrateur dessine alors d'abominables pages qui sentent le cauchemar : cafe­tières géantes, bombardées, pro­pulsées ou envolées, qui n'attei­gnent jamais leur but, car le pa­lais est lointain. En route les cafe­tières sont vidées par les *Béka­mokas,* d'immondes bêtes, quali­fiées d'oiseaux, qui boivent leur contenu. L'étrangeté, le vide pâle et an­goissant de cet album sont tenaces. En voilà un que je n'oublierai pas ! 67:260 Vous n'imaginez pas comme le réel semble beau lorsque l'on sort de pareilles lectures. Cela me donne même envie d'aller boire un vrai café pour me remettre de ces histoires. Un vrai café qui serait dans une honnête tasse avec une ronde et réelle soucoupe, une petite cuiller bien banale et un petit sucre sans histoires. Le jus le plus mauvais ferait mon affaire, pourvu qu'il n'ait rien d'extraor­dinaire. C'est cela, pour me remettre je vais aller boire un petit café. Un conseil : si vous trouvez ces horreurs chez vous faites en au­tant. Vous en aurez besoin ! France Beaucoudray. ### Lectures #### Les Francs sont-ils nos ancêtres ? C'est cette interrogation qui fi­gure sur le n° 56 d'*Histoire et archéologie, Les dossiers,* diffusé par les NMPP et paru en septem­bre 1981 (on peut commander le numéro en écrivant à *Archeolo­gia*, BP 28, 21121 Fontaine-lès-Dijon et en envoyant 20 F). Je ne saurais cacher le plaisir que j'ai eu à trouver enfin diffusé dans le grand public une somme aussi ri­che de renseignements sur nos origines nationales. On est cer­tes loin, là, des légendes qui en­chantent trop souvent les amis de la tradition, mais on comprend mieux ce qui est arrivé en Gaule durant les siècles qui ont vu l'ins­tallation et le triomphe des Francs. Les plus grands spécialistes ont écrit les pages en question. Patrick Périn, (La nouvelle histoire des Francs), W.J. de Boone (Les ori­gines historiques des Francs), Bai­ley K. Young (Que sait-on des Germains et des Francs ?), Joa­chim Werner (Childéric, histoire et archéologie), Lucien Musset (Les étapes historiques de la con­quête franque sous Clovis et ses fils), Patrick Périn à nouveau (L'as­similation ethnique vue par l'ar­chéologie), Michel Rouche (Wisi­goths et Francs en Aquitaine), Ed­ward James (Archéologie des Francs en Aquitaine) ; Henri Gaillard de Sémainville (Burgon­des et Francs), Paul-Albert Février (La Provence franque), Véra I. Evison (Les Francs en Angleterre au V^e^ siècle), Luc Buchet (Anthro­pologie des Francs) et enfin le directeur de l'Institut historique allemand de Paris, l'excellent Karl-Ferdinand Werner (Peuple élu ou instrument du destin). Il­lustrations et tableaux chronologi­ques agrémentent une série de textes très denses, même sur le plan typographique. Que faut-il retenir avant tout de cet ensem­ble ? Tout d'abord que les Francs étaient un peu partout dans l'Em­pire romain finissant et qu'ils ont su se faire accepter par les popu­lations de la Gaule. 68:260 Leur langue officielle était le latin et c'est dans le moule du monde romain, dans le cadre même du Bas-Empire, qu'ils ont fondé un royaume exemplaire d'où allait naître la nation française. C'est sous le si­gne de la continuité, mais aussi avec un certain respect devant le véritable génie de ce peuple, que l'on doit lire tout ce qui est écrit en ce numéro. Le rôle de l'Église et des grandes familles sénatoria­les dans l'établissement du pou­voir franc est évidemment énor­me ; les aristocraties locales ont accepté le chef barbare puis ca­tholique, mais il était d'une fa­mille où l'on avait su coopérer avec Rome. De cette symbiose et de cette synthèse est sortie cette magnifique réussite sociale et po­litique qu'est notre nation fran­çaise. ([^6]) #### A l'aube de la France La Gaule de Constantin à Childéric Un beau livre des Éditions de la Réunion des musées nationaux (10 rue de l'Abbaye, 75006 Pa­ris) sert de catalogue à l'exposition de ce nom qui eut lieu au Musée du Luxembourg du 26 février au 3 mai 1981. Fort bien illustré en noir et en couleurs, cet ouvrage remet en tête bien des aspects d'une exposition organisée par le Römisch germanisches Zentral­museum de Mayence, le Musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye et le départe­ment des antiquités grecques et romaines du Musée du Louvre. Tous les aspects d'une civilisation mutante nous sont exposés, des cartes aidant à nous faire une idée de ce qu'était la Gaule dans l'Empire et comment Église et Barbares contribuèrent à tout transformer. Là encore les Francs sont au cœur des problèmes. La conversion de Clovis, le nouveau Constantin, est la conclusion logi­que d'une longue gestation. Cette conversion changea cependant tout et nous vivons encore largement des effets bénéfiques qui en fu­rent la conséquence. Cela mérite qu'on fasse mémoire de l'avène­ment de Clovis qui eut lieu en 481 ou mieux en 482, date de la mort de Childéric son père ([^7]) il y a 1500 ans. Une nation com­me la nôtre se doit de se souvenir da tels événements. Hervé Pinoteau. 69:260 #### Abbé Joseph Bertuel *L'islam, ses véritables origines *(Nouvelles éditions latines) L'abbé Bertuel veille sur la mé­moire du R.P. Gabriel Théry, O.P., mort en 1959 après avoir servi Dieu et la France. On sait que ce dominicain pugnace avait démon­tré en son temps toute l'imposture de l'islam, qui n'était qu'un ju­daïsme destiné aux peuples du désert. Sa thèse était si extraordi­naire, et pourtant si simple, qu'il n'avait pu la publier sous son nom. On connaît donc l'œuvre d'Hanna Zakarias. C'est ce que conte l'amiral Auphan dans sa préface et il est bon que cet au­tre grand serviteur de la France ait pu présenter le travail de Théry, divulgué par l'abbé Bertuel. La religion de Théry, la nôtre à ITINÉRAIRES, implique obligatoi­rement que l'islam est une fausse religion et que le Coran est une sinistre plaisanterie. Ce n'est pas un livre révélé, mais bien un faux livre saint. Il n'y a donc aucune raison pour qu'on prenne toujours des précautions oratoires et scrip­turaires à son égard alors qu'on a disséqué la Bible sans aucune pu­deur depuis le XIX^e^ siècle ! Les musulmans n'aiment point qu'on s'attaque à une critique du Coran, et aucune exégèse n'a pu être faite en Orient, le livre de Maho­met étant réputé venir d'Allah. Il est à prendre tel quel, un point c'est tout. Et tous nos braves his­toriens occidentaux d'accepter cet­te façon de faire, gobant les dires du prophète, les apparitions de saint Gabriel, etc. Théry n'était pas n'importe qui : illustre érudit, spécialiste du pseudo-saint Denys l'Aréopagite, il connaissait l'islam pour avoir vécu en terre africaine. Solide dans sa foi et non-confor­miste, Théry avait ce qu'il fallait pour faire une œuvre éclairante et pie. Après lui, pour toute per­sonne de bonne foi, il sera difficile de ne pas admettre le rôle d'un rabbin de la Mecque, plein de savoir judaïque, talmudique même et foncièrement anti-chré­tien, faisant passer son message vers les Arabes par le canal de Mahomet. Des torrents de sang sont sortis de son enseignement et de celui de son disciple. C'est dire que cela vaut quand même la peine qu'on aille y voir de près, qu'on analyse l'eau impure qui sort d'une source aussi pol­luée. Puisque nous sommes à l'é­poque où l'on secoue tous les « tabous », allons-y carrément avec l'imposture mahométane. Pé­trole ou pas, essayons de montrer aux tenants de l'islam qu'ils font fausse route. Là encore, c'est un travail de conversion, découlant de l'ordre du Christ : « Allez et enseignez toutes les nations. » Un second tome à venir nous expli­quera comment l'enseignement du rabbin fut appliqué par son élève. Hervé Pinoteau. 70:260 #### Pierre Ordioni *Le pouvoir militaire en France *(tome I : de Jeanne d'Arc à Bazaine) (Albatros) Ce livre sur les rapports de l'armée et de l'État montre à quel point l'histoire de la France a dépendu de ce que l'auteur appelle *l'ordre militaire.* Cet ordre, la noblesse y joua longtemps un rôle essentiel, mais elle n'était pas seule, et en un sens, l'armée était une voie d'ac­cès au deuxième ordre de l'État. En 1445, Charles VII crée la pre­mière armée nationale, permanente et royale, et c'est Jeanne d'Arc qui est à son origine. L'auteur a rai­son de dire que, pour comprendre notre histoire, et celle de l'institu­tion militaire, au moins jusqu'au comte de Chambord, il faut faire la place du sacré. Cette armée est fondée sur la fidélité, le serment, et donc sur l'ordre chrétien qui, par le sacre, délègue le royaume au Capétien. Rien, après la Révolution de 89, ne remplacera cela. Pierre Ordioni estime pourtant que cet accord est rompu assez tôt, avec Richelieu, qui substitue le principe d'obéis­sance à celui de fidélité. C'est que le cardinal se méfiait de l'anarchie des Grands. Faut-il penser que la noblesse, dans son désir de revan­che, va se jeter dans la Franc-Maçonnerie ? C'est ce qu'affirme l'auteur. J'apprends de lui, entre bien d'autres choses, que tous les grands maîtres de la F.M. furent, jusqu'en 1870, des officiers de haut rang (princes, puis maréchaux de l'Empire). Là, on passe du rôle du sacré au rôle des sociétés secrètes, des for­ces occultes, sur lesquelles P. Or­dioni affirme apporter bien des choses nouvelles, par des docu­ments privés auxquels il a eu ac­cès. Mon ignorance ne me permet pas d'en juger, et, pour tout dire, je perds pied. Que penser de la survivance des Templiers, de leur influence en Angleterre et de leur alliance avec l'Islam ? Que penser de leur lutte cachée avec les Franciscains (qui aident Jeanne d'Arc) ? Et ces maçons si nombreux dans l'armée vers 1780, que veulent-ils faire de la monar­chie ? On le comprend mal. On est sur un terrain plus con­nu quand l'auteur, après avoir montré les malentendus entre l'or­dre militaire et la monarchie, nous montre comment cet ordre est re­constitué par Napoléon. La gloire de l'empire restaure un accord, fonde un nouveau pacte entre le prince et l'armée. Le drame, c'est qu'il y aura dès lors deux légitimi­tés, si l'on suit Pierre Ordioni. Cela facilitera les choses pour Na­poléon III, tandis que, semble-t-il, Louis-Philippe n'avait pas su nouer des rapports sérieux avec l'ordre militaire. Pourtant l'Algérie, le rô­le du duc d'Orléans, d'Aumale, et dans la marine celui de Joinville ? 71:260 Peut-être P. Ordioni est-il trop sensible par nature au lien féodal, personnel. Son livre est en tout cas riche d'aperçus neufs, de vues intelligentes, sans parler des se­crets qu'il évoque, et qui laissent rêveur. Le second volume sera lui aussi bien intéressant, on l'attend avec curiosité. Georges Laffly. #### Père Louis-Marie *Jean-Paul II et la doctrine catholique* L'abbé Olivier de Blignières, ordonné prêtre en 1977 par Mgr Lefebvre, s'est établi quelques mois plus tard dans un prieuré d'études à Chémeré-le-Roi (Mayen­ne). Par la suite, il y a fondé une petite communauté de tertiaires dominicains dont il a pris la tête sous le nom de Père Louis-Marie. Il a publié récemment un opuscule de 45 pages reproduisant une con­férence prononcée à Paris le 13 mai 1981 ; le texte, qui porte la date du 11 mai, est soigneusement ordonné selon le plan suivant : I*. -- La mise en œuvre de l'enseignement de Vatican II, tâ­che principale du pontificat de Jean-Paul II.* II\. *-- Le faux principe de Vatican II relatif à l'Incarnation, re­pris et explicité par Jean-Paul II.* III\. *-- La nouvelle conception de l'Église de Vatican II, précisée et développée par Jean-Paul II.* IV\. *-- La doctrine erronée sur la liberté religieuse de Vatican II, constamment enseignée par Jean-Paul II.* *Conclusion.* L'auteur développe ensuite cha­que paragraphe, en citant de nom­breuses déclarations orales ou écrites de Jean-Paul II. Ces dé­clarations abondent, et la plupart sont bien connues. Le faux principe de l'Incarna­tion se trouve énoncé dans *Gau­dium et Spes* (n° 22). Jean-Paul II le reprend notamment dans son encyclique *Redemptor hominis :* « Jésus-Christ s'est uni à chacun *pour toujours* à travers ce mystè­re ». Et, dans de nombreuses décla­rations, il en tire les conséquen­ces : l'homme appartient au Christ du seul fait qu'il est homme. Par là se trouve omise la nécessité de la Rédemption, du baptême, de la conversion individuelle, de l'a­dhésion personnelle à Jésus par la foi et la charité, et il semble in­sinué que tous les hommes sont sauvés. De même, Jean-Paul II déclare irréversible l'engagement de l'Église dans le mouvement œcumé­nique. Il s'ensuit que les commu­nautés non catholiques et même non chrétiennes comportent des éléments importants de vérité et de salut, et que leurs membres peuvent se sauver en elles et par elles ; ce qui est contraire à l'en­seignement constant et invariable de l'Église. Jean-Paul II s'efforce d'invoquer les Pères de l'Église à l'appui de ces théories le Père Louis-Marie démontre que ces thè­ses défigurent la pensée et l'en­seignement des Pères de l'Église. 72:260 Quant à la doctrine erronée sur la liberté religieuse, le Père Louis-Marie n'en parle que brièvement, soulignant que Jean-Paul II, non seulement la professe, mais la dé­clare obligatoire. En conclusion, l'auteur cite plu­sieurs expressions de Jean-Paul II : « l'Église contemporaine, l'Église de notre temps, l'Église du nouvel Avent » et son affir­mation : « Le concile Vatican II a jeté les bases d'un rapport substantiellement nouveau entre l'Église et le monde, entre l'Église et la culture moderne ». Ces positions sont bien évidem­ment étrangères à l'enseignement constant et invariable de l'Église. Le Père Louis-Marie a raison de le rappeler. Il n'est ni le seul ni le premier à le faire. Mgr Lefeb­vre a dénoncé ces erreurs. Et de­puis plus de deux ans, l'abbé de Nantes relève et dénonce inlassa­blement, dans *La Contre-Réforme catholique,* des paroles de Jean-Paul II qu'on ne voit pas com­ment accorder à la doctrine tra­ditionnelle. Le Père Louis-Marie a la dis­crétion de ne pas aborder la ques­tion de la légitimité du pape dans cette conférence. Mais comme il a, dans d'autres écrits ou discours, hautement professé la théorie de l'illégitimité de Paul VI et de ses successeurs, j'en dirai deux mots. J'ai moi-même, à maintes repri­ses, du vivant de Paul VI et après sa mort, longuement réfléchi à cette très grave question. La prati­que de l'Église dans le passé incite à la prudence. Il n'a pas manqué de papes douteux et contestables. Or l'Église ne s'est prononcée que dans un seul cas, celui d'Honorius, qu'elle a déclaré hérétique cin­quante ans après sa mort, sans toutefois le rayer de la liste des papes. La question de la légiti­mité de Paul VI et de la note théologique à attribuer aux actes de Vatican II ne pourra être tran­chée que par un futur pape ou un concile dogmatique incontesta­ble. Et il se peut que l'Église ne se prononce jamais et laisse Vatican II et ses suites s'ensevelir dans l'oubli. En ce qui concerne Jean-Paul II, même si ses positions théori­ques sont souvent identiques à celles de Paul VI, ce qui me pa­raît indéniable, il existe entre ces deux papes deux différences ca­pitales : 1° Paul VI est l'auteur respon­sable de ce qu'il a appelé lui-même l'autodémolition de l'Église. Jean-Paul II hérite d'une situation dont il n'est pas responsable. Vou­drait-il tenter une réaction, même timide, qu'il ne le pourrait guère. Il se heurterait à l'opposition ré­solue et efficace de son entourage et des conférences épiscopales. Ce n'est pas une supposition gratui­te ; Jean-Paul II a tenté quelques réactions limitées : sur la théolo­gie de la libération, sur la com­munion dans la main, sur le ma­riage des prêtres réduits à l'état laïque ; à chaque fois, il a subi de telles pressions qu'il a finale­ment cédé. 2° Sous Paul VI, il y avait cha­que année plusieurs trains de ré­formes. Jean-Paul II en est resté au point atteint à la mort de Paul VI ; il n'a promulgué aucune nou­velle réforme. C'est ce que le car­dinal Pellegrino lui reprochait très vivement dans le discours pro­noncé quelques jours avant l'at­tentat du 13 mai. 73:260 L'honnêteté la plus élémentaire nous imposait ces remarques. Il faut reprocher à Jean-Paul II des déclarations qui, de toute éviden­ce, s'écartent de la doctrine tra­ditionnelle. Mais il faut recon­naître qu'il est pratiquement ré­duit à l'impuissance et apprécier qu'il n'ajoute pas de nouvelles réformes à celles dont nous por­tons le poids très lourd. Devant une telle situation, nous n'avons d'autres ressources que la prière et la fermeté dans la foi, l'atta­chement inébranlable à l'Église prise dans sa continuité, à son enseignement infaillible, à sa pra­tique constante et invariable, avec l'espérance que Dieu, par des moyens connus de lui seul, arra­chera son Église à la situation désastreuse où l'ont plongée le concile et ses suites. Jean Crété. #### Abbé Georges de Nantes *L'échéance... 1983 *(C.R.C.) Numéro spécial de la *Contre-réforme catholique,* au titre provo­quant : *L'échéance... 1983. Plus que deux ans. Deux ans encore.* Une date aussi précise et aussi assurée risque d'arrêter sur le seuil plus d'un lecteur (peut-être d'autres sont-ils, au contraire, atti­rés ?). Mais si l'on consent à lire plus loin que le titre, on s'aper­çoit que « 1983 » n'est pas une prophétie : c'est une prévision raisonnable, une probabilité, le mo­ment où les Soviétiques attein­dront le point le plus élevé de leur supériorité militaire sur l'Occident. Ils pourront alors envahir toute l'Europe ; ou bien, plus probable­ment encore, ils obtiendront de nos gouvernants, simplement par menace et chantage, une complète capitulation. Écrit et publié juste avant le dimanche 13 décembre où l' « état de guerre » fut ins­titué par le communisme en Polo­gne, ce fascicule n'a pas été dé­menti par l'événement, et il ne le sera vraisemblablement point dans les prochains mois. Son tableau de la situation mondiale est d'une rare lucidité. Des ouvrages poli­tiques ayant cette ampleur, cette densité, cette exactitude d'ensem­ble, il y en a fort peu (nous n'irons pas toutefois jusqu'à pro­clamer qu'il n'y en a « aucun » autre, comme le fait une propa­gande indiscrète et complaisante, mais sans doute la complaisance et l'indiscrétion sont-elles les tra­vers à peu près inévitables de toute propagande). Le mouvement et la fermeté de l'écriture, tou­jours aussi vifs, mais, si l'on ose dire, moins négligemment contrô­lés que naguère, donnent un grand relief aux analyses et synthèses de l'abbé de Nantes. Aux divers *que faire ?* du découragement et de l'ignorance, il répond par un appel tout à la fois au redresse­ment intellectuel, au sursaut poli­tique, à la conversion des cœurs. Le recours aux révélations de Fa­tima n'est pas nouveau, mais il est devenu, depuis deux ou trois ans, plus insistant, mieux infor­mé, plus précis. Bref, des pages utiles, et de grande qualité. J. M. 74:260 #### *Le Saint Suaire* *La Contre-Réforme catholique* de septembre 1981 comporte un supplément de seize pages conte­nant une étude très savante sur le Saint Suaire de Turin, par le Frère Bruno Bonnet-Eymard, qui a participé aux études scientifiques faites ces dernières années, avec les moyens les plus modernes, sur le Saint Suaire. Cette étude est la troisième pu­bliée par le Frère Bruno sur le Saint Suaire. Nous ne pouvons que recommander à toutes les person­nes qui s'intéressent à la question de l'authenticité du Saint Suaire de se procurer ces trois études les suppléments 144 et 146 et le supplément de septembre 1981. On peut se les procurer pour 15 francs franco à la Maison Saint-Joseph, 10260 Saint-Parres-lès-Vaudes. On aura ainsi une documentation scientifique sans équivalent sur la précieuse relique conservée à Tu­rin. Jean Crété. #### Dom Jean-Marie Beaurin *Flèche de feu *Le Père Augustin-Marie du Très Saint Sacrement, Hermann Cohen (Éd. France-Empire) Né à Hambourg le 10 novem­bre 1821, mort à Spandau le 20 janvier 1871, Hermann Cohen est un des personnages les plus ex­traordinaires du siècle dernier. En­fant surdoué, il bénéficie de la bonne éducation que son père, riche banquier israélite, lui assure ainsi qu'à ses frères et sœurs. Mais sa sensibilité, plus vive encore que son intelligence, s'exprime dans un talent musical exceptionnel. A dix ans il commence à donner des concerts. Dans sa ville d'abord, puis un peu partout en Europe et surtout en France. A quinze ans, il est professeur de piano au conservatoire de Genève. Liszt fait de lui son élève préféré. Les sa­lons parisiens se l'arrachent. Il est le « puzzi » (le petit mignon) de George Sand. C'est la gloire. Il en use et abuse, mène une vie de patachon et accumule les det­tes dans sa passion effrénée pour le jeu. 75:260 Il éprouve cependant une sorte de nostalgie permanente du sacré qui lui donne un caractère mé­lancolique ajoutant à son charme aux yeux de ses admiratrices. Il entre un jour à l'église Sainte Valère, qui n'existe plus, mais qui était située près de celle qui fut construite un peu plus tard en l'honneur de sainte Clotilde (où existe une chapelle dédiée à sainte Valère) entre la rue de Grenelle et la rue Saint Dominique. Il y retourne plusieurs fois, assiste un matin à trois messes successives, revient le soir, et terrassé par la présence du Saint Sacrement qui était exposé, tombe à genoux, s'inclinant jusqu'à terre. Il se sent converti. C'était en mai 1847. Le 28 août, il est baptisé à Notre-Dame de Sion. Le 8 septembre il fait sa première communion. L'Eucharistie est devenue sa dé­votion première. Le « mélancoli­que puzzi » est désormais le pas­sionné du Saint Sacrement devant lequel il peut rester en contem­plation durant des heures. Il fon­de l'Adoration nocturne à Notre-Dame des Victoires, le 6 décem­bre 1848, et trouve finalement sa voie dans l'ordre du Carmel où il fait sa profession le 7 octobre 1850. Il est ordonné prêtre à Pâ­ques, l'année suivante. Carme, le P. Augustin-Marie du Très Saint Sacrement rêve d'une vie cloîtrée de prière et d'ascèse, mais l'obéissance à ses supérieurs le jette sur les routes de France. Il fonde des carmels, suscite des vocations, prêche un peu partout, confesse, ramène les catholiques à la pratique de la religion, con­vertit nombre de juifs et de pro­testants, est submergé par sa cor­respondance. Si sa sollicitude va d'abord aux plus pauvres, il n'en dirige pas moins les reines Chris­tine et Marie-Amélie, exilées d'Es­pagne et du Portugal. Il est en contact avec les futurs saints Ju­lien Eymard, le curé d'Ars, Ber­nadette de Lourdes, mais aussi avec Lacordaire, Dom Guéranger, le « saint homme de Tours », Louis Veuillot, quantité d'évêques et de prêtres. Il compose toujours de la musique, pour des chants latins, des cantiques français et même pour une messe entière. Dans les églises, il joue souvent de l'orgue avant ses sermons. De sa santé fragile il ne tient pas compte. Cependant ses yeux sont atteints. Il ne peut plus lire son bréviaire. Bientôt la plus fai­ble lumière et jusqu'à la simple clarté du jour lui devient intolé­rable. Il décide une neuvaine à Notre-Dame de Lourdes. Chaque jour alors lui apporte un soula­gement et il se trouve complète­ment guéri, à la Grotte, le der­nier jour. Le docteur Boissarie, directeur du Bureau médical, con­clut à un miracle. Après la France, c'est l'Angle­terre. Il y reste deux ans, y fonde un carmel et réanime la minorité catholique très dispersée, jusqu'à son retour en France où il pourra enfin passer deux ans au « saint désert », à Tarasteix, près de Lourdes. La guerre de 1870 va achever sa carrière. Il est Allemand et doit partir. Pendant son voyage, il manque d'être écharpé -- un es­pion ! -- mais arrive enfin à Mon­treux, au service des réfugiés. Comme les prêtres français n'é­taient pas autorisés à entrer dans les camps de prisonniers de guerre en Allemagne, il se fait nommer aumônier auprès des 5.300 prison­niers de Spandau, dont environ 500 souffrent du typhus et de la dysenterie. Malgré quelques diffi­cultés au début, à cause de sa qualité d'Allemand, son dévoue­ment le fait vite admettre par la plupart. Il ne cesse de prêcher, confesser, distribuer la commu­nion, répartir les vêtements chauds qu'il fait venir, et soigner les ma­lades. Le 9 janvier 1871, il attra­pe la petite vérole de deux soldats qui en étaient atteints et à qui il administrait l'Extrême-Onction. Quatre jours plus tard il devait se coucher. Le 20 janvier, il était mort. 76:260 Ce qui étonne, c'est que cet homme extraordinaire et ce saint authentique qui, de son temps, était « le célèbre P. Hermann », aussi connu pour le moins qu'un Lacordaire ou un curé d'Ars et dont la charité ne fut pas moins féconde, soit aujourd'hui presque ignoré. Non seulement le bien qu'il a fait de son vivant est im­mense, mais les institutions de tout genre qu'il a fondées demeu­rent pour la plupart, non seule­ment en France mais dans le mon­de entier. Espérons que l'ouvrage de Dom Beaurin aidera à réparer cette injustice. Ce n'est pas qu'il soit sans défaut. L'activité débordante du P. Hermann, comme la masse de documents dont disposait l'au­teur, ne facilitaient pas l'ordon­nance de cette biographie. Du moins, le livre se lit-il « comme un roman » -- un roman qu'il est en effet, le roman d'un amour fou, passé d'un coup d'aile des choses de la terre à celles du ciel, par le miracle de l'Eucharistie. Louis Salleron. #### H. de B. *La prière du cœur *(Arma et artis) L'éditeur (B.P. 236, 92205 Neuil­ly-sur-Seine) a réalisé sous forme de mince plaquette la réédition d'un article peu commun et re­cherché. On peut regretter que ce texte d'origine ne soit ni situé, ni daté, ni expliqué. On peut cer­tes aussi aller à la B.N. et s'y do­cumenter ; je l'ai fait pour ITINÉRAIRES. H. de B. veut dire Ha­bitant de Berne ; il s'agit de Jac­ques-Albert Cuttat qui a écrit *La rencontre des religions, avec une étude sur la spiritualité de l'Orient chrétien* (Aubier Montaigne, 1957, coll. « Les religions ») et *Expé­rience chrétienne et spiritualité orientale* (Desclée de Brouwer, 1967, coll. « Foi vivante »). Quant à *La prière du cœur,* elle fut pour la première fois imprimée par les Éditions orthodoxes en 1953... La prière du cœur ou priè­re de Jésus est mieux connue de­puis quelques dizaines d'années et l'on sait qu'elle consiste avant tout en la récitation incessante d'une même phrase ou d'un même mot (« Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur » ou plus simplement « Jésus », etc.). Pour les pères d'Orient, cette prière peut et même doit être rivée au souffle, à la res­piration de l'orant, mais c'est con­testé. Nous touchons là aux pro­blèmes de l'hésychasme qui sont rendus familiers par de petits li­vres faciles à lire et à acheter ([^8]). 77:260 Cette prière du cœur n'est pas donnée à tous et elle ne saurait détourner de leurs habitudes ceux qui ont pour vocation une prière largement communautaire. Elle semble ainsi réservée à ceux qui s'isolent, aux solitaires en rase campagne ou dans le métro... L'or­thodoxie est un peu à la mode et l'on sait qu'elle peut apporter quelques nouvelles perspectives à nous autres, occidentaux, liés à Rome et à l'expression de la Vé­rité par le canal de formules de valeur certaine, encore que par trop habituelles à nos esprits rou­tiniers. Les idées, les formules, les préoccupations des orientaux peu­vent nous ouvrir des horizons et ainsi nous aider dans la quête de Dieu. La spiritualité des pères du désert nous est offerte par l'Orient : on aurait tort de s'en priver et c'est pénétrer un monde nouveau que de fréquenter les au­teurs énumérés par H. de B., en­core que le vocabulaire employé soit parfois déroutant. Beauté, gloire, cosmos sont les composan­tes de cette spiritualité ; l'icône y a sa place, comme la prière brève et répétée, humble et, pa­raît-il, efficace. Dans le même or­dre, je signale encore le petit livre d' #### Émile Simonod *La prière de Jésus selon l'évêque Ignace Briantchaninoff* (1807-1867) (Éditions Présence) Paru en 1976 dans la collection « Le soleil dans le cœur », diri­gée par M.-M. Davy, ce livre est relatif à l'œuvre d'un moine or­thodoxe qui devint évêque de Stavropol. Des généralités sur la prière de Jésus (priez sans cesse, l'invocation, le nom de Jésus, l'at­tention, la sobriété, l'humanité du Christ, l'illusion, le passage, l'as­pect psychosomatique, -- l'évêque désolidarisant la prière de toute activité physiologique, -- solitude ou communauté) sont suivies de dialogues entre l'élève et le staretz et de textes annexes, dont un très beau sur la gloire de Dieu. Un index des noms et un index des sujets rendent de grands services. Hervé Pinoteau. 78:260 #### Roland Gaucher *Les finances de l'Église de France *(Albin Michel) Après *Le réseau Curiel* ([^9])*,* qui a connu un grand succès, Roland Gaucher a publié un volume de 288 pages grand format : *Les fi­nances de l'Église de France,* étu­de fortement documentée de l'ac­tuelle gestion du patrimoine de l'Église, en France. Rappelons que l'Église avait été presque entière­ment spoliée de ses possessions au début du siècle, par suite de la loi contre les congrégations re­ligieuses (1901) et de la loi de séparation de l'Église et de l'État (1905). Son patrimoine actuel a donc été constitué à partir de 1906 uniquement grâce aux dons des fidèles. Roland Gaucher fait, à plusieurs reprises, remarquer que les actuel­les transformations ou aliénations des biens d'Église, sont faites avec un parfait mépris des intentions des donateurs. Sans prétendre ré­sumer un ouvrage d'une pareille ampleur, j'en donne ici les lignes essentielles, avec des exemples pris dans le diocèse d'Orléans, qui est un diocèse tout à fait moyen. 1° *Les ressources de l'Église ont diminué,* ou tout au moins, n'ont pas suivi l'augmentation du coût de la vie. C'est très sensible pour le denier du culte ; c'est le cas aussi pour les quêtes dans beaucoup de paroisses, surtout en campagne. Certes, il y a des ex­ceptions : je sais positivement que les quêtes rendent autant à Saint-Séverin qu'à Saint-Nicolas du Char­donnet, car la réforme liturgique a des partisans enthousiastes, qui donnent largement. Mais, dans la plupart des paroisses, la pratique religieuse a fortement baissé, et les quêtes s'en ressentent. En ce qui concerne le denier du culte, il faudrait introduire un correctif, car le nombre des prêtres a, lui aussi, beaucoup baissé. Ainsi le diocèse d'Orléans comptait 368 prêtres en 1965 ; en quinze ans, une centaine sont morts ; 42 ont été réduits à l'état laïque ; il n'y a eu qu'une dizaine d'ordinations. Le denier du culte est donc réparti entre 250 prêtres environ, au lieu de 368 ; même si la somme collec­tée n'a pas augmenté en proportion du coût de la vie, le traitement de chaque prêtre a augmenté nor­malement. 79:260 2° *Les dépenses ont énormé­ment augmenté.* A l'échelon du diocèse d'abord. En 1965, tous les services étaient assurés par des prêtres qui percevaient le traite­ment d'un curé. Il y a aujourd'hui un nombre assez important d'em­ployés laïques qu'il faut rétribuer au tarif normal et pour lesquels il faut acquitter les charges sociales. Mais surtout il y a depuis le concile ce qu'on appelle des « structures collectives » ou « col­légiales » de l'épiscopat français d'innombrables bureaux, commis­sions et organismes divers em­ploient plusieurs centaines de prê­tres et de laïcs. Ces structures, dont la seule existence est con­traire à l'institution divine de l'Église, entraînent des frais énor­mes. Non seulement il faut ré­tribuer les « permanents », mais le fonctionnement de ces struc­tures suppose de multiples dépla­cements, souvent par avion, donc très onéreux. Et la manie des dé­placements inutiles atteint les évê­ques et les prêtres. En 1962, lors de la première session du concile, Mgr Riobé était revenu à Orléans en avion pour une journée seu­lement, sans aucune raison sérieu­se. Je lui fis remarquer assez ver­tement qu'il avait dépensé, dans cet inutile voyage, l'équivalent du traitement annuel de plusieurs cu­rés. Bien entendu, je ne reçus au­cune réponse. Par la suite, Mgr Riobé effectua d'innombrables voyages en Amérique latine. Puis­que je suis sur ce chapitre, j'ajou­terai une réflexion sur Mgr Riobé. Dans *Le réseau Curiel,* Roland Gaucher place Mgr Riobé en tête d'une liste de sept évêques fran­çais particulièrement engagés dans l'action révolutionnaire. Quelques lignes plus haut, il citait, à la génération précédente, le cardinal Liénart et Mgr Chappoulie. Il n'est pas inutile de remarquer que le chanoine Riobé, vicaire général de Mgr Chappoulie, avait com­mencé, sous l'égide de son évê­que, son action subversive en Afrique noire et en Amérique la­tine ; il la continua après la mort accidentelle de Mgr Chappoulie, en 1959. Ce fut probablement cette activité qui lui valut d'être nom­mé évêque coadjuteur d'Orléans en 1961. Il était ainsi bien placé pour continuer l'œuvre de Mgr Chappoulie. Qu'on ne croie pas que je m'éloigne de mon sujet. La ques­tion des finances de l'Église de France est étroitement liée à celle de l'action subversive des « struc­tures » de l'épiscopat ; et ce n'est pas un hasard si Roland Gaucher a écrit *Les finances de l'Église de France* quelques mois après *Le ré­seau Curiel ;* il y a, entre ces deux livres, une continuité parfaitement logique. Pour financer l'action subversive, les organismes de l'épiscopat français ont été amenés à pratiquer des détournements frauduleux. Il y a eu d'abord le prélèvement de 30 % effectué sur la quête annuelle faite pour le Secours ca­tholique. Il y eut, il y a l'affecta­tion à des organisations révolu­tionnaires d'une partie importante des dons collectés par le Comité catholique contre la faim et pour le développement (C.C.F.D.). Ro­land Gaucher y consacre des pa­ges et reproduit des photocopies du *Courrier de Pierre Debray,* ain­si que des réponses faites par les responsables. Mais les quêtes et collectes ne suffisent pas à ali­menter le budget de l'épiscopat français. L'Église de France vit au-dessus de ses moyens. Alors, on vend le patrimoine de l'Église, les séminaires, les écoles, les cou­vents. Roland Gaucher estime que la valeur des immeubles vendus depuis quinze ans se situe entre un et deux milliards de nouveaux francs. 80:260 Il cite de nombreux cas d'aliénations scandaleuses et y con­sacre la majeure partie de son li­vre. Ces ventes servent à couvrir le déficit des budgets diocésains et à alimenter les « structures collec­tives » ; mais, dans bien des cas, l'emploi de l'argent provenant de la vente de tel immeuble reste occulte. La congrégation des Filles de la Charité qui possédait 117 immeu­bles à Paris en 1950, n'en a plus que 54 en 1975. Pourquoi cette liquidation de 63 immeubles, qui n'étaient pas des immeubles de rapport, mais des maisons abritant des œuvres de charité ? Et qu'est devenu l'argent provenant de ces ventes ? Ces immeubles avaient été donnés ou légués par des bien­faiteurs au profit des pauvres, des malades, des vieillards, des enfants, dont s'occupaient les Filles de la Charité. Il y a, à ces ventes, à la fois des raisons d'ordre sordide et une idéologie qui veut que l'Église soit pauvre, dépouillée de tout. Avant la fin du siècle, l'Église ne possédera plus *rien* en Fran­ce. On ira alors quémander les fidèles pour reconstituer un patri­moine indispensable à la vie de l'Église, à la formation des prêtres et des religieux, à l'éducation des enfants, au service des pauvres et des malades. Les fidèles seront alors bien avisés d'assurer eux-mêmes la gestion de toutes ces œuvres et de ne pas les livrer à l'incompétence et à la malhonnê­teté des clercs. On peut relever çà et là quel­ques inexactitudes. Page 18 : l'ar­chevêque de Sens s'est installé à Auxerre, et non le contraire. -- Page 82 : à Joinville, ce ne sont pas des Prémontaines, mais des Annonciades qui ont vendu une grande partie de leur couvent ; mais les trois Annonciades qui restent ne sont pas réduites à l'état laïque ; elles continuent à occuper la partie de la maison qui suffit à leur petit nombre. -- Page 213 : la rédaction de l'avant-dernier pa­ragraphe n'est pas très claire ; il faut comprendre que Mgr Le­febvre a deux sœurs religieuses l'une, Mère Gabrielle-Marie, di­rige les Sœurs de la Fraternité Saint-Pie X, dont le noviciat est à Mézières-en-Brenne (Indre) ; l'au­tre, Sœur Marie-Christiane, est prieure du Carmel de Quiévrain (Belgique). -- Page 219 : le récit de la vente de la maison Lacor­daire est inexact ; cette maison n'appartenait pas au diocèse de Dijon, mais aux Dominicains de Paris. L'affaire fut traitée par le président laïque de l'association d'aide aux familles, constituée pour cette acquisition ; la présen­ce de l'abbé Coache au sein de l'association fut naturellement te­nue secrète jusqu'après la vente. -- A la page suivante : la nou­velle adresse du prieuré Sainte-Madeleine est : Le Barroux, 84330 Caromb. Écrivant au printemps de 1981, Roland Gaucher parle des écoles libres sous contrat. Il est absolu­ment certain que toutes les écoles qui ont accepté un contrat d'association seront intégrées à l'enseignement public. Sans les subven­tions, elles ne pourraient plus assurer le traitement de leurs pro­fesseurs. Je prends l'exemple d'un grand collège catholique sous con­trat de ma région. Il demande 1500 francs de pension par mois pour un élève du premier cycle ; s'il dénonçait son contrat, il lui faudrait demander le double, ce qui excéderait de beaucoup les possibilités des familles. A propos des ressources des prêtres, Roland Gaucher écrit, en substance, ceci : 1° En certains diocèses, on gar­de le système traditionnel : le prê­tre garde pour lui les honoraires de messes et le casuel, et perçoit de l'évêché un traitement prove­nant du denier du culte. 81:260 2° A Paris et en d'autres dio­cèses, on a institué un système de péréquation : les prêtres versent tout ce qu'ils reçoivent à l'évêché qui répartit ensuite avec égalité les sommes ainsi perçues. 3° Dans les deux cas, le revenu du prêtre est proche du S.M.I.C. Cette dernière assertion n'est vraie que dans les paroisses assez importantes. Dans les paroisses qui ne comptent que quelques centaines d'habitants, un prêtre ne trouve plus les moyens de vi­vre décemment. Vivant dans une région déchristianisée, je peux af­firmer que, même si le nombre des prêtres n'avait pas diminué, la suppression d'un grand nombre de paroisses rurales était inéluc­table. Le système de péréquation est un leurre. Rien n'empêche les prêtres qui touchent un gros ca­suel de dissimuler une partie de leurs revenus ; et, avec la menta­lité qui règne dans le clergé, on peut être assuré qu'ils ne s'en pri­vent pas. Le système traditionnel est meilleur, mais non sans dé­fauts ; les honoraires de messes (actuellement 30, 35 ou 40 francs suivant les diocèses) représentent de 30 à 50 % du revenu du prê­tre. Or le prêtre n'est pas cano­niquement tenu de dire la messe tous les jours ; et il peut s'en trou­ver empêché pour des raisons de conscience ou de santé. L'impossi­bilité de dire la messe pendant plusieurs jours représente une vé­ritable catastrophe pour un prêtre. D'un autre côté, la péréquation aboutit à verser aux prêtres qui s'abstiennent volontairement de dire la messe une partie des hono­raires de ceux qui la disent. Le problème est complexe et il n'est pas nouveau. Depuis la suppres­sion de l'indemnité concordataire (1^er^ janvier 1907), aucune solu­tion satisfaisante n'a pu être trou­vée. Roland Gaucher aborde encore beaucoup d'autres questions. Je n'ai fait que retracer, en y ajoutant quelques réflexions, les grandes li­gnes de son livre. Jean Crété. #### *Un jour... les Scouts *Éditions de l'Orme Rond (32, rue de Trucy, 94120 Fontenay-sous-Bois) La flamme scoute allumée, il y a 75 ans, par un général britanni­que du nom de Baden Powell, de­vait s'embraser en un phénomène social unique en son genre. Com­me un feu de savane un jour de grand vent, le scoutisme par son attraction exceptionnelle enflamma le cœur de millions d'adolescents de toute la terre, de toutes cul­tures, de toutes couleurs. 82:260 C'est une part de cette « saga » prodigieuse que tente de retracer l'album *Un jour... les Scouts* qui, derrière l'objectif du photographe Jos le Doaré, suit essentiellement les grandes heures des Scouts de France, de 1911 à 1960, commen­tées par Louis Fontaine. Dès le départ, certains catholi­ques en France devinèrent le génie d'une méthode éducative renouant avec le réalisme médiéval et en rupture totale avec la pédagogie intellectualiste régnante, fondée sur le dualisme cartésien qui oppose corps et âme. Plus encore, ils pressentirent que le rayonnement du scoutisme dépassait, de loin, le monde de l'adolescence. Ils y virent, avec le secours de la Grâce, le germe d'une spiritualité authentique ca­pable, à partir d'une éducation réaliste et chrétienne, de féconder une chevalerie nouvelle, un « or­dre scout » au service de la société. Et de fait, il y eut de cela... Ceux-là mêmes qui le compri­rent, le réalisèrent et le vécurent, sont devenus des « figures » : ils appartiennent à cette race de « pêcheurs d'hommes » dont la vie et les œuvres ont marqué des générations entières. Le scoutisme s'en est trouvé de la sorte ennobli. Ils eurent pour noms : le père Sevin, jésuite à l'enthousiasme vibrant ; le chanoine Cornette, « notre Vieux Loup fondateur » ; le père Doncœur, aumônier à l'élan irrésistible ; Guy de Larigaudie, routier de légende ; et bien d'autres connus ou inconnus dont l'exemple était (avant ce livre) mis sous le boisseau... Si, sur le large million de pro­messes prononcées depuis 60 ans, beaucoup furent oubliées, empor­tées par la vie et ses difficultés, combien d'autres, pourtant, tou­chèrent en profondeur les cœurs et plus encore les âmes. Le scou­tisme fut une semence de voca­tions religieuses, militaires, fami­liales... partout où le don de soi n'est pas un vain mot. Et ce n'est pas un hasard, si l'on dénombre encore dans les emplois à responsabilité 2 scouts sur 3 per­sonnes recensées. Malheureusement, « la marche du temps, les mises à jour, jus­qu'aux réformes conciliaires ont créé depuis 1960 les conditions malheureuses de divisions et de morcellements » et le scoutisme affaibli, oublié, trahi, traverse un désert difficile. Le feu, après avoir jailli en bouquets d'étincelles, s'est calmé et au petit matin, il en reste des braises rougeoyantes que le moindre souffle provoque. Si *l'esprit* scout demeure incontesta­blement à travers quelques « grou­pes-bastions », la *lettre* du scou­tisme est sérieusement atteinte. Il faut peut-être y lire un signe de la Providence : « Si le grain ne meurt... » Jean Lhermine. #### Roger de Saint Chaînas *Fleuves d'eau vive *(*C.L.C.*) Autour des thèmes du Vrai, du Beau et du Bien, l'auteur rassem­ble 485 pensées cueillies dans les œuvres de quelque 250 écrivains-penseurs, poètes et saints. 83:260 On les relit ou on les découvre avec plai­sir. Dans une brève préface, Jean Ousset écrit, avec justesse : « Loin d'être réduit aux sinistres promis­cuités d'odieux compromis, le christianisme apparaît, au contrai­re, tout au long de (ces) pages, dans sa pleine et souveraine trans­cendance. » L. S. #### François Saint-Pierre Au jardin de mon cœur (Nouvelles Éditions Latines) Dans ce recueil d'aphorismes, réflexions et pensées diverses, no­tamment sur la religion et la poli­tique, F.S.P. nous livre avec sim­plicité et sincérité son cœur mis à nu. Catholique et monarchiste, il pense que les croyances ne va­lent que dans la mesure où elles sont vécues. Il paye d'exemple, le plus clair de son temps étant pris par les responsabilités qu'il assu­me dans les œuvres sociales, prin­cipalement en matière de loge­ment ; et c'est encore par dévoue­ment que l'écrivain qu'il est a ac­cepté, il y a quelque temps, de devenir secrétaire général des Écrivains Catholiques. Toute sa « philosophie » est résumée par la « pensée » qui termine son li­vre : « La nuit de Noël est née la lumière des hommes. Ne nous refusons pas la lumière. Ne nous refusons pas le bonheur. » Louis Salleron. #### Marcel Le Page *Cao Bang* (Nouvelles Éditions Latines) Le désastre de Cao-Bang, au Tonkin, en 1950, a déjà eu beau­coup d'historiens. Ici c'est le co­lonel Le Page, commandant la colonne de secours, qui retrace les opérations, et complète le ta­bleau que nous pouvions avoir. Inutile de dire que les précisions apportées par ce livre sont d'un grand intérêt. L'artilleur (arme d'origine de l'auteur) a le tir effi­cace. 84:260 Mais ce sont deux autres points qui retiennent l'attention, au-delà du combat lui-même, et de l'hé­roïsme qui s'y dépensa. Le colonel Le Page était à ce moment le chef d'un groupement de Tabors maro­cains. Ils se battirent admirable­ment, aux côtés de la Légion, à la grande surprise des Vietminhs, qui comptaient rallier ces « colonisés », ces « exploités ». L'image des Tabors grimpant à l'assaut aux cris de « Dieu seul est Dieu » (paroles de la Chahada), sous les ordres d'officiers français, dans un combat en Asie, paraît fabuleux, trente ans après. Elle nous fait mesurer l'immense bouleversement qui s'est produit en un temps si bref. Elle devrait faire rêver (et réfléchir, qui sait) pas mal de jeunes esprits qui ne comprennent plus rien à cette période, faute de mesurer de tels faits. Le deuxième point est la vie de prisonnier que menèrent pendant quatre ans, dans un camp commu­niste, l'auteur et ses compagnons. Dans ces chapitres aussi, il y a beaucoup à apprendre. G. L. #### Dominique Lambert de Douasnerie Paroisses et soldats de l'armée vendéenne Éditeur de la revue *Savoir* et président de l'Association Vendée militaire, Dominique Lambert de la Douasnerie est un Angevin aver­ti de tout ce qui tourne autour du combat de géants. Soit un des plus célèbres épisodes de la grande guerre franco-française. Or il a décidé de publier méthodiquement tout ce que l'on sait sur les sol­dats de Dieu et du Roi, paroisse par paroisse, ce qui n'est pas rien. En 1980 a paru le premier fasci­cule qui est relatif à Andrezé et en 1981 on a vu le premier des trois fascicules consacrés à Le May-sur-Evre, Begrolles et Saint-Léger. L'ensemble est d'une éton­nante érudition qui fait honneur à l'auteur que l'on sait être atta­ché aux archives départementales de Maine-et-Loire. De nombreux documents sont aussi reproduits. On peut se procurer les fascicules chez l'auteur, 21 rue Béclard, 49000 Angers. Hervé Pinoteau. 85:260 ## DOCUMENTS ### Urgent : il faut distinguer entre les diverses catégories d' « immigrés » *Une des formes du génocide français, la plus visible, la plus physique* (*extraits d'un article de* Maurice BARDÈCHE *dans le numéro de décembre de* DÉFENSE DE L'OCCIDENT). Bien sûr, il y a deux millions de chômeurs. Bien sûr, il y a deux millions d'immigrés. Bien sûr, si l'on soufflait sur les deux mil­lions d'immigrés, cela ferait de la place pour les deux millions de chômeurs. Mais, tout cela, c'est enfantin, tout le monde le sait, et irréel, tout le monde le sait aussi : car les immigrés couvrent un secteur de travail que les chô­meurs refusent d'occuper et le travail que les chômeurs recher­chent et qu'ils ne trouvent pas n'est pas un travail confisqué par les immigrés, mais simplement un travail qui n'existe plus. Alors, il est inutile de rêver qu'en soufflant sur les immigrés comme sur des petits pois, on résoudra le problè­me du chômage -- et le problème de l'immigration. Car ce sont deux problèmes différents. Nous ne parlerons ici que des problèmes de l'immigration. Il est tellement évident que les Fran­çais ne veulent plus pousser des brouettes et ne se sentent pas non plus une vocation d'O.S. à per­pétuité qu'il est inutile d'épiloguer sur cette situation. C'est la relève par un prolétariat allogène du prolétariat national qui pose un problème politique : sérieux pour le présent, très grave pour l'ave­nir. 86:260 Et d'abord, nous sommes *piégés* par une question de vocabulaire. Le mot *immigré* recouvre des ca­tégories très différentes qui n'ont pour point commun que d'être de nationalité étrangère. Tout le mon de reconnaît que *les immigrés es­pagnols, portugais, italiens, viet­namiens, ne gênent personne, ne troublent pas la sécurité publique, n'abusent pas de l'hospitalité qui leur est offerte.* La législation qui les concerne devrait donc tenir compte de cette situation, elle de­vrait être une législation de l'ac­cueil et du travail toute spécifique. C'est une première lacune. Elle a pour origine la stupidité du dog­matisme antiraciste qui interdit toute discrimination législative ou administrative en fonction des ori­gines ethniques et qui *interdit mê­me toute étude statistique sérieuse* puisque cette notion est également exclue des relevés et des résultats des statisticiens. *Le danger social et politique ne provient donc que de deux caté­gories d'immigrés qui devraient être comptabilisées à part, les noirs et les nord-africains.* Là encore, notre vocabulaire, trop pauvre, ne tient pas compte de la variété des situations. Les *noirs* (qu'il est préférable d'appe­ler *les nègres,* mot qui les ratta­che à des races et à des cultures, plutôt que de les appeler des noirs, désignation insultante qui les met à part en raison de la couleur de peau), appartiennent à des ethnies différentes qui n'ont ni le même caractère ni le même degré de ci­vilisation, ni les mêmes possibilités d'assimilation : qui n'ont pas non plus le même statut selon la légis­lation française, et qui n'ont pas non plus le même projet quand ils nous demandent l'hospitalité, puisque les uns veulent être ba­layeurs, les autres employés des postes et d'autres enfin colonels ou ministres quand ils rentreront dans leur pays. Là aussi, les con­ditions d'entrée et de séjour en France devraient être modulées selon la *catégorie ethnique* et aussi la *catégorie sociale* auxquelles le postulant à l'hospitalité appartient. C'est un autre inconvénient de nos lois, qui nous impose d'accorder des droits égaux à tout individu, même soumis en tant qu'étranger à l'arbitraire administratif, et qui nous interdit de distinguer entre des immigrants utiles et des immi­grants indésirables. La sélection devrait être encore plus attentive lorsqu'il s'agit des *nord-africains.* Car aux différen­ces d'origine qui existent entre eux, comme entre les nègres, s'ajou­tent pour certains des facteurs his­toriques qui correspondent à des droits moraux à notre hospitalité et à notre aide. Les *harkis* qui ont combattu dans les rangs des trou­pes françaises pendant la guerre d'Algérie, et les fils et petits-fils de ces harkis, ne sont pas des étrangers parmi nous. Ceux d'en­tre eux qui n'ont pas été aban­donnés, trahis, livrés aux repré­sailles et aux supplices, et qui ont pu se réfugier en France, ont ga­gné un titre indiscutable à la qua­lité de Français. La réglementation administrative, et encore moins l'usage, font peu de cas de cette distinction. C'est pourtant par l'ou­bli de telles dettes qu'une nation se déshonore. Les nord-africains d'origine ma­rocaine ou tunisienne qui n'ont pas été mêlés au drame de l'in­dépendance de l'Algérie sont chez nous des étrangers qui viennent chercher, disent-ils, du travail ou une formation. Il en est de même pour les allogènes originaires du Moyen-Orient. 87:260 Au contraire, *les Algériens,* qui sont les plus nombreux parmi les immigrés, appar­tiennent par leur origine et par leur formation à un pays avec le­quel nos relations sont en voie de normalisation, mais alourdies par les séquelles mal cicatrisées d'une guerre cruelle et haineuse. On peut toujours craindre que, par leur nombre et par les liens qu'ils gardent avec les services politiques de leur pays d'origine, ils ne cons­tituent un jour une masse de ma­nœuvre dont le contrôle nous échappe et qui peut nous créer des préoccupations dramatiques. Enfin, à cette diversité d'origine et de mentalité, il faut ajouter une autre cause de disparité. Qu'il s'a­gisse des Arabes ou des Nègres, leur présence dans nos villes doit être diversement jugée selon qu'ils sont des *travailleurs* utiles, des *étudiants* ou des *oisifs*. Les deux premières catégories ne rendent pas nécessaire, en général, une surveillance spéciale. Les oisifs, au contraire, sont une population pa­rasite, souvent agressive et dange­reuse, qui vit de proxénétisme, de vols, de jeu, d'escroqueries, et qu'on trouve souvent mêlée à la pègre. Dans cette dernière caté­gorie, il faut mettre à part les adolescents et les jeunes, presque tous sans travail, enclavés dans des ghettos urbains échappant au contrôle de la police, entraînés par oisiveté, par cupidité, et par frus­tration, à la violence et au vanda­lisme. Même lorsqu'on essaie de porter sur cette situation un jugement dé­pourvu de passion, il est impossi­ble de ne pas être inquiet devant ces marginaux incontrôlés, incon­nus et inassimilés. Selon certaines statistiques, la proportion des ac­tifs dans la population allogène se réduirait à 30 % du total. Bien entendu les 70 % non compris dans cet ensemble ne sont pas tous des délinquants et des parasites. Mais ce chiffre révèle un phéno­mène différent, mais aussi grave, l'installation sur notre territoire d'un vaste complexe ethnique com­portant des familles, des enfants, des retraités, des chômeurs : et par conséquent représentant, dans une autre dimension et dans une autre population, les principales carac­téristiques du peuplement fran­çais. C'est un phénomène non de passage, comme on le croit trop souvent, mais d'incrustation. Une part non négligeable de la popu­lation française actuelle est donc le résultat d'une transfusion de sang qui, à partir d'une certaine proportion, change le caractère national. La décision du gouvernement socialiste de régulariser la situation de 350 000 immigrés clandestins, la libéralisation des visas d'entrée, sont des actes graves et irrespon­sables qui augmentent sans con­trôle le pourcentage d'infiltration -- et les charges dont il est ac­compagné. C'est une mesure de prédilection antiraciste, de prémé­ditation du métissage. Il est possi­ble que les effets de cette politi­que soient peu ressentis dans les cantons de la Creuse et de la Haute-Loire : mais il suffit de pren­dre le métro à six heures du soir ou d'habiter Marseille ou la ban­lieue de Lyon pour constater la densité inquiétante des concentra­tions allogènes dans les grandes agglomérations urbaines. Cette plè­be est calme aujourd'hui : le sera-t-elle toujours ? Le gouvernement socialiste n'est pas seul responsable. Le stupide antiracisme n'est pas d'hier. Il a inspiré la politique des précédents gouvernements, toutes directions confondues. L'une des initiatives les plus imprudentes est leur œuvre : c'est celle qui consiste à fa­voriser aveuglément non seulement l'implantation des immigrés, mais celle de leurs familles. 88:260 Sans inci­dences autres que financières pour les Portugais, les Espagnols et les Indochinois, cette politique fut une véritable opération d'insémination lorsqu'il s'agit des nord-africains et des nègres. Ce fut l'origine d'un bouillon de culture : dont la plu­part des Français contemplent le résultat avec attendrissement -- et inconscience -- en s'extasiant sur les délicieux négrillons et les jolis petits enfants arabes qui seront dans dix ans des nègres et nord-africains parfois très courtois, mais, en certains cas, insolents et intem­pestifs. N'exceptons personne de cette recherche des responsabilités. Le grand patriote Michel Debré, au­jourd'hui si prompt à s'indigner de la décadence française, a préparé celle-ci dans la mesure où cela dépendait de lui : en imagi­nant un « repeuplement » de la France par un apport de sang nou­veau que l'immigration fournirait. Cette politique « nataliste » par implantation est une singulière chirurgie. Ainsi propose-t-on de faire repousser les cheveux à ceux qui n'en ont plus. Mais la faute la plus grave et la plus lourde de conséquences, commune au « libéralisme avan­cé » de Giscard d'Estaing, au gaullisme impérieux de Michel Debré et au socialisme musclé de Fran­çois Mitterrand, est le refus de toute enquête, de toute description statistique, de toute transparence. C'est un plan caché : la transfu­sion de sang doit se faire sans qu'on s'en aperçoive, sans comp­tage des globules, sans dosage, sans examen. Le malade se ré­veillera « transfusé », autre, chan­gé en nourrice. Tout cela se fait dans le noir. Et nos hommes d'État lèveront les bras avec rési­gnation quand les Français cons­tateront que la France ne leur appartient plus. Cette politique d'implantation systématique, tout le monde sait qu'elle est désastreuse pour l'hy­giène et la santé publique, qu'elle est dangereuse pour la sécurité des villes, qu'elle est criminelle à l'é­gard des femmes, premières victi­mes de ces oisifs entreprenants. Elle est en même temps ruineuse, car la protection sociale assurée à ceux qui présentent des certifi­cats de travail plus ou moins au­thentiques est un élément impor­tant -- et qu'on refuse de chiffrer, bien entendu -- du déficit de la Sé­curité Sociale. Sans compter les es­croqueries et les falsifications aux­quelles des déclarations invérifia­bles exposent les centres payeurs. Déjà, certains hôpitaux de ban­lieue n'ont plus pour clientèle que des nord-africains et des nègres. La syphilis a fait d'énormes pro­grès, des maladies vénériennes in­connues sont apparues, contre les­quelles nous avons peu de défen­ses. La pollution morale et ethni­que de tous les pays européens est constatée partout, irrite tout le monde, *non les classes aisées, vivant dans des quartiers abrités, mais les familles ouvrières direc­tement atteintes* par le surpeuple­ment allogène et les menaces de toutes sortes dont il s'accompagne. Le seuil de tolérance est dépassé en de nombreux endroits. Mais aucun gouvernement n'ose bouger et se défendre, c'est-à-dire nous défendre, par peur imbécile d'une accusation de racisme, épouvan­tail qui fait trembler les belles consciences de notre temps. L'opposition officielle se garde bien de s'aventurer sur ce terrain dangereux. Nos journaux qui mè­nent la vie dure au gouvernement sur toutes les autres questions sont muets sur cette pollution sociale préméditée qui les intéresse moins que l'impôt sur la fortune et la défense inconditionnelle des trusts. La défense de la santé phy­sique et morale de la nation est pour tout le monde, de la droite à la gauche, une zone interdite. 89:260 Seule l'extrême-droite réagit et proteste. Mais ses positions absolues et sans nuances perdent de leur force parce qu'elles ne tien­nent pas compte des aspects très divers de la situation réelle. « Tous dehors et tout de suite » n'est pas une solution quand le plus grand nombre des manœuvres du bâtiment, des terrassiers, une grande partie des O.S. de nos usines sont des travailleurs immi­grés ; quand, symptôme plus alar­mant encore, des artisans em­ploient un personnel immigré par­ce que les Français refusent d'ac­cepter les emplois qu'on leur pro­pose dans certaines branches, plomberie, peinture, électricité, par exemple ; quand la main-d'œuvre immigrée est, pour l'instant, indispensable ; presque tou­jours moins chère que la main-d'œuvre autochtone, enfin, dans beaucoup de cas, il faut le re­connaître, n'entraînant aucun dé­sagrément ni pour les employeurs, ni pour les habitants. L'opposition de l'extrême-droite, juste dans son principe, devrait être moins abso­lue dans son expression. Et sur­tout, elle devrait s'efforcer de pro­poser des mesures concrètes, pra­tiques, efficaces, tenant compte de la complexité d'une situation ancienne qui ne peut être changée du jour au lendemain. Malheureusement, il est plus facile de souhaiter de telles mesures que de les proposer. Il nous man­que d'abord un livre blanc des résultats de l'antiracisme, indispen­sable pour que l'opinion prenne conscience de la gravité de la si­tuation actuelle. Il faudrait aussi qu'un mouvement de pensée sen­sibilise l'opinion au *génocide na­tional* que constitue l'implantation systématique d'éléments hétérogè­nes, en beaucoup de cas inassi­milables. Ces préalables sont dé­jà, en eux-mêmes, chimériques. Que dire alors des mesures con­crètes auxquelles on peut penser pour entreprendre un refoulement par étapes, dont le gouvernement socialiste ne veut pas entendre parler parce que sa politique est précisément de favoriser une in­vasion continue ? La partie de l'opinion qui est consciente du pé­ril ne peut rien, à moins qu'elle ne s'appuie sur les réactions po­pulaires qui commencent à se pro­duire spontanément. La recherche d'une solution à la fois efficace et acceptable pour la partie saine de la population im­migrée est pourtant d'autant plus nécessaire que -- l'arrière-pensée du parti socialiste est électorale. Un ministre trop pressé a fait, au dé­but de la législation, une déclaration intempestive, en exprimant l'idée que les travailleurs immi­grés devraient avoir, -- dans certai­nes conditions, le droit de participer au suffrage universel. Cette revendication prématurée pourrait bien devenir, a bien des chances de devenir, une revendication ac­tuelle quand le parti socialiste sera conscient du déchet électoral entraîné par sa politique doctri­naire. Des renforts électoraux se­ront les bienvenus : ne doutons pas qu'on ira les chercher auprès des allogènes, qu'on aura systéma­tiquement favorisés. Cette arrière-pensée électorale n'est qu'une péripétie comme tout ce qui est électoral. C'est aussi une autre pensée, plus grave, qui doit être présente à notre esprit. Ces Portugais, ces Espagnols, ces Turcs, ces Nord-Africains et ces Nègres que nous avons attirés chez nous depuis vingt ans, ils constituent aujourd'hui dans nos nations ce que le vocabulaire marxiste appelle le prolétariat. Les transformations qui ont eu lieu depuis 1945, dans l'éducation et dans la pratique du travail, ont considérablement diminué l'ef­fectif de ce qui constituait le pro­létariat français en 1936. 90:260 A la place de la « classe ouvrière », telle qu'on pouvait la définir et la *sentir* à cette époque, il existe aujourd'hui un ensemble social non dénommé qui relie par des nuances insensibles les ménages d'ouvriers qualifiés, d'employés, de retraités dans un prisme social qui va du prolétaire d'autrefois, aujourd'hui minoritaire dans le peuple, au ménage petit bourgeois que la plupart des ménages ou­vriers sont devenus par leur mo­de de vie, leur habitat, leur vête­ment, leurs réactions -- et aussi par l'effet du travail des femmes qui met deux salaires à la dispo­sition de chaque foyer. Cette classe populaire, et non plus proléta­rienne, est celle qui a voté pour François Mitterrand. Elle ne se distingue plus du bourgeois « stan­dard » que par des signes de cul­ture, des mots de passe par les­quels se reconnaissent ceux qui sont passés jadis par le lycée et qui ont perdu le contact avec leur origine ouvrière, ou par des détails du vêtement, du comportement, des formes du bien-être. Il y a aujourd'hui des opinions différen­tes en France, mais non, comme on voudrait nous le faire croire, des *classes* ennemies. Le stationnement sur notre ter­ritoire d'un *prolétariat allogène,* étranger par ses mœurs, son édu­cation, son niveau de vie, son tra­vail et se trouvant chargé de tâ­ches indispensables que nous re­fusons de remplir, est un danger très grave pour l'avenir. Telle est la conséquence d'un antiracisme virulent et hystérique combiné avec une politique imbécile de l'enseignement, aveuglément me­née depuis trente ans sous tous les gouvernements qui se sont suc­cédé. Nous trouverons un jour, installés chez nous, si cette poli­tique continue, à la place du « pays réel », des occupants qui nous imposeront leurs musiques et leurs mœurs, puis leur loi. Mais n'est-ce pas ce qu'on veut secrè­tement ? \[Fin de la reproduction des principaux passa­ges d'un article de Maurice Bardèche paru dans *Défense de l'Occident,* numéro 187.\] 91:260 ### Apologie pour un certain Pierre Moussa Pierre Moussa est ce dirigeant du groupe financier « Paribas » qui, sans violer aucune loi ni aucun règlement, a fait en sorte que les filiales suisses échappent à la spo­liation socialiste. Voici les principaux passages de l'article que MAURICE BARDÈCHE a écrit à ce sujet dans sa revue DÉFENSE DE L'OCCIDENT, numéro 187 de décembre 1981. Je ne connais pas M. Pierre Moussa. Il est normalien, comme moi. Il a réussi : moi pas. Il est banquier et je n'aime pas les ban­quiers. Il aimait beaucoup Mau­rice Clavel et Louis Althusser, avec lesquels, apparemment, il a crié « Tue ! » pendant que les autres criaient : « Assomme ! ». Enfin, je n'aurais aucune raison de prendre sa défense, si son cas n'é­tait pas doublement symbolique : premièrement, parce qu'il a fait le premier geste de « résistance » ; deuxièmement, parce que, grâce à lui et sans qu'il ait rien de commun avec nous, nous prenons conscience de l'ambiguïté des réac­tions de l'opposition nationale à l'égard du socialisme jacobin. Rappelons d'abord une vérité première trop oubliée. Le prési­dent de la République a été élu par 52 % des suffrages exprimés qui ne représentent que 40 % des Français électeurs. 92:260 C'est le même pourcentage qui a envoyé à la Chambre, grâce à une loi électorale malhonnête, une majo­rité absolue de socialistes. Le gou­vernement actuel est donc le gou­vernement légal, cela ne fait au­cun doute. Mais il n'est pas un gouvernement légitime puisqu'il ne représente pas l'opinion de la majorité du peuple français ([^10]). Les contraintes qu'il impose dé­passent donc les pouvoirs qui lui ont été conférés. Sa légalité lui remet le pouvoir de gouverner, mais dans les conditions normales du gouvernement, c'est-à-dire en tenant compte des intérêts et des réactions de ceux qui, n'ont, pas voté pour lui. Si la contrainte et la menace sont employées sans tenir compte de cette opposition impuissante, ceux qui appartien­nent à cette majorité d'adversai­res et d'indifférents qui sont de­venus des otages du pouvoir, ont le droit d'opposer au gouverne­ment « l'objection de conscience » que provoque toute légalité qui ne repose pas sur une légitimité réelle. C'est en cela que le choix de M. Pierre Moussa, est symbolique. Dans une première phase, ce grand banquier, homme de gauche, ami de socialistes « bien intro­duits », pense que la nationalisa­tion ne fera qu'écorner le patri­moine moral qui est sa fierté et son œuvre. Lorsqu'il s'aperçoit qu'il s'est trompé, il est contraint de choisir entre l'obéissance ci­vique qui lui est imposée et la sauvegardé non pas de son bien, mais de son œuvre : il choisit de se défendre contre la spoliation, non pas même par la désobéis­sance civique, mais par un subter­fuge. En quoi son cas est-il diffé­rent de celui de milliers de Fran­çais moyens qui cherchent eux aussi à échapper, comme ils peu­vent et dans la mesure où ils le peuvent, à la spoliation, à la destruction du travail de toute leur vie, à la loi du plus fort ? M. Jacques de Fouchier, grand patron paternaliste qui avait fait la carrière de M. Pierre Moussa, se prononça contre lui en justifiant sa position par ces mots : « Le gouvernement actuel a été porté au pouvoir par des élections li­bres. Tant que nous ne sommes pas occupés par une armée étran­gère, je respecterai les lois de mon pays. » Belle parole civique : elle pose bien le cas de conscience, mais avec quelle ambiguïté ! Un jacobinisme peut nous faire ac­cepter n'importe quoi avec cette maxime : mais un fascisme aussi. Faut-il s'incliner devant tout état de fait, devant toute politique mê­me suicidaire, si elle est légale ? Une minorité légale a-t-elle le droit d'imposer à 60 % des Français hostiles ou silencieux leur expro­priation et leur destruction ? Vae victis, « malheur aux vaincus », disaient les Romains. Tendez vos poignets docilement aux menottes si le chancelier a été régulière­ment investi. Parole étrange après tant de discours qui nous répè­tent depuis trente ans que les Allemands, lesquels n'étaient pas occupés par une armée étrangère, avaient le devoir de ne pas se soumettre aux lois de leur pays ! Les cas de conscience ne sont jamais simples. Il y a quelque chose de captieux dans la maxi­me si absolue de M. de Fouchier : D'abord, parce que M. Pierre Moussa n'a pas transgressé les « lois de son pays » : ce qu'il a fait était parfaitement légal, il n'avait à l'égard du régime au­cun devoir de complicité Ensuite ; parce que l'exception d'occupation étrangère est, en 1981, une hypothèse archaïque, une référence à 1940 qui n'est plus aujourd'hui qu'un effet oratoire : 93:260 il n'y aura pas d'occupation étrangère, ou, s'il y en a une, elle ne nous lais­sera pas le droit de discuter, mais ce qui est bien plus à craindre, et un ; grand banquier devrait le pressentir, c'est qu'il peut y avoir des légalités. Que fera M. Jacques de Fouchier à Paribas, que feront les frères Riboud et M. Philippe Thomas, président de PUK et M. Jean Gandois, président de Rhône-Poulenc, aujourd'hui partisans de la collaboration, quand les grèves et les pressions syndicales oblige­ront le gouvernement socialiste, non pas à rompre avec les com­munistes comme on le croit, mais à partager leur pouvoir, toujours aussi légal, avec huit, puis douze ministres communistes qui dicte­raient alors les « lois de notre pays » ? Où doit commencer, non pas la « résistance », mais la dé­fense légitime des « biens » qui sont le résultat et aussi l'instru­ment de notre travail et de notre liberté ? Je n'aime pas les banquiers. Je ne me croyais pas destiné à pren­dre un jour la défense d'un ban­quier. Et il a fallu un étrange concours de circonstances pour que M. Pierre Moussa, qui n'a rien d'un Français moyen, me pa­raisse l'incarnation du Français moyen qu'il n'est pas Mais je ne puis pas ne pas avoir, dans cette circonstance, les mêmes sentiments que lui, je ne puis pas ne pas me dire que j'aurais fait, si j'avais été à sa place, la même chose que lui. Car il y a des lois non écri­tes de la cité. Et la première de toutes, le fondement de tout con­trat social est que le souverain protège. Le premier de ses devoirs est le devoir de sécurité : celui des biens et celui des personnes. Or, le pouvoir socialiste saccage. Son vandalisme est composite : il est fait de sentimentalisme, d'ignorance et de laine, mélange dont les proportions varient selon les personnes. Mais le résultat est la destruction : au nom de la généro­sité, au nom de la lutte des classes, au nom de l'espoir. Les trois im­pulsions aboutissant à la même fureur jacobine. Il faut faire plier l'échine aux « ennemis de la Ré­publique ». Au nom de l'idéal, an nom de l'avenir. « Au nom du peuple français... ». Au nom d'un mensonge. Mais ce sont les mots par lesquels commencent les verdicts. Le jacobinisme, intégral aboutit aux lois de Prairial. Bien sûr, au bout du toboggan, il y a les lois de Prairial. Alors, de quoi nous mêlons-nous, nous autres pauvres hères, en imaginant que Nosseigneurs les Banquiers ont des cas de conscience comme : nous ? Le cas de M. Pierre Mous­sa est encore plus exemplaire qu'il ne le paraît. Il est abandonné de ses pairs pour avoir fait une « gaffe ». Le mot si prudhommesque de M. Jacques de Fouchier ne l'est pas du tout : il ne résume pas un cas de conscience, il est une « déclaration ». Et même une déclaration opportuniste. Dans un langage mesuré, le président de la République fait entrevoir très discrètement des lois de Prairial qui lui feraient beaucoup de peine : il pourrait y avoir « radicalisa­tion » du régime, il le craint et le déplore. Le grand capital, après avoir recensé les forces dont il dispose, constate avec sagesse qu'il n'est pas question d'engager une lutte inégale, il assure donc de son loyalisme et de sa collaboration. Et même de sa contribution à l'effort commun. \*\*\* 94:260 Les contradictions du socialisme ont pour origine la légèreté : les contradictions correspondantes de l'opposition nationale ont pour origine le réalisme. Sur les « maî­tres-mots » du programme socia­liste, il n'y avait pas hostilité de principe : nationalisations, régio­nalisme, impôt sur les grandes fortunes, solidarité, tout cela était non seulement acceptable ; mais en fait accepté par une opposition nationale, au moins telle que je la conçois, intransigeante et cohé­rente. Mais sous les mêmes mots, nous ne mettions pas la même chose. Certaines nationalisations nous paraissaient possibles dans des secteurs particuliers, d'autres nous paraissaient même souhaita­bles, qui n'ont pas été faites, par exemple celle de la publicité, d'au­tres nous semblaient impossibles et aberrantes, celles qui ont été choisies pour mettre la main sur le « pouvoir économique », sans savoir ce que c'était. Beaucoup de groupes nationaux n'étaient pas hostiles au régionalisme, certains même s'en réclamaient : mais le régionalisme de liberté auquel ils pensaient n'avait pas de rapport avec le quadrillage inventé par Gaston Defferre. L'impôt sur cer­taines grandes fortunes et même leur pure et simple confiscation, je le réclame depuis longtemps à condition *qu'il s'applique aux for­tunes sans cause, inexplicables, miraculeuses,* que la police con­naît, ou *aux fortunes apatrides aussi faciles à identifier.* Quant à la solidarité, c'est le mot-clef, c'est la revendication essentielle des régimes dont nous rêvons, mais une solidarité qui exclut la lutte des classes et qui est une solidarité réelle dans le travail et l'efficacité, c'est-à-dire en affranchissant les entreprises des contrôles qui les paralysent, des charges qui les ruinent et d'un contre-pouvoir syndical qui ne son­ge qu'à les détruire. Les conceptions doctrinaires du régime socialiste et sa précipitation ont enlevé tout contenu positif à ces revendications. Les socialistes ont *décrété* les nationalisations comme si elles avaient lieu dans la situation qui était celle de l'Eu­rope et du monde en 1930. Ils détruisent un tissu économique qui nous donnait une place dans le commerce mondial : ils agissent comme si la France pouvait fer­mer ses frontières, s'isoler dans le monde et se passer de pétrole. Le régionalisme, détourné de son sens, est devenu *un système d'ins­tallation du socialisme* dont on connaît les gérants, mais dont on ne sait ni le coût ni les moyens. L'impôt sur les grandes fortunes a été détourné de son objectif quand on s'est aperçu qu'il frap­pait les spéculations des milliar­daires apatrides et une intéressan­te clientèle d'interlocuteurs privi­légiés. La volte-face du pouvoir va bien au-delà des « petits collec­tionneurs » sur lesquels la grande presse s'apitoie naïvement et des intérêts du « marché des œuvres d'art ». Elle exclut de l'impôt les lingots nommés Utrillo, Picasso ou Renoir, et *elle ne frappe plus que les patrimoines familiaux constitués de terres ou d'immeu­bles, c'est-à-dire la fortune des Français moyens aisés.* Enfin, la solidarité, telle qu'elle est conçue par le régime socialiste est, en réalité, une spoliation systématique de ceux qui travaillent, qui in­ventent, qui risquent, ou qui ont travaillé, inventé et risqué, au pro­fit d'une plèbe d'assistés installés dans la magouille, la paresse, et l'exploitation méthodique du ma­quis des « droits acquis ». \[Fin de la reproduction des principaux passa­ges de l'article de Maurice Bardèche paru dans *Défense de l'Occident,* numéro 187 de décem­bre 1981.\] 95:260 ## Informations et commentaires ### Derniers échos du Congrès eucharistique On sait ce que fut le Congrès eucharistique international qui s'est tenu à Lourdes du 16 au 23 juillet 1981. Tel qu'il avait été voulu et préparé par les or­ganisateurs français (qui en avaient réservé l'accès à leurs seuls invités), il fut un échec total un fiasco. Tel qu'il eut lieu effectivement quand, en dernière heure, les barrières fu­rent levées, il fut un succès, malgré la pagaille et quelques bavures, grâce au discours ra­diodiffusé du pape (absent à cause des suites de l'attentat dont il avait été victime le 13 mai), à la dignité et au tact de son légat le cardinal Gantin et à la ville même de Lourdes où la présence invisible de la Vier­ge ne cesse d'opérer sur l'esprit des pèlerins. Favorables ou défavorables aux organisateurs du Congrès, tous les comptes rendus parus dans la presse ont, à qui sait lire, confirmé cette analyse. On doit cependant faire une place à part à celui qu'a publié la revue *Esprit et Vie* (ex *Ami du Clergé*) dans son numéro 45 du 12 novembre 1981. Signé du P. Joseph Bordes, recteur des sanctuaires de Lourdes, il avait paru précédemment dans la re­vue *Recherches sur Lourdes* (no 76, octobre 1981) ; mais dans *Esprit et Vie* il est complété par de nombreuses notes de Dom Bernard Billet. Pourquoi mentionner spécia­lement ce compte rendu ? Par­ce que sa longueur -- 18 co­lonnes, soit 9 pages -- et le choix qu'en a fait *Esprit et Vie* le désignent à notre attention. Nous sommes, en quelque sorte, invités à y trouver la « note » qu'il faut retenir pour porter un jugement correct sur le Con­grès. 96:260 Eh ! bien, ce n'est pas facile. On sent, d'un bout à l'autre, que l'auteur veut prouver quel­que chose. Mais quoi ? On n'arrive pas à le saisir. Est-ce une critique subtile ? Est-ce un plaidoyer ? En tout cas à tra­vers les faits rapportés on aper­çoit bien en quoi il fut un fias­co et en quoi un succès. Le succès est majoré par l'inflation verbale habituelle aux ecclésias­tiques ; le fiasco apparaît radi­cal dans le plaidoyer même. Comme d'un paragraphe à l'autre, d'une phrase à l'autre, voire à l'intérieur d'une même phrase, tout est perpétuel ba­lancement, il faut lire l'article entier pour l'apprécier à sa juste valeur. Notons tout de même quelques phrases qui en disent long : « *Certes, on aurait pu faire en sorte que le culte de l'Eu­charistie en dehors de la Messe apparaisse moins en rupture avec la pratique habituelle des Congrès Eucharistiques et avec celle de Lourdes.* (*...*) « *Aurait-on réellement offen­sé la sensibilité de nos frères protestants en rendant plus ac­cessible à tous l'adoration per­pétuelle qu'il fallait* « *gagner *» *à la chapelle du Carmel par un escalier pas tellement commode pour tout* le *monde ? *» (p. 613). « (*...*) *N'y avait-il pas place pour une manifestation eucha­ristique, attendue par beau­coup... ? *» (p. 614). « *On n'a peut-être pas exa­géré en disant qu'il s'agissait là de* « *l'acte le plus important de­puis le Concile Vatican I *» (faut-il lire « Vatican II » ?). *On a même parlé d'un* « *deu­xième Vatican II *» *où les forces vives de l'Église venaient attes­ter que Vatican II était accepté et vécu *» (p. 614). « *Décidément, dans la longue semaine du Congrès, c'est une autre Église qui a surgi, qui s'est révélée à elle-même, pre­nant conscience et consistance *» (p. 616). Ajoutons que si beaucoup des notabilités présentes à Lour­des sont citées et nommées -- Dom Helder Câmara, Mgr. Le Bourgeois, le cardinal Wille­brands, le pasteur Louis Lévrier (de l'Église Réformée), le cha­noine (?) Roger Greenaire (an­glican), le P. Élie Melia (ortho­doxe), le cardinal Etchegaray, le cardinal légat est men­tionné *sans que son nom soit indiqué* et le message du pape qui fut, du moins pour les non-invités, le moment culminant du Congrès, *est passé sous si­lence.* Oui, ce fut bien « un autre Congrès », le congrès d' « une autre Église » où perça ce­pendant l'Église éternelle, pré­sente dans le pape absent, dans la foule des pèlerins innocents, dans le Saint Sacrement caché dans un Carmel et dans la grotte de Lourdes où les fidèles ve­naient supplier l'Immaculée de les garder dans l'Espérance. Louis Salleron. 97:260 ### Dom Guéranger « réduit à l'archéologie » Dans *Le Figaro* et dans *L'Au­rore* du 8 décembre 1981, on pou­vait apprendre en page 15, de bien belles choses : « *La réforme liturgique du Concile, qui a tout restructuré en répartissant sur trois ans la lecture de l'Évangile, avait anéan­ti le trésor des missels et com­mentaires qui alimentait les chré­tiens. Elle a réduit Dom Gué­ranger à l'archéologie. *» Nous prenons acte de cet en­seignement dispensé aux lecteurs du *Figaro* et de *L'Aurore.* Il se résume ainsi : 1\. La réforme liturgique du Concile a « anéanti un trésor » quel aveu ! 2\. Ce trésor était celui « des missels (donc du missel romain) et commentaires qui alimentait les chrétiens » quelle précision dans l'aveu ! 3\. La dite réforme est parvenue à ce résultat remarquable « en répartissant sur trois ans la lec­ture de l'Évangile » point c'est tout. Vraiment ? 4\. La dite réforme « réduit Dom Guéranger à l'archéologie » quel langage ! quelle pensée ! \*\*\* Au troisième paragraphe de la première colonne de l'article cité, il est indiqué que : « *Dans la chrétienté de mon enfance, la liturgie est le rythme même de la vie sociale : austé­rité de l'Avent et du Carême, éclat des fêtes. Ma grand-mère, chaque jour, lisait Dom Guéran­ger, dont le missel-bibliothèque commentait la messe de chaque jour. *» D'où il suit que, parmi le « tré­sor anéanti » par « la réforme liturgique du Concile », il y a en­core « le rythme même de la vie sociale » qui est « la liturgie ». (Autrement, la précision « dans mon enfance » n'aurait pas de sens : il est clair que « dans mon enfance » s'oppose à « aujour­d'hui ».) D'autre part, présenter *L'année liturgique* comme le « missel-bi­bliothèque \[qui\] commente la messe de chaque jour » c'est af­firmer avec fiel une énorme inexac­titude. Avec fiel, parce que l'expression « missel-bibliothèque » tourne en dérision l'objet même de *L'année liturgique :* donner un commen­taire monumental du missel ro­main. Une énorme inexactitude, parce que *L'année liturgique* est bien autre chose qu'un « commentaire de la messe de chaque jour ». 98:260 Inexactitude matérielle énorme, car pratiquement aucune messe du sanctoral n'est commentée (il aurait fallu commenter la même messe pour les vierges, les mar­tyrs, les docteurs, les confesseurs qui n'en ont pas de propre, et c'est la majorité). Inexactitude beaucoup plus grave selon l'esprit, car l'essentiel de l'œuvre de Dom Guéranger consiste à montrer comment *L'année liturgique* forme un tout organique et offre aux fidèles « une manifestation de Jé­sus-Christ et de ses mystères dans l'Église et dans l'âme fidèle ». \*\*\* Question : comment un parti­san déclaré du retour aux sources peut-il parler de « réduire » quel­qu'un (ou son œuvre) à l'archéo­logie ? (Mis de côté le charabia.) Nous croyions naïvement qu'être digne de l'attention des archéologues était une *élévation* dans l'ordre du mérite conciliaire. Fiel ; impiété, bêtise. N'en res­tons pas là. Relisons Benedictus « Ô Sainte liturgie, honneur de l'Église, toi qui inspiras tant de monuments d'art et de poésie, toi qui inspiras à saint François, le petit pauvre, de chanter la gloire de son Seigneur sur les routes du monde ; toi qui mets sur nos lèvres le cantique des élus et règles nos pas dans notre marche vers le ciel ; toi qui chasses de nos cœurs l'impureté et les attires dou­cement vers les biens invisibles, nous te jurons fidélité jusqu'à la mort et même au-delà, dans ce paradis dont tu nous dévoiles quel­que chose des splendeurs indicibles. » Antoine Barrois. ### Oui, il est sans doute encore temps Intéressante, l'évolution des pen­sées de Jean Daniel (*Nouvel Ob­servateur,* n° 894 du 26 décembre 1981) : « *La plus grande centrale syn­dicale française, la CGT, en re­fusant de se déclarer solidaire de son homologue polonaise, a prouvé bien plus que dans le passé qu'elle n'était que la* « *courroie de transmission *» *d'un parti pour lequel les inté­rêts de l'Union soviétique s'iden­tifient avec ceux du mouvement ouvrier. *» Clause de langage : la CGT aurait prouvé « bien plus que par le passé » qu'elle est une courroie de transmission du parti commu­niste. Il faut entendre simplement que le *Nouvel Observateur* s'en aperçoit bien mieux aujourd'hui qu'avant-hier. Ce n'est donc pas la preuve qui est meilleure. C'est le regard qui est moins brouillé. 99:260 Ou le parler qui est plus franc. Jean Daniel est maintenant « *d'a­vis d'abandonner tout biais et toute nuance *», et il prend de fermes résolutions : « *Nous n'aurons jamais rien en commun avec les gens qui oppriment le peuple polonais ni avec ceux qui approuvent son oppression ou s'en accommodent. Nous n'aurons jamais rien en commun avec ceux qui, à Mos­cou, à Varsovie, chez nous, où que ce soit, font preuve de quel­que bienveillance ou même de ré­signation devant un forfait fascis*te *donnons-lui son nom comme celui que vient de com­mettre la junte dirigée par Jaru­zelski... *» \[*Donnons-lui son nom :* c'est un forfait communiste.\] « ...*En 1981, il n'est plus permis de dire que la fin justifie les moyens puisque nous avons tous éprouvé que ce sont les moyens qui conditionnent, façonnent et déterminent la fin. Mais quand, au surplus, la fin qu'on ose nous proposer, et à laquelle il faudrait sacrifier certains moyens, c'est ce modèle soviétique pré­tendu* « globalement positif », *alors je ne vois pas comment le dialogue serait possible. *» Dont acte. Jean Daniel devient adulte. Face à l' « hégémonisme soviétique », il incite à la néces­saire résistance : *A ceux qui proclament à l'envi et non sans raison, bien sûr, qu'on ne peut envoyer des chars, répondons que, pour le moment, il s'agit au moins d'ar­mer les esprits et d'édifier une digue morale pour limiter la con­tagion. La résistance spirituelle réclame une longue, une attentive préparation.* Cette préparation nécessaire, et nécessairement longue et attentive, on aurait pu ne pas attendre Noël 1981 pour commencer *à l'envisa­ger*. Jean Daniel a pris beaucoup de retard. Mais enfin, mieux vaut tard que jamais. Si c'est pour de bon. J. M. ### L'immense vertu que nous propose « Le Figaurore » : c'est le scepticisme Le 8 décembre dernier en la fête de l'Immaculée-Conception le *Figaro* et *l'Aurore,* ces deux journaux qui n'en font qu'un, et que la gouaille parisienne a sur­nommé le *Figaurore,* nous don­nait le fac-similé d'un acte, de baptême laïque tel qu'il est em­ployé par la mairie de Bezons (Val d'Oise). 100:260 On y lit que les pa­rents d'un nouveau-né « *ont dé­claré présenter leur enfant au pre­mier magistrat de la Commune afin de le placer sous la protection de la Cité, affirmant leur volonté de le soustraire à l'emprise des religions et de l'élever dans le cul­te de la Vérité et de la Raison *»*.* Des formules, démarches et cé­rémonies analogues avaient cours pendant la Révolution française. Mais voici le commentaire du *Figaurore :* « *En somme, on ne fait que changer de dieux. Mais que l'on se méfie de ceux qui ont toujours soif, car ils ne connaissent pas l'indulgence, la générosité et cette immense vertu qui est le scep­ticisme. *» Maurras avait surnommé le *Fi­garo :* « le journal maudit ». Le scepticisme religieux s'ap­pelle l'incroyance volontaire et systématique. On peut être victi­me de l'incroyance comme d'un malheur. On peut chercher la vé­rité sans la trouver : mais lui tourner délibérément le dos, et faire de ce refus de principe une « immense vertu », c'est autre chose. C'est l'anti-dogmatisme, c'est le libéralisme maçonnique, signé Hersant et Pauwels. J. M. Si ce n'est pas de la haine,\ c'est quoi ? Marcel Clément a patronné, édité et cautionné naguère une traduction française de l'encycli­que *Divini Redemptoris* sur le communisme, en expliquant pour­quoi il la tenait pour la meilleure, et de loin. Or maintenant, quand Marcel Clément cite l'encyclique *Divini Redemptoris* (il en cite le para­graphe 41 en première page de *L'Homme nouveau* du 3 janvier), il la cite dans une traduction an­térieure, la vieille traduction de la Bonne Presse, dont il connais­sait bien les insuffisances et les défauts. La raison évidente et unique de ce bizarre comportement est que la traduction française naguère prônée, publiée et garantie par Marcel Clément était signée Madi­ran. Non seulement ce nom ne doit plus jamais être imprimé dans *L'Homme nouveau,* mais encore aucune ligne de cet auteur ne doit y être imprimée, fût-ce anonyme­ment. Une vigilance qui se porte à de telles extrémités, on n'arrive pas à croire qu'elle soit le fruit de la haine. Et pourtant, quoi d'autre que la haine pourrait aller jusque là ? 101:260 Nationalisme « débridé » ...\ ... ou trop bridé ? Dans le journal *Présent* du 6 janvier, on a pu lire cette juste remarque : « *Pour désigner les maux qui frap­pent le monde moderne et l'entraînent dans la guerre, le pape Jean-Paul II nomme les nationalismes débridés. La vérité c'est que le général Jaru­zelski,* *serviteur zélé de l'internatio­nalisme communiste, a parfaitement bridé le nationalisme polonais. *» « Patapon » à la dérive\ (suite) Nous avions précédemment alerté nos lecteurs sur la dérive *de Patapon.* Notre alerte avait semblé pré­maturée. Il est confirmé que *Patapon* (pour les petits) et *Vertes collines* (pour les plus grands) sont deve­nus la propriété de la maison d'édition Téqui, laquelle est entre les mains de Pierre Lemaire. A l'automne dernier, Pierre Le­maire a complètement changé le genre de *Vertes collines,* sans avertir Mme Récamier ; il a vul­garisé les couleurs et la présen­tation, sous l'influence, semble-t-il, d'un ecclésiastique auteur d'un ca­téchisme modernisant. Nous avons appris qu'il écarte les articles de l'ancienne rédaction, notamment sur des sujets tels que le Christ-Roi ; le maréchal Pétain, Verdun... La présentation de *Patapon* de­meure pour le moment inchangée, mais le contenu devient de plus en plus inconsistant. 102:260 ## AVIS PRATIQUES ### Annonces et rappels *Depuis le 5 janvier, le journal* PRÉSENT *paraît chaque jour* (*cinq jours par semaine*)*. Les premiers mois, il ne sera pas dans les kiosques, mais envoyé aux seuls abonnés.* *Cependant il est souhaitable qu'il soit individuellement mis en vente au numéro par tous les libraires et dépositaires qui le veulent. A eux de se faire connaître en écrivant ou téléphonant au journal* PRÉSENT, *5, rue d'Amboise, 75002 Paris ; téléph. :* (1) 297.51.30. #### Pour le 19 mars 1982 Les communistes et leurs cour­roies de transmission s'efforcent chaque année davantage de faire commémorer comme une victoire leur victoire l'anniversaire du 19 mars 1962, date du misé­rable cessez-le-feu imposé à l'ar­mée française en Algérie, entraî­nant la débâcle la plus honteuse de notre histoire, parce que la plus évitable. Les catholiques du CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER ap­pellent tous les Français, anciens d'Algérie ou non, originaires de la métropole ou de toutes les terres de ce qui fut l'empire fran­çais, à donner au 19 mars sa seule signification nationale possible, en en faisant désormais une *journée de prière et de recueillement pour la patrie humiliée.* 103:260 Manifestations et cérémonies déjà prévues. *A Paris :* 18 mars, grande salle de la Mutualité, de 21 h à 23 h, veillée du souvenir et d'hommage aux morts de l'Algérie française. Puis, de 23 h 30 jusqu'à 6 h du matin le 19 mars, récitation du chapelet pour tous les morts de la guerre d'Algérie et adoration du Saint-Sacrement. *A Marseille :* 19 mars, à 20 h, procession au flambeau pour la montée à Notre-Dame de la Garde. Tous renseignements au CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER, 12, rue Calmels, 75018 Paris ; téléph. (1) 259.97.82. #### Le texte de l'appel pour le 19 mars Voici le texte de l'appel lancé par le CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER : Certains voudraient faire du 19 mars 1962 un événement à com­mémorer. Cet événement, ce fut le ces­sez-le-feu imposé à une armée française victorieuse à laquelle, selon le témoignage même de Ben Bella, chef du parti fellagha, ne s'opposaient plus guère que quinze cents rebelles démoralisés. Ce cessez-le-feu entraîna la dé­bâcle la plus honteuse de notre histoire, parce que la plus évi­table. En quelques semaines, alors que l'armée française, privée des chefs trop peu nombreux qui n'avaient pas voulu renier leurs serments, demeurait immobile, plus de deux cent mille Français Musulmans coupables de fidélité française étaient arrêtés, tortu­rés et massacrés, ainsi que plu­sieurs milliers d'Européens dont nombre de femmes vouées au sort le plus épouvantable. En quelques jours plus d'un million de personnes durent tout abandonner dans une fuite plus éperdue que celle de la débâcle de 1940. Jamais dans notre histoire la France n'avait connu la honte d'un abandon aussi tragique et aussi rapide, d'une fuite aussi impor­tante, motivée non par un désas­tre militaire mais par la seule volonté de ses propres gouver­nants. Jamais elle n'avait connu une pareille défaite, librement vou­lue, dans un mépris absolu de la solidarité nationale et de la pitié la plus élémentaire. Voilà ce que l'on commémore déjà depuis des années et que l'on voudrait commémorer plus officiellement encore. Voilà ce que l'on va essayer de faire d'abord passer dans les faits avant que de l'imposer défi­nitivement dans la loi. Les Français qui se reconnais­sent dans la France de saint Louis et du Père de Foucault, la France des victoires, et des défaites ja­mais acceptées, ne peuvent to­lérer cela. 104:260 Voilà, pourquoi les Catholiques du Centré Henri et André Charlier appellent tous les Français, anciens d'Algérie ou non, originaires de métropole ou de toutes les terres de ce qui fut un grand et noble empire, de toutes croyances et de toutes races, à donner au 19 mars sa seule signi­fication possible, en en faisant désormais une « journée de prière et de recueillement pour la patrie humiliée ». #### Communiqué des Dominicaines enseignantes de Fanjeaux Sur les Dominicaines enseignan­tes de Fanjeaux, le lecteur, peut se reporter à l'article de Jean Ma­diran : *L'église et la caserne,* paru dans notre numéro 253 de mai 1981. Voici le communiqué récem­ment publié par les Dominicaines de Fanjeaux : Avant la rentrée des classes, nous informions les parents de nos élèves de notre intention d'ouvrir une troisième école pour filles et leur demandions de nous aider à trouver un lieu d'implan­tation. Nous avons aussitôt reçu de nombreuses propositions dont la générosité a souvent fait notre admiration et nous tenons à dire à tous notre reconnaissance. L'une des maisons proposées, ayant tout l'équipement néces­saire à une communauté religieu­se et à une école, pourrait être utilisée dès la rentrée prochaine. Mais comme nous l'écrivions, si la Providence a suscité suffi­samment de vocations pour nous permettre d'envisager une nou­velle fondation, nous ne pouvons la réaliser faute de moyens fi­nanciers. C'est pourquoi nous nous adres­sons comme il y a six ans à tous ceux, parents et amis, qui, ayant compris l'importance et la néces­sité de l'école catholique, peu­vent et veulent nous aider. Il suffirait, en effet, que mille personnes nous adressent un chè­que de mille francs -- ou que deux mille nous en adressent un de cinq cents francs -- pour que cette maison soit acquise et qu'en un autre coin de France, le cœur, l'âme et l'intelligence d'autres petites Françaises soient évangélisés dans la fidélité à la Foi de toujours et qu'elles y re­çoivent une culture authentique­ment chrétienne. Conscientes que cette requête s'ajoute à beaucoup d'autres non moins urgentes mais confiantes en votre générosité qui, depuis six ans n'a cessé de faire vivre nos maisons de Fanjeaux et d'Unieux, nous remettons l'exis­tence de cette future école entre vos mains. 105:260 Nous prions Dieu, la Vierge Marie et saint Dominique de vous rendre en grâces et bénédictions de toutes sortes l'aide que vous nous apportez et que vous nous apporterez. Adresser la correspondance à Mère Prieure, Saint-Dominique du Cammazou, 11270 FANJEAUX. Libeller les chèques de la façon suivante : -- Chèque bancaire : Les amis de la Clarté, 11270 FANJEAUX. -- C.C.P. : Les amis de la Clarté -- Toulouse 665 86 T. #### Les Amis des Saints Signalons à nouveau ce petit journal qui donne beaucoup de détails intéressants sur la vie de nombreux saints et encourage ses lecteurs à suivre leur exemple. Les enfants le lisent volontiers. Certains se précipitent sur les jeux nombreux et astucieux (peut-être occupent-ils un peu trop de pla­ce ?). Des subtilités byzantines des charades, mots croisés, énigmes et rébus, on ne peut trouver la solution que si l'on a d'abord soigneusement étudié les textes don­nés en lecture. Ces *Amis des Saints* sont le meilleur journal que l'on puisse actuellement recom­mander pour les enfants. Adresse : 74, av. Abel Roland, 81390 Bria­texte (directeur : l'abbé Lamba­darios). A la même adresse : un agenda de poche pour l'année 1982, avec les saints du calendrier liturgique traditionnel. Cet agenda est re­commandé par Mgr Lefebvre. #### L'Atelier de la Sainte-Espérance Élément essentiel du CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER, l' « Atelier de la Sainte-Espérance », fondé et dirigé par Al­bert Gérard, élève d'Henri Char­lier, se réunit souvent au Mesnil-Saint-Loup. Tous les participants à la journée parisienne d'Amitié française, le 22 novembre 1981, ont pu y visiter la très belle ex­position de l'Atelier et admirer le travail qui s'y fait pour que con­tinue malgré tout, à notre époque d'obscurantisme croissant et de barbarie généralisée, la grande tra­dition de l'art chrétien toujours renouvelé et toujours fidèle. 106:260 L'ATELIER DE LA SAINTE ESPÉ­RANCE accepte les commandes de travaux de broderie, de peinture sur tissus et en général d'art gra­phique. Écrire, téléphoner ou ve­nir à l'adresse du CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER, 12, rue Cal­mels, 75018 Paris ; téléph. : (1) 259.97.82. ============== fin du numéro 260. [^1]:  -- (1). ITINÉRAIRES, numéro 38 de décembre 1959, pp. 84-85. C'est notre numéro spécial : *La Royauté de Marie et la consécration à son Cœur Immaculé,* avec cent pages d'enseignements pontificaux, principalement de Pie XII. [^2]:  -- (1). Éd. Buchet-Chastel. [^3]:  -- (1). Voir : *Les cent ans de Teilhard de Chardin,* dans ITINÉRAIRES, numéro 255 de juillet-août 1981, pp. 35 et suiv. ; voir aussi : *La canonisa­tion de Teilhard,* ITINÉRAIRES numéro 259 de janvier 1982, pp. 119 et suiv. [^4]:  -- (2). Les chiffres IX et 146 indiquent le tome des œuvres complètes et la page (Éd. du Seuil). [^5]:  -- (3). *Blondel et Teilhard de Chardin* (Beauchesne 1965) pp. 160-161. [^6]:  -- (1). Dans cette série on doit aussi connaître les numéros suivants des *Dossiers de l'archéologie* (devenus *His­toire et archéologie, les dossiers*) : 21 (mars/avril 1977 sur la Belgique de Cé­sar à Clovis, avec des articles sur Tournai, les Francs), 30 (sept./oct. 1978 sur Charlemagne et la renaissance caro­lingienne), 32 (janv./fév. 1979 sur les bijoux de la reine Arégonde découverts à Saint-Denis), 34 (mai 1979 sur Jeanne d'Arc et l'archéologie de la guerre de cent ans, ce qui est loin des Mérovin­giens, mais autant le signaler), 53 (mai 1981 sur Autun, foyer d'art antique et médiéval), etc. [^7]:  -- (2). Sur le trésor découvert dans la tombe de Childéric à Tournai, sous Louis XIV, et dont il ne reste plus que des épaves, lire de Mme Françoise Dumas : *Le tombeau de Childéric* pu­blié à Rouen en 1975 ; il est en vente à la Bibliothèque nationale, l'auteur étant conservateur au cabinet des mé­dailles. [^8]:  -- (1). *Petite philocalie de la prière du cœur,* traduite et présentée par Jean Gouillard, Éditions du Seuil, collection « Livre de vie », nn. 83-84 (paru en 1968, et sous une autre forme dès 1953) connaît le texte d'H. de B., qu'il *si­*tue : Éditions orthodoxes, Paris 1952* ;* Un moine de l'Église d'Orient, *La priè­re de Jésus,* ibidem, n° 122 (paru en 1963 aux Éditions Chevetogne avec im­primatur de Namur et dans la collec­tion en question en 1974) ; *Récits d'un pèlerin russe,* traduits par Jean Laloy (paru en 1978 au Seuil, collection « Points, Sagesses » n° 14, avec aussi le nom de La Baconnière, et sous d'autres formes dès 1943* -- *le traduc­teur ayant alors le pseudonyme de Jean Gauvain --, et 1966*,* au même Seuil, collection « Livre de vie », n° 63) ; *Le pèlerin russe. Trois récits inédits* tra­duits par une équipe et avec introduc­tion d'Olivier Clément (paru en 1979, dans la même collection « Points, Sa­gesses », n° 19, avec le nom d'éditeur de l'abbaye de Bellefontaine). On ne saurait oublier *Le nuage d'inconnais­sance* par un chartreux anglais du XIV^e^ siècle si l'on en croit de bons auteurs (paru aux Éditions du Seuil, 1977*,* collection « Points, Sagesses », n° 12, et dès 1953 aux Cahiers du Sud). [^9]:  -- (1). Recension dans ITINÉRAIRES, n° 253 de mai 1981. [^10]:  -- (1). Maurice Bardèche veut dire que *même selon la théorie démocratique* de la légitimité politique, l'actuel gou­vernement socialiste ne jouit pas d'une légitimité incontestable. (Note d'ITINÉRAIRES.)).