# 270-02-83 1:270 ### La notice liturgique de Karl Marx dans le Nouveau Missel des dimanches ON FAIT MÉMOIRE DES SAINTS le jour anni­versaire de leur mort. Pour le cen­tième anniversaire de la mort de Karl Marx, la liturgie de l'épiscopat français fait mémoire de lui le 14 mars 1983. La com­mission liturgique francophone, présidée par Mgr Boudon, a donné son approbation. La notice figure à la page 139 du *Nouveau Missel.* En voici le texte entier ; avec notre commen­taire littéral. 2:270 Le 14 mars 1883, à Londres, mort de Karl Marx, économiste et philosophe allemand ([^1]). Certains s'étonne­ront ([^2]) de voir mentionner dans un missel le représentant le plus connu de l'athéisme moderne. Mais le retentisse­ment du mouvement qu'il a lancé ([^3]) est d'une telle im­portance qu'on ne peut le passer sous silence ([^4]). 4:270 L'athéis­me marxiste a été condamné à plusieurs reprises par les papes ([^5]), tandis que ([^6]) l'appréciation de la valeur de l'analyse socio-économique ([^7]) proposée par le marxisme relève ([^8]) des sciences humaines ([^9]). Nombreuses sont les interprétations de la pensée de Marx. 6:270 La plus courante, celle qui est officielle dans les États marxistes ([^10]), conti­nue à voir dans la religion une aliénation dont l'homme doit s'affranchir ([^11]). 7:270 SI CETTE NOTICE LITURGIQUE de Karl Marx avait été rédigée par un communiste -- non point un brave électeur communiste, ou un naïf syndicaliste de la CGT, mais un apparatchik confirmé dans l'emploi des techniques de l'agit­prop, un « révolutionnaire professionnel », comme disait Lénine, qui précisait : « tout bon commu­niste doit être un bon tchékiste », -- eh ! bien, le texte serait exactement ce qu'il est. L'apparatchik invité à mentionner Karl Marx dans un Missel n'écrirait rien de moins, rien de plus. C'est pour­quoi l'hypothèse de l'apparatchik, sans être cer­taine, est la plus adéquate pour rendre compte du phénoménal résultat. Le communisme et son KGB n'y trouveraient rien à censurer, rien à con­tredire, rien qui puisse les gêner. La page 139 du Nouveau Missel des dimanches est le signe le plus éclatant de la servitude mentale et politique où sont tombés le noyau dirigeant et l'appareil bu­reaucratique de l'épiscopat français. Nous refusons cette servitude. Nous appelons les catholiques, laïcs, prêtres et évêques, oui, nous les appelons tous à la refuser. Jean Madiran. 8:270 ## CHRONIQUES 9:270 ### U.R.S.S. et U.S.A. *La fausse symétrie* par Gustave Thibon IL EST D'USAGE, surtout chez les intellectuels de gauche non communistes, de nous mettre en garde avec une égale véhé­mence contre les dangers de l'impérialisme américain et ceux de l'impérialisme soviétique. J'ai sous les yeux un article intitulé : *Ni l'American way of life, ni le goulag,* où sont magis­tralement dénoncés puis renvoyés dos-à-dos ces deux types aberrants de société. Qu'est-ce que cela signifie ? S'il s'agit de protéger, dans tous les domaines, notre indépendance et notre intégrité nationales contre les empiètements des deux super-puissances, nous som­mes bien d'accord. Mais, établir une équivalence entre l'une et l'autre menace de vassalisation relève, sous la noble apparence de l'impartialité, de l'erreur ou de la mauvaise foi. Car nous vivons dans un monde de communication et d'échanges où il est impossible d'échapper aux influences venues de l'Est comme de l'Ouest. 10:270 Alors, la vraie question se pose ainsi : où est le moindre mal et pour nous le moindre danger -- et cela sur tous les plans : économique, politique, social, culturel, et même militaire en cas de conflit armé ? Autrement dit, s'il faut s'ex­poser à la contagion, y a-t-il un égal danger à braver celle de la peste et celle du rhume de cerveau ? J'ai vécu en Amérique, et j'avoue sans hésitation que je ne voudrais pas y finir mes jours. Mais, si j'étais contraint de choisir entre l'exil aux USA et l'exil en Russie soviétique, la décision me prendrait à peine le temps d'un éclair. En fait, que reproche-t-on à l'influence américaine sur notre pays ? La contagion de l'esprit mercantile et du culte du dollar ? D'un certain infantilisme de la pensée et du sentiment ? D'un aplatissement de la culture dont le récent succès d'un feuilleton insipide comme *Dallas* nous offre un exemple affli­geant ? D'une forme de religiosité élémentaire orientée vers le « rendement » psychologique de la foi plus que vers l'adoration du mystère, du type de cette publicité que j'ai vue un soir flamboyer au sommet de Radio-City : « Vous avez tout essayé, pourquoi pas le Christ ? » Tout cela n'est que trop vrai, mais appelle deux remarques : D'abord que ces ombres et ces lacunes ne doivent pas nous faire oublier les aspects positifs de l'*American way of life :* le dynamisme, l'esprit d'entreprise, l'audace, le sens du risque, le respect des libertés, etc. -- qualités qui ont fait des États-Unis la première puissance mondiale et qui manquent de plus en plus à notre vieux continent où la prise en charge par l'État étouffe dangereusement, sous l'épaisseur malsaine de la « cou­verture sociale », le goût de l'initiative et de l'effort personnel. Le manque de compétitivité de nos entreprises, déploré de mois en mois par notre ministre du commerce extérieur, ne tient-il pas en partie à cet excès de sécurisation ? L'ardeur des pionniers, déjà refroidie en Amérique, frôle chez nous le degré de congélation... Ensuite que la contagion de ce qu'il y a de pire dans l'amé­ricanisme ne nous est pas imposée par la violence et que nous restons parfaitement libres d'y résister. J'ai parlé du feuilleton *Dallas :* qui nous oblige à appuyer sur le bouton de la télévision pour en repaître nos yeux et nos oreilles ? Et son succès en France ne tient-il pas à notre paresse intellectuelle qui nous incline à préférer aux choses sérieuses un divertissement puéril ? L'influence s'exerce ainsi au plus bas niveau : nous contractons les défauts des Américains tout en restant immunisés contre leurs qualités... 11:270 D'où il ressort déjà qu'il est malhonnête de porter le même jugement négatif sur les deux volets du diptyque Russie-Amérique. Entrons plus avant dans le détail. Malgré un fort conditionnement par l'ambiance sociologique, l'Amérique reste un pays libre où il est permis de contester les courants majeurs de l'opinion, de la politique et des mœurs. En est-il de même en Russie ? J'ai sous les yeux le très remar­quable ouvrage du professeur Boorstin qui enseigne à l'Univer­sité de Chicago : *La fin du rêve américain,* où sont impitoyable­ment analysés tous les aspects négatifs de la civilisation d'Outre-Atlantique. Ce livre a connu un grand succès aux États-Unis ; en Russie, son auteur serait l'hôte forcé d'un camp de concen­tration ou d'un hôpital psychiatrique. Je connais plusieurs savants, écrivains ou artistes soviétiques qui, dans l'étroite mesure où l'émigration est possible, se sont réfugiés aux États-Unis. Combien de leurs homologues américains ont-ils eu l'idée d'aller se recycler en Union Soviétique ? Et pourtant, la sortie est libre... Les observateurs les plus avertis envisagent comme une éventualité très vraisemblable une invasion de l'Europe libre par les troupes du Pacte de Varsovie. Mais l'idée d'un débarquement armé des Américains sur les plages de l'Atlantique n'effleure pas même l'imagination. Les accords de Yalta ont délimité les zones d'influence des États-Unis et de la Russie. De quel côté vit-on le mieux, est-on le plus libre ? Les subsides du plan Marshall, qui nous ont permis de réparer les ruines causées par la guerre, nous sont-ils venus de l'Est ou de l'Ouest ? Je sais bien que l'aide économique des Américains n'allait pas sans une certaine allégeance poli­tique. Mais peut-on comparer cette dépendance à celle des pays satellites de la Russie ? A celle de la Pologne par exemple ? Un Jaruzelski français qui prendrait ses mots d'ordre à Washing­ton pour écraser un syndicalisme dissident et toute liberté d'ex­pression est-il seulement concevable ? Nous avons quatre mi­nistres communistes au gouvernement : combien le Soviet su­prême compte-t-il de membres pro-américains ? Inutile d'insister, les faits parlent d'eux-mêmes. 12:270 Il ne s'agit pas de prêcher une inféodation sans réserve à l'idéologie, à la politique, à la volonté de puissance des Amé­ricains. L'Amérique n'a rien du paradis terrestre, et les influen­ces, les pressions qui nous viennent d'elle méritent d'être pas­sées au crible de notre intérêt national et de notre vocation millénaire. Mais je considère comme une escroquerie intellec­tuelle et morale le fait d'établir une fausse symétrie entre l'Amérique qui, malgré ses insuffisances, reste notre alliée dans le combat pour la dignité et la liberté de l'homme et la Russie qui n'a rien d'autre à nous apporter que l'esclavage totalitaire et ses techniques d'avilissement. Car, s'il y a effectivement danger des deux côtés, proclamer l'équivalence entre le moindre et le plus grand mal, c'est démo­biliser l'attention à l'égard du second et, par là, concourir indi­rectement à son triomphe. Gustave Thibon. 13:270 ### La décomposition par Louis Salleron ON S'HABITUE. A quoi ? A tout. Péguy n'aimait pas les « âmes habituées ». On s'habitue à la décomposition sociale. Qu'entendons-nous par là ? Ce que tout le monde entend une désintégration générale, des mœurs. Non pas seulement de la morale, qui suggère l'idée de vertu, mais des mœurs, qui concernent le comportement normal du plus grand nombre. Il y a des époques de débauche scandaleuse mais qui n'affec­te qu'une certaine couche de la population. Le Directoire, par exemple. L'ensemble de la population n'est pas touché. Les mœurs se perdent quand des règles habituelles de vie qui font la force de la société ne sont plus respectées. Nous vivons une époque de ce genre. On dira que le cas de la France n'est pas différent de celui des autres pays. C'est exact, et c'est le drame. La crise est celle de la civilisation occidentale. A quoi se voit cette crise ? A la diminution de la natalité et au développement du concubinage et de la cohabitation juvé­nile qui remplacent le mariage. Il s'agit bien de mœurs et non pas de morale, car la pratique actuelle n'implique en rien la débauche. D'autre part, notre pays n'est pas plus touché qu'un autre ; il l'est plutôt moins. Par exemple, le taux de fécondité, c'est-à-dire le nombre moyen de naissances par femme, est chez nous de 1,96. 14:270 C'est le plus élevé de l'Europe de l'Ouest. Il n'est dépassé ailleurs que par la Grèce (1,99), la Yougoslavie (2,08) et la Tchécoslovaquie (2,09). Le taux le plus bas, contrai­rement à ce qu'on croit généralement, est celui de la République fédérale allemande (1,42). Peut-on trouver une explication à ces différences ? C'est difficile. On peut penser que les taux les plus élevés tiennent souvent à la législation familiale, au maintien d'une certaine population rurale et à un niveau de vie relativement bas. Mais il n'y a pas de loi générale. On le voit au taux très bas de l'Allemagne ; nous ne serions pas surpris que l'effondrement du nazisme y soit pour quelque chose. A une tension extrême a succédé une sorte de relâchement social. L'exceptionnelle vigueur industrielle du pays et la société de consommation engendrée par la prospérité financière ont dû aussi y contribuer pour une part. De bons indices de la décomposition sociale devraient être ceux des divorces, de la contraception et des avortements ; mais ils ne sont pas probants pour des raisons diverses. Le nombre des divorces perd de son importance à proportion de la diminution des mariages (remplacés par le concubinage). La contraception, générale, est inchiffrable. Le remboursement de l'I.V.G. permettra sans doute des statistiques de l'avortement qui, en attendant, ne sont qu'approximatives. L'I.N.E.D. (Ins­titut national d'études démographiques) estime « l'importance du sous-enregistrement à environ 40 %, ce qui porterait le nombre d'interventions à environ 250.000 » ([^12]). La décom­position apparaît nettement à travers ces réalités variées. En bref, il y a un déclin de la civilisation occidentale -- masqué par l'accélération du progrès technique où l'on tend à voir le signe d'un progrès général. Mais si le progrès technique est un fait qui entre en composition dans la civilisation, il ne se confond pas avec elle. C'est l'usage qu'on en fait qui importe. L'énergie nucléaire devenue bombe atomique peut à tout instant réduire l'Europe en cendres. Une civilisation suspendue à l'équi­libre dissuasif de deux super-puissances est évidemment fragile. La comparaison qu'on peut faire entre la décadence de notre civilisation et celle de civilisations mortes depuis long­temps ne présente que la *seule différence* du progrès technique, foudroyant aujourd'hui, très lent ou quasi inexistant jadis. 15:270 Bien plus sensible est la *ressemblance,* qui est dans les traits de la mort dessinés par le *vieillissement des populations* et le *refus de procréer* dans les pays « avancés », tandis que la surnatalité fait le *nombre* et la *jeunesse* des pays « barbares » (autrefois) et des continents pauvres (aujourd'hui), même quand ceux-ci bénéficient des reliefs d'une vieille civilisation, comme en Chine et dans l'Inde. La décomposition de l'Occident est si sensible qu'elle attire l'égale attention des démographes et des philosophes. On en pourrait citer cent témoignages. Bornons-nous à ceux de deux esprits éminents, le démographe Alfred Sauvy et le philosophe Paul Valéry. S'il nous est déjà arrivé de faire appel à eux, nos lecteurs ne nous en voudront pas de remettre sous leurs yeux quelques-uns de leurs propos qui portent à réfléchir : « Au tyran libéral a succédé un essai de bureau de bien­faisance (...). Incapable, cependant, d'être aussi rapace que prodigue, voilà notre géant débonnaire qui se perd de multiples façons, chômage et inflation étant, si l'on ose dire, les fruits de cette immense bonté, qui tombe d'un firmament stérile. « Dans cette impuissance à résoudre ces fausses additions, il fallait une victime expiatoire. Après tâtonnements, elle a été trouvée : ce sont ceux qui ne peuvent s'exprimer, se défendre, les enfants. Le gouvernement socialiste les redoute (...). « Comment pouvez-vous espérer un retour vers la vie, alors que toute votre société est dirigée contre cet intrus qu'est l'en­fant ? Lorsqu'il a échappé aux barrières sévères dressées contre lui et qu'il a été « consenti », il se trouve vite le gêneur, le mal venu, l'empêcheur de vivre en rond, le mal accueilli. « Vous respectez de plus en plus la vie humaine, comment ne pas s'incliner ? Vous avez supprimé, avec combien d'à propos, ce monstrueux appareil judiciaire, pour décider la mort d'un homme, si méprisable qu'il soit ; seulement, en revanche, la suppression d'un petit être innocent, appelée naguère « avor­tement criminel », est devenue légale, naturelle... » ([^13]) « L'ordre pèse toujours à l'individu. Le désordre lui fait désirer la police ou la mort. Ce sont deux circonstances ex­trêmes où la nature humaine n'est pas à l'aise. L'individu recherche une époque tout agréable, où il soit le plus libre et le plus aidé. Il la trouve vers le commencement de la fin d'un système social. 16:270 « Alors, entre l'ordre et le désordre, règne un moment délicieux. Tout le bien possible que procure l'arrangement des pouvoirs et des devoirs étant acquis, c'est maintenant que l'on peut jouir des premiers relâchements de ce système. Les ins­titutions tiennent encore. Elles sont grandes et imposantes. Mais sans que rien de visible soit altéré en elles, elles n'ont guère plus que cette belle présence ; leurs vertus se sont toutes pro­duites ; leur avenir est secrètement épuisé ; leur caractère n'est plus sacré, ou bien il n'est plus que sacré ; la critique et le mépris les exténuent et *les* vident de toute valeur prochaine. Le corps social perd doucement son lendemain. C'est l'heure de la jouissance et de la consommation générale. » ([^14]) Nous y sommes. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » (**14**) Louis Salleron. 17:270 ### Lettre de Rio *Le numéro 266* par Bernard Bouts *L'ÉNORME numéro d'*ITINÉRAIRES *sur* « LES CHARLIER » *est un monument, non seulement par ses quatre cents et quelques pages, mais principalement par la valeur incomparable, unique, de son contenu. Je n'y ai pas trouvé une faute, pas une gaffe, pas une contradiction* (*qui pourrait se pro­duire dans des textes de plusieurs auteurs sur les mêmes sujets*)*.* *Quelques personnes reprochent à* ITINÉRAI­RES *des* « *excès* »*, mais je voudrais bien savoir excès de quoi ? Ne sont-ce pas au contraire les idées libérales du monde actuel, l'esprit de jouissance, le progressisme, les propagan­des partisanes, qui sont excessifs ?* 18:270 ITINÉRAI­RES *n'a rien d'un parti politique, rien d'un parti pris, ou plutôt il n'a qu'un parti qui est celui de Dieu et de sa création avec son har­monie, sa logique, son honneur, sa franchise, son respect du prochain et les hiérarchies na­turelles.* Dans tout cela il n'y aura jamais d'excès, il ne pourra y avoir que des manques, *à cause de nos imperfections et aussi à cause des nouvelles diableries qui apparaissent à chaque instant, contre quoi* ITINÉRAIRES *ne cesse de combattre depuis plus de vingt-cinq ans.* *Il n'y a qu'une ville de Paris, mais plusieurs chemins qui y mènent, bons, moins bons, exé­crables, voyez la carte. Il y a de même deux chemins principaux pour traverser l'Atlanti­que, qu'on appelle Loxodromie et Orthodro­mie, sans compter les changements d'itinérai­res dus aux vents, aux courants, et même le tour du monde dans l'autre sens, cela s'est vu. L'important est d'arriver au havre que nous nous proposions. Henri Charlier m'écrivait que s'il avait eu le temps de faire du sport, ç'au­rait été la voile. Je lui répondis :* « *Eh ! mon cher Patron, embarquez-vous sur une goélette de charge, comme je fais* ! » *Il ne méprisait pas mes boutades et m'écrivait de nouveau :* «* Depuis longtemps je suis à la barre d'un autre bateau mais mon Armateur ne veut pas me lâcher ! *» *Nous avons correspondu de la sorte pendant 36 ans et pas plus qu'il n'y avait de faille dans son bâtiment du temps de mon apprentissage, je n'ai perçu dans ses lettres l'ombre d'une faiblesse ou d'un entêtement in­considéré.* 19:270 *Voyez de l'avant ou de l'arrière l'admirable triangle que forment les mâts d'un navire avec les haubans, et le tout du grée­ment joint à la coque, c'est ainsi : une pensée supérieure s'appliquant à toutes les activités de la vie, sans distorsion, sans cassure, et sans pour autant gêner l'imagination et même la fantaisie.* *Si je parle surtout d'Henri Charlier c'est que je l'ai mieux connu que son frère qui pourtant a été mon professeur, vers mes quinze ans si je ne me trompe, et que Madame Henri Charlier* (*Claude Franchet en littérature, Tante Mimi dans l'intimité*) *était une personne se­crète, de qui nous connaissions beaucoup mieux les tartes aux pommes que les écrits, dont elle ne nous parlait jamais. Certes nous devinions, par la qualité des visiteurs qui ve­naient parfois au Mesnil, et le respect qu'ils témoignaient à Claude Franchet, qu'il s'agis­sait d'une personnalité remarquable dans le monde littéraire, dans un certain monde litté­raire, mais à la voir planter ses choux et ses tulipes ou se battre avec son fourneau à bois, son bonnet blanc de travers et les pieds dans ses sabots, elle ressemblait à n'importe quelle paysanne. Ce n'était cependant pas une atti­tude, c'était la vie qu'elle avait choisi d'accep­ter, ou accepté de choisir, auprès de son grand homme.* *Le mérite d'*ITINÉRAIRES *est d'avoir joint les trois personnages, avec quelques autres, pour faire comprendre d'un coup* (*un coup de canon vraiment !*) *comment ils ont répondu aux grâces reçues, Henri Charlier taillant la pierre ou le bois à longueur de journées,* 20:270 *André s'appliquant à son métier de professeur et Claude Franchet entre son ménage, sa cui­sine et ses écritoires. Ce sont des* FONDATEURS *et nous constatons avec joie que leur fondation n'est pas perdue puisque des jeunes sont, pa­raît-il, en train de reprendre le flambeau.* *Je ne suis plus, aujourd'hui, sur la dunette, à scruter l'horizon et surveiller la voilure, mais enfin, de si loin, je vous recommande de tenir ferme le timon, et, s'il* *vous plait, ne m'oubliez pas tout à fait.* Bernard Bouts. *Rio, le 18 novembre 1982.* 21:270 ### Sun Tsu par Georges Laffly SUN TSU, le stratège chinois dont Volkoff fait le penseur du KGB (voir *Le Montage*) n'est pas un inconnu en France. Son premier traducteur en Europe fut un jésuite français du XVIII^e^ siècle, qui s'appelait Amyot. Plus récemment, l'engouement pour la Chine maoïste, vers 1968-1970, poussa à donner une version française de *L'Art de la guerre,* qui fut publiée chez Flammarion. On la trouve toujours, en format de poche (collection « Champs »). Elle n'est pas traduite directe­ment du chinois, mais du texte anglais de Samuel B. Griffith, édité à Oxford. C'est la seule que je connaisse, c'est d'elle que viennent les citations qu'on trouvera ci-dessous. On doute de l'existence même de Sun Tsu. S'il y eut un homme de ce nom qui écrivit *L'Art de la guerre,* son texte nous permet de le situer entre -400 et -320. C'est qu'il nomme des objets (arbalète, monnaie) dont l'existence est peu probable avant la première date, et qu'il ne souffle mot de la cavalerie, organisée en Chine à partir de -320. Le livre se présente en treize chapitres, formés de sentences ou de brefs paragraphes, suivis, dans notre édition, des principaux commentaires tradi­tionnels, souvent des anecdotes, qui éclairent les préceptes. 22:270 *L'Art de la guerre* expose des principes de combat alors tout nouveaux et à l'opposé des principes de la chevalerie. La ruse, la corruption, la traîtrise sont recommandées. Pas question d'honneur, et les traditions féodales sont tournées en dérision. Sun Tsu se situe au début de la période dite des « royaumes combattants ». Il est certain qu'auparavant la conception de la guerre était chevaleresque en Chine, mais désormais, c'est bien fini. On le voit ici à l'anecdote du duc de Sung. Celui-ci avait son armée rangée devant une rivière que l'armée adverse, celle de Chu, était en train de traverser. Le ministre de la guerre de Sung fit observer que le moment était favorable pour attaquer. Le duc refusa : c'était contraire aux règles. Lorsque l'armée de Ch'u se trouva au sec, mais sans avoir encore retrouvé l'ordre de ses rangs, le ministre conseilla à nouveau l'attaque. Le duc refusa encore. Mais pour avoir voulu combattre loyalement, l'ar­mée Sung fut battue, le duc lui-même blessé à la cuisse, les officiers de l'avant-garde anéantis. Pour l'école de Sun Tsu de tels scrupules sont absurdes, et d'ailleurs punis par la défaite. Vingt quatre siècles plus tard, Mao sera du même avis. Un de ses mots célèbres est : « *Nous ne sommes pas le duc de Sung. *» Sun Tsu représente, à son époque, un esprit nouveau. Il faudrait le rapprocher de Com­mynes et de Machiavel. Son livre est moderne, fondé sur les notions de rendement et d'efficacité. La grande règle est simple. Le but de la guerre n'est pas de gagner cent batailles. Il vaut mieux éviter aussi d'anéantir l'ennemi. Le but réel est de s'approprier la puissance de l'État adverse, son or, ses récoltes, ses troupeaux, ses hommes. Il est déraisonnable de les détruire, judicieux de les préserver. Il faut « prendre l'État intact » (III, 1). L'art guerrier n'a rien à voir avec l'épopée. Il ne s'agit pas de donner de grands coups d'épée qui seront chantés par les poètes. Il s'agit de gagner avec la meilleure économie de moyens. Ce qui en donne l'idée la plus proche, c'est le dialogue du *Bourgeois gentilhomme :* 23:270 « *Le maître d'armes. --* Je vous l'ai déjà dit, tout le secret des armes ne consiste qu'en deux choses : à donner et à ne point recevoir ; et comme je vous fis voir l'autre jour par raison démonstrative, il est impossible que vous receviez, si vous savez détourner l'épée de votre ennemi de la ligne de votre corps ; ce qui ne dépend seulement que d'un petit mouvement de poignet ou en dedans ou en dehors. *Monsieur Jourdain --* De cette façon, donc, un homme, sans avoir du cœur, est sûr de tuer son homme et de n'être point tué ? » Monsieur Jourdain tient à sa peau. Sun Tsu ne pense pas qu'on puisse se passer de courage, mais ce n'est pour lui qu'un des facteurs du succès. Nous sommes dans le monde du calcul. La guerre est coûteuse, il faut compter au plus juste, les beaux faits d'armes peuvent être aussi une forme de prodigalité. Cet auteur est le premier à évaluer le prix de la guerre : hausse des prix, désorganisation des récoltes, coût des transports, etc. Il en conclut qu'une guerre prolongée est mauvaise pour tout le monde (II, 7). Il n'a pas fallu moins que deux catastrophes mondiales pour que l'Europe l'apprenne. \*\*\* La figure la plus simple de la guerre est l'opposition de deux armées sur un champ de bataille. Il y a là trois éléments sur lesquels un bon chef doit jouer : les deux troupes et le terrain. Sun Tsu fait de minutieuses remarques sur le parti à tirer de la configuration du sol. Ses réflexions sur les armées sont d'un intérêt plus général : le chef doit rendre son armée invincible et l'autre vulnérable. Pour rendre une armée invincible, la première condition est une bonne discipline. Sun Tsu cite avec plaisir le général qui fit décapiter un officier impatient, parti sans ordre éventrer quelques ennemis. Et une anecdote que rapportent ses bio­graphes est du même ordre. Ho Lu, roi de Wu, voulut voir de quoi Sun Tsu était capable, et lui donna comme troupes cent quatre-vingts de ses concubines. Sun Tsu en forme deux compagnies, mettant à leur tête les femmes préférées du roi. Puis il explique l'exercice : tourner à droite, à gauche, reculer. Les femmes assurent qu'elles ont compris. Le stratège, pour montrer que l'affaire est sérieuse, fait préparer les instruments du bourreau. 24:270 Puis il ordonne : Tournez à droite. Les femmes éclatent de rire. Sun Tsu, patiemment, recommence à expliquer « Si les instructions ne sont pas claires, c'est la faute du commandant. » Ensuite, nouvel ordre : Tournez à gauche. Les femmes se remettent à rire. Sun Tsu dit gravement : « Si les instructions ne sont pas claires, c'est la faute du commandant. Mais lorsque les instructions ont été expliquées, et que les ordres ne sont pas exécutés, il y a crime de la part des officiers. » Et il fait signe au bourreau de décapiter les deux favo­rites. Le roi de Wu, pensant que la plaisanterie allait trop loin, voulut sauver ses femmes. Sun Tsu tint bon : investi du com­mandement, il était seul responsable. Les femmes eurent le cou tranché. Deux autres les remplacèrent, après quoi les manœu­vres s'exécutèrent à merveille. Sun Tsu fit son rapport : « Les troupes peuvent être utilisées au gré du roi, elles iront jusqu'à traverser le feu et l'eau. » Le roi pleurait ses favorites et n'avait pas le cœur à passer une inspection, comme on l'y invitait. Ce qui lui valut cette remarque : « Vous n'aimez que les mots vides. Vous n'êtes pas capable de les mettre en pratique. » Par la suite, Ho Lu prit Sun Tsu comme général et battit les pays voisins, Ch'u et Ying. \*\*\* Avec la discipline, deux autres obligations : répartir judicieusement les hommes : « Utiliser l'avare et le sot, le sage et le vaillant, et donner à chacun une responsabilité dans des situations qui lui conviennent » (V, 23, Chang Yu) ; et obtenir « l'harmonie des relations » : « Celui dont les troupes seront unies autour d'un objectif commun sera victorieux » (III, 27). Ainsi, une armée peut être invincible. Elle sera même capable de feindre l'infériorité et de fuir, si besoin est, sans se débander, ce qu'il est difficile de demander à une troupe dont le moral n'est pas sûr. (Mao, dit-on, a souvent pratiqué ces fuites tac­tiques.) Il faut ici parler du général. Cinq qualités sont dangereuses chez lui : la témérité, la lâcheté, l'emportement, le point d'hon­neur et la compassion. Ce doit être un animal à sang-froid. 25:270 Avec tout cela l'invincibilité ne donne que cinquante chan­ces sur cent d'être vainqueur. Pour être plus assuré du résultat, il faut bien connaître l'adversaire, et s'employer à l'affaiblir. Car « tout l'art de la guerre est fondé sur la duperie » (I, 17). Cela revient sans cesse. Un bon général connaît l'armée d'en face aussi bien que la sienne, grâce à ses agents secrets. C'est tout le XIII^e^ chapitre, qui en distingue cinq sortes : les agents indigènes (la population de l'ennemi), les agents intérieurs (ses fonctionnaires, ses res­ponsables), les agents doubles (espions de l'ennemi que l'on emploie), les agents liquidables (considérés comme perdus, on les fait prendre exprès, après les avoir chargés de faux rensei­gnements) et les agents volants (qui communiquent d'un camp à l'autre). Les agents doubles, qui renseignent sur l'activité des autres catégories, doivent être traités avec une grande générosité. « Les opérations secrètes sont essentielles dans la guerre ; c'est sur elles que l'armée se repose pour effectuer chacun de ses mouvements » (XIII, 23). Après la connaissance, l'affaiblissement de l'ennemi. Il faut le corrompre : « Donnez-lui des jeunes garçons et des femmes pour lui tourner la tête, ainsi que du jade et de la soie pour exciter son ambition. » (1, 23, Ch'en Hao.) Quand on connaît les forces et les plans de l'ennemi, et que de plus on a amoindri sa discipline et sa volonté de combattre, il n'est pas déraison­nable de livrer bataille : « Une armée victorieuse l'est avant de chercher le combat ; une armée vouée à la défaite se bat sans espoir de vaincre » (IV, 14). Sun Tsu recommande encore de « s'attaquer à la stratégie de l'ennemi » (III, 4). Li Ch'uan rapporte cet exemple. Kao Chun, encerclé par K'ou Hsun, lui envoya son chef d'état-major, qui fut aussitôt décapité. Kao Chun se rendit. Et K'ou Hsun expliqua à ses officiers décon­certés : « J'ai eu raison. Huang Fu Wen (l'envoyé exécuté) était le bras droit de Kao Chun. En le tuant, j'enlevais à celui-ci toute sa détermination. » C'est cela, « s'attaquer à la racine des plans de l'ennemi ». Il est bon aussi de faire perdre son sang-froid à l'adversaire, comme le montre l'histoire de la dépêche d'Ems. Les généraux chinois échangeaient des présents avant la bataille. Assiégé, un général des Sung, Tsang Chih, envoya un vase plein d'urine à l'empereur des Wei (au lieu d'un vase de vin). Fou de rage, l'empereur lança aussitôt, sans préparation, son armée à l'as­saut. Il y perdit la moitié de ses hommes. 26:270 Mais Sun Tsu demande également qu'on ne pousse pas l'en­nemi à bout. Ce n'est pas par humanité, comme le croit Roger Caillois dans *Bellone,* c'est toujours le goût de l'économie. Tu Mu précise : « La doctrine militaire veut qu'une force qui en encercle une autre laisse une brèche pour montrer aux troupes cernées qu'il existe une échappée, de sorte qu'elles ne soient pas décidées à se battre jusqu'à la mort. Ensuite, tirant parti de cette situation, frappez. Supposons à présent que ce soit moi qui me trouve encerclé. Si l'ennemi ouvre une voie afin de donner à mes troupes la tentation de s'y engager, je ferme cette issue de façon que mes officiers et mes hommes aient la volonté de se battre jusqu'à la mort » (XI, 22). C'est qu'une armée qui ne peut que vaincre ou mourir montre une énergie extrême. Han Hsin brûla ses vaisseaux, plaça son armée le dos au fleuve et lança l'attaque. Il eut la victoire et anéantit l'État de Chao. \*\*\* Ce qui est exact pour les armées se vérifie avec les États. Ainsi, c'est l'État adverse tout entier qui doit être rendu vulné­rable. « Celui qui se fait craindre de ses voisins y parvient en leur causant du tort » (VIII, 14). Chia Lin commente : « Les plans et les projets destinés à nuire à l'ennemi ne se limitent pas à une méthode particulière. Tantôt écartez du souverain les sages et les vertueux, afin qu'il n'ait pas de conseillers. Ou envoyez des traîtres dans son pays, pour saper son adminis­tration. Tantôt, grâce à de sournoises duperies, détachez du souverain ses ministres. Ou bien dépêchez d'habiles artisans pour inciter la population à dilapider ses richesses. Ou bien offrez-lui des musiciens et des danseurs licencieux pour détruire ses mœurs. Ou bien donnez-lui de belles femmes pour lui faire perdre la tête. » 27:270 Ailleurs, il est dit : « Lorsqu'il est uni, divisez-le » (I, 25). Chang Yu ajoute : « Tantôt enfoncez un coin entre le souverain et ses ministres ; tantôt détachez de lui ses alliés. Faites naître entre eux des soupçons réciproques, de façon à faire régner la mésentente. » C'est la logique même du principe : « prendre l'État intact ». Dans une telle entreprise, pas de scrupules ou de sentiments à ménager. On passe par-dessus les serments et les accords, par-dessus le respect des autres, de leurs traditions. Il s'agit d'empoisonner, pour que l'adversaire se livre sans résistance. Sans vouloir moraliser, on peut se demander si la conquête d'un État qu'on a ainsi corrompu est bénéfique, et si le vainqueur ne risque pas d'être contaminé à son tour par le goût des plaisirs, le refus de la discipline, les vices qu'il a lentement inculqués à l'autre. Il est vrai qu'il y a des méthodes pour ramener les populations aux activités utiles et au devoir. Sans compter que les biens matériels font un butin satisfaisant, et que les irrécupérables peuvent être éliminés. \*\*\* Dans la *Revue des deux mondes* de janvier 1971 (rubrique : à travers la presse) on cite un article de *La Métropole,* journal belge, je crois, en date du 24.10.70, où l'archiduc Otto de Habsbourg évoque Sun Tsu et résume ses principes en treize points. Les voici. On notera qu'ils sont nettement plus proches de notre actualité que les règles qu'on a vues ci-dessus. Ce sont les mêmes principes, mais clairement poussés dans toutes leurs conséquences, que nous connaissons bien. 1\. Discréditez tout ce qui est bien dans le pays de l'adversaire. 2\. Impliquez les représentants des couches dirigeantes de vos adversaires dans des entreprises criminelles. 3\. Ébranlez leur réputation et livrez-les le moment venu au dédain de leurs concitoyens. 4\. Utilisez la collaboration des créatures les plus viles et les plus abominables. 5\. Désorganisez par tous les moyens l'activité de leur gouver­nement. 6\. Répandez la discorde et les querelles entre les citoyens du pays hostile. 28:270 7\. Excitez les jeunes contre les vieux. 8\. Ridiculisez la tradition de vos adversaires. 9\. Perturbez de toutes vos forces l'intendance, le ravitaillement de l'armée ennemie. 10\. Affaiblissez la volonté des guerriers de l'ennemi par des chansons et de la musique sensuelle. 11\. Envoyez des filles de joie pour accomplir l'œuvre de destruction. 12\. Soyez généreux dans vos promesses et vos cadeaux, pour acheter des informations. N'économisez pas l'argent, car l'argent ainsi dépensé rapporte un riche intérêt. 13\. Infiltrez partout vos espions. Certains des treize points (6, 10, 11, 12, 13) correspondent à ce qu'on a vu, ou s'en déduisent clairement. D'autres, en particulier les points 7 et 8, me paraissent si spécifiquement modernes que je m'interroge. Ils sont dans la droite ligne de la logique définie au départ. Ils éclairent quelles conséquences on peut tirer des principes de Sun Tsu. Ces conséquences, nous les voyons mises en pratique autour de nous. Mais, en -- 350, pouvait-il être question de « ridiculiser la tradition » de l'ad­versaire ? Le reste de l'article éclairait peut-être cette difficulté, mais je ne le possède pas. On peut imaginer que la traduction de *L'Art de la guerre* qu'on a utilisée ici est incomplète (mais alors, pourquoi ?). On peut penser aussi que l'archiduc Otto cite des commentateurs récents de Sun Tsu. Au fond, cela importe peu. Ce qui compte, c'est ceci : on dit souvent que la troisième guerre mondiale est commencée, et pour certains, elle est même déjà perdue. Quoi qu'il en soit, ce qui est sûr, c'est qu'elle est menée selon les principes de Sun Tsu. Georges Laffly. 29:270 ### La véritable histoire des Cristeros (III) *Le soulèvement général* par Hugues Kéraly LES PREMIERS AFFRONTEMENTS ARMÉS entre la troupe fé­dérale et les « *Cristeros *» mexicains, selon le nom qui leur restera, éclatent au cœur de l'été 1926. Symbole d'une guerre déclenchée par la Révolution contre la Foi, la rencontre se fait presque partout à proximité, voire à l'intérieur des sanctuaires religieux. Si l'armée fusille dans les cimetières, attentive au scénario macabre de sa propre cruauté, c'est aussi par commodité : à deux pas des églises que défend le peuple chrétien. Et qu'il défend d'abord en masse, presque à mains nues, sans chefs, sans organisation militaire -- car il se sait du Christ, mais non encore soldat. 30:270 Dès le 25 juillet 1926 en effet, à l'annonce de la suspension du culte public par l'épiscopat, le pays entier se met en mou­vement. Les Mexicains des campagnes laissent là leurs fermes, leur maïs, leurs troupeaux, et se rendent en toute hâte à l'église du village voisin. Des queues immenses se forment à travers les villes, pour pénétrer dans les sanctuaires mariaux. Les curés, les statues elles-mêmes sont assaillis de pleurs et d'in­terrogations... On allait fermer la maison du Seigneur, cesser d'administrer les sacrements ! Comment croire à cette fin du monde ? se résigner à une chose pareille ? Dans tout le Mexique, saisi de tremblement spirituel, la même scène se reproduit, unique dans l'histoire de la chrétienté. Tlaltenango : « Les gens commencèrent à venir mettre leur conscience en règle bien qu'il fût déjà temps de travailler aux champs ; chaque jour qui passait voyait grandir la presse, au village, de tous les paysans qui descendaient des hameaux voi­sins ; et dans toutes les poitrines on entendait l'angoisse, et sur tous les visages on voyait la pâleur et dans tous les yeux la tristesse. Dans la paroisse de Tlaltenango il y avait trois prêtres, mais ils ne suffirent pas pour confesser tant de monde. » ([^15]) San Julian : « L'église ne suffisait pas à contenir l'immense multitude des fidèles. Les uns derrière les autres, les gens allaient à genoux de l'entrée à l'autel ; personne ne voulait voir arriver ce moment si douloureux (...). Après l'Évangile, notre cher P. Gonzalez monta en chaire. A peine y fut-il monté que tout le peuple réuni aux pieds de Jésus Hostie com­mença à pleurer. Les mots hachés que le Père prononçait, pleins de douleur, étaient interrompus par des sanglots. Après la communion générale, à la fin de la Sainte Messe, nous fut donnée la bénédiction avec sa Divine Majesté. Finalement le Père dépouillé de ses ornements, s'agenouilla au pied de l'autel, les yeux fixés sur l'image de Notre-Seigneur des Misé­ricordes ; en silence, il prit congé de lui et sortit au milieu des fidèles. Christ et son ministre étaient partis. » ([^16]) 31:270 Jalpa : « Quel étonnement de voir qui vivait éloigné des sacrements s'approcher du confesseur pour recevoir le pardon de ses péchés. Et les autres qui vivaient en concubinage de­mander qu'on les unisse en mariage comme Dieu demande ! Des quantités de baptêmes ! Finalement, on récita le rosaire avec une ferveur singulière ; on écouta un sermon éloquent, puis le Saint Sacrifice de la messe commença tout de suite car on était déjà au milieu de la nuit (...). Le Père venait de s'en aller du milieu de ses enfants, nous étions orphelins... Ce lieu saint se transformait en une mer de larmes, les gens sortirent au milieu des ténèbres. Les voûtes répercutaient tous les « aïe » de douleur qui sortaient de toutes les bouches. De sortir dans cette confusion on avait peur, car il y avait, comme toujours, des gens exagérés qui criaient : *el Demonio, el Demonio ! *» ([^17]) La ferveur populaire n'exagérait rien. L'annonce de la suspension du culte public, pour le 31 juillet 1926, avait jeté tous les catholiques mexicains au pied de l'autel. Incapables de retenir les prêtres avec eux, ils se mirent en devoir d'y établir leurs campements : le peuple fidèle abandonné de tous occupait ses églises et contemplait le tabernacle inutile en pleurant. C'est alors que la fureur du monstre étatique redoubla. #### *L'église est à nous !* A *Acambaro*, dans la nuit du 2 août, des fonctionnaires gouvernementaux menacent de leurs armes les hommes qui montent la garde aux portes de l'église occupée. Tout le village, ameuté, se précipite sur eux le couteau à la main : -- *L'église est à nous !* Deux fonctionnaires sont tués. Le gouverneur aussi­tôt désigne trois otages et les fait fusiller. 32:270 A *Guadalajara,* l'église Notre-Dame de Guadalupe, dans un quartier moderne qui était le plus chic de la cité, avait attiré des milliers d'occupants. Le 3 août, à la tombée de la nuit, ils y récitent le Rosaire, tandis que des gamins au dehors arrêtent les rares passants pour leur demander de crier avec eux : -- *Viva Cristo Rey !* Une voiture vient à passer. Comme les enfants font barrage de leurs corps, le chauffeur est contraint d'arrêter. Chacun découvre alors avec effroi qu'il porte l'uni­forme des ordonnances militaires. A l'arrière du véhicule, en civil, le général Aguirre Colorado, commandant de la place de Guadalajara, qui arme son revolver et, sans sommation, ouvre le feu... La garde de l'église se précipite sur la place, mais le général et sa voiture ont déjà disparu. Une demi-heure plus tard, un premier détachement de vingt-six Fédéraux s'avançait, baïonnette au canon, pour faire évacuer le sanctuaire. Ils durent s'ouvrir un chemin à coups de crosse dans une foule considérable, que l'agression des en­fants avait électrisée. Une jeune femme s'approcha du lieute­nant, à la faveur de l'obscurité, lui enfonça un poignard entre les deux épaules, puis dépouilla le cadavre de son revolver et de son épée : -- *Vous en aurez besoin pour vous défendre,* dit-elle à la garde de Notre-Dame de Guadalupe. Durant plusieurs secondes, tous les témoins de la scène furent comme pétrifiés... Il serait difficile d'en relater une autre qui soit plus caractéris­tique du déclenchement de la Cristiada : la foi des mères, des sœurs, sous le regard de la Vierge de Guadalupe, les armes prises à l'ennemi, et la ruée au feu, dans l'ivresse, la soumission générale au sacrifice demandé. 33:270 Il était près de minuit quand les troupes fédérales revinrent en nombre suffisant. Elles avaient reçu l'ordre d'ouvrir le feu sur tout ce qui bougeait. Les rues de la « colonia » Guadalupe furent rapidement bouclées. Dans l'église, Lauro Rocha avait pris la direction de la défense armée (il sera assassiné en 1936 par les Fédéraux). Les catholiques résistèrent toute la nuit. Au matin, on releva 43 morts et 54 blessés ([^18]). Trois cents hommes furent fait prisonniers, après avoir obtenu que les femmes et les enfants de moins de quinze ans ne seraient pas inquiétés. Ils avaient caché leurs armes dans les grandes orgues de l'église : elles seront récupérées pour le soulèvement général de janvier 1927. Les Fédéraux mirent le plus grand soin à faire disparaître les cadavres du quartier, spécialement ceux des familles renom­mées : les notables de Guadalupe, en dépit de la réforme agrai­re, n'auraient eu aucun mal à soulever l'État. Après quoi l'armée fédérale investit le beau sanctuaire de la Guadalupe, les officiers *à cheval,* précédant la soldatesque : ils firent feu tous ensemble sur les statues et les crucifix... Car c'est ainsi que le gouvernement mexicain entendait la « suspension du culte » ordonnée par l'épiscopat ! Le consul U.S., Dwyer, pouvait télégraphier à Washington, sans risque de se tromper, que « *toute nouvelle attaque contre les églises se heurterait à une résistance forcenée, et donnerait lieu à des massacres d'une ampleur incalculable* » ([^19])*.* En effet. D'août à décembre 1926 les Cristeros n'ont pas l'ombre d'une organisation militaire mais leur détermination est entière, ils n'hésitent pas à s'interposer. Le 20 août à *Momax,* État de Zacatecas, trois hommes qui veillaient sans armes aux portes de l'église sont conduits au cimetière, sommés (en vain) d'abjurer leur foi, et fusillés ([^20]). -- Cette leçon ne fut pas perdue pour tout le monde. Quand chaque État eut compté son lot de martyrs aux mains nues, la résistance active s'organisa. 34:270 A *Santiago Bayacora* (Durango), 29 septembre, huit heures du matin, trois fonctionnaires fédéraux qui viennent « inven­torier » l'église sont reçus à coups de pierres et contraints de décamper. Deux cents hommes armés de vieux fusils quittent aussitôt le village pour éviter le siège, et se portent au-devant de l'ennemi. La première rencontre a lieu en pleine campagne à midi. Elle est terriblement meurtrière pour les Fédéraux, qui abandonnent sur le terrain une grande quantité de cadavres, d'armes et de munitions. Deux heures plus tard, une nouvelle colonne fédérale est défaite de la même façon. Excellents cava­liers, chasseurs redoutables et bien entraînés, prompts à se retirer dans une montagne dont ils connaissent depuis l'enfance les moindres recoins, les Cristeros sont souvent invincibles sur leur propre terrain. Le 1^er^ janvier 1927, à mille deux cents insurgés, sous le commandement de Trinidad Mora, Damaso Barraja et Valente Acevedo, ils contrôlent l'État de Durango ([^21]). Partout, le soulèvement armé suit l'agression contre la foi. A *San Juan de los Lagos,* village perdu dans les hauteurs du Jalisco, un premier détachement fédéral se présente le dimanche 7 novembre 1926, fête de la « Vierge des Lacs », qui attire chaque année de nombreux pèlerins. Les hommes promènent des images de la Sainte Patronne, et l'inscription de « Viva Cristo Rey », sur les rebords du grand chapeau national. Blanc de rage, l'officier ordonne le retrait des insignes, et fait assom­mer les récalcitrants. Quatre morts. Mais le lieutenant est tué à son tour par un fermier moins pressé que les autres de faire son paradis... Le lendemain, la ville est mise à sac par un esca­dron du 74 régiment de cavalerie. Le surlendemain, quarante fermiers élisent en leur sein un chef de l'insurrection. Deux mois plus tard, dix fois plus nombreux, ils recevront sur la place de San Julian la bénédiction d'un curé cristero. 35:270 #### *La guerre des Cristeros* Le soulèvement armé, fils de la Vendée militaire, commence par embraser tout l'Ouest mexicain : *Durango, Zacatecas, Michoacan, Jalisco, Colima.* Mais il s'étend très vite jusqu'au golfe Atlantique, n'épargnant que les territoires désertiques du Nord et les presqu'îles du Yucatan. Dès les premiers mois de 1927, l'antagonisme entre les deux « armées » est absolu. Il suffit de considérer les symboles, qui disent tout. A commencer par les drapeaux, pieusement conservés chez eux par les survivants de la Cristiada. Les Cristeros ont repris le plus vieil étendard national, le drapeau tricolore de l'Indépendance, frappé du Sacré-Cœur et de la Vierge de Guadalupe. Dans le Mexique de cette époque, dont l'essence nationale se confond avec la religion, la Cristiada surgissait comme un mouvement patriotique spontané, un nou­veau sursaut populaire contre l'impérialisme américain : « *Pour les Cristeros, qui se considèrent les héritiers du curé Morelos, le* « Turc » *Calles, vendu à la maçonnerie internationale, repré­sentait l'étranger yankee et protestant, désireux de terminer l'œuvre entreprise au Texas. *» ([^22]) Chez les Fédéraux, on a abandonné le drapeau tricolore pour de vulgaires fanions rouges et noirs inspirés de la Révo­lution bolchevique. Il s'y ajoute parfois deux tibias entre­croisés, sinistre singerie de la croix, ou un balai sur fond couleur de terre, qui symbolise le sort réservé dans le nouveau Mexique à la religion ! Les musiques et les cris de guerre sont à l'unisson. 36:270 L'officier fédéral charge en jurant, il crie : *Viva el Demo­nio !* ce qui se passe de commentaire et de traduction. Sur les routes du Mexique, ses troupes chantent la *Cucaracha,* com­plainte du cafard privé de marijuana, par manque de convic­tions supérieures, et à l'approche des villages cristeros les trompettes entonnent *El Degüello* (égorgement) pour signaler qu'il ne sera pas fait de prisonniers. -- En face, les paysans mexicains montent à l'assaut au chant du *Christus vincit* et du *Magnificat...* C'est tout. « Les Cristeros priaient et chantaient tard dans la nuit, récitant collectivement le Rosaire à genoux, chantant les Laudes entre les dizaines de chapelets. Les combattants deman­daient la bénédiction avant de partir, leurs chefs les invitaient avant d'engager le combat à la contrition véritable, ils char­geaient en chantant des psaumes et en criant *Viva Cristo Rey ! Viva la Virgen de Guadalupe !* Il ne pouvait en être autrement chez ceux qui juraient devant Dieu de vaincre ou de mourir. Le sobriquet gouvernemental *los Cristos Reyes, los Cristeros,* qui les a baptisés pour la postérité, met l'accent sur l'essen­tiel : « le Christ vécu dans la Trinité, accessible en ses sacre­ments » ([^23]). Le serment de l'été 1926, bien des Cristeros l'avaient prêté à genoux devant l'autel, au moment de recevoir la communion -- *Yo, Juan, en presencia de Jesucristo mi Rey y Señor, por amor a la Virgen Santisima de Guadalupe y por amor a mi patria, juro solemnemente defender por medio de la armas la perfecta libertad religiosa de Mejico.* (« Moi, Jean, en présence de Jésus-Christ mon Roi et Seigneur, par amour de la Très Sainte Vierge de Guadalupe et par amour de ma patrie, je jure solennellement de défendre les armes à la main la parfaite liberté religieuse du Mexique. ») Et le prêtre répondait : -- *Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat animam tuam in vitam aeternam, amen* ([^24]). 37:270 Pendant ce temps, dans les casernes de l'armée fédérale investies par les commissaires de la Révolution, on ne parlait que de curés pendus, vierges violées et statues brisées en petits morceaux. Parler de guerre civile mexicaine, c'est rester très au-dessous de la vérité. Tout se passait alors comme dans les combats de l'Apocalypse, dont nous ignorons le visage, et les temps. Meyer cite une image de la guerre des montagnes, sommet de l'épopée cristera, où, par-delà le récit brut du témoin, et la fureur des passions humaines, on croit toucher du doigt le combat gigantesque des anges et des démons : « *La Fédération reçoit l'ordre d'avancer et le combat s'en­gage. Au sommet de la montagne, il y a un cordon de rochers qui servent de fortins et un maquis tellement touffu que c'est à grand-peine que les Cristeros avaient pu y prendre position, à pied. De telle manière qu'à l'abri des rochers et du maquis, les Cristeros tirent sur les colonnes callistes qui se succèdent l'une après l'autre, pour se replier ensuite avec rage, maudissant Dieu et les hommes, vidant leurs chargeurs sans voir l'adver­saire* *; leurs chefs leur donnent l'ordre d'avancer, les clairons sonnent la charge et les soldats roulent au pied des rochers, les cavaliers donnent des éperons et chaque fois qu'ils avancent ils sont repoussés, non seulement par notre tir, mais avec des grosses pierres. Et les troufions de crier aux Cristeros* *:* « *Morts de faim, vous combattez avec des Notre Père et des je vous salue* »*, et les Cristeros de répondre :* « *Oui, et voilà un je vous salue.* » *Et c'est un bloc de rocher qui roule.* « *Et voilà un Notre Père* ! » 38:270 *Et un autre leur dit :* « *Torée donc ce taureau qui descend vers toi* ! » *et la grêle de pierres était si forte et les pierres si grandes que les Fédéraux ne pouvaient y échapper. L'écho et de la mitraille et de l'avalanche était si fort dans les ravins, que l'on croyait arrivé le jour du jugement dernier ; l'on entendait les malédictions sans fin des soldats qui voulaient en finir à nouveau avec Celui qui de ses mains fit le monde, en finir à nouveau avec Celui qui est mort sur le calvaire. *» ([^25]) (*A suivre.*) Hugues Kéraly. 39:270 ### La sainte liturgie par Yves Daoudal « La sainte liturgie », par un moine bénédictin. Éditions Sainte-Madeleine, boîte postale 7, -- 84330 Le Barroux. VOICI UN BEAU LIVRE, un très beau livre. Papier ivoire à grain, épais. Une matière chaude qui flatte les doigts. Le plus joli des caractères d'imprimerie : le gara­mond. Des lettrines flamboyantes, dessinées par l'Atelier de la Sainte-Espérance. Un texte aéré, qui respire lentement, profon­dément, d'un seul souffle du début à la fin, jusqu'à l'encensoir qui le fait monter en prière vers le ciel, et cette prodigieuse phrase de Clément d'Alexandrie : « Or donc, fils de David, mais bien antérieur à lui, le Verbe de Dieu a délaissé la lyre et la cithare, instruments sans âme, pour s'accorder par l'Esprit Saint le monde entier ramassé dans l'homme : il s'en sert comme d'un instrument à plusieurs voix, et accompagnant son chant de cet instrument qui est l'homme, il joue à Dieu. » 40:270 Tel est le thème du livre : ce jeu du Verbe qu'est la liturgie de l'Église, la relation de cette liturgie avec « la grandeur cos­mique de notre univers créé et la grandeur surnaturelle du Royaume des cieux ». C'est pourquoi la première partie est intitulée « *Le Temple de la Création *»*.* L'ordonnance de l'uni­vers, ses mouvements et ses rythmes composent « une liturgie muette en état d'attente », le cosmos est déjà le chant du Créateur, *magnum carmen* dit saint Augustin, chant sacré d'un artiste ineffable. Artiste ? L'auteur se penche sur ce mot. Les réalités visibles, *in arte vita sunt,* dit encore saint Augustin, elles sont vie dans la « pensée » divine. Car le Verbe est l'Art du Père, ajoute saint Bonaventure. « Et vita erat lux hominum. » La vie est la lumière des hommes (saint Jean). « Autant dire que nous sommes illuminés de la même lumière divine qui projette au dehors le poème de la création. » Sur cette lumière, personne n'a mieux parlé que saint Denys l'Aréopagite. Elle descend pour illuminer les êtres qui peuvent alors monter vers le Verbe. Et c'est toute la création qui peut remonter à son principe depuis que le sang de Dieu l'a irriguée. Tel est le sens de la royauté du Christ. Tel est le sens du jeu de Dieu, la tonalité de la symphonie créatrice et rédemptrice. La liturgie, c'est cela-même. Elle est « resserrée à l'intérieur de nos temples mais accordée au rythme de l'univers (et) en reçoit un souffle et une sève d'autant plus intenses que le monde qui l'entoure, lumineux et aveugle, lui fournit les élé­ments naturels de sa poésie et de ses sacrements ». L'auteur évoque alors l'accord de l'année liturgique avec le cycle des saisons, la liturgie sublime de la dédicace, l'utili­sation dans les rites des éléments naturels. La liturgie « fait monter vers Dieu le chant des créatures, elle porte en elle juste ce qu'il faut de terre pour traduire en image et en symbole le trésor des réalités célestes ». Si, par la liturgie, nous faisons monter vers Dieu le chant des créatures, nous ne pouvons faire autrement que monter vers lui. C'est ainsi qu'elle est le « chemin de la Patrie », la voie qui conduit au Royaume. C'est pourquoi, tout naturellement, la deuxième partie est intitulée « *L'accès au Temple céleste *». La liturgie nous offre le Royaume en images. Ces images sont des symboles. C'est-à-dire que celui qui pénètre les symboles s'installe déjà dans le Royaume. 41:270 C'est « l'invasion de la joie » qui est le signe qu'on a franchi le seuil. La joie de Pâques, la joie de la Pentecôte, participation à la gloire divine, « cette joie qui est, selon son degré, soit un écho, soit une anticipation du séjour bienheureux, s'exprime sur le mode lyrique, principalement par le chant, par la lumière, par le vêtement blanc, par la procession ». Par le chant... c'est ainsi que l'auteur, que l'on connaît à ITINÉRAIRES sous le nom de *Benedictus,* en vient à parler du chant grégorien. Sous le signe de la joie. Parce qu'il est « un écho du cantique de la Jérusalem céleste ». La liturgie sur cette terre étant l'écho de la liturgie céleste, « chant de louange et d'action de grâce », le chant propre de l'Église « est une donnée essentielle au culte catholique ». L'église est le seul lieu où « la clameur se marie au silence de l'âme », car s'il est vrai que toute musique digne de ce nom est une approximation d'un silence intérieur, c'est d'abord le cas du chant de l'Église, expression terrestre du silence divin. Au centre de la liturgie, la messe. Si la liturgie nous fait entrer dans le Royaume, c'est que la participation à la messe nous fait participer au « sacrifice du ciel ». Benedictus reprend ici l'expression du père de Condren et explique en quel sens on doit la comprendre. Au moment de la consécration, « la communauté accède à un plan supérieur pour saisir son Sauveur ressuscité tel qu'il apparaît dans la gloire ». Le pain eucharistié « est le Christ glorieux, s'offrant actuellement à la majesté de son Père ». Le sens du « sacrifice du ciel » est donné clairement dans le *Supplices :* l'hostie est portée sur l'autel céleste, par l'intervention des anges omniprésents dans le culte catholique. Mais c'est par la communion que nous nous unissons « à l'acte cultuel du Fils aîné tel qu'il se déploie dans le sanc­tuaire céleste » et que nous devenons co-acteurs de la liturgie du ciel. Il est inutile sans doute d'en dire davantage pour com­prendre l'importance du rite, sinon qu'on peut avec un Jean Servier rappeler la permanence du rite, dans le temps comme dans l'espace, dans toutes les civilisations, et son caractère intangible. « Poème en action, admirable instrument de l'ex­pression religieuse, le rite s'empare de l'existence humaine tout entière et la fait refluer vers sa source. » 42:270 Le rite est toujours social et sacré. Dans une civilisation traditionnelle, tout acte social important, toute charge, tout ministère public est chargé d'une connotation sacrée. Tel est le sens originel du mot liturgie, chez les Grecs. A partir de là, Benedictus cherche une définition du mot qui corresponde exac­tement à ce qu'est la liturgie de l'Église. Il choisit d'une part celle de Dom Guéranger, qui insiste sur son aspect social (c'est ainsi qu'elle se distingue de la prière), et celle de Pie XII, qui souligne que la liturgie est le culte que le Rédempteur rend au Père comme chef de l'Église. On peut unir simplement les deux définitions en disant que la liturgie est « le chant de l'Époux et de l'Épouse ». Tout est en effet ramassé dans ces trois mots, l'aspect lyrique et social de la liturgie, l'Amour qui fait la jonction du ciel et de la terre, exprimée symboliquement par la Croix, effectivement par le Sacrifice. La liturgie exprime tout le mystère. Et c'est bien ainsi que l'entendaient les anciens, qui employaient ce mot au pluriel, en raison de son infinie richesse surnaturelle : *mysteria,* ou *sacramenta.* C'est pourquoi la liturgie, aujourd'hui comme au temps des persécutions, « est seule capable de soulever la chape de plomb de notre monde matérialiste, et de lui redonner le goût de la vie éternelle ». Par la beauté, qui « fixe le vrai », elle invite « à la gratuité jusqu'à l'ineffable ». Car en elle tout est à sa place, et la contemplation des choses supérieures, à la première. Pour s'élever, il faut regarder plus haut. La liturgie est l'antidote du naturalisme, le poison introduit par la Renais­sance. De plus, elle donne le sens de l'Église, antidote de l'individualisme. « J'ai vu l'Église », s'était exclamé un pasteur protestant après une messe solennelle au Bec Hellouin. Le pen­chant à l'individualisme est efficacement combattu par le respect de la règle. L'art de la prière liturgique, l'*ars orandi,* comme tous les arts, plus que les autres arts, doit se plier à des règles strictes. « Ne croyez pas aux briseurs de règles qui parlent au nom de l'amour. Là où la règle est brisée, l'amour avorte » (Gustave Thibon. -- Toutes les citations qui émaillent *La Sainte Liturgie* sont d'inestimables joyaux). 43:270 La règle permet au contraire la circulation de l'amour, elle permet la contemplation, voie incomparablement supérieure à toutes les méthodes psychologiques inventées par les hommes. « *Une expérience monastique de quatorze siècles incline à penser que le meilleur moyen d'éviter le péché consiste moins à faire effort pour s'en détourner, qu'à regarder du côté de Dieu avec persévérance.* » L'humilité conforme à l'esprit traditionnel consiste non pas à inventer des voies humaines que l'on croit conformes à la raison et à la nature humaine, mais à se plonger dans la voie, dans le fleuve que nous donne l'Église, qui vient de Dieu et y retourne, chargé des âmes qui ont seulement accepté de s'y baigner. Pour nourrir l'oraison personnelle, Benedictus conseille d'imiter la manière des « chercheurs d'or ». Dans le fleuve passent des paillettes, qui aujourd'hui brillent pour nous d'un éclat plus vif, qu'un rayon de la grâce nous fait reconnaître comme étant notre trésor pour *aujourd'hui.* Cette paillette, cette formule précise d'une oraison du bréviaire, du missel, ce verset particulier, il ne faut pas le laisser passer, mais le recueillir et le contempler. C'est un don que Dieu nous fait personnelle­ment. Vers la fin de ce parcours, qui est aussi un hymne à la liturgie, un hymne d'amour et d'action de grâce, l'auteur précise qu' « il n'y a pas à proprement parler de spiritualité bénédic­tine ». Les bénédictins répètent cela souvent. Certes la liturgie dont ils parlent est la liturgie catholique de la sainte Église, elle est destinée à tous. Il n'empêche que seuls les moines bé­nédictins savent en parler avec tant de pénétration et de ferveur. Il y a une spiritualité bénédictine, mais les bénédictins ne le voient pas parce qu'ils ne perçoivent pas le rapport qu'il y aurait entre cette spiritualité et le centre de l'Église. Pour la bonne raison qu'elle est le centre de l'Église, elle est le noyau de la spiritualité chrétienne, le cœur de la Tradition, qu'ils ont mission de conserver et de faire rayonner. Yves Daoudal. 44:270 ## DOCUMENTS ### Marcel Clément et l'échec de la politique de Jean-Paul II Un article de MARCEL CLÉMENT dans *L'Homme nouveau* du 2 janvier. Sous l'apparence d'une analyse géné­rale, conduite sans viser personne en particulier, c'est bien -- en fait, et quelle qu'ait été l'intention de l'auteur -- une critique de ce qu'a été la politique de Jean-Paul II concernant le communisme ; c'est le constat de son échec. La personnalité de Marcel Clément, ses positions bien connues, habituelle­ment inconditionnelles à l'égard de la politique du Saint-Siège, donnent une importance singulière à ses observations. Nous reproduisons les passages de son article qui nous paraissent les principaux à ce sujet. L'annotation en bas de page est tout entière de la rédaction d'ITINÉRAIRES. 45:270 ... L'année 1982 restera sans doute d'abord, dans l'ordre des évé­nements internationaux, l'année de l'agonie du peuple polonais bâillonné, souvent broyé spirituellement par la guerre déclarée par l'État à la société. De tous les événements, c'est le plus important, tant par ses répercussions politiques prochaines que par ses fruits de résurrection dans un avenir plus lointain. Depuis le 13 décembre 1981, un peuple entier est incarcéré, mais dont la terre est située sur la route militaire des Soviétiques vers l'Ouest. Les simulacres de la "fin de l'état de guerre", n'ont, au vrai, pas changé grand chose ([^26]). La question de fond qui est posée en Pologne apparaît de plus en plus dans sa substance métaphysique. Il faudrait dire plus précisé­ment : surnaturelle. Elle peut être ainsi formulée : est-il POSSIBLE de coopérer avec un gouvernement marxiste-léniniste en vue de le faire évoluer pacifiquement vers une collaboration des forces produc­tives dans une authentique liberté ? ([^27]) Nul au monde ne peut nier que le capitalisme individualiste et libéral au 19^e^ siècle en Occident a été puissamment amendé, il faudrait dire re-façonné depuis un siècle et demi. 46:270 De l'époque de l'enquête du docteur Vuillermé (1840) à l'état socio-économique de la France vers 1980, l'action réforma­trice des chrétiens sociaux, après 1870, la réaction des syndicats après 1884, la naissance et le développement d'une considérable législation sociale après 1891 ont supprimé des injustices criantes, et renouvelé complètement la physionomie de la société. Il est mani­feste que cette évolution est loin de correspondre à tout ce qu'ont enseigné les papes des encycliques sociales depuis 1891. Il n'est pas moins évident que ces réformes ont été nombreuses, permanentes, profondes et, sur de nombreux points, ont permis un progrès social réel. La réconciliation des classes, la co-gestion de l'économie dans des institutions organiques de droit public, une production ordonnée à la vie familiale, le contrôle du chômage et de l'inflation n'ont pas été réalisés. Mais un droit du travail est né et les "acquis sociaux" ne sont niés par personne. La signification des événements de Pologne depuis le 13 décembre 1981 est en liaison étroite avec cette observation. Le dessein du syndicat "Solidarité", celui que symbolise le nom de Lech Walesa, est un dessein que l'on pourrait dire parallèle à celui des chrétiens-sociaux dans le régime individualiste et libéral. Il a tenté avec une force hors du commun, de réaliser une unanimité des ouvriers, des agriculteurs, des Intellectuels, sans nulle violence, et sans se mettre jamais dans l'illégalité ([^28]). Il y est parvenu, ce qui relève du miracle, car si des membres de "Solidarité" ont été tués, je ne sache pas qu'ils aient, eux, fait des morts ([^29]) 47:270 ... Sur ces bases, il s'est présenté, face à un communisme qui a accumulé les échecs économiques, com­me une force de proposition. Le gouvernement a d'abord feint de dia­loguer. Puis, par surprise, il a démantelé ceux qui, sans révolution, tentaient, de l'intérieur, de faire évoluer le communisme. Or, les syndicats "Solidarité" avait mis de leur côté non seulement les exi­gences de la prudence naturelle, mais celles aussi de la prudence surnaturelle. Leur action a été mûrement préparée par la prière et la vie sacramentelle. Je m'empresse de dire que ces moyens surnaturels ont été en partie efficaces. On peut penser qu'ils ont contribué à obtenir l'élec­tion ([^30]) de Jean-Paul II, puis le miracle de sa survie après la ten­tative d'assassinat du 13 mai 1980, ils ont certainement soutenu "l'espérance contre toute espérance" aux heures les plus terribles de la répression de 1982. Ils ont fait rayonner dans d'autres pays l'exemple de piété et de ferveur des catholiques de Pologne unis à leur épiscopat. Ils ont aidé, un peu partout dans le monde, même des socialistes marxistes à découvrir l'essence secrète de l'intrin­sèque perversité du communisme ([^31]).Et notre espérance est intacte que la Providence assignera l'heure de la résurrection de la liberté dans la "Pologne toujours fidèle". 48:270 Mais ces résultats positifs des moyens surnaturels ne se sont pas étendus à ce qui était le propos temporel central : la réforme du communisme par un dialogue pacifique dans un sens de collaboration des forces productives à la direction de l'économie nationale ([^32]). Le monopole dirigeant du parti communiste est un absolu dans l'uni­vers marxiste-léniniste. L'expérience polonaise est en train de l'établir expérimentalement ([^33]). Or cette expérience était la plus propre à réussir. 49:270 Elle était fondée sur la paix du Christ. Elle était soutenue par l'Église locale et par l'Église universelle ([^34]). Elle était conduite dans la paix et avec un réalisme, un pragmatisme même, aussi humbles que possibles. Ce n'est pas demain que, dans un autre pays, on verra réunies des conditions semblables. On ne peut se le dissimuler : l'échec de la réforme par l'intérieur du communisme en Pologne est un signe des temps ([^35]). C'est un signe d'une gravité extrême, car il fait disparaître l'une des formes de l'espérance temporelle de libération de l'homme. On dira que la situation nouvelle, les efforts actuellement tentés pour obtenir un pluralisme syndical en Pologne peuvent aboutir ultérieurement, que les négociations entre l'épiscopat et l'État polonais ont repris sur de nouvelles bases. On peut effectivement espérer qu'il en résulte un "modus vivendi" qui permette au peuple de survivre. Maïs une réforme pacifique, par l'intérieur, du totalitarisme de l'État commu­niste semble bien désormais, elle, hors de question ([^36]). Les Sovié­tiques tiennent leurs satellites dans une dépendance étroite. 50:270 Ils ont voulu préserver l'intérêt stratégique de la circulation militaire vers l'Europe de l'Ouest comme Ils ont voulu éviter que la contagion d'une réforme humaine du régime communiste se répande dans d'autres pays soumis à la même tyrannie ([^37]). C'est, d'une certaine manière, le diagnostic porté par Pie XI en 1937 qui se trouve dramatiquement confirmé ([^38])... \[Fin des extraits de l'article de MARCEL CLÉMENT paru dans L'HOMME NOUVEAU, nu­méro 825 du 2 janvier 1983.\] 51:270 ## ENQUÊTE POLITIQUE ### Avant les municipales de mars #### Occasion, but et motifs de cette enquête *LES partis de l'actuelle* opposition parlemen­taire *étaient ceux de la* majorité présiden­tielle *au pouvoir de 1974 à 1981. Ils vont maintenant se présenter à nos suffrages pour, comme ils disent,* « reconquérir le pouvoir ». *La première étape de cette reconquête légale est pour eux de gagner en mars les élections municipales, prélude à une victoire ultérieure aux législatives.* *Ces partis sont en position de* « *ratisser* » *à leur profit les voix de tous les mécontentements et de toutes les résistances que suscite le gouver­nement sectaire et despotique de la gauche.* *Ils ont pour eux un argument occasionnel mais puissant : contrecarrer, en votant pour eux, la colonisation communiste de l'État et du pays.* 52:270 *Il faut toutefois prendre le temps de s'interroger, et de les interroger : sur leur identité morale, sur leur dessein politique.* *Car ce sont eux, ces partis-là, avec leur* « *libé­ralisme avancé* » (*avancé vers le socialisme*) *qui ont conduit la France au socialo-communisme actuel.* *Sont-ils définitivement prisonniers des caren­ces, des erreurs et des fautes qui furent les leurs, pour ne pas remonter plus haut, tout au long de la présidence giscardienne, de 1974 à 1981 ? Sont-ils toujours les mêmes, ou bien ont-ils commencé la révision déchirante mais nécessaire de leur pen­sée et de leur comportement ? Sont-ils devenus moins inattentifs aux aspirations, aux réclama­tions de la France réelle, la France française, la France traditionnelle, la France chrétienne ?* *La revue* ITINÉRAIRES *leur a présenté 14 reven­dications qui ne font assurément pas un pro­gramme complet de gouvernement, mais qui ex­priment nos réclamations les plus urgentes.* *Les voici, avec leurs réponses.* 53:270 #### Nos quatorze revendications *La revue* ITINÉRAIRES *soutient 14 revendications pratiques. Elle vient vous demander si votre parti a une position, et laquelle, et pourquoi, à l'égard de chacun de ces 14 points.* ####### 1) DIFFUSION DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE Un principe : « Ce que je reproche au capitalisme, ce n'est pas qu'il y ait trop de capitalistes mais précisément qu'il n'y en ait pas assez » (Chesterton). Outre la diffusion de la propriété privée individuelle, nous réclamons l'organisation de la diffusion de la propriété collec­tive *privée,* selon les doctrines de Louis Salleron. RÉPONSES : D'accord : RPR, CNIP, Démocratie chrétienne. A prendre en considération : parti radical. Contre : aucun. 54:270 ####### 2) VÉRITÉ DU BULLETIN DE PAYE Tels qu'ils sont obligatoirement rédigés, les bulletins de paye font croire au salarié que ses cotisations sociales lui coûtent seulement 10 à 13 % de son salaire. -- Mais le vrai salaire est ce que l'entreprise débourse pour chaque salarié qu'elle embauche, -- ce qu'elle ne débourse plus pour chaque salarié qu'elle licencie. Sur ce total déboursé, les retenues pour cotisations s'élèvent à environ 50 %. La plus grosse part de ces retenues est appelée mensongèrement « coti­sations patronales ». Et l'on dissimule ainsi aux salariés le coût véritable de l'actuel système de couverture sociale. La vérité du bulletin de paye consiste à faire figurer comme salaire brut ce que l'entreprise débourse pour chaque salarié, et à mentionner l'ensemble des retenues effectuées sur ce salaire brut. RÉPONSES : Pour : RPR, CNIP, Démocratie chrétienne. A prendre en considération : parti radical. Contre : aucun. ####### 3) SUPPRESSION DES SUBVENTIONS DE L'ÉTAT A LA CGT Selon la législation en vigueur, la CGT, simple courroie de transmission du parti communiste, n'a pour cette raison aucun droit à la *représentativité,* ni par conséquent aux subventions et avantages divers qui y sont attachés. RÉPONSES : Pour : CNIP, Démocratie chrétienne. 55:270 A prendre en considération : parti radical. Réponse vague : RPR. Contre : aucun. ####### 4) INDEXATION DE L'ÉPARGNE Comme le smic, l'épargne doit être indexée sur le coût de la vie : c'est-à-dire rétribuée par un intérêt qui aurait dû être de l'ordre de 12 à 16 % pour les récentes années. Ces intérêts n'étant ni un bénéfice ni un revenu, ils doivent être totalement exonérés d'impôt, et cela sans plafond. C'est seulement ainsi que cessera le vol de l'épargne que l'État opère en refusant de com­penser pour l'épargnant la dépréciation continuelle de la mon­naie. RÉPONSES : Pour : CNIP, Démocratie chrétienne. A prendre en considération : parti radical. Réponse dubitative : RPR. ####### 5) INSTAURATION DU COUPON SCOLAIRE L'éducation relève fondamentalement des familles, et sub­sidiairement seulement, de l'État. C'est aux familles qu'il ap­partient de financer l'école qu'elles désirent : le rôle de l'État est de leur en donner les moyens par des allocations scolaires plus ou moins analogues aux allocations familiales. RÉPONSES : Pour : CNIP, Démocratie chrétienne. Réponse dubitative : RPR. Question sans intérêt : parti radical. 56:270 ####### 6) DÉSCOLARISATION... ... des âges et des professions qui n'ont rien à faire sur les bancs d'une école. Il faut abaisser l'âge de la scolarisation obli­gatoire et favoriser l'organisation de l'apprentissage des métiers. RÉPONSES : D'accord : RPR, CNIP, Démocratie chrétienne. Question sans intérêt : parti radical. ####### 7) DIMINUTION DES HORAIRES DE LA TV Passer toutes ses journées à l'école et toutes ses soirées au spectacle prive la jeunesse de l'apprentissage de l'attention, de l'apprentissage de l'effort, de l'apprentissage de la vie. Il s'y perd le goût et la pratique de la lecture. La TV sans limites provoque une progressive désalphabétisation de fait. La solution à ce problème n'est pas clairement évidente, mais elle est forcément du côté d'une certaine réduction des programmes plutôt que du côté de leur gonflement continuel. RÉPONSES : Pour : aucun. Contre : RPR, CNIP, Démocratie chrétienne. Question sans intérêt : parti radical. ####### 8) SUPPRESSION DE L'INCITATION POLITIQUE A LA LUXURE... ... sous ses quatre formes principales : 57:270 -- liberté de la pornographie ; -- information sexuelle en public (notamment à l'école) ; -- propagande pour la contraception artificielle ; -- démocratisation de l'avortement. RÉPONSES : Pleinement d'accord : aucun. Plus ou moins d'accord : CNIP. Réponse vague : RPR. Pas d'accord : Démocratie chrétienne. Question sans intérêt : parti radical. ####### 9) RELÈVEMENT DES ALLOCATIONS FAMILIALES... ... de manière à rattraper et dépasser l'augmentation des salaires et à favoriser les familles nombreuses proportionnelle­ment au nombre d'enfants. RÉPONSES : Pour : RPR, CNIP, Démocratie chrétienne. Question sans intérêt : parti radical. ####### 10) VOTE FAMILIAL Que pour les élections politiques le bulletin de vote soit *familial, comme l'impôt.* Il suffit de décréter que toute personne *tenue ou admise* à déclarer des revenus a droit de vote, et dispose d'autant de voix qu'il y a de personnes mentionnées sur sa déclaration. 58:270 Aucune difficulté administrative, les rôles sont déjà établis dans les inspections des impôts, prêts à fonctionner pour les scrutins. RÉPONSES : Pour : CNIP, Démocratie chrétienne. Contre : RPR. Question sans intérêt : parti radical. ####### 11) RÉGLEMENTATION DE L'IMMIGRATION Arrêt de l'immigration, et renvoi progressif des immigrés dans leur pays d'origine, jusqu'à ce que leur pourcentage par rapport à la population française retombe à un taux suppor­table, à fixer par la loi. RÉPONSES : Pour : RPR, CNIP, Démocratie chrétienne. Question sans intérêt : parti radical. ####### 12) REMISE DES ÉGLISES INOCCUPÉES AUX CATHOLIQUES TRA­DITIONNELS QUI LES RÉCLAMENT Cette revendication concerne les églises qui juridiquement appartiennent à l'État ou aux municipalités, et où aucun culte catholique n'est plus célébré. RÉPONSES : Pour : CNIP. Pour sous réserves : RPR. 59:270 Contre : Démocratie chrétienne. Question sans intérêt : parti radical. ####### 13) RÉVISION POLITIQUE FONDAMENTALE Depuis 1941, les démocraties occidentales ont pensé, agi, et continuent d'enseigner et d'organiser leur vie politique com­me si l'hitlérisme (le fascisme, le racisme, l'antisémitisme et tutti quanti) était bien pire et beaucoup plus dangereux que le communisme. Au contraire, Soljénitsyne : « *Le communisme est bien pire et beaucoup plus dangereux que l'hitlérisme.* » Qui a raison ? Nous pensons que c'est Soljénitsyne : mais alors cela ré­clame une révision profonde de la philosophie et de la politique des démocraties occidentales. RÉPONSES : D'accord : aucun. Partiellement d'accord : Démocratie chrétienne. Répond à côté : CNIP. Pas d'accord : RPR. Question sans intérêt : parti radical. ####### 14) RECONNAISSANCE DU DÉCALOGUE La déclaration des droits de 1789 et celle de l'ONU tendent à considérer qu'il n'y a ni autorité, ni principe, ni droit qui soit supérieur à la volonté générale exprimée par la majorité des suffrages. Ces déclarations, en tout cas, ne reconnaissent expli­citement aucun autre fondement à la légitimité morale et poli­tique. 60:270 Nous pensons au contraire qu'il n'appartient pas à chacun, ni même à tous les hommes ensemble, de changer la définition du bien et du mal, laquelle est supérieure aux déclarations et constitutions politiques. Nous réclamons que l'État reconnaisse, au-dessus de lui-même comme au-dessus des fluctuations de la volonté générale, une loi morale qui est la loi naturelle de l'espèce humaine : le Décalogue, reconnu comme loi fondamentale et comme bien commun temporel de l'humanité tout entière. RÉPONSES : Pleinement d'accord : aucun. Accord partiel et confus : Démocratie chrétienne. Répond à côté : CNIP. Pas d'accord : RPR. Question sans intérêt : parti radical. 61:270 #### Rassemblement du peuple français ([^39] (*R.P.R.*) Le RPR est le mouvement politique d'origine gaulliste dirigé par Jacques Chirac. Son secrétaire général était Jérôme Monod lors de notre enquête de 1978 ; il est aujourd'hui Bernard Pons. La réponse du RPR en 1978 était de Jérôme Monod. Cette fois-ci sa réponse a pris la forme d'un texte anonyme, engageant le RPR comme tel. 1\) Le Rassemblement pour la République a toujours été favorable à la diffusion de la propriété collective privée et il a été le seul mouvement poli­tique à la mettre en œuvre dans le cadre de la participation. Il entend à l'avenir poursuivre ce mouvement notamment dans le cadre des dénationalisations qui devraient permettre la mise en œuvre d'un véritable actionna­riat populaire. 2\) Tout à fait d'accord sur la proposition. 62:270 3\) Les critères de représenta­tivité ont été définis par l'or­donnance de 1945. Ils ne sont plus adaptés aux réalités ac­tuelles et le RPR souhaite qu'ils soient réexaminés. 4\) L'indexation intégrale de l'épargne liquide pose des pro­blèmes financiers importants. La proposition soumise ne pourrait être retenue que dans la mesure où elle s'accompagne­rait d'une immobilisation des fonds pendant une période d'au moins une année. 5\) Le principe est intéressant et la question a été étudiée par le Rassemblement. C'est au ni­veau des modalités pratiques que les problèmes se posent car la mise en place du coupon sco­laire implique la suppression de la carte scolaire avec toutes les conséquences que cela com­porte. 6\) Nous partageons l'idée se­lon laquelle une plus grande souplesse en ce qui concerne l'âge d'accès à l'apprentissage est indispensable. 7\) La liberté d'expression ne peut s'accommoder de res­trictions quantitatives. Aussi considérons-nous qu'il faut aller dans le sens du pluralisme et de la meilleure qualité des spec­tacles pour mieux répondre au besoin éducatif des jeunes. 8\) Ceci rejoint la question précédente par certains aspects. Une moralisation de l'informa­tion et des médias est indispen­sable. 9\) Tout à fait d'accord sur ce point. 10\) Non, le suffrage univer­sel ne saurait connaître d'autres restrictions que celles existant actuellement. Selon la formule de Winston Churchill il demeu­re « le pire des régimes, à l'ex­ception, bien entendu, de tous les autres ». 11\) Ceci doit être réalisé dans le cadre de conventions avec les pays d'origine de manière à garantir le reclassement des intéressés. 12\) Pas d'objection sous ré­serve de l'accord de la hiérar­chie catholique qui, de droit, en dispose (loi de 1905). 13\) Communisme et hitléris­me sont deux formes de tota­litarisme et de négation de la dignité humaine. Elles sont en cela également condamnables. 14\) Le propre de la démocra­tie est la liberté. La seule loi qui puisse la régir est celle qui garantit les droits imprescrip­tibles de l'homme et du citoyen. La déclaration des droits de 1789 les a définis de manière satisfaisante. 63:270 *Observations* I Avant de commenter cette réponse, un rappel tiré de notre enquête de 1978. Cette année-là, le secrétaire général du RPR nous assurait qu'il n'y avait pour la France aucun danger communiste. Il faut tout de même s'en souvenir, non pour refuser l'in­dulgence ou le pardon, mais pour éviter de surestimer les poli­ticiens professionnels : leur vraie compétence est *électorale ;* mais leur *incompétence politique* est profonde et générale. Hugues Kéraly avait posé la question : « En votant pour les candidats du RPR, est-ce que nous éloignons la menace d'une accession au pouvoir des commu­nistes ? » Et voici quelle fut la réponse officielle du secrétaire général du RPR en 1978 : « En ce qui concerne une telle menace, je suis dubitatif. Les derniers événements politiques, qui ont révélé publique­ment la concurrence inexpiable du PC et du PS pour la prise du pouvoir, me paraissent avoir éloigné les risques d'une acces­sion au pouvoir du PC seul ou allié à son allié socialiste. » Trois ans plus tard, nous avions les socialo-communistes au pouvoir, avec quatre ministres communistes au gouverne­ment. Ce qui aurait pu être évité si la majorité présidentielle de 1978 avait apprécié « les risques » avec moins de légèreté. 64:270 II **1. -- **Aujourd'hui : accord du RPR pour la diffusion de la pro­priété privée, pour la vérité du bulletin de paye, pour la déscolarisation des âges et des professions qui n'ont rien à faire sur les bancs d'une école ; accord pour le relèvement des allo­cations familiales ; et pour la réglementation de l'immigration. En revanche, une curieuse timidité concernant la CGT com­muniste (question n° 3) ; et un net refus du vote familial, ressenti comme une « restriction » au suffrage universel. **2. -- **Le poids des erreurs historiques du gaullisme est toujours manifeste : d'où le refus d'envisager une révision de ce qui a été depuis 1941 la méprise politique essentielle des démocraties occidentales. Pour le RPR, la grande voix de Sol­jénitsyne aura retenti en vain. **3. -- **La réponse à notre quatorzième revendication affiche une absence complète de pensée politique : « Le propre de la démocratie est la liberté. » Cela s'appelle énoncer n'importe quoi. Le propre de la *démocratie* est le *pouvoir du nombre* et l'*égalité :* ou alors les mots n'ont plus de sens, ni les doctrines de consistance, ni la politique, de réalité. Il est trop clair que notre question est passée au-dessus de la tête du répondeur RPR. \*\*\* 65:270 Depuis la présidence giscardienne, le fonctionnement de la V^e^ République repose sur les alliances et alternances de quatre « partis », au sens constitutionnel du terme : le parti commu­niste, le parti socialiste, le RPR et l'UDF (celle-ci composée du parti républicain, du CDS et du parti radical). Il ne nous échappe nullement que, dans l'opposition parlementaire au socialo-communisme, le RPR est le plus dynamique et souvent le moins mal inspiré. Mais cela ne nous dispense pas de le voir tel qu'il est. 66:270 #### Centre des démocrates sociaux (C. D. S.) Le leader le plus connu du CDS est Jean Lecanuet, ancien candidat à la présidence de la République. Le secrétaire général en est André Diligent depuis le congrès tenu à Lyon par ce parti en octobre 1977. En date du 24 décembre 1982, M. André Diligent nous a écrit : « *Comme convenu, je vous prie de trouver ci-joint mes réponses.* « *N'ayant pu atteindre en 24 heures les principaux respon­sables du CDS, je vous prie de bien vouloir indiquer que ce sont des réponses personnelles...* » Nous remercions M. Diligent de sa courtoisie, en regrettant le contre-temps qui l'a empêché de nous donner des réponses officielles. 67:270 Notre questionnaire avait été remis au CDS au mois d'oc­tobre. Il y fut négligé ou égaré, et notre rappel en décembre vint prendre de court les responsables. Dans les perspectives qui sont celles de la présente enquête, la publication de réponses simplement *personnelles,* n'engageant pas l'ensemble du mouvement et de ses candidats aux municipales, n'aurait aucune signification : bien qu'en elles-mêmes elles soient fort intéressantes, ce qui augmente nos regrets sans en supprimer la cause. 68:270 #### Démocratie chrétienne Démocratie chrétienne est un parti politique fondé le 25 mai 1977 à Paris. Son président, Alfred Coste-Floret, avait répondu lui-même à no­tre enquête de 1978 ; c'est encore lui qui nous répond aujourd'hui. Pré­sident d'honneur : Georges Bidault. ####### 1. Diffusion de la propriété privée La démocratie chrétienne se prononce pour la diffusion de la propriété privée, c'est-à-dire pour un capitalisme populaire qui favorise l'accession du plus grand nombre à la propriété privée, à condition bien enten­du que l'exercice de ce droit concorde avec le bien commun. Car tout principe a ses limites. S'il y a une trop grande accu­mulation du pouvoir économi­que entre les mains d'un seul ou de quelques-uns, la concordance avec le bien commun pose un problème. La diffusion de la propriété collective *privée,* selon les doc­trines de Louis Salleron, est à préconiser en la subordonnant aux mêmes principes que la diffusion de la propriété indi­viduelle privée : son exercice doit concorder avec le bien commun. ####### 2. Vérité du bulletin de paye La démocratie chrétienne est absolument pour. 69:270 ####### 3. Suppression des subventions de l'État à la CGT Nous sommes pour toutes les libertés y compris, bien sûr, la liberté syndicale. Mais celle-ci a ses limites : agir dans la lé­galité pour la défense des inté­rêts professionnels. A partir du moment où la CGT ne respecte pas ce principe et devient une simple courroie de transmission du parti communiste, sa subven­tion doit être supprimée. ####### 4. Indexation de l'épargne Elle figure dans notre pro­gramme. ####### 5. Instauration du coupon sco­laire Il figure dans notre pro­gramme. ####### 6. Déscolarisation des âges et des professions qui n'ont rien à faire sur les bancs d'une école Nous sommes d'accord. Mais il faut réserver la possibilité d'un perfectionnement postsco­laire et de la « ré-orientation ». ####### 7. Diminution des horaires de la Télévision. La Télévision, comme la lan­gue d'Ésope, peut être la meil­leure ou la pire des choses. Il existe un bon et un mauvais usage de la Télévision. Cela pose un problème de compo­sition et de contrôle des pro­grammes et aussi d'éducation et de comportement individuel beaucoup plus qu'une question générale de réduction des ho­raires. La Télévision d'aujour­d'hui est trop souvent abêtis­sante, n'informe pas mais « dé­sinforme » et « endoctrine » les auditeurs à longueur de journée. Une profonde réforme est indispensable qui doit com­mencer par la suppression du monopole non fondé de l'État. ####### 8. Suppression de l'incitation politique à la luxure La démocratie chrétienne est rigoureusement contre l'incita­tion à la luxure qui consiste à accepter la liberté de la porno­graphie, la propagande pour la contraception artificielle, la li­berté, la démocratisation et la banalisation de l'avortement. En revanche nous sommes plus nuancés qu'ITINÉRAIRES sur l'information sexuelle. Il s'agit bien entendu de la donner d'une façon prudente, discrète et ap­propriée et non comme il fut fait à l'Université de Vincennes, où nous avons assisté à de vé­ritables scandales. Mais nous croyons qu'une information sexuelle prudente et mesurée à l'École peut être utile. Il faut d'ailleurs que cette information sexuelle soit étroitement contrô­lée par les Associations de pa­rents d'élèves et l'État pour évi­ter tout excès et tout abus. ####### 9. Relèvement des allocations familiales Il figure dans notre program­me et sa réalisation est indis­pensable. 70:270 ####### 10. Vote familial Il figure dans notre program­me. C'est par l'universalisation du suffrage la possibilité donnée aux familles d'avoir un poids politique conforme à leur im­portance et à leur rôle. Nous proposons de donner à la Mère de famille droit de vote pour tous ses enfants mineurs ; à défaut de la Mère au Père ; à défaut du Père et de la Mère au Représentant Légal de l'en­fant. Nous avons établi un pro­jet très complet à partir de ces principes. ####### 11. Réglementation de l'immi­gration Elle est indispensable. Il y a au moins un tiers des immigrés en trop qui pèsent sur l'Économie française. ####### 12. Remise des églises inoccu­pées aux catholiques tradi­tionnels qui les réclament Nous ne sommes pas parti­sans d'introduire des catégories dans l'Église : « catholiques tra­ditionnels », « catholiques pro­gressistes » et pourquoi pas de­main « catholiques du juste mi­lieu » ? Tout cela est aberrant et dénature les structures de l'Église. L'Église, c'est une « communion de fidèles ». Le Christ l'a fondée sur le principe d'autorité et sur la communion entre frères. L'on peut dire aus­si avec Bossuet que « l'Église c'est Jésus-Christ répandu et communiqué ». Cela doit se faire dans et par l'Église en communion avec le Saint-Père et la hiérarchie. ####### 13. Révision politique fonda­mentale L'hitlérisme, le fascisme, le racisme, le communisme et le fanatisme religieux élevé au rang de valeur nationale abso­lue -- comme aujourd'hui en Iran -- sont intrinsèquement pervers et à mettre sur le même plan. Par nature ils présentent chacun un danger très grave. Savoir lequel est le plus dan­gereux dans chaque pays est question de temps et de circons­tances. De 1941 à 1944, c'est en prê­chant la croisade contre le com­munisme qu'on a abusé des Français dont certains se sont, hélas, vautrés dans la collabo­ration avec le nazisme, allant même jusqu'à s'engager dans cette section française des Waf­fen SS qu'était la « Légion Charlemagne » ou à coopérer avec la Gestapo ! A cette époque l'hitlérisme était pour la France plus dan­gereux que le communisme. L'année qui précédait de 1940 à 1941, ils étaient d'accord (pac­te germano-soviétique ; démar­che pour faire reparaître *l'Hu­manité*) et aussi dangereux l'un que l'autre pour notre pays. Pour la Russie soviétique, c'est évidemment le communis­me qui est le danger le plus grand et pour son pays Soljénit­syne a raison. Pour la France d'aujourd'hui il a aussi raison. Le fascisme, le racisme, l'hitlérisme ne me­nacent pas actuellement grave­ment notre pays. Le communis­me est aujourd'hui pour la France et aussi pour tout le Monde libre la menace la plus grave qu'il faut combattre. Cela suppose, en effet, une révision de la philosophie et de la poli­tique des démocraties occiden­tales. 71:270 ####### 14. Reconnaissance du décalo­gue La démocratie chrétienne a pris cette dénomination parce que la référence « chrétienne » « oblige » et ne permet pas les compromis. Nous sommes donc tout à fait et sans aucune ré­serve pour la reconnaissance des principes inscrits dans le déca­logue. Cette référence nous pa­raît absolument nécessaire, face à la société permissive où nous vivons. Nous voulons rassem­bler les Français non pas au­tour des valeurs acquises mais autour des valeurs contestées, c'est-à-dire des « valeurs chré­tiennes ». Mais nous ne condamnons ni la déclaration des droits de l'homme de 1789, dont il ne faut pas oublier que son préam­bule déclare qu'elle est faite « sous les auspices et en pré­sence de l'être suprême », ni la déclaration de l'O.N.U., ni la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Les deux dernières font expressément état de la liberté de conscience et du droit à l'exercice des liber­tés religieuses, ce qui comble une grave lacune de la Décla­ration de 1789 qui est effective­ment incomplète. Avec le pape nous défendons « les Droits de l'Homme », bien entendu de l'homme « dans sa totalité ». Nous proclamons que seule la doctrine sociale chré­tienne, à laquelle nous nous ré­férons, permet une limitation de l'État par le Droit parce qu'elle reconnaît, au-dessus de l'État, une norme supérieure d'essence divine qui s'impose à lui et dont les principes sont, en effet, ex­primés par le décalogue. Observations **1. -- **La « Démocratie chrétienne » est le seul parti de l'opposi­tion parlementaire qui connaisse (ou en tout cas qui re­connaisse) les « doctrines de Louis Salleron » sur la diffusion de la propriété. Nous l'en félicitons. 72:270 **2. -- **Elle est pour le coupon scolaire : la seule avec le CNIP. C'est important. C'est une base de départ pour faire grandir, parmi les groupements politiques non-marxistes, la revendication d'une séparation de l'école et de l'État. Nous disons : dans une République française qui a réalisé la *séparation de l'Église* et de l'État, qui a proclamé la *sépa­ration de l'audiovisuel* et de l'État, la revendication d'une *séparation de l'école* et *de l'État* est mobilisatrice et peut rapi­dement devenir victorieuse. **3. -- **Accord aussi sur la vérité du bulletin de paye, sur l'in­dexation de l'épargne, sur la déscolarisation, sur le vote familial, sur la réglementation de l'immigration. Voilà beaucoup d'accords concrets. Dont acte. **4. -- **Sur le point 8, nous demandons à la « Démocratie chré­tienne » un nouvel examen. Une information sexuelle don­née *à l'école,* et sous le contrôle *de l'État,* ne peut évidemment pas être *discrète.* **5. -- **La réponse à notre treizième revendication conclut à la nécessité d' « une révision de la philosophie et de la poli­tique des démocraties occidentales ». Mais tous les alinéas pré­cédents de la réponse à cette même question manifestent que cette révision souhaitée n'a pas été menée à bien, ni même vraiment commencée, par la « Démocratie chrétienne ». Énoncer en effet que « l'hitlérisme, le fascisme, le racisme, le commu­nisme et le fanatisme religieux sont intrinsèquement pervers et à mettre sur le même plan », c'est proférer une sentence à la Ponce-Pilate. 73:270 Cette sentence, au demeurant inexacte, est en outre inopé­rante. Car à la prendre telle qu'elle est, elle n'arrivera jamais à justifier qu'*en prêchant la croisade contre l'hitlérisme, on ait abusé des Français dont certains se sont vautrés dans la colla­boration avec le communisme, allant même jusqu'à s'engager dans la section française du Kominform ou à coopérer avec le KGB...* **6. -- **La « Démocratie chrétienne » admet au-dessus de l'État « une norme supérieure ». Elle n'aperçoit pas que la néga­tion de toute norme supérieure à la volonté générale constitue l'essence même de la Déclaration des droits de 1789 et de celle de l'ONU. C'est pourtant toute la question. 74:270 #### Parti radical socialiste *Le* « *service de presse* » *du parti radical nous a fait parvenir, datée du 1^er^ décembre 1982, la réponse suivante :* RÉPONSE AU QUESTIONNAIRE DE LA REVUE « ITINÉRAIRES ». -- Ayant pris connaissance du contenu de votre enquête en vue des prochaines élections municipales, Jean-Thomas Nord­matin, vice-président du parti, député au Parlement européen, a répondu comme suit : -- Les quatre premières ques­tions du questionnaire sont à prendre en considération et au sérieux. -- Le reste du questionnaire apparaît comme étant à écarter, et ne paraît pas digne d'intérêt. Vous priant de nous excuser pour le retard donné à notre réponse, veuillez accepter, Mon­sieur, l'expression etc. Le Service de Presse signé illisible. *Observations :* néant. 75:270 #### Parti républicain (P. R.) A l'origine du PR, une fraction du CNIP, conduite par Giscard d'Estaing, qui abandonne l'Algérie française et se rallie à la politique algérienne du général de Gaulle. Ce fut le parti du président Giscard. C'est aujourd'hui, en fait, à l'intérieur de l'UDF, le parti de l'ancien président Giscard. François Léotard, secrétaire général du PR, nous a fait savoir qu'après délibération du bureau politique, il avait été décidé de ne pas répondre à l'enquête d'ITINÉRAIRES, en raison des commentaires trop orientés et incorrects que la revue avait publiés lors de l'enquête de 1978. Nous reportant à cette enquête (pages 69 à 75 de notre numéro de janvier 1978), nous constatons que le PR s'y était officiellement prononcé en ces termes : « *Information sexuelle à l'école, oui. Propagande pour la contraception, oui.* 76:270 *Interrup­tion de grossesse, oui. Le tout pour des raisons de justice sociale. *» Et encore : « *Nous voulons donner un contenu concret aux idéaux révolutionnaires de 1789.* » Et encore : « *Nous avons une conception tout à fait démocratique de la notion des droits de l'homme ; l'ensemble de la Déclaration de 1789 en donne une très bonne définition. *» Assurément, de telles déclarations se suffisent à elles-mêmes. Nous aurions pu nous abstenir de les commenter. Le PR ne songe nullement à les désavouer ou à les réviser. Composé ori­ginellement de parlementaires qui étaient plutôt de droite, il a profondément subi l'influence déplorable de Giscard d'Estaing. Son actuel secrétaire général François Léotard est lui-même, idéologiquement, très marqué à gauche ; il vient de la CFDT. Quant à l'insolence à l'égard de la revue ITINÉRAIRES, les lecteurs (et les électeurs) apprécieront. Pour éviter toute méprise accidentelle, nous avons adressé à François Léotard la lettre suivante : *30 décembre 1982.* *Monsieur le Président,* *Votre secrétariat me répond que le Bureau politique du P.R. a décidé de ne pas répondre à notre enquête en 14 points, pour la raison que le commentaire que nous avions fait des réponses à notre précédente enquête était* « *trop orienté* » *et* « *incorrect* »*.* *Pour éviter tout malentendu, je vous précise que votre formation est la seule de l'opposition parlementaire qui nous ait opposé un tel refus ; et que, si vous vous ravisez, vous pourrez utilement nous faire parvenir une réponse jusqu'au 5 janvier dernier délai.* *Bien entendu, notre commentaire restera libre en toutes circonstances et* « *orienté* » *selon nos convictions.* 77:270 *Quant à la* « *correction* »*, vous pouvez être assuré que celle de la revue* ITINÉRAIRES *demeure toujours largement supérieure aux usages, langages et procédés électoraux dont usent habi­tuellement vos adversaires, vos partenaires et votre propre mouvement.* *Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre attentive considération.* A la date du 5 janvier, nous n'avions reçu aucune réponse. Il n'y a donc aucune méprise. Dont acte. 78:270 #### Centre national des indépendants et des paysans (*C.N.I.P.*) Le CNIP a été, selon ses réponses officielles à notre enquête de 1978, une « formation à part entière de la majorité présidentielle » de Giscard d'Estaing : -- Il fut un grand parti, il a compté jusqu'à 120 députés à l'Assemblée nationale. Il regroupe en son sein des gens fort éminents, comme M. Antoine Pinay. Nous avons connu une crise, au moment de l'affaire d'Algérie, parce qu'une grande partie de notre mouvement s'était ralliée à l'Algérie française et l'autre à la politique du général de Gaulle. Cette seconde fraction était conduite par M. Valéry Giscard d'Estaing. Et nous nous honorons de dire que le président de la République a appartenu à notre mouvement. Les réponses à notre enquête d'aujourd'hui ont été faites par Philippe Malaud, président du CNIP, ancien ministre. ####### 1. Diffusion de la propriété privée C'est le programme de base du C.N.I.P. depuis toujours. Il s'agit, comme il a été dit -- mais non réalisé --, de « rendre les Français propriétaires de la France » individuellement et non collectivement. 79:270 D'où nos propositions pour la diffusion de la propriété du logement, des instruments de travail, de l'actionnariat popu­laire repris dans chacun de nos programmes ci-joints. ####### 2. Vérité du bulletin de paye Le travailleur doit non seule­ment connaître l'intégralité de son salaire avant prélèvements sociaux, mais le percevoir et en suivre lui-même l'utilisation, mê­me si certaines dépenses de Sé­curité Sociale sont obligatoires. ####### 3. Suppression des subventions de l'État à la C.G.T. Il s'agit non seulement de supprimer les subventions qui alimentent la contestation et le désordre, mais de supprimer le monopole en établissant la li­berté syndicale. Quant à la C.G.T., son attitude inqualifia­ble à l'égard d'entreprises du secteur automobile déjà en dif­ficulté, appuyée sur la mobili­sation de bandes d'immigrés et de nervis sans aucun lien avec l'entreprise, en fait purement et simplement une organisation subversive justiciable des sanc­tions de la loi. ####### 4. Indexation de l'épargne L'épargne doit non seulement être encouragée et garantie par des taux d'intérêt au moins égaux au taux d'érosion moné­taire, mais protégée contre les détournements opérés par l'État pour combler son déficit, par et à l'égard des fonds collectés par la Caisse des Dépôts qui de­vraient être réservés aux inves­tissements des collectivités lo­cales. ####### 5. Instauration du coupon sco­laire Le rôle d'éducateur de la fa­mille doit être reconnu ; il ap­partient à ses responsables de déterminer, seuls, le choix de l'établissement pour leurs en­fants ; il s'agit donc de faire disparaître les contraintes financières (coupon scolaire) et géo­graphiques (carte scolaire) pour le rétablissement d'une concur­rence équitable qui joue en fa­veur des bons établissements et au détriment des mauvais. ####### 6. Déscolarisation Il faut mettre fin à la phi­losophie de la scolarisation per­manente jusqu'à 40 ans avec perspective de retraite à partir de 45 ans, au terme d'une pé­riode de chômage. La scolarisation doit être adaptée et orientée en fonction des besoins de l'économie. Les débouchés les plus importants peuvent être trouvés dans l'ar­tisanat et la très petite entre­prise qui requièrent l'applica­tion de la loi Royer sur l'ap­prentissage, soigneusement sa­botés par l'Éducation Nationa­le depuis toujours. ####### 7. Diminution des horaires de la TV Une réforme profonde est in­dispensable, reposant sur une véritable concurrence, une to­tale responsabilité financière, le respect de cahiers des charges précis définissant des obliga­tions dans le domaine du civis­me, de la morale, du respect des valeurs. 80:270 Par contre, il est totalement inutile de songer à réduire arbi­trairement les horaires à une époque où l'évolution technique est telle que l'absence de pro­gramme français sera rapide­ment comblée par ceux que les principales puissances diffuse­ront par satellite. ####### 8. Suppression de l'incitation politique à la luxure Il est évidemment intolérable que la télévision, la radio, les médias, servent de supports per­manents aux idées subversives, à l'incitation à la violence, à la luxure, à la drogue, et s'ou­vrent aux vaticinations des ho­mophiles et pédophiles vantant la nécessité de recourir à leur « thérapeutique » sous peine de « mourir idiot ». ####### 9. Relèvement des allocations familiales Le programme du C.N.I.P. est non seulement basé sur la restauration des Allocations Fa­miliales à leur niveau d'origine (multiplication par 6), mais sur la création d'un salaire familial de la mère de trois enfants, as­sorti des avantages sociaux, de retraite et de réinsertion profes­sionnelle au terme de la pério­de consacrée à l'éducation des enfants. ####### 10. Vote familial Dans la perspective d'une restauration et du respect de la cellule familiale, le C.N.I.P. ne voit que des avantages au vote familial. ####### 11. Réglementation de l'immi­gration Le C.N.I.P. n'a cessé de de­mander le blocage de l'immi­gration, le contrôle sérieux des abus du droit d'asile, l'expul­sion immédiate de tout immi­gré coupable d'un crime, d'un délit ou installé dans le parasitage de la société. Il propose notamment la création d'un vi­sa pour tous les non-originaires de la C.E.E. et l'instauration de quotas à l'instar du système américain. ####### 12. Remise des églises inoccu­pées aux catholiques tradi­tionnels qui les réclament Les lieux du culte doivent être par priorité utilisés par ceux qui s'en réclament, quel­les que soient leurs orientations. Il est inadmissible que des égli­ses soient refusées à des catho­liques traditionalistes ou inté­gristes et largement ouvertes à des manifestations d'immigrés musulmans ou animistes. ####### 13. Révision politique fonda­mentale L'hitlérisme a commis des crimes intolérables et il n'est pas question de le réhabiliter. Mais il ne faut pas amalgamer hitlérisme, fascisme, État auto­ritaire, trois notions qui recou­vrent des réalités très éloignées. 81:270 Le communisme est le plus proche de l'hitlérisme. Comme lui il est responsable, non de quelques bavures, mais d'assassi­nats, génocides, univers concen­trationnaires se traduisant par des millions, voire des dizaines de millions, de victimes. L'absurdité des imprécations marxistes aboutit à vouer éga­lement aux gémonies l'antisémi­tisme hitlérien et l'impérialisme sioniste, tous deux qualifiés de fascistes et de racistes. ####### 14. Reconnaissance du décalo­gue L'État moderne ne saurait être théocratique. Ce qui n'em­pêche pas de considérer com­me indispensable le respect des valeurs traditionnelles de notre société chrétienne, au premier rang desquelles figure le déca­logue beaucoup plus digne d'exégèse qu'un certain nombre de références à des pensées obscures contingentes qui sont de nos jours l'objet d'un véri­table culte, comme par exem­ple celles de MM. Marx, En­gels, Lénine (et pour le P.C.F., probablement encore Staline). *Observations* Voici donc le seul parti de l'opposition parlementaire qui prenne position sans équivoque pour la remise des églises inoccupées aux catholiques traditionnels qui les réclament dont acte, bravo et merci. Le RPR s'y déclare favorable lui aussi, mais avec des réserves qui manifestent une trop futile (ou trop habile ?) appréciation de la situation. Cela dit, nous avons quelques remontrances à formuler. **1. -- **S'il est un lieu où il n'est pas permis au CNIP de prétendre que la diffusion de la propriété privée est son « programme de base depuis toujours », c'est la revue ITINÉRAIRES. Le CNIP peut aller raconter cela partout où il le jugera électoralement utile et moralement possible, mais pas chez nous. 82:270 La diffusion de la propriété était parfaitement ignorée voici seulement cinq ans par le porte-parole officiel du CNIP, comme le montre notre enquête d'alors : voir les pages 19 et 23-25 de notre numéro 219 de janvier 1978. Il y a donc eu progrès. Pourquoi s'en cacher. Progrès limité, cependant, puisque sur ce chapitre le président du CNIP se réfère mélancoliquement à une formule creuse de Giscard d'Es­taing, au lieu de se référer doctrinalement aux travaux de Louis Salleron... **2. -- **Autre progrès : à la question n° 3. Espérons que ce n'est pas un simple progrès de circonstance et d'opportunité. En 1978, le CNIP ignorait si la CGT touchait ou non des subventions officielles, et supposait que si elle en touchait c'était « aussi le cas de FO et de la CFDT » ; il professait qu'en ces matières « il faut laisser aller les choses librement et d'une fa­çon démocratique », en ne mettant « pas plus en cause la repré­sentativité de la CGT que celle des autres formations syn­dicales ». **3. -- **La réponse à notre quatorzième (et principale) revendi­cation esquive tout à fait la question posée. L'esquive elle-même n'est pas innocente. Répondre à propos du décalogue que « l'État moderne ne saurait être théocra­tique » est accumuler en peu de mots une forte densité de contresens : a\) Ce n'est pas une question de *modernité.* Le nombre d'États théocratiques a plutôt augmenté que diminué avec les temps modernes : tous les États islamiques sont théocratiques. b\) L'État français n'a jamais été théocratique : même avant d'être moderne. c\) Aucun État chrétien n'est théocratique : ou alors il ne serait pas chrétien en cela. La distinction entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel, c'est le christianisme qui l'a inventée, éta­blie, instituée. 83:270 Le christianisme et personne d'autre. Les États *modernes,* dans la mesure où ils sont *démocratiques,* tendent à soumettre, absorber, confondre le pouvoir spirituel dans le pouvoir temporel. **4. -- **Le CNIP n'a pas davantage abordé la révision politique fondamentale (question n° 13). Pour lui comme pour le RPR, la grande voix de Soljénitsyne a -- jusqu'ici -- parlé en vain. 84:270 #### Conclusions générales *En ces jours qui précédè­rent\ le déluge, on mangeait et on buvait,\ on prenait femme ou mari, jusqu'à\ l'entrée de Noé dans l'arche ;\ on ne se douta de rien jusqu'à\ la venue du déluge qui les emporta\ tous.* Mat. XXIV, 38-39. LA CLASSE POLITIQUE, interrogée dans ses éléments les moins détestables, ne semble pas avoir fait de progrès bien nets depuis notre enquête de 1978. C'est pourquoi nos conclusions sont en substance, et même littéralement, celles d'il y a cinq ans. Nous en reprenons donc ici l'essentiel, sans notables modi­fications, en ce qui concerne : 1) notre non-représentation poli­tique ; 2) l'incitation officielle à la débauche ; 3) la signification du décalogue. 85:270 ##### *I. -- Notre non-représentation politique* L'observation la plus générale que suscitent, en 1983 comme en 1978, les résultats de notre enquête, concerne notre *sous*-*représentation politique ;* ou même notre *non-représentation* dans le système représentatif actuel. On objectera : -- Mais la revue ITINÉRAIRES, ça ne fait pas tellement d'électeurs, c'est pourquoi vous n'êtes pas représentés. Ça ne fait pas tellement d'électeurs, comptés chacun dé­mocratiquement pour une voix ? Ça en fait peut-être un nombre non négligeable si l'on observe que beaucoup d'entre eux, par leur influence, leur rayonnement, leur situation, leur exemple, leur action, peuvent en orienter ou en entraîner des quantités plus ou moins grandes. On a vu leur rôle, et leur poids, dans le lancement du quotidien PRÉSENT... ... Mais de toutes façons, ce n'est pas cela que je veux dire quand je parle de « notre » sous-représentation ou non-représentation. Je ne soupire nullement après la formation, à l'Assemblée nationale, d'un groupe parlementaire d'ITINÉRAIRES (ni même de PRÉSENT). Je pense aux idées, aux convictions, aux aspirations que nous avons en commun avec un très grand nombre de Français, et qui ne sont pas politiquement représentées. Nos questions aux partis politiques, ou plutôt les réponses que nous aurions voulu entendre et que nous n'avons pas entendues, ne sont pas des originalités marginales qui nous appartiendraient en propre. Que la télévision soit un fléau social qui atteint tous les âges, beaucoup de familles le constatent qui n'ont jamais en­tendu parler d'ITINÉRAIRES. 86:270 Que l'État reconnaisse, honore et respecte une loi morale (et que pourrait-elle être, si elle n'est pas le décalogue ?), une nette majorité ou au moins une forte minorité de Français y voient une règle et une garantie indis­pensables de la vie en société. Ils pensent aussi que la porno­graphie et la débauche devraient être contraintes par la loi a se cacher au lieu de s'étaler ; que l'avortement est un crime abominable ; que la simple honnêteté est triplement bafouée, par la culture audio-visuelle, par le système d'enseignement, par l'organisation de l'économie ; que l'apprentissage de l'effort et l'esprit de sacrifice devraient être encouragés et honorés par le gouvernement, qui sous Mitterrand comme sous Giscard favo­rise au contraire l'esprit de jouissance. Et d'autres choses analogues. Ces aspirations, ces convictions sont aussi celles qui ont le plus ancien et le plus sûr droit de cité en France, étant en quel­que sorte consubstantielles à la naissance, à la grandeur, à la maintenance de la nation française. Leur non-représentation politique dans l'actuel système représentatif est un phénomène artificiel dont généralement on méconnaît l'existence et la portée. Nous n'allons pas, comme cela, tout d'un coup et par notre seule virtuosité, y porter remède. Mais notre première contri­bution aura été de la mettre en lumière et d'y attirer l'attention, déjà par notre enquête de 1978. Notre seconde contribution, l'appui apporté à la création du CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER, en 1980, et de sa branche action, les Comités Chré­tienté-Solidarité. Notre troisième contribution, en 1982, la fon­dation de PRÉSENT, quotidien de combat politique. *Avançons toujours, et nous verrons Berre* (proverbe provençal). ##### *II. -- L'incitation officielle à la débauche* L'originalité politique la plus certaine de la V^e^ République a commencé sous la présidence giscardienne et se continue sous la présidence Mitterrand. C'est une invention qui, dans les États civilisés, est absolument sans précédent : la « permissi­vité » sexuelle officiellement établie et imposée par la loi. 87:270 C'est une véritable nouveauté. Partout et toujours, en effet, toutes les civilisations ont estimé que des règles et limites s'im­posent obligatoirement à ce que l'on nomme aujourd'hui l'ac­tivité sexuelle. On s'est parfois trompé au cours de l'histoire sur l'exacte nature de ces limites et de ces règles (qui souvent, en outre, ont été peu ou mal respectées en fait). Mais l'idée inouïe, monstrueuse, pour la première fois officiellement établie, est qu'il ne doit plus y avoir en la matière ni limites sociales ni règles morales. Ce n'est pas que l'État tolère simplement cette permissivité, ou que seulement il y consente ; non ; il y travaille, il l'impose, et par exemple il interdit aux parents, par la loi, d'empêcher la distribution de la pilule contraceptive, de son mode d'emploi et de l'invitation à l'employer, à leurs fillettes mineures. La réalité de l'officielle information sexuelle, doublée de la non moins officielle propagande pour la contra­ception, consiste à inciter les enfants à la luxure et à leur en enseigner les moyens. De tout temps il y a eu des gens pour pervertir à leur usage l'enfance et la jeunesse ; il y a eu aussi des souverains pour en donner l'affreux exemple. Mais c'était en passant outre à la loi morale, en tournant la loi civile. Aujourd'hui la loi civile pré­tend supprimer la loi morale et installer une universelle et méthodique excitation des enfants à la débauche. C'est la plus profonde (et la plus atroce) révolution politique et religieuse de notre temps. \*\*\* Voici quelques extraits de ce que nous en avons écrit au tome II de *L'Hérésie du XX^e^ siècle* (chap. VII). Le monde moderne aura fini par substituer l'instruction sexuelle à l'instruction religieuse. Il aura fini par le faire, il aura fini en le faisant. Nous lui avons rappelé que toutes les civilisations mortes ont expiré en pourrissant dans la luxure. Il se moque de cet avertissement puisqu'il veut justement, au nom du progrès, la mort de la civilisation. 88:270 Le terme d'*instruction* est assez démodé ; sans doute parce qu'il est le terme juste. L'enseignement se donne aujourd'hui le ridicule de viser à la fois plus haut et plus bas, et de prétendre faire de l'*information,* comme les gazettes, ou de l'*édu­cation,* comme les familles. Ce n'est pas que l'enseignement n'ait aucune part dans l'éducation : mais cette part légitime, cette part importante, il l'a en qualité d'*instruction.* L'instruction religieuse, qui donne les connaissances nécessaires au salut, n'est pas le tout d'une éducation à la vie surnaturelle ; mais c'en est un indispensable élément. De même l'instruction civi­que pour l'éducation civique ; l'instruction intellectuelle pour l'éducation intellectuelle. Et bien entendu c'est la finalité édu­cative qui doit diriger, ordonner, mesurer les cheminements de l'instruction ; mais non point les supprimer. Depuis longtemps le ministère de l'instruction publique est devenu le ministère de l'éducation nationale, et de leur côté les cours de religion ne sont plus ni des cours, ni de l'instruc­tion religieuse. On constate donc que les enfants *n'apprennent plus rien* à l'école. Mais cela va changer. Ils y apprendront, et obligatoirement, la « sexualité ». C'est-à-dire la luxure. Remarquez bien que l' « information sexuelle », légalement obligatoire, et l' « éducation sexuelle », prétendument faculta­tive, ont pris la place de l'instruction religieuse en tant que discipline commune à tous les degrés, à toutes les branches et à toutes les spécialités. Dans la société chrétienne, on allait à n'importe quelle école ou à aucune, mais tout le monde allait au catéchisme. L'instruction religieuse était la seule matière du programme qui ne pouvait faire l'objet d'aucune dispense ni d'aucune option. Or il était advenu qu'elle avait peu à peu disparu. Rejetée par le laïcisme comme attentatoire à la liberté de l'en­fant, elle était d'autre part tombée en désuétude chez les curés : -- *Pourquoi voulez-vous enseigner de tels mystères à des en­fants si petits ? Ils ne peuvent rien y comprendre.* Les mêmes curés qui trouvaient qu'il était toujours trop tôt pour commencer l'instruction religieuse se sont mis, simultanément, à trouver qu'il était toujours trop tard pour commencer l'instruction sexuelle. Et personne n'en sera dispensé. 89:270 L'éducation sexuelle supplante l'éducation religieuse comme *révélation du secret de la vie.* Le secret de la vie pour les modernes, c'est d'abord comment elle se transmet physiquement, c'est ensuite de connaître le plaisir attaché à cette transmission (connaissance qui est réputée faire accéder à un état men­tal et moral très supérieur à celui de la chasteté), c'est enfin et surtout de faire connaître et pratiquer les manières et moyens d'avoir ce plaisir sans opérer cette transmission. Mais cela même n'est pas tout. Car s'il ne s'agissait que d'apprendre cela, s'il ne s'agissait que d' « information sexuelle », c'est-à-dire d'enseigner aux enfants en quoi consistent et comment commettre les péchés mortels de luxure dans toutes leurs catégories possibles, -- il n'y aurait vraiment pas besoin d'en faire des cours et des cours pour tous les âges et dans toutes les classes. Une heure ou deux y suffiraient. L'infernal *Petit livre rouge des lycéens et collégiens* donne une incitation suffisante à tous les péchés de luxure, solitaires ou collectifs, homo ou hétérosexuels, en une trentaine de pages seulement, dont la lecture à haute voix pren­drait entre quarante et soixante minutes. Pour une initiation à toutes les luxures possibles, cela serait assez. Mais non point pour installer une religion à la place d'une autre. Ce que la loi, après le conditionnement psychologique, rend obligatoire, c'est de *parler souvent* des plaisirs coupables, main­tenant déclarés innocents et nécessaires, c'est d'y *penser sou­vent,* et *publiquement,* et *tous ensemble,* et avec l'*encouragement de l'autorité magistrale.* Cette excitation permanente et autorisée de la plus violente concupiscence, présentée « scientifiquement » comme un besoin du même ordre que le boire et le manger, est un crime absolu­ment nouveau dans l'histoire de l'humanité. Ce pourrissement dans la luxure ne peut être considéré comme un phénomène marginal ni par l'autorité politique ni par l'autorité religieuse. C'est un phénomène central de notre décadence religieuse et politique. La luxure, dès qu'elle est pu­bliquement suscitée, ou seulement tolérée, envahit tout, cor­rompt tout. Nous voyons bien qu'elle a tout envahi et tout corrompu autour de nous, les travaux et les jours, les rues et les chansons, le commerce et les loisirs, la littérature et l'art ; elle a envahi jusqu'aux livres d'enfants et jusqu'aux livres de prière. 90:270 Une infection généralisée n'est pas un problème moral, au sens d'ailleurs erroné où un problème moral relèverait de la conscience individuelle en son particulier, à l'intérieur de la vie privée. C'est une affaire politique ; c'est une affaire reli­gieuse. La contagion universelle de la luxure est un fléau social. Le devoir politique s'impose aux gouvernements, aux institutions et aux lois de la réfréner au lieu de la faciliter. *Les pouvoirs temporels ne peuvent évidemment pas la guérir : ils peuvent et ils doivent la faire reculer, et salutairement la con­traindre au moins à se cacher.* C'est là une vérité très cer­taine, qui devrait être très courante : les pouvoirs responsables ont cessé de l'enseigner, de la défendre, de la faire respecter, de la mettre en œuvre. Répétée par tous les siècles, c'est aujour­d'hui seulement qu'elle se tait, par la trahison des pouvoirs temporels et spirituels. Mais *guérir* la luxure n'est possible qu'à la sainteté, selon le théorème de Chesterton : « L'humanité est déséquilibrée à l'endroit du sexe, et la santé véritable ne lui est permise que dans la sainteté. » Pour prendre le corollaire du théorème de Chesterton, l'obturation ou la rupture des canaux de la sanctification laisse sans recours contre le déséquilibre du sexe. Et ce déséquilibre, plus encore qu'un déséquilibre des sens, est un déséquilibre de l'imagination. La sexualité autonome, la sexualité séparée du mariage et de l'ordre et des fins du mariage, est un irréa­lisme, qui se crée un monde imaginaire. Et de même que la démocratie moderne est la mise au pluriel du péché originel, comme je l'ai expliqué ailleurs, de même, mais je ne l'expli­querai pas plus avant, car le papier ne supporte pas tout, la culture audio-visuelle du monde moderne est la mise en commun du péché de la chair au niveau de l'imagination. 91:270 ##### *III. -- Note sur le décalogue* Le décalogue passe souvent aujourd'hui pour un objet de foi religieuse plutôt que pour une vérité morale ; pour une croyance confessionnelle plutôt que pour un principe politique. Même aux yeux de ceux qui ne le refusent pas. A cause des trois premiers commandements. Les sept derniers sont assez généralement considérés comme coïncidant en gros avec la mo­rale naturelle, celle de l'honnêteté courante, commune à toutes les convictions religieuses, philosophiques ou politiques, celui qui y manque est tenu pour malhonnête. Encore y a-t-il des exceptions. Sans parler du monde communiste, qui ne reconnaît aucune loi morale universelle, il faut bien constater que le monde occidental dans son ensemble, curés en tête, ne prend plus tellement au sérieux le 6^e^ commandement (ni le 9^e^ et le 10^e^). Par là, le décalogue en sa seconde table est entamé dans la conscience commune : non plus simplement par des trans­gressions, il y en a toujours eu ; mais ce n'est pas la même chose de transgresser par passion, par égarement, par faiblesse, une loi morale que l'on reconnaît comme devant être gardée, ou de méconnaître et nier son caractère de loi morale obligatoire. Tous les hommes de tous les temps ont plus ou moins trans­gressé le décalogue. Nous sommes en chemin de l'abolir, ce qui est bien différent. Mais quoi qu'il en soit de cette abolition qui est en cours (amorcée par le libéralisme, consommée par le marxisme), il survit encore un sentiment général favorable à une « honnêteté » qui coïncide à peu près avec la totalité ou la majorité des sept derniers commandements du décalogue. Ce qui n'est plus compris du tout, ce sont les trois premiers. Les trois premiers commandements, relatifs à Dieu, ne relèvent pas de la simple honnêteté morale et politique, ils relèvent, croit-on, de la religion. Ce n'est plus affaire de raison mais affaire de foi. On croit en Dieu ou bien on n'y croit pas, cela dépend de la croyance de chacun. 92:270 D'ailleurs le déca­logue est une révélation de l'Ancien Testament, il appartient à la tradition et à la culture judéo-chrétiennes, un État non-confessionnel ne peut le reconnaître pour sa loi fondamentale. \*\*\* Assurément le décalogue a été révélé par Dieu et il est pour le chrétien objet de foi. Mais tout entier. Point seulement les trois premiers commandements relatifs aux devoirs envers Dieu. Tout autant les sept commandements de la morale natu­relle relatifs aux devoirs envers le prochain. Ne pas voler, ne pas mentir, ne pas commettre d'homicide sont de révélation divine et objet de croyance religieuse exactement autant que l'adoration d'un Dieu unique. La frontière entre la morale naturelle et la religion, révélée ne passe pas du tout, comme presque tout le monde le croit maintenant, à l'intérieur du déca­logue, entre les commandements concernant Dieu, dimension dite verticale, et ceux qui concernent le prochain, dimension dite horizontale. Tout entier le décalogue est révélé par Dieu tout entier on l'apprend au catéchisme. Et tout entier, simulta­nément, il appartient à la raison naturelle. Cette double apparte­nance du décalogue est la source de confusions prolongées. On imagine qu'il appartient à la raison naturelle par sa seconde table, à la religion révélée par la première. Le décalogue n'est rien d'autre que la nature humaine : la nature sans la grâce, la nature sans la révélation, la nature connaissable par la raison naturelle. Mais non point connaissable facilement ; non point connaissable rapidement ; non point connaissable sans grands risques d'erreur. Comme cette connais­sance longue et difficile est néanmoins à tout instant une connaissance nécessaire au salut éternel, Dieu la révèle dans l'Ancien Testament, la confirme dans le Nouveau, charge son Église de la garder intacte et de l'enseigner à tous. De soi, le décalogue n'est pas hors d'atteinte de la raison. Il n'est objet de foi que par accident, à cause des circonstances où se débat l'humanité depuis le péché originel. Les vérités du décalogue présentent donc cette particularité d'être également objet de foi et objet de connaissance naturelle, mais point en même... temps et sous le même rapport. 93:270 Elles sont objet de foi pour les enfants baptisés, avant qu'ils aient l'usage de la raison. Elles demeurent objet de foi pour les fidèles catéchisés qui n'arrive­raient pas à en avoir par eux-mêmes une connaissance certaine. Cette particularité fournit un prétexte à ceux qui veulent enfer­mer le décalogue, ou du moins sa première table, dans le jardin privé de la conscience religieuse. L'existence de Dieu, les devoirs envers Dieu appartiennent pourtant, eux aussi, à la morale naturelle. Ou, pour parler plus précisément, mais non pas plus exactement, à la *religion natu­relle,* celle qu'imposent à tout homme sa nature et sa raison. La vertu naturelle de religion fait partie de la morale naturelle, elle est une vertu annexe de la vertu cardinale de justice, elle consiste à rendre à Dieu, autant que nous le pouvons, l'honneur qui lui est dû en qualité de principe premier de la création. L'homme moderne, en perdant la foi surnaturelle, a perdu aussi la religion naturelle, vérifiant en cela l'axiome de Chesterton : « Ôtez le surnaturel, il ne reste que ce qui n'est pas naturel. » Ce faisant l'homme moderne est tombé plus bas que le paga­nisme antique, qui sous ses superstitions et idolâtries parfois épouvantables conservait vivante la vertu naturelle de religion. A la religion naturelle il ne faut que la grâce pour devenir religion surnaturelle. Là où la nature a disparu, que peut la grâce ? Il ne faut que la grâce pour évangéliser les païens. Pour évangéliser les modernes il faut Dieu sait quoi. Cela soit dit en passant, à l'adresse des épiscopats qui tactiquement et tech­niquement se posent les « problèmes d'évangélisation » sans en apercevoir les données. Mais revenons à la politique. Que Dieu existe, qu'il est notre créateur et notre législateur, que nous devons l'honorer et l'aimer par-dessus toutes choses, cela fait partie du patrimoine temporel de l'humanité, ce n'est pas la révélation divine qui nous l'apprend. La révélation nous le confirme, nous le garantit, nous l'enseigne si nous venons à en douter ou à l'oublier ; elle n'est pas spéculativement nécessaire pour que nous le sachions. C'est un savoir qui n'est pas ecclé­siastique, qui n'est pas confessionnel. Ce savoir devient incertain pour l'agnostique, l'agnosticisme n'est pas monstrueux, il provient de l'infirmité de la nature humaine ; à la différence de l'athéisme, qui n'est pas doute mais négation, qui n'est pas infirmité mais révolte, et qui est contre nature. 94:270 (Le proprement confessionnel, ecclésiastique, surnaturel, -- ce que la raison humaine, fût-elle celle d'Aristote additionnée à celle d'Eschyle, ne peut connaître à elle seule, -- c'est que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit ; qu'il s'est incarné afin d'ex­pier pour nous ; et qu'il pardonne ; et que l'amour naturel de Dieu et du prochain en est purifié, fortifié, transfiguré.) Le décalogue est la loi naturelle de l'homme. Mais l'hom­me, à la différence du minéral, du végétal et des autres animaux, est une créature douée d'intelligence et de volonté, qui atteint sa fin naturelle en s'y déterminant par son propre consentement, ayant la redoutable faculté de pouvoir s'y refuser : pour cette raison, sa loi naturelle est une loi morale ; elle ne l'oblige pas physiquement ; elle l'oblige en conscience. Mais sa loi naturelle est le décalogue en entier. En omettre ou différer les trois pre­miers commandements, c'est défigurer la nature humaine. Ces vérités sont vieilles comme le monde et dureront autant que lui. Elles jugent les politiques, les sociétés, les civilisations, elles les sauvent ou les condamnent. Elles sont rejetées par les athées. Elles sont tenues pour plus ou moins douteuses par les agnostiques. Elles devraient du moins être parfaitement fami­lières aux catholiques, elles font partie du catéchisme. C'est un grand malheur, c'est assurément le plus grand malheur poli­tique du monde moderne, que les catholiques, y compris évêques et docteurs, ne connaissent plus le rudiment de leur doctrine concernant le temporel. Loi naturelle de l'espèce humaine, le décalogue est la condition nécessaire de la prospérité temporelle des sociétés politiques. Réclamer que le décalogue soit rétabli à la place qui est la sienne de loi fondamentale de l'État est une revendi­cation tout à fait laïque, au sens de parfaitement non-confes­sionnelle. La revendication confessionnelle proprement catholi­que est que la France revienne à sa vocation chrétienne et reconnaisse le règne social du Sacré-Cœur : cela est de l'ordre de la conversion ; on ne peut l'imposer par des voies et moyens uniquement politiques à une population qui n'en veut pas et qui n'y comprend rien. 95:270 Remarquons d'ailleurs que cette revendi­cation proprement catholique n'est actuellement formulée ni préparée par personne qui soit en situation religieuse ou poli­tique de la faire entendre avec autorité ; nous n'avons pour l'heure ni Constantin ni Charlemagne ; ni Clovis ni saint Rémy ; ni saint Louis ni Louis XIII ; nous n'avons aucun Bossuet ni même aucun cardinal Pie. J'en parle ici seulement pour faire remarquer et faire comprendre que la loi naturelle énoncée par le décalogue n'est pas « religieuse » en ce sens-là, qui est le sens confessionnel et surnaturel. Je n'examine pas non plus en ce moment le point de savoir s'il est vraisemblable qu'une nation comme la France puisse un jour être ramenée à l'ordre naturel des sociétés sans être simultanément rétablie dans sa surnaturelle vocation chrétienne. Je m'en tiens au niveau de la *politique naturelle,* pour observer qu'aucun des partis et mou­vements de l'opposition parlementaire qui vont solliciter nos suffrages aux élections de mars 1983, non, aucun n'a une idée claire de ce qui constitue l'indispensable minimum vital pour le gouvernement des sociétés. Ils nous parlent tous des *droits de l'homme* sans s'aperce­voir que des droits qui ne sont pas fondés en Dieu ne sont fondés sur rien. « Sans Dieu, plus de vrai ni de faux ; plus de droit, plus de loi. Sans Dieu, une logique rigoureuse égale la pire folie à la plus parfaite raison. Sans Dieu, tuer, voler sont des actes d'une innocence parfaite... » (Maurras). La seule déclaration des droits de l'homme qui soit sérieuse est le décalogue, parce qu'elle est une déclaration des devoirs : que serait un droit que l'on n'aurait pas le devoir de respecter ? 96:270 Les droits que l'on s'arroge ou que l'on impose n'ont pas en cela nature et valeur de droits. Des citoyens excités à acquérir pour eux-mêmes toujours davantage de droits plutôt qu'éduqués à respecter ceux du prochain sont mal préparés à établir entre eux une société de droit. Tout cela est au cœur de la politique. D'ailleurs la raison d'être la plus fondamentale des sociétés politiques est de conserver, transmettre et observer le déca­logue. Chacune le fait dans sa langue, selon ses coutumes, ave son visage. Mais plus ou moins : et c'est en cela que chacun est plus ou moins humaine ou inhumaine. Car le décalogue es le bien commun temporel de l'humanité. Jean Madiran. ============== fin du numéro 270. [^1]:  -- (1). « ÉCONOMISTE ET PHILOSOPHE ALLEMAND. » C'est gentil comme présentation ; suffisamment anodin, suffisamment scien­tifique. Le Robert des noms propres dit : « homme politique ». Le Petit Larousse : « socialiste allemand ». Le Dictionnaire encyclopédique Mourre : « homme politique ». -- De fait, « homme politique » et « socialiste » sont des qualifications exactes pour le fondateur de la I^e^ Internationale. Le Missel préfère nous le présenter comme un savant. [^2]:  -- (2). « CERTAINS » s'étonneront et d'autres ne s'étonneront pas : pronostic tranquille. -- Dans une communauté catholique vivante il y aurait, plutôt que l'étonnement de certains, un tollé général. Dans une hiérarchie catholique intègre, une répro­bation unanime. On n'a entendu ni réprobation officielle ni tollé. C'est le 10 novembre 1982, dès la parution, que dans le quotidien PRÉSENT Hugues Kéraly a publiquement fait con­naître l'existence de cette monstruosité. Les jours, les semaines ont passé sans protestation, sans mise en garde ni mise au pilori ou au pilon, sans rectification, sans réparation. L'esprit public est anesthésié, drogué, transmué en esprit de servitude. [^3]:  -- (3). L'économiste, le philosophe Marx a donc, aussi, lancé un « MOUVEMENT ». Telle est la raison invoquée pour faire mémoire de lui dans le Nouveau Missel. Ce n'est pas au titre de sa philosophie ni au titre de son économie, c'est au titre du *mouvement* qu'il a *lancé* et de son *retentissement* que le Nou­veau Missel lui consacre une notice liturgique. Mais il y a trom­perie : car la notice, précisément, ne nous dira rien de ce mouvement. Pas même son nom. Les termes « communisme », « parti communiste » n'y figurent nulle part. C'est en raison du communisme que Marx est commémoré, et le communisme est passé sous silence. Nous verrons bientôt le motif de cette apparente incohérence. [^4]:  -- (4). Au demeurant le titre invoqué, qui est celui du « reten­tissement » et de l' « importance », est un faux prétexte. Il n'est pas évident que le Missel aurait pour fonction d'in­tégrer tout ce qui se signale par l'importance de son retentisse­ment. Il y a quelques années, un magazine hebdomadaire avait établi sa publicité sur cet axiome : « C'est important, c'est dans *L'Express. *» On ne voit pas pourquoi la vocation du Missel serait de rivaliser sur ce point avec *L'Express, Minute* ou *l'Observateur :* Sinon il faudrait prévoir une notice liturgique pour l'illustre Trigano, à cause du retentissement mondial du « Club Méditerranée » : et ainsi de suite. [^5]:  -- (5). Voilà une importante information : les papes n'approu­vent pas l'athéisme ! Ils le condamnent ! Bon. Mais la philo­sophie athée est-elle la seule chose qu'ils rejettent dans le communisme ? Peut-on être communiste, à la seule condition de continuer à croire en Dieu ? Et surtout : -- *Est-ce bien cela que les papes ont dit ?* Le pape Pie XI, auteur de l'ency­clique *Divini Redemptoris* sur le communisme, était d'accord avec Lénine sur un point. Un tel point d'accord mérite de retenir l'attention (et aurait pu être mentionné dans le Missel, en raison de l'importance de son retentissement). Lénine disait en effet : -- *La tâche du parti n'est pas de prêcher l'athéisme aux croyants, mais de les amener à pratiquer la lutte de classe, ce qui les conduira à l'athéisme beaucoup plus sûrement que tous les discours athées.* Et Pie XI enseigne pareillement que la lutte de classe telle que l'entend et la pratique le communis­me est destructrice de la foi chrétienne. C'est bien compré­hensible. Le marxisme, et à plus forte raison le marxisme-léninisme, est essentiellement une *praxis :* ce que nous avons appelé « la pratique de la dialectique » (dans notre essai sur le communisme : *La vieillesse du monde,* DMM, éd.). Le mar­xisme-léninisme n'est pas seulement un « athéisme théorique », il est aussi et surtout un « athéisme pratique ». Pratiquer avec lui, c'est pratiquer l'athéisme, c'est devenir athée sans le savoir, c'est la forme la plus complète de l'actuelle apostasie immanente. Il n'y a donc pas l'athéisme d'un côté, et l' « analyse socio­économique » de l'autre, simplement juxtaposés : rien dans le marxisme n'est extérieur à son athéisme. [^6]:  -- (6). « TANDIS QUE » : en ces deux mots, voici l'articulation de la tromperie. Les papes ont condamné l'athéisme, *tandis que* l' « analyse socio-économique » du marxisme n'a pas été con­damnée, et n'aurait pas pu l'être, puisqu'elle *relève* d'une autre *appréciation* que celle des papes. -- Mensonge catégorique. Dans le marxisme et dans « le mouvement que Marx a lancé », les papes ont *tout* condamné. Ils ont enseigné solennellement que le communisme est intrinsèquement pervers et qu'on ne doit jamais, en rien, collaborer avec lui. Le Nouveau Missel des dimanches est fait pour des ignorants, et pour les enfoncer davantage dans leur ignorance. [^7]:  -- (7). « ANALYSE SOCIO-ÉCONOMIQUE ». -- En dehors de son athéisme, le marxisme « propose » donc... une « analyse socio­économique ». Le Missel ne parle toujours point, il ne dira rien de ce qu'il déclarait plus haut ne pouvoir « passer sous si­lence » : l'importance, le retentissement du mouvement lancé par Karl Marx. Une « analyse », c'est tout. Sans danger : ça ne tue pas. [^8]:  -- (8). « RELÈVE DES SCIENCES HUMAINES » : cela pour nous faire croire que « l'analyse socio-économique proposée par le marxisme » *ne relève pas* du magistère doctrinal de l'Église ; autrement dit, est hors des prises de tout jugement théologique et moral. -- Ce sont d'ailleurs les « sciences humaines » dans leur totalité qui sont ainsi soustraites à toute appréciation religieuse. [^9]:  -- (9). Relisons toute la phrase : à part son athéisme, le marxisme y est donc présenté comme une *science,* au sens moderne du terme. Conformément à l'imposture fabriquée par la pro­pagande du parti communiste. [^10]:  -- (10). On les appelle ordinairement des États *communistes.* En les nommant *marxistes,* le Missel confirme l'impression que les États et partis communistes seraient en somme dirigés par une sorte d'académie de philosophes et de savants, s'employant principalement à des querelles d'interprétation. [^11]:  -- (11). Finalement le communisme ne se trompe que sur la religion. Il mérite à coup sûr une mauvaise note en instruction religieuse. Et seulement là. Rien à dire de son système politique et social, de sa technique de l'esclavage. -- Pie XII au contraire enseignait avec la plus grande netteté : « *Nous rejetons le communisme en tant que système social, en vertu de la doctrine chrétienne. *» En tant que *système social :* c'est-à-dire non pas seulement sa philosophie athée, mais son esclavagisme, son goulag, son parti. En vertu de la *doctrine chrétienne :* c'est-à-dire pour des raisons religieuses, des motifs de foi surnaturelle. La religion chrétienne condamne absolument la politique du communisme : voilà ce qu'occulte la nouvelle religion, avec son nouveau catéchisme et son Nouveau Missel. Dans le Nouveau Missel, cela est fait avec tellement de précautions et d'habiletés bien connues qu'on ne peut supposer que ce soit par inadvertance. [^12]:  -- (1). *Population*, juillet-octobre 1982. [^13]:  -- (2). Alfred SAUVY : *Mondes en marche,* (Calmann Lévy, 1982). [^14]:  -- (3). Paul VALÉRY : Variété, (Gallimard, La Pléiade, T. 1). [^15]:  -- (1). Manuscrit anonyme en possession du P. Valdès, cité par J. MEYER : *Apocalypse et Révolution au Mexique,* Gallimard-Julliard, Paris 1974. [^16]:  -- (2). Cecilio VALTIERRA, manuscrit en possession d'Acevedo, cité dans l'ouvrage précédent. [^17]:  -- (3). JOSEFINA ARELLANO : *Naracion historica de la revolucion cris­tera en el pueblo de San Julian, Jalisco* (cahier n° 1). [^18]:  -- (4). D'après Antonio RIUS FACIUS : *Mejico cristero,* Éd. Patria, Mexico 1966. [^19]:  -- (5). Francis Patrick DOOLEY : *Los cristeros, Calles y el catolicismo mexicano,* Éd : Sepsetentas, Mexico 1976. [^20]:  -- (6). Antonio RIUS FACIUS, *Mejico cristero, op. cit*. [^21]:  -- (7). *Mejico cristero, op. cit.* [^22]:  -- (8). J. MEYER : *La christiade,* Payot, Paris 1975. [^23]:  -- (9). *La christiade, op. cit.* [^24]:  -- (10). D'après Jorge GRAM *: Hector,* Éd. jus, Mexico 1966. [^25]:  -- (11). *Apocalypse et Révolution au Mexique, op. cit.* [^26]:  -- (1). « La guerre déclarée par l'État à la société » : définition parfaitement exacte. Toutefois, elle est vérifiée pour tout État communiste. Cette situation, en Pologne, n'a pas commencé seule­ment le 13 décembre 1981. [^27]:  -- (2). La réponse avait été donnée par le magistère de l'Église, notamment dans l'encyclique *Divini Redemptoris,* il y a presque un demi-siècle maintenant : *le communisme est intrinsèquement pervers, et l'on ne doit collaborer en rien avec lui, surtout pas quand il propose à cette collaboration des objectifs apparemment honnêtes, car c'est de sa part un mensonge et un piège. -- *Qu'il y ait, depuis le pontificat de Jean XXIII, un doute, une interrogation, voire une illusion sur ce point qui était acquis en toute certitude, cela marque l'effarant recul intellectuel du Saint-Siège dans la connaissance du communisme depuis la mort de Pie XII en 1958. [^28]:  -- (3). En régime communiste, il est *illégal,* il est même anticons­titutionnel de prétendre fonder une organisation, syndicale ou autre, qui serait indépendante du parti communiste. C'est la structure fondamentale du communisme, conséquence directe des cinq principes d'organisation selon Lénine. C'est l'article 126 de la constitution stalinienne de 1936 : le parti communiste est obliga­toirement le « *noyau dirigeant de toutes les organisations de tra­vailleurs *». C'est devenu l'article 6 de la constitution Brejnev de 1977, stipulant pareillement que le parti est « *le noyau des organi­sations sociales *». Dans la constitution polonaise, c'est l'article 3, le parti est « *la force politique dirigeante de la société *». Tout l'essentiel de l'affrontement entre Solidarité et le pouvoir commu­niste a consisté en ceci : il ne suffisait pas au pouvoir que Soli­darité reconnaisse le fait que le parti dirige l'État ; il voulait que le syndicat accepte d'être lui *aussi* dirigé par le parti, de l'intérieur, au moyen d'un « noyau dirigeant » communiste institutionnelle­ment installé en son sein. [^29]:  -- (4). C'est juste. Et on ne l'a sans doute pas assez dit. Soulignons-le, répétons-le. Mais cela n'a rien à voir avec la légalité commu­niste. [^30]:  -- (5). Au moment de l'élection, ce n'était pas encore « les syndicats Solidarité ». [^31]:  -- (6). Marcel Clément sait fort bien que l' « intrinsèque perver­sité du communisme » n'est plus enseignée par la hiérarchie catho­lique depuis la mort de Pie XII et le second concile du Vatican. -- Bien entendu, il est explicable qu'en Pologne même les évêques ne puissent le claironner explicitement. Ils ne le pouvaient pas davantage sous Pie XII. Mais dans toute l'étendue du monde encore libre, les évêques *insinuent* la possibilité et *suggèrent* la pratique d'une collaboration avec le communisme : et depuis la mort de Pie XII, c'est avec l'assentiment, voire l'encouragement du Saint-Siège qu'ils le font. -- Ni Jean XXIII, ni Paul VI, ni Vatican II n'ont professé cette « intrinsèque perversité du com­munisme » que Marcel Clément persiste (ou recommence) à affir­mer. Il persiste (ou recommence) malgré le silence (désapprobateur) sur ce point des trois derniers papes et du concile lui-même. Nous l'en félicitons. [^32]:  -- (7). Ce « propos temporel central », cette « réforme du commu­nisme par un dialogue pacifique », ce fut l'espérance, la stratégie, l'illusion de Jean XXIII ; et celles de Paul VI ; et aujourd'hui de Jean-Paul II. [^33]:  -- (8). Oui, mais cela était déjà tout à fait établi, expérimentale­ment et théoriquement. Cela faisait partie de la doctrine sociale de l'Église enseignée catégoriquement par le Saint-Siège (et par Marcel Clément). Et les trois derniers papes n'ont pas su le comprendre ou pas voulu le savoir. Quelle misère. [^34]:  -- (9). Elle était soutenue par Jean-Paul II, oui, mais *malgré* la doctrine de l'Église. Et elle n'avait *aucune* chance de réussir, puis­que le communisme est intrinsèquement pervers. -- On peut espé­rer *renverser* le communisme ; il est navrant d'imaginer qu'on va le *réformer.* [^35]:  -- (10). C'est l'échec de la stratégie de Jean-Paul II. [^36]:  -- (11). Elle a *toujours* été « hors de question », et Marcel Clément le savait. Pourquoi dit-il : désormais ? [^37]:  -- (12). C'est que cette « réforme humaine » est *incompatible* avec le communisme : acceptée par lui, elle entraînerait sa destruction. Le communisme le sait. [^38]:  -- (13). D'une certaine manière ? -- De toutes les manières. -- Mais ce n'était pas un simple *diagnostic* occasionnel. C'était un enseignement doctrinal, moralement obligatoire, au demeurant par­tout confirmé depuis 1937 ; confirmé aussi et réitéré par Pie XII. Depuis un quart de siècle, il y a une *défaillance majeure* du Saint-Siège à l'égard du communisme. Marcel Clément la touche du doigt, mais comme à tâtons, en fermant les yeux. Ce n'est pourtant pas en biaisant que l'on arrêtera la débandade des catholiques devant le communisme ; ni que l'on aidera le souverain pontife actuel, ou son successeur, à surmonter la défaillance historique dans laquelle l'Église est si profondément engagée. [^39]: **\*** -- *Sic*.