# 278-12-83 1:278 ## LA REVUE "ITINÉRAIRES" ### Au service du bien commun REDIRE CE QUE NOUS SOMMES, ce que nous voulons, ce que nous faisons : cela est superflu sans doute pour nos plus anciens abonnés qui ont dans leur cœur le souvenir de nos vingt-huit années de compagnonnage et qui ont sous la main les vingt-huit années de la revue. Mais ce n'est pas inutile pour les nouvelles générations de jeunes catholiques, de jeunes Français à la recherche de leur identité nationale et religieuse aujourd'hui estompée. Alors voici, nous redisons. \[Cf. It. 276 et 277\] 12:278 ### Nous vous offrons donc une revue mensuelle *pas moins, pas plus* Que le public veuille bien le comprendre : nous ne don­nons pas de *consultations particulières ;* ni par correspondance, ni sur rendez-vous. Nous ne sommes pas une *agence de renseignements,* nous ne sommes pas un *cabinet de recherches* qui travaillerait avec (ou sans !) honoraires pour des *commandes privées.* Nous ne sommes pas non plus une organisation clandes­tine : il est parfaitement inutile de nous écrire pour nous demander, comme en confidence, la position d'ITINÉRAIRES ou le jugement d'ITINÉRAIRES sur tel ou tel sujet. Le jugement, la position d'ITINÉRAIRES sont uniquement publics, ils sont uniquement ceux qui ont été publiés par ITINÉRAIRES. Et si la revue ITINÉRAIRES n'a rien publié sur un sujet, c'est par défi­nition qu'elle n'a sur lui aucune position ni aucun jugement. Nous ne prétendons d'ailleurs pas tout connaître ni trancher de tout. 13:278 Au demeurant, même sur les sujets traités dans la revue, il n'y a pas forcément une « position d'ITINÉRAIRES », un « juge­ment d'ITINÉRAIRES » : il y a un jugement, il y a une position de l'auteur qui traite un sujet et qui signe un article. C'est que la revue ITINÉRAIRES n'est pas, non plus, un parti ni une caserne. Elle est une communauté de nature spi­rituelle en vue d'un travail intellectuel, selon les principes et orientations que l'on vient de lire aux pages précédentes bref une revue militante de culture générale, de foi chrétienne et catholique, d'amitié française. Pas moins, nous l'espérons. Mais pas plus. 15:278 ## Une technique d'assassinat juridique et moral : le soi-disant anti-racisme 17:278 ### Introduction POUR LA PREMIÈRE FOIS : une étude juridique détaillée de la situation intolérable créée en France par la loi abusivement dite anti-raciste du 1^er^ juillet 1972. Cette situation est exploitée sous l'impulsion principale de l'appareil communiste, avec des méthodes d'inquisition sta­linienne, pour porter un coup définitif à l'identité nationale et religieuse de notre patrie. L'étude juridique de GEORGES-PAUL WAGNER vient au moment où elle est le plus nécessaire. Surtout depuis cet automne se développe une campagne d'intimidation et de terrorisme psychologique utilisant une technique d'assas­sinat moral qui prépare l'opinion à l'assassinat juridique et l'excite à l'assassinat physique. C'est un déchaînement hystérique. Mais cette hystérie est artificielle et calculée. Nous en analysons les agence­ments odieux. La loi du 1^er^ juillet 1972 avait été votée *à* *l'unanimité* par les députés et par les sénateurs. C'est encore *à l'unani­mité* qu'avait été rejeté un amendement cherchant à éviter qu'un pouvoir exorbitant d'inquisition soit institué au pro­fit de la LICRA et du MRAP, deux organisations politi­quement suspectes, la seconde fonctionnant en outre comme une courroie de transmission au sens léniniste du terme. Comme on le sait, les votes unanimes des assemblées par­lementaires sont toujours l'indice de quelque malentendu général ou de quelque manipulation secrète. 18:278 Écartant tous les « tabous » officiels du conformisme maçonnico-marxiste, nous présentons ici au lecteur une série d'études et de considérations sur les divers aspects du fonctionnement de l'assassinat juridique et moral à prétexte anti-raciste. Ces machinations ténébreuses, c'est d'abord la lumière sur leurs ressorts qui peut utilement les contrecarrer. \*\*\* Le sujet de nos études, commentaires et documents est donc bien exactement celui qui vient d'être dit. Il *n'est pas* le « problème juif » en lui-même. Ce que juifs et chrétiens appellent semblablement le « problème juif », ils le « comprennent » très différem­ment. Comme le remarquait La *Tribune juive* du 4 février 1983 à propos de Louis de Funès : « *Profondément catho­lique, il ne comprenait rien au problème juif. *» Pour les catholiques, le « problème juif » est d'abord, forcément, un problème théologique qui d'ailleurs, contrai­rement à ce que l'on croit trop souvent, ne prend pas principalement en considération la part des juifs dans ce que l'on nomme le « déicide ». Le « problème », pour les chré­tiens, consiste surtout en ce que les juifs n'ont reconnu ni la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ni par suite la fondation divine de l'Église. Qu'il soit bien clair que nous n'abordons pas ces ques­tions (certes fort importantes) dans le présent numéro. Nous analysons, décrivons et dénonçons l'anti-racisme comme technique d'assassinat politique. J. M. 19:278 ### La loi dite anti-raciste du 1^er^ juillet 1972 par Georges-Paul Wagner APRÈS la promulgation de la loi du 1^er^ juillet 1972 sur la répression du racisme, Jacques Foulon-Piganiol, magistrat parisien spécialisé dans ces questions, fai­sait dans le *Recueil Dalloz-Sirey* 1972 ce commentaire : « *Dans l'immédiat, il est seulement raisonnable d'espérer la disparition des formes ostensibles et avouées d'un racisme qu'une certaine presse se complaisait, non sans nostalgie, à cul­tiver. Quant à une véritable éradication du mal, hors des men­talités et des inconscients, seule l'expérience de l'application des dispositions nouvelles permettra, au terme d'un long délai, de se faire là-dessus une opinion.* » On notera les termes employés : la répression du racisme, aux yeux de ce magistrat, dépasse le rôle que l'on assigne géné­ralement au code pénal. 20:278 Il ne s'agit pas d'un délit ordinaire, mais d'un *mal* qu'il faut extirper jusqu'à la racine et non pas seulement des *comportements,* mais des *mentalités* et des *inconscients.* Le législateur laïque ne connaît pas ou en tout cas ne traite pas du for intérieur, ni, à plus forte raison, des arrière-pensées. Il ne confond pas tentative et tentation. M. Foulon-Piganiol donne à ce législateur, au moins en espoir, le devoir supplé­mentaire de traquer le racisme jusque dans les profondeurs de l'esprit. Le racisme est ainsi en train de devenir, sous nos yeux, le plus grand péché du monde, le seul qui ne doit pas être par­donné. Le langage de M. Foulon-Piganiol est celui même qu'adoptait l'Église à l'égard de l'hérésie. Il n'est pas contredit par les dispositions législatives les plus récentes : par exemple, la loi d'amnistie du 4 août 1981, généreuse à l'égard de tous les délits de presse, n'exclut de ses faveurs que les diffamations ou les injures raciales, devenues plus graves qu'un appel au meurtre ou que la diffamation de la magistrature. Cette rigueur est d'autant plus frappante qu'elle se produit dans un climat de laxisme, parmi l'effondrement de la morale traditionnelle, alors qu'il est permis dans la presse, au cinéma, à la télévision, de tout lire, tout dire, tout montrer. D'autre part, plus le racisme est traqué et condamné, plus il devient malaisé de le définir. A l'origine, c'est l'exaltation d'une race supérieure, si elle existe, mais de dérive en dérive, le mot signifie xénophobie, quel que soit le visage de l'étranger, ou simple souci de freiner, de contenir l'immigration, d'où que vienne cette immigration. L'essence du racisme, selon l'*Encyclopoedia Universalis,* est de « refuser l'Autre » et de « s'affirmer soi-même ». Si le racisme était cela, il ressemblerait comme un frère à l'égotisme stendhalien ou à l'égoïsme quotidien. 21:278 On ne verrait sans doute pas M. Foulon-Piganiol ou M. Badinter le monter en épingle. L'exaltation de l'individu, avare de ses plaisirs, qui encombre de son moi tous les carrefours de la politique ou de la pensée, n'est-elle pas une des valeurs les plus sûres de la philosophie démocratique ? Tout au fond, la dénonciation du racisme est la dénoncia­tion de tout ce qui contredit une certaine idéologie mondialiste et égalitaire, selon laquelle tout homme égale tout homme. Au regard de cette idéologie, il est intolérable que les Français puissent se voir dans une glace (eux et leur passé) sans avoir honte d'eux-mêmes ; éprouver une fierté de ce qu'ils furent ou de ce qu'ils firent ; aimer mieux les stances du Cid qu'une mélopée papoue. Une telle arrogance, inégalitaire et discrimi­natoire, justifie une censure exercée au profit d'autres « civi­lisations » ou d'autres « ethnies » qui, de notoriété publique, ne pratiquent pas la réciprocité. Le mot de *censure* est exact. Celle-ci, qui s'insinue peu à peu dans la loi du 29 juillet 1881, finit par en changer le caractère. Il y a un siècle, cette loi avait fait une grande lessive de tous les délits d'opinion et de tous les procès d'intention, pour répondre, en fait, à ce qui était écrit dans son article 1^er^ « *L'imprimerie et la librairie sont libres.* » Dans l'esprit de cette loi, le juge ne réprime aucune pensée en elle-même, mais seulement les abus dans l'expression de celle-ci. Morale publique ou religieuse, religions, principes de la propriété ou droits de la famille cessent de bénéficier d'une protection. On peut en parler, en discuter, en médire. La paix publique ne vaut plus la suppression d'un libelle. En gros, la loi ne sanctionne plus que trois abus : d'abord la provocation au crime ou au délit. Quand cette provocation est suivie d'effet, quand l'appel au meurtre est suivi d'un meur­tre, l'auteur de la provocation est simplement un complice du meurtre. C'est le droit commun du code pénal. 22:278 Si la provocation n'est pas suivie d'effet et reste dans les limites d'une dissertation philosophique, la loi du 29 juillet 1881 ne la sanctionne que pour certains crimes ou délits qu'elle énumère et sur lesquels elle met l'accent (le vol, le meurtre, le pillage, l'incendie). Ces distinctions sont caractéristiques du libéralisme de Jules Ferry, qui consent qu'on touche à Dieu et à ses serviteurs mais non à la propriété. Le second abus est l'offense ou l'outrage (les deux mots, en la circonstance, paraissent avoir le même sens) envers le chef de l'État, les chefs d'État étrangers ou leurs ambassadeurs. Il s'agit là d'une survivance du crime de lèse-majesté, d'un petit îlot de monarchie qui demeure. Le troisième abus réprimé par la loi est la diffamation ou l'injure. Mais il y a ici, une hiérarchie dans la répression, non pas en raison de la qualité de l'offenseur mais de la qualité de l'offensé. La loi protège certaines institutions, la justice, les Cours, les tribunaux, les armées ; les corps constitués, comme par exemple, le Sénat, le Conseil des Ministres (ou une Faculté de Théologie, mais seulement jusqu'à la date où intervint la séparation de l'Église et de l'État). La loi étend également sa protection sur les administrations publiques et sur les élus du peuple, s'ils ont été diffamés ou injuriés comme tels. Cette protection qui concerne les grands corps de l'État ou les élus du peuple ne recouvre pas des généralités d'individus (langage de la jurisprudence) liés par des convictions philoso­phiques, religieuses ou corporatives, par exemple, l'ordre des avocats, une chambre de discipline de notaires ou d'huissiers, ou le clergé d'une paroisse. Les prêtres en général se l'enten­dirent souvent répondre, par les tribunaux, du temps des cam­pagnes anticléricales ou de l'affaire Dreyfus. 23:278 On pouvait impu­nément s'en prendre aux prêtres, comme aux juifs, ou aux métèques. Il fallait une imputation déterminée contre quelqu'un pour qu'il puisse se sentir visé et qu'il ait qualité pour agir en justice. Un prêtre ne pouvait se sentir touché par une campa­gne de presse contre les prêtres en général. Le clergé n'était pas un corps constitué. L'économie de la loi du 29 juillet 1881 se maintint sans changement essentiel pendant cinquante-huit ans, jusqu'à un décret-loi du 21 avril 1939, qui porte le nom de Paul Marchan­deau. Celui-ci, avocat, ancien bâtonnier de Reims, franc-maçon affilié à une loge de cette ville (la Sincérité) était le garde des Sceaux du cabinet Daladier. Réputé pour sa courtoisie et son art de s'adapter aux circonstances, il vota l'année suivante les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Libéral et avocat, il eut parfaitement conscience que le décret qui porterait son nom ne lui ressemblait guère et il tenta de le justifier par un long rap­port au président de la République. On y lit notamment : « *Aucune raison tirée de la race ou de la religion ne peut rompre l'égalité des citoyens* *; aucune réserve, née d'une cir­constance héréditaire, ne saurait atteindre à l'égard de l'un d'entre eux le sentiment de fraternité qui unit tous les membres de la famille française. Mais ce n'est pas à proprement parler leur intérêt qui est en jeu, c'est plutôt celui de la collectivité nationale. Tout ce qui la divise l'affaiblit, tout ce qui excite à la haine, tout ce qui oppose des Français à d'autres Français ne peut plus être considéré que comme une trahison.* » Cette motivation, toute colorée en apparence d'union natio­nale, retrouvait le vocabulaire d'un décret pris le 11 août 1848, qui punissait tous les écrits excitant à la haine de citoyens contre d'autres citoyens. En toute logique le décret Marchan­deau, ainsi expliqué, aurait dû aboutir à supprimer le régime des partis lui-même. Malgré l'approche de la guerre, il n'en était évidemment pas question et nul ne se fit d'illusion à cet égard. 24:278 Au moment où le garde des Sceaux écrivait qu'il s'agis­sait de ne pas rompre l'égalité entre les citoyens, il la rompait au profit d'un seul groupe de personnes, « citoyens ou habi­tants », qui ne devaient pour bénéficier de cette protection privilégiée que justifier d'appartenir « par leur origine à une race ou à une religion déterminée ». La rédaction du décret était maladroite. Il est toujours dif­ficile de faire le portrait-robot d'un groupe, sans le nommer. Comment appartenir à une race, sinon par son origine ? Et en revanche, n'était-il possible d'appartenir à une religion par adhésion, par conversion ? Le terme d'*habitant* employé à côté du terme *citoyen* avait pour but d'étendre la protection légale sur les membres de la communauté juive récemment immigrée en France, à la suite des persécutions hitlériennes. L'atteinte faite par ce décret à la liberté de la presse était aussi évidente que l'atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi. Pendant cinquante-huit ans, sous la seule réserve des pour­suites judiciaires, en cas d'abus, et des duels (quand on était maladroit par la plume, il fallait être adroit avec l'épée ou le pistolet), toutes les polémiques générales avaient été autorisées. Une censure, brusquement, intervenait sur un sujet déterminé. Et d'autre part, à la liste des grands corps de l'État et des élus de la nation, seuls protégés jusque là, un groupe nouveau était ajouté, qui bénéficiait d'une protection doublement excep­tionnelle, puisqu'elle débordait les citoyens de ce groupe et s'étendait jusqu'aux étrangers. Certes cette protection n'interve­nait que si la justice pouvait trouver, dans les propos incrimi­nés, une volonté d'exciter à la haine. Mais (signe d'inégalité) il demeurait indifférent, après le décret Marchandeau comme auparavant, malgré la volonté d'union nationale qu'il affichait, de diffamer d'autres groupes de citoyens constituant la nation, même en excitant à la haine contre eux, et par exemple un groupe de Français, catholiques non par leur origine, mais par baptême et par grâce. 25:278 Le décret-loi Marchandeau fut abrogé par le gouvernement de Vichy et remis en vigueur au moment du « rétablissement de la légalité républicaine ». « En dépit de l'inspiration géné­reuse du texte », écrit Jacques Foulon-Piganiol, il se révéla décevant à l'usage. Le député René Chazelle devait en donner les raisons, en déposant sur le bureau de l'Assemblée, le 6 juin 1972, un texte nouveau destiné à le modifier : « *Les conditions exigées pour la reconnaissance du délit de diffamation étaient difficiles à réunir, même si le caractère des écrits ou des propos était manifeste* *; il fallait encore apporter la preuve que le but visé avait été non le mépris, l'aversion ou l'antipathie, mais l'excitation à la haine. Cette preuve est malai­sée à rapporter et il faut encore souligner que le décret Mar­chandeau prévoyait seulement la diffamation envers un groupe, non les offenses lésant en particulier certains membres de ce groupe, pris individuellement. Ce sont les lacunes du décret du 21 avril 1939, les difficultés exceptionnelles auxquelles se heurta son application, que ces initiatives parlementaires ont voulu corriger.* » Une nouvelle atteinte à la liberté de la presse allait donc être faite par la loi du 1^er^ juillet 1972, non moins qu'à l'égalité des citoyens devant la loi, au nom du principe plus large de l'égalité de tous les hommes, interdisant toute discrimination entre eux. La loi du 1^er^ juillet 1972 n'était pas d'initiative gouverne­mentale, mais parlementaire. M. René Chazelle, magistrat parisien, l'auteur de la proposition, était à l'époque député socialiste de la Haute-Loire et vice-président de l'Assemblée nationale. Mais, nous dit encore M. Foulon-Piganiol, la colla­boration entre la Chambre des députés et le gouvernement fut « exemplaire ». 26:278 M. René Pleven, garde des Sceaux, se rallia spontanément à la proposition de ce député socialiste. La loi fut votée à l'unanimité, par la Chambre et par le Sénat, où l'opposition d'aujourd'hui était alors partout majoritaire. Il suffit ce jour-là de parler de « racisme » et de « répres­sion du racisme » pour que chacun oublie les principes, considérés comme sacrés la veille ou le lendemain, de la liberté de la presse et de l'égalité des citoyens devant la loi. Dans la loi nouvelle, la liste des citoyens protégés, objecti­vement réduite par le décret Marchandeau à un groupe de « citoyens ou habitants », va s'accroître jusqu'aux dimensions du monde. On peut dire en résumé qu'il ne manque, en inten­tion, sur cette liste que les Français. Pour qu'existe la nouvelle diffamation « aggravée » résultant de cette loi, il faut qu'elle ait été commise « envers une personne ou un groupe de per­sonnes, à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Apparemment la formule, si elle est pesante, s'efforce d'être équilibrée : la présence d'*ethnie,* à côté de *race* et de *nation,* donne au lecteur l'impression que la science vient au secours du droit et que tous les groupes d'hommes vont être protégés des diffamations de tous les particuliers. M. Pleven avait même dit en séance que le texte pourrait éventuellement permettre de réprimer des manifestations de racisme anti-corse ou anti-breton. Cette considération est généralement développée par l'avocat de la LICRA, quand un Breton, comme François Bri­gneau, est poursuivi en correctionnelle, en vertu de la loi du 1^er^ juillet 1972. Il s'agit d'établir que la loi est bien égale pour tous, et que la censure s'exercerait sur tous, s'il le fallait. *La vérité oblige à dire qu'on n'a jamais entendu parler* (à ma connaissance) *de poursuites contre ceux qui auraient dit du mal des Corses, des Bretons, ou des catholiques en général.* Une simple raison pra­tique, que nous allons voir, rendait et rend toujours cette hypothèse de M. Pleven tout à fait chimérique. 27:278 La loi Pleven va d'ailleurs au delà : non seulement elle réprime plus strictement les diffamations dites « raciales », mais elle ajoute une nouvelle provocation punissable à celles que l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 réprimait déjà, c'est la provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes, à raison de leur origine ou de leur appartenance, ou de leur non appartenance, etc. ». La suite de l'article est reproduite, sans changement, de l'article qui réprime la diffamation raciale. Dès lors, *même sans diffamation, sans violence et sans haine, il suffit de demander qu'on applique un traitement spécial à des étrangers, à des immigrés, à des* « *habitants* » *de la France* pour risquer le couperet de la loi Pleven. La situation est d'autant plus surprenante que la loi française, si ouvertes que soient ses frontières, reste discriminatoire pour certains habitants de l'hexagone et ne les traite pas tous semblable­ment selon qu'ils sont Français ou étrangers. Est-ce « provo­quer à la discrimination » que de demander l'application de la loi française à des immigrés, par exemple, en situation irré­gulière ? Plutôt que de parler, sur ce sujet brûlant, n'est-il pas plus prudent, comme Candide, de « se taire... et cultiver son jardin » ? On pourrait le penser d'autant plus que la loi Pleven éta­blit, à côté du Parquet de la République, pour engager les poursuites, d'étranges procureurs, des associations à qui il suffit, pour être habilitées, de se proposer, par leurs statuts, de combattre le racisme, d'être déclarées et d'avoir laissé s'écouler un délai de cinq ans, depuis cette déclaration. 28:278 Au moment du vote de la loi et aujourd'hui, la LICRA et le MRAP remplissaient et remplissent seuls ces conditions. Cette circonstance avait attiré l'attention de M. Alain Terrenoire, rapporteur de la commission des lois à l'Assemblée nationale et il avait demandé que le droit de déclencher l'action publique et de mettre en mouvement l'inquisition anti-raciste fût réservé à des associations reconnues d'utilité publique. Pour écarter cet amendement, qui aurait éloigné de la barre la LICRA et le MRAP, on fit valoir que ces deux associations sœurs et plus ou moins ennemies n'étaient pas reconnues d'uti­lité publique, ni disposées à solliciter une telle reconnaissance. Cette observation suffit pour convaincre l'unanimité des dépu­tés de ne pas adopter l'amendement Terrenoire, même ceux qui savaient que le MRAP s'est toujours comporté en fait comme une courroie de transmission du parti communiste. Depuis le 1^er^ juillet 1972, les deux associations exercent donc à tour de rôle, ou ensemble, ou quelquefois l'une contre l'autre, le privilège de censurer qui il leur plaît, quand il leur plaît et de traîner tel ou tel journaliste sur le « banc d'infa­mie »... pour peu, évidemment, que ce journaliste ait parlé d'ethnies, d'immigrés, de Maghrébins, d'Israël, même s'il s'agit d'Israël-État. Les commentaires ne restent libres que sur l'ethnie auvergnate ou bretonne ou sur la religion catholique, qu'il est permis de tourner en dérision jusqu'à la haine, comme Mgr Lustiger s'en est aperçu récemment. La LICRA et le MRAP n'ont pas été créés ni mis au monde pour s'inquiéter de ce genre d'attaques. Les derniers événements de cet été chaud ont montré, une fois de plus, que toute population est intolérante à l'immigra­tion et à l'étranger, au delà d'un certain seuil. L'affrontement entre communautés, le « racisme » surgissent au-delà de ce seuil. Rien ne sert, comme l'a voulu faire la loi du 1^er^ juillet 1972, de créer des sujets tabous. De telles lois, contrairement à ce que pense M. Foulon-Piganiol, ne contribuent pas à « l'éra­dication du mal », mais au contraire créent plus de haine et de hargne qu'elles n'en effacent. 29:278 De toute façon, au nom des principes mêmes dont tous les démocrates se réclament, la loi du 1^er^ juillet 1972 doit être abrogée. Elle a créé une censure inadmissible, une inégalité intolérable au détriment de ceux qui, comme aurait dit Paul Marchandeau, sont Français « par circonstance héréditaire ». Surtout elle a donné un pouvoir exorbitant d'inquisition à deux Églises laïques, aux arrière-pensées politiques évidentes, et que rien n'autorise à se poser en donneuses de leçons de morale publique. Georges-Paul Wagner. 30:278 ### Abroger ou compléter par Jean Madiran La loi odieuse de 1972, nous ne cherchons pas à l'en­freindre, nous travaillons à la faire abroger. Il est parfaitement conforme à la légalité démocratique de réclamer l'amendement ou la suppression d'une loi en vigueur, et de faire campagne pour cela en donnant ses raisons. Nous faisons donc observer à l'inquisition éven­tuelle que nous n'enfreignons pas la loi, nous entreprenons simplement de la modifier. Nous pensons que la grande majorité des Français, à partir du moment où ils auront vraiment connaissance de la loi de 1972, de sa substance, de ses dispositions, de ses implications, exigeront qu'on la supprime. Mais prétendre abroger purement et simplement, sans rien mettre à la place, n'est-ce pas irréaliste ? Un proverbe dit qu'on ne détruit que ce qu'on remplace. Toutefois ce n'est pas notre responsabilité : nous ne sommes pas légis­lateur. Nous montrons que la loi est mal faite, c'est tout. Savoir s'il faut la compléter plutôt que l'abroger, nous n'en tranchons point. Nous pouvons seulement présenter quel­ques observations sur les compléments qu'il faudra inévi­tablement y ajouter si on ne l'abroge point. 31:278 Deux obser­vations, sur deux compléments. PREMIÈREMENT. -- Il faudra inscrire dans la loi le châtiment du blasphème contre les choses saintes. Ce châ­timent ne consistera pas forcément, cela va de soi, à pér­cer la langue du blasphémateur avec un fer rouge. Mais ce que la loi de 1972 a réintroduit dans notre appareil législatif c'est bien, équivalemment, la notion de « blas­phème », c'est bien la répression du blasphème. Répression limitée cependant au blasphème politique contre le dogme maçonnique de la non-discrimination. Le blasphème reli­gieux viendra logiquement s'ajouter au blasphème politi­que. Le blasphème contre la nation française ou contre la foi catholique ne peut pas ne pas être un crime aussi grave que le blasphème contre la nation juive ou contre le judaïs­me. Je ne suis pas sûr que les mœurs actuelles supportent une répression judiciaire du blasphème : en tout cas si on le réprime, il faut manifestement que ce soit dans toutes ses catégories. SECONDEMENT. -- Soljénitsyne nous a appris (ou du moins il a révélé à ceux qui ne s'en étaient pas encore aperçus) que *le communisme est bien pire et beaucoup plus dangereux que le racisme.* Au vrai, le communisme est le plus grand crime contre l'humanité, le plus infernal escla­vagisme que l'on ait vu depuis le début de l'histoire humai­ne. Si le *racisme* est réprimé en tant que tel par la loi, il faut à plus forte raison que le *communisme* en tant que tel soit encore plus réprimé par la même loi. Telles sont les deux observations que nous tenons à faire valoir devant l'opinion publique et auprès de la conscience civique de chacun. Il faut abroger ou il faut compléter : je ne sais lequel des deux, mais forcément l'un ou l'autre. J. M. 32:278 ### Histoire de la LICRA *Jusqu'en 1979, la LICRA était la LICA* par François Brigneau EN 1929-30, l'antisémitisme menaçait-il la France et la communauté israélite qui y vit ? On peut en douter puisque le vice-président du Conseil, ministre de la jus­tice, était un juif, Théodore Steeg, que l'on devait retrouver comme ministre d'État lors du second cabinet Blum. C'est pourtant cette année-là que Bernard Lecache trans­forma sa *Ligue contre les pogroms* (lesquels n'existèrent jamais en France) en *Ligue Internationale contre l'antisémitisme* (LICA) -- laquelle devait jouer un rôle politique considérable dans les dernières années de la paix et depuis la fin de la guerre. Né à Paris en 1895, Bernard Lecache, qui devait finir sa course dans le fauteuil directorial du *Journal du Dimanche,* était un étrange et trouble personnage, comme en produisent les milieux du journalisme et de la politique cosmopolites de Paris. Intelligent, éloquent, intrigant, fébrile, vite en transe (et alors sa narine se creusait et son œil s'enfiévrait, comme Pierre Blanchard dans *Crime et Châtiment*)*,* Lecache, au congrès de Tours, vota pour la III^e^ Internationale et le Parti communiste. 33:278 Il collabora dès 1921 à *L'Humanité.* C'est lui qui avait la responsabilité de la fameuse rubrique *Gueules de Vache,* où les mutins de la Mer Noire, les antimilitaristes et pacifistes travaillant au désarmement de la France, les futurs déserteurs de 40 et patriotes de septembre 44, insultaient les officiers de l'armée française, tous les jours, à longueur de colonnes. Échantillons de la prose du camarade Lecache. Le 22 mai 1921, il dénonce le général Arbanète : « *ce mangeur d'hom­mes *». Le 31 mai, le lieutenant de Fragnier était traité de « *fesse-mathieu *». Le 14 juin il écrivait : « *Les gradés, ennemis des poilus, font de l'armée un vrai bagne. *» Le 27 juin : « *Les officiers sont des provocateurs et des assassins. *» Très vite, Bernard Lecache allait devoir résoudre un pro­blème douloureux. Le 19 décembre 1922, *L'Humanité* annon­çait que l'appartenance à la maçonnerie n'était plus autorisée par le Komintern. Lecache n'était pas encore initié mais fré­quentait beaucoup de maçons. Il quitta donc le Parti comme le firent beaucoup de dirigeants et ceux des rédacteurs juifs de *L'Humanité* qui appartenaient à la maçonnerie. Ensuite, Leca­che entra au Grand Orient, loges Paris et Abbé Grégoire. Rom­pit-il pour autant avec le mouvement communiste ? Une note n° 56 249 adressée le 18 janvier 1936 par M. Joseph Paganon au Président du Conseil, Pierre Laval, fait état de rapports très étroits existant entre l'ambassadeur Rakowski et Lecache. C'est Rakowski qui le fit entrer au journal *Le Soir* que dirigeait Ludovic-Oscar Frossard. C'est encore Rakowski qui se serait intéressé aux deux journaux fondés par Lecache, *Le Cri des Peuples, puis* le *Droit de vivre,* l'hebdomadaire de la LICA. Léon Daudet disait : -- *Bernard Lecache ?* *-- Ça se comprend.* Ça se comprenait, en effet. 34:278 Une remarquable organisation Très vite Lecache allait donner à la LICA le style, les activités, les méthodes qui devaient la conduire au succès. A la base, elle recrute des éléments durs, chargés du ser­vice d'ordre, de la protection des réunions et de s'opposer aux Camelots du Roi qui font alors la loi au quartier latin. Elle recrute dans le milieu juif et dans les salles de boxe. J.M. Bales­tre, l'actuel président de la Fédération Internationale du sport automobile pourrait nous en apprendre sur ce sujet. Il appar­tenait en effet à la LICA et son père, « prévôt » de boxe, devait recruter des boxeurs. Cette activité agressive vaut à la LICA une adhésion mili­tante de la jeunesse juive et pro-juive. Elle se prolonge d'une action judiciaire intense, très adroitement menée par un col­lectif d'avocats qui bénéficient de nombreux et puissants appuis. C'est même pour cela qu'elle a ajouté un R à son sigle et de LICA est devenue LICRA (Ligue contre le Racisme et l'Anti­sémitisme) le 18 novembre 1979. Elle peut ainsi tirer un meil­leur profit de la loi de 1972 et se porter partie civile chaque fois que l'occasion s'en présente. La présence dans son comité central de Robert Badinter et de Jacques Attali, respectivement Garde des Sceaux et conseiller du Président de la République, ne peut qu'ajouter à son efficacité. Ses avocats épluchent tout ce qui s'imprime et écoutent tout ce qui se dit. Au moindre soupçon d'attaque, c'est le pro­cès. Le Pen fut condamné pour avoir écrit sur la pochette d'un disque de la SERP qu'*Hitler était arrivé au pouvoir par la voie démocratique.* J'ai été condamné pour un article qui commen­çait ainsi : « *Aujourd'hui on peut tout dire des Juifs à condi­tion que ce soit du bien *»*.* Je ne le ferai plus. La LICRA obtient qu'on censure Molière (tirade de *L'Avare : Ah, le juif*) et Shakespeare (*Le Marchand de Venise*)*.* Aujourd'hui, Jérémie ne pourrait plus évoquer la punition par Dieu du peuple élu, indigne de son élection. 35:278 L'histoire retiendra que pour une phrase prononcée au micro de M. Levai, la LICRA a fait condamner le Pr Faurisson à 300 millions de centimes. En collectionnant et commentant les procès faits par la LICRA, on ferait un livre savoureux et révélateur. J'ai été personnelle­ment poursuivi par elle et elle m'a fait condamner pour une déclaration faite chez moi, à Harris et de Sédouy. Ils la publiè­rent sans m'en soumettre le texte (*Qui est de droite*)*.* Aux termes de la loi, je n'étais que complice des complices (les auteurs), le coupable était l'éditeur (Le Seuil). Mais la LICRA ne poursuivit ni Le Seuil, ni Harris, ni de Sédouy. Elle se contenta de citer celui-ci comme témoin. A charge. Il accepta et déposa contre moi. Malgré une très brillante plaidoirie dg M^e^ Georges-Paul Wagner, je fus condamné. Le seul condamné, pour un livre qui ne me rapporta pas un sou et qui profita de la publicité faite par le procès. L'avocat de la LICRA, M^e^ Jouan­neau, appartient au cabinet de M^e^ Badinter. Cette remarquable organisation est facilitée par le lobby parlementaire de la LICRA. C'est lui qui depuis la fin de la guerre a obtenu la modification des lois sur la presse. Il est devenu impossible d'écrire une défense du Maréchal, impossi­ble d'écrire une histoire vraie de l'après-guerre sans s'offrir aux poursuites de la LICRA. Ces potiches d'honneur La suprême habileté de Lecache fut d'avoir déguisé cette organisation extrémiste, activiste, sectaire et constamment diri­gée contre la France et les Français traditionalistes en association humanitaire, ouverte à tous les hommes de bien et de conscience. Comme les Indiens avançaient en poussant leurs, buissons, la LICRA manœuvre avec un art consommé, en pous­sant devant elle des potiches d'honneur dont la présence sus-cite partout le respect le plus ému. Au début on trouvait Victor Basch, président de la Ligue des Droits de l'homme, mais aussi Marc Sangnier, Anatole de Monzie, Joseph Caillaux, Pierre Dominique, M^e^ Moro-Giafferri. Aujourd'hui on trouve le père Riquet, l'abbé Pierre, Gaston Monnerville, Chaban-Delmas, Gaston Defferre, Max Lejeune et même notre ami Michel de Saint Pierre. 36:278 En paroles la LICRA baigne dans les nobles sentiments, les idées généreuses, le respect de l'adversaire, le droit à la différence. En réalité, c'est l'école de la haine. Il y a cinquante ans, un Juif nommé Jacques Landau écrivait dans *L'Agence technique de la Presse* (18 mai 32) : « Si *l'antisémitisme devait renaître en France, on peut dire que c'est à de tels personnages* (*Bernard Lecache*) *qu'on le devrait et nous souscrivons à ce qu'écrit à ce propos Buré* ([^1]) : « *Dreyfusard de la première heure, je n'ai jamais été antisémite, mais je reconnais que cer­tains juifs, par leur manque de tact, font tout pour justifier l'antisémitisme. Quelle affection prurigineuse tourmente donc Bernard Lecache pour qu'il s'agite toujours inconsidérément. Il est président de je ne sais quel comité de défense de la race juive, et si j'appartenais à cette race je me méfierais beaucoup de son philosémitisme menaçant pour moi et les miens.* » *M. Émile Buré a trop raison. Peut-être a-t-il vu comme nous, au cours de la campagne électorale, ces tracts, ces journaux en yiddish, publiés pour le compte de certains candidats, sans que les bénéficiaires ni les auteurs de cette propagande ne sentent l'indécence qu'il peut y avoir à s'adresser à des électeurs fran­çais, appelés à participer au gouvernement de la nation, autre­ment que dans la langue nationale. *» En 1937, le consistoire israélite allait plus loin encore : « *C'est une erreur fondamentale que de lier le judaïsme à une formation politique quelconque. L'attitude de la LICA qui tend à mettre le judaïsme à la remorque du Front populaire oblige un grand nombre de nos coreligionnaires à adopter l'at­titude opposée, afin de rétablir l'équilibre.* » ([^2]) Cinquante ans plus tard, ces pratiques n'ont cessé d'être d'actualité. En 1956, par exemple, le *Droit de vivre* (n° 351) écrivait : « *Votez Front Républicain. Votez à gauche. Votez sans hésiter pour une gauche sans équivoque ; pour des hom­mes qui prennent racine à gauche... *» 37:278 Pierre-Bloch vint La LICA ou LICRA a eu la chance de trouver en 1968, pour remplacer Bernard Lecache, un homme très entreprenant, Pierre Jean Bloch, dit Pierre Pierre-Bloch, qu'il ne faut pas confondre avec son fils Jean-Pierre Pierre-Bloch. On peut s'y perdre. Né à Paris en 1905, il déclarait d'ailleurs se nommer Pierre Bloch d'Aboucaya lorsqu'il était employé de commerce, 1 rue Taitbout. Il fut initié à la franc-maçonnerie, Loge La Liberté le 10 février 1929. Ses talents y furent immédiatement remar­qués. Sur un registre de la loge on trouve cette note du 29.X. 1931 : « *Nous tenons le F**.·.** Bloch en telle estime qu'un vote de l'at**.·.** cette année l'aurait nommé Vén.**.·.** Seule sa jeunesse nous a empêchés de faire ratifier cette nomination par le Con­seil national. Ce sera une joie pour nous quand il sera accepté par votre R.**.·.** At**.·.** Il est en règle avec le trésor. Signé : Cor­bisier, Ven**.·.** *» Compagnon, maître, orateur, vénérable, il entrait également aux Loges *Jean Jaurès* de Laon, *Spartacus* de Paris et *Liberté* de Paris. Enfin vice-président de la *Ligue Frat**.·.** de Montmar­tre,* quand il fut élu en 36 député socialiste de l'Aisne il devint secrétaire du *Groupe Frat**.·.** de l'Assemblée.* Cette promotion s'explique par les talents du personnage, son entregent, son souci de ne rien négliger qui puisse attirer sur lui les faveurs. Ainsi initié le 10 février 29, le 5 mars il prononce sa première conférence en Loge. On a conservé le thème : « *Discours sur l'impérialisme religieux. L'Église contre la démocratie. *» C'est un sujet qui ne peut lui attirer que des faveurs. 38:278 Le culot ne lui manque pas non plus. Rencontrant Philippe Henriot en 40, il lui déclare que c'est le Maréchal qui a raison. Après quoi il tâte de l'industrie, fait de la conserve. Interné au camp de Mauzac, il s'évade, gagne Londres, s'engage dans les Forces françaises libres, mais à l'état-major, où il s'occupe de l'épuration et la lutte contre les pétainistes. Il fricote avec le BCRA, intrigue, se faufile partout, part pour Alger où il devient membre de l'Assemblée Consultative en 1943. Il obtient la tête de Pucheu, la libération de Ferhat Abbas et le rétablis­sement du décret Crémieux abrogé par Vichy. Élu député de l'Aisne, le voici juré à la Haute Cour où il vote la mort de Philippe Pétain, maréchal de France. Sous prétexte qu'il fut grouillot de presse au *Populaire,* Félix Gouin, Gaston Defferre et André Philippe en font le PDG de la SNEP -- Société nationale qui du fait de l'Épuration se trouve chargée de 165 immeubles, de l'exploitation de 286 imprimeries, de la liquidation de 482 journaux, le tout valant 7 milliards 45 ! Un empire qui l'oblige à administrer un couvent de jésuites, à gérer un yacht, un cinéma et le Tour de France. De pareilles responsabilités exigent des émoluments fas­tueux. Plus les frais, la voiture, le chauffeur, l'essence. Plus un certain nombre d'avantages nés de combines, sur lesquels M. Pierre-Bloch ne s'expliqua jamais vraiment. Il s'en alla, sur la pointe des pieds, muni de 10 millions d'indemnités, s'occupa d'une agence de publicité chargée de la distribution du budget de l'État d'Israël et surtout de la défense des intérêts de la communauté juive. La mort de Duprat Pierre-Bloch est également le président pour l'Europe occi­dentale (« district 19 » en langage initié) de la puissante et mystérieuse internationale maçonnique des *B'nai B'rith* fondée par des juifs pour les juifs. 39:278 A son origine, on trouve douze émigrants juifs qui se réunissent à New York pour créer cet ordre. Aujourd'hui il compte 500.000 frères, dispersés dans une quarantaine de pays. La loge-mère (France 1151) fut créée en 1932 par un avocat, ancien député à la Douma, Henry Slios­berg. Pierre-Bloch lui succéda. Pour devenir B'nai B'rith, il faut être juif. Les non-juifs ne peuvent que faire partie du *Cercle des Amis des B'nai B'rith.* C'est de la pure discrimination raciale. Elle ne choque pas la LICRA. Il est vrai qu'elle ne poursuit pas le *Nouvel Observa­teur* dont les directeurs (juifs) publient des petites annonces de cette encre : « J.F. isr. 30 a gd. bl. dist. cher. vue mar. H. 40. gd br. prof. lib. non j. s'abs. » Tandis que le petit patron qui ne veut pas embaucher d'ouvriers arabes peut s'attendre à bien des tracas. Le Conseil international des B'nai B'rith est membre consul­tatif de plein droit du Conseil de l'Europe, de l'ONU, de l'Unesco, de l'ODEA. Le président du Congrès juif mondial, Phillip Klutznick, successeur de Nahum Goldman, est un B'nai B'rith. Une des filiales officielles des B'nai B'rith est l'*Anti-Defamation Ligue* (ADL). Fondée en 1913, à Chicago, par Sig­mund Livingstone, l'ADL se spécialisa dans l'infiltration et l'espionnage des organisations de la droite américaine. En 1942, l'ADL dénonça 32.000 citoyens américains « présumés délo­yaux » (dont 75 sénateurs et membres de la Chambre des représentants). Elle demeure très vigilante et vindicative, avec des moyens importants (son budget atteignait dix millions de dollars en 1980) et des relations puissantes (en 1966, le livre de Edward E. Grusd B'nai B'rith, *The Story of a covenant,* fut préfacé par Robert Kennedy). Il est patent que la LICRA s'inspire de l'*Anti-Defamation Ligue.* Dans son mensuel *Le Droit de vivre,* elle dénonce, en termes souvent violents, des citoyens français « présumés dé­loyaux ». En 1980, à la suite de campagnes contre la FANE, son fondateur Mark Frederiksen fut agressé par un groupe d'in­dividus armés de battes de base-ball et eut les membres brisés. Plus grave encore, le trésorier de ce mouvement (dissous par Christian Bonnet) fut vitriolé. Dans les deux cas, la police connaissait les coupables, mais les pressions furent telles que les poursuites ne donnèrent rien. 40:278 Plus grave encore. *Le Droit de vivre,* à de nombreuses reprises, dénonça François Duprat, membre fondateur d'Ordre Nouveau, puis du Front National où il siégeait au comité direc­teur. Professeur d'histoire et journaliste, il dirigeait et rédigeait les *Cahiers européens* et la *Revue d'histoire du fascisme.* Le samedi 18 mars 1978, il se rendait en voiture à Caudebec où il enseignait. Une machine infernale, placée sous sa voiture, explosa. Il fut tué sur le coup et sa femme, qui conduisait, très grièvement blessée. Le *Droit de vivre* ne fut pas inquiété et l'enquête tourna court. On ne nota aucune protestation ni des syndicats d'enseignants, ni des syndicats de journalistes, ni de la Ligue des Droits de l'homme, ni de la LICRA. François Brigneau. 41:278 ### Le MRAP courroie de transmission *Un anti-racisme à géométrie variable\ mais à cible constante* par André Peyresq IL EST DEUX ORGANISATIONS de masse sur lesquelles on ne peut écrire l'évidence même sans qu'aussitôt leurs responsables prennent la plume pour exiger, sur un ton comminatoire, un droit de réponse souvent fort expansif, ou pour engager des poursuites, tournant invariablement autour de la parfaite « indépendance » des dites organisations. Ces championnes de l'uti­lisation extensive de la loi sur la presse (29 juillet 1881...) sont l' « Union des Femmes Françaises » et le « Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples », -- le M.R.A.P. 42:278 En dépit de la manie juridico-épistolaire de ces associations, regardons d'un peu plus près le M.R.A.P., dont la raison sociale paraît aussi noble que claire. \*\*\* Si l'on commence, comme de juste, par le sigle, on s'aper­çoit que les lettres n'en ont pas toujours signifié la même chose : jusqu'en 1977, MRAP s'énonçait : « Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix ». La modification n'a pas été faite pour rien, dans une organisation qui existe depuis 1949. Pendant 29 ans, le MRAP a vécu sans être gêné par son appellation, sorte de pléonasme. L'antisémitisme est considéré comme un racisme visant les juifs (malgré le fait que les Arabes sont, eux aussi, sémites, le terme n'est pas d'usage en ce qui les concerne). Pourquoi le mettre à part du racisme en général ? Se poser la question ne relève pas d'un exercice gratuit. On n'y répond qu'en allant dans le passé, bien plus loin que l'année de naissance officielle du MRAP, 1949. Sous l'Occupation, il y aurait eu en France un « Mouve­ment National Contre le Racisme » qui constituerait l'ancêtre du MRAP, selon la version propre à cette organisation : « Aux origines du Mouvement se trouve une organisation clandestine de résistance, le Mouvement National Contre le Racisme (M.N.C.R.), fondé en 1943... » Si l'on tente de retrouver des traces des activités réelles de ce MNCR pendant la guerre, de même que si l'on s'efforce d'identifier ses dirigeants, on perd largement son temps. Ni dans la presse de l'époque, ni dans la littérature clandestine, parvenue à notre connaissance, il n'en est question. Dans sa « Contribution à l'histoire de la Résistance juive en France -- 1940-1944 » (Éditions du Centre de Documentation juive contemporaine -- 1947), David Knout ne le mentionne pas une seule fois. Les sources qui évoquent le MNCR, sans beau­coup de précisions, sont communistes -- et MRAP -- et d'après-guerre. Si l'on se reporte à l'ouvrage de David Knout (très favorable aux communistes), on trouve en revanche citées un grand nombre d'organisations d'origine communiste. 43:278 Les « fonds de solidarité » collectaient de l'argent parmi la popu­lation juive ; des « groupes spéciaux » s'intéressaient aux « commerçants, artisans et fabricants juifs » qui « devaient aux achats et aux commandes des Allemands une prospérité dont le commerce bénéficiait dans son ensemble ». Dans la moi­tié de France non occupée par la Wehrmacht surgit fin 1942 l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide -- l'U.J.R.E. -- « où fusionnèrent diverses organisations juives d'inspiration communiste : l'Organisation des Fonds de Solidarité, le Secours Populaire Juif, le Mouvement des Femmes, l'Union de jeunesse juive, la Commission Intersyndicale Juive » (D. Knout). A cela s'ajoutaient les groupes juifs de la Main-d'Œuvre Immigrée, la MOI, que D. Knout définit comme suit : « Au sein du Mou­vement communiste, la (ou le) MOI s'occupait des immigrés en France. » L'activité de propagande en direction de la population non juive de cet ensemble d'organisations à la coordination difficile relevait en théorie de la direction clandestine du PC. Sur le papier, tout ceci devenait le MNCR, plutôt fantomatique quant à sa réalité avant la Libération. Quand il se constituera en deux étapes, en 1949 et 1950, le MRAP, au départ réunion de repré­sentants des groupes clandestins juifs de l'Occupation, prendra l'habitude de se référer à une dénomination les recouvrant en fait tous, mais dont l'avantage certain était le côté presque invé­rifiable. Le paravent aussi flou qu'inconsistant du MNCR per­mettait d'éviter l'évocation de formations connues comme des organismes spécialisés du PC. \*\*\* La « préhistoire » du MRAP, son origine historique directe et indéniable, se situent au sein des groupes juifs communistes. Voilà qui explique la curieuse dénomination de « Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme... » Le complément « et pour la Paix » est le résultat des auspices sous lesquels le MRAP va naître. L'historique « maison » est très précis : « Le MRAP a été créé officiellement le 22 mai 1949, sen­sibilisé surtout à la forme de racisme qui venait de causer tant d'exterminations, l'antisémitisme. » 44:278 En réalité, le MRAP a été créé, selon la loi de 1901, le 5 mai 1950. D'où vient cette différence de date ? Le M.N.C.R., en tant que nébuleuse de groupes divers, surgie vers la fin de la guerre, chercha, la paix revenue, à réa­liser « l'unité d'action » avec les mouvements similaires. Telle est la tactique permanente des communistes dans les organisa­tions de masse. Au sein d'une fédération de mouvements aux tendances variées, ils espèrent bien que leur discipline de frac­tion leur donnera les commandes, en vertu de la supériorité de l'organisé sur l'inorganique. En juin 1946, le M.N.C.R. parvint à fusionner avec la Ligue Internationale contre l'Antisé­mitisme, la LICA (d'inspiration mi-socialiste, mi-« bourgeoi­se »). Cette synthèse fut dénommée « l'Alliance Antiraciste ». Laquelle ne dura pas. Des éléments communisants firent scis­sion en juin 1947, sur la question de l'apolitisme, défendu par Gaston Monnerville, entre autres. En décembre 1948, l'Alliance Antiraciste disparaissait, la LICA se recréait. \*\*\* Les communistes ne se tiennent pas pour battus. Sur les bases les plus larges et les plus informelles possibles, les associations spécialisées qu'ils animent participent à l'organisation d'un congrès « du mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix », comme écrit *L'Humanité* du 23 mai 1949. 102 groupements culturels, religieux ou politiques se réunissent au Cirque d'Hiver à Paris, représentés par 1800 délégués. Le PC se montre fort discret, et pour l'opinion il s'agit là d'une assemblée « apolitique ». Aussi des personnalités très diverses parrainent-elles la réunion, du président de la République Vin­cent Auriol à Marc Sangnier et Louis Marin. La journée est sans lendemain. Mais, au printemps 1950, les communistes apprennent que l'Union internationale antiraciste, dont le contrôle leur échappe, va tenir le 11 juin son congrès à Paris. Ils agissent alors très vite. Le 5 mai, dépôt des statuts d'une association qui est le MRAP. Le 2 juin, le J.O. en publie l'an­nonce. Le 11 juin, les communistes sont parvenus à mobiliser 2034 délégués pour la « 2^e^ journée nationale contre le racisme ». Ils ont habilement choisi à nouveau le Cirque d'Hiver pour la réunion. 45:278 Peu de gens remarquent que le comité de patronage a presque complètement changé. Bien entendu, le président de la République, Vincent Auriol, ne parraine pas une telle journée, au caractère antigouvernemental marqué. En 1983 encore, le MRAP le fait figurer dans ses documents comme s'il était l'un de ses créateurs... L'Union internationale antiraciste, rassem­blée dans une autre salle parisienne, prend position contre l'Appel de Stockholm qui vise à faire interdire les armes ato­miques, parce que l'URSS ne les possède pas encore. Au Cirque d'Hiver, le MRAP fait monter à la tribune Florimond Bonte, dirigeant du PC, qui dénonce « l'Allemagne revancharde » et glorifie l'Appel de Stockholm. Personne ne se souvient dans l'assistance que, quelques années avant, F. Bonte avait été condamné à la prison pour son soutien au Pacte Hitler-Staline. \*\*\* Qui sont les hommes à qui le PC a confié la mission d'uti­liser l'antiracisme pour le compte du communisme ? L'avocat André Blumel, président du MRAP, est socialiste dissident. Au début des années 70, il terminera sa vie dans le groupe com­muniste des conseillers de Paris. En 1949, il est auréolé du prestige d'avoir organisé les filières de transit d'armes et de munitions des pays de l'Est, Tchécoslovaquie en tête, vers l'armée clandestine juive de Palestine, en 1946-47. En effet, à l'époque, Staline soutient à fond ce qui va devenir l'État d'Is­raël. A. Blumel, socialiste progressivement acquis au commu­nisme (il entre dès 1949 à la direction de France-URSS) est bien entouré. Les militants du PC qui l'entourent sont des inconditionnels. Il vaut mieux qu'il en soit ainsi, car le MRAP va devoir avaler de grosses couleuvres. S'il lui est facile de réclamer (janvier 1953) l'interdiction d'une réunion d'*Aspects de la France* dont l'orateur est Xavier Vallat, sa mission est moins aisée lorsqu'il est confronté au « complot des blouses blanches » quelques jours plus tard. Staline vieillissant veut en finir avec les « cosmopolites » et, après avoir exterminé des intellectuels juifs soviétiques en 1952 (aucune protestation du MRAP), décrète que ses médecins juifs ont voulu l'assassiner. Des médecins parisiens réclament, à la demande du PC, l'exé­cution de ces « criminels ». 46:278 Mais Staline meurt et, coup de théâtre, les médecins sont déclarés innocents et libérés. Le docteur Jean Dalsace est de ceux qui ont réclamé « la mise hors d'état de nuire » des « médecins terroristes sionistes ». Durant le reste de sa vie, et même maintenant après son décès, il figure au Comité d'Honneur du MRAP. Dans le mensuel des intellectuels communistes, *La Nouvelle Critique,* paraît en février 1953, un article intitulé : « Médecins criminels ou science pervertie », qui dénonce les « sionistes » comploteurs à Moscou. Son auteur, le psychiatre Louis Le Guillant, brillant soutien du stalinisme, prenait une fois de plus la parole, le 24 mai 1964, au palais de l'UNESCO, à Paris, sur le thème : « Les incidences du racisme sur la santé mentale ». Le cadre dans lequel il s'exprimait ? La XV^e^ journée nationale contre le racisme, organisée par le MRAP. Il n'est pas inintéressant de constater que deux dirigeants inamovibles du MRAP, le secrétaire général Albert Lévy, en poste il y a encore quelques mois, et le vice-président Charles Palant, tous deux responsables communistes, étaient déjà à des postes nationaux du Mouvement pendant les massacres anti­sémites staliniens, et qu'ils n'élevèrent évidemment pas la moin­dre protestation. Charles Palant était secrétaire général au moment de l'affaire des « blouses blanches », et Albert Lévy trésorier. On comprend pourquoi les notes du ministère de l'Intérieur sur le MRAP, du temps où M. Valéry Giscard d'Es­taing était à l'Élysée (notes complaisamment diffusées hors des services policiers) affirmaient faussement qu'Albert Lévy était entré au Bureau national du MRAP en 1960. C'était beaucoup moins gênant pour l'intéressé. Les mêmes documents présen­taient Vincent Auriol comme fondateur du MRAP. On voit mal le président de la République de 1950 cautionnant André Blumel, scissionniste de son parti... Ces falsifications étaient néanmoins la vérité officielle sur le MRAP avant mai 1981. Depuis, la situation ne s'est pas arrangée. Malgré une histoire très agitée du stalinisme au « Buldozer de Vitry » (décembre 1980), le MRAP s'institutionnalise de plus en plus. Il n'en demeure pas moins fidèle à ses origines. André Peyresq. 47:278 ### La campagne d'assassinat moral de l'automne 1983 C'EST une campagne contre l'*extrémisme*. Celui de « la droite », bien entendu. Le parti communiste n'est plus d'extrême gauche ; l'extrême gauche n'existe plus ; les communistes ne sont plus des extrémistes, ils sont ministres, hauts fonctionnaires, académiciens. L'extrémisme est donc désormais le crime de « la droite ». Il comporte automatiquement le fascisme et le racisme. Fascis­tes, racistes les élus RPR ou UDF de l'opposition parlementaire. On l'avait déjà entendu dire, ou insinuer, par les porte-parole du pouvoir socialo-communiste. Mais au mois de septembre, la campagne s'organisa systématiquement. Dans une première phase, centrée sur l'élection municipale de Dreux, cette campagne d'inspiration et de style staliniens fut mise en place par l'intermédiaire de Simone Veil, du minis­tre de l'intérieur Gaston Defferre et du journal *Le Monde.* 48:278 Après l'article du *Monde* du 19 octobre contre la IV^e^ journée nationale d'Amitié française organisée par le CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER, ce fut la seconde phase, dominée par la hâte servile avec laquelle certains éléments « de droite » sont venus s'aligner : la direction nationale de l'UNI, le capi­taine Sergent au nom du CNIP, et François Léotard, secrétaire général du parti républicain giscardien. *Pendant ces deux périodes, le sabotage postal empêcha la distribution du quotidien* PRÉSENT *à la plupart de ses lecteurs. Nous reproduisons donc plusieurs de ses articles parus à ce moment.* #### La période "Dreux" I. -- L'audace de Simone Veil. -- II. -- Defferre responsable. -- III. -- *Le Monde* co-responsable. C'est la période dominée par des considérations et accusa­tions prenant pour prétexte l'élection municipale de Dreux où « la droite » l'a emporté en s'alliant avec la supposée « extrême droite » représentée par le Front national de Jean-Marie Le Pen. La propagande officielle du pouvoir socialo-communiste dénonce cette alliance comme « immorale » (sic) et assure que « la droite » devient ainsi « extrême », donc « fasciste » et « raciste ». Simone Veil est publiquement félicitée par le gou­vernement pour avoir -- là comme pour l'avortement -- sou­tenu et propagé les slogans de la gauche maçonnico-marxiste. **I. -- L'audace de Simone Veil** (*Article de Jean Madiran dans PRÉSENT du 29 septembre.*) Aux journées parlementaires de l'UDF, à Divonne, Simone Veil est venue parler de *morale :* pour décréter qu'à Dreux l'opposition libérale a commis une *faute morale* en s'alliant avec la droite nationale contre la domination socialo-communiste. Et elle a énoncé cette maxime qui dans sa bouche est assez impudente : 49:278 « *J'ai fait entendre une voix qui est nécessaire en politique et qui est la voix de la morale.* » Quelques libéraux lui ont minablement répondu qu'en politique il ne faut pas trop de morale. Il est dommage qu'il ne se soit levé au sein de l'UDF aucun parlementaire pour lui dire : -- *La seule morale qui ait traditionnellement droit de cité dans la politique française, c'est la morale chrétienne, à laquelle vous êtes, Madame, si parfaitement étrangère. Vous êtes même, devant la morale catholique de la France française, un malfaiteur de l'es­pèce la plus grave, celle du crime abominable.* Pléonasme lui-même traditionnel et fortement significatif. Tout « crime », bien sûr, est par définition « abominable ». Mais la *morale* précisément, la morale française et chrétienne a toujours employé ce pléonasme de « crime abominable » pour dénoncer le caractère exceptionnellement épouvantable de l'avortement. C'est à ce *crime abominable* que Simone Veil doit sa notoriété politique, son seul titre connu étant la loi qui porte son nom, laquelle a léga­lisé le meurtre et démocratisé l'abomination. Pour la plus abominable des lois, elle n'avait pu légiférer qu'avec l'alliance parlementaire des marxistes et selon *leur* morale. Elle vient aujourd'hui, selon *la même* morale, prêcher qu'à Dreux il fallait « *plutôt perdre *» que de s'allier avec la droite nationale. Sa haine va jusque là. Ce qui révèle et circonscrit son véritable rôle politique : pour­rir moralement la droite libérale, et la faire *perdre.* C'est ainsi que Simone Veil a politiquement tué Giscard, qui spontanément s'y prêtait beaucoup. Elle en tuera bien d'autres s'ils continuent à l'accueillir. Elle refuse le *pas d'ennemis à droite* quand il s'agit de renverser la domination socialo-communiste. Elle pratique le *pas d'ennemis à gauche* quand il est question de morale et de faire voter l'avortement. C'est une machine infernale qui fera tout sau­ter. Elle est objectivement la femme-torpille de Mitterrand. Elle est programmée pour faire éclater l'opposition. Éliminez la torpille. 50:278 **II. -- Defferre responsable** (*Article de Jean Madiran\ dans PRÉSENT du 7 octobre.*) On va vers l'assassinat. La conscience démocratique s'y attend et d'avance le trouve naturel. Defferre a préparé l'opinion. Depuis deux ans il l'excite contre l' « extrême droite ». Il dit même « la droite » tout court quand il se surveille moins. Cet hiver, il accu­sait le parlementaire Gaudin de faire poser des bombes dans les synagogues : c'est ainsi qu'il attise les instincts meurtriers. Simul­tanément, il a organisé l'insécurité en désorganisant la police, inculpée par lui de racisme, tandis qu'il couvrait de son indulgence la gauche terroriste. Dimanche, il n'a pas protégé le maire de Sarcelles, le nouvel élu de la droite, laissé sans défense contre l'agression. Ce n'était pas un accident. C'est une politique : d'inti­midation et de terrorisme psychologique. Elle conduit au meurtre. Seul ministre de l'intérieur en exercice qui ait été condamné pour diffamation, Gaston Defferre ne serait pas le premier ministre de l'intérieur à être tenu pour personnellement responsable du sang versé. Dans ses insomnies entre l'angoisse et le remords, qu'il prête l'oreille à cette voix encore indistincte, elle n'est qu'un mur­mure mais s'il continue elle va grandir, et elle lui dit : -- Souviens-toi d'Abraham Schrameck. C'est un avertissement. **III. -- Le Monde co-responsable** (*Article de Jean Madiran\ dans PRÉSENT du 8 octobre.*) Le mécanisme d'intimidation psychologique officiellement mis en place contre l' « extrême droite », le « fascisme » et le « racis­me » est conditionné de manière à se transformer en terreur phy­sique au premier appel. L'appel a été lancé jeudi soir à Antony l'attentat a été immédiat. 51:278 Et pourtant la phrase fameuse de Jacques Chirac est dans toutes les mémoires : -- *Je n'ai qu'une haine, c'est pour le fascisme.* Comme si le communisme n'était pas intrinsèquement détesta­ble ! Mais la phrase fameuse était pour échapper à l'accusation. Elle ne lui aura servi de rien. Ce sont bien les candidats RPR d'Antony qui ont été désignés par Chevènement comme *bandes fascistes* et c'est bien leur permanence qui, à la suite de cet appel, a été attaquée par le commando communiste. La connivence entre Chevènement et l'appareil stalinien n'est pas nouvelle. Mais il n'est pas nouveau non plus de constater que la phrase fameuse de Jac­ques Chirac ne lui sert de rien : parce que dans le système et le vocabulaire officiels, le fasciste c'est lui, irréparablement, le raciste c'est lui, et avec lui tous ceux qu'il est utile au parti communiste de faire ainsi désigner par ses complices et auxiliaires. Il serait temps de comprendre enfin que la défense contre ce système meurtrier n'est pas d'aller piteusement plaider devant lui : -- *Le fasciste ce n'est pas moi, je déteste le fascisme, le fascisme c'est les autres.* C'est accepter les communistes comme juges et leur système comme critère moral. La seule défense est de démasquer ce système menteur de dénonciation du fascisme. Il a pour fonction de dissimuler à l'opi­nion le principal fait politique et moral de notre temps : le crime communiste, le crime contre l'humanité le plus grand de toute l'histoire, dont la domination esclavagiste s'étend jour après jour. Nos quatre ministres communistes, s'ils sont de bons communistes selon Lénine, et comment douter qu'ils le soient, sont l'équivalent de quatre généraux du KGB déjà installés au cœur de l'État fran­çais. Ils ne lâcheront pas facilement le pouvoir. Ils mettent en place les moyens de la terreur. Mais au lieu de décrire l'idéologie et la réalité de l'appareil communiste, *Le Monde* s'emploie présente­ment à nourrir les campagnes de style stalinien contre l' « extrême droite », visant à faire passer pour des *extrémistes* et des *fascistes* même les parlementaires UDF de l'opposition libérale. 52:278 C'est le sys­tème terroriste du ministre de l'intérieur Gaston Defferre accusant le parlementaire UDF Gaudin de faire poser des bombes dans les synagogues. Les uns et les autres, le ministre et le journal, se font ainsi les relais et instruments de la machinerie communiste. Ils excitent les haines. Ils pratiquent l'assassinat moral. Ils préparent l'opinion à l'assassinat physique. Ils en seront responsables devant la nation. #### La période "Amitié française" I. -- L'article du *Monde*. -- II. -- Première réponse. -- III. -- Le communiqué de l'UNI. -- IV. -- Ré­ponse au communiqué de l'UNI. -- V. -- Le com­muniqué de Pierre Sergent. -- VI. -- Réponse à Pierre Sergent. -- VII. -- Léotard François et les autres. -- VIII. -- La lettre de Romain Marie. -- IX. -- Seconde réponse au *Monde*. -- X. -- Le Monde après huit jours. -- XI. -- Troisième répon­se au *Monde*. -- XII. -- La réponse d'André Lau­rens. Le 16 octobre s'est tenue à Paris la IV^e^ Journée nationale d'Amitié française organisée par Romain Marie et le CENTRE HENRI ET ANDRÉ CHARLIER. Après avoir pris le temps de la réflexion, *Le Monde* en publie finalement un compte rendu tendancieux et falsificateur, allant jusqu'à attribuer à l'un des orateurs, Arnaud de Lassus, des phrases qui ne sont pas de lui. Au demeurant l'auteur de l'article, Edwy Plenel, est un journaliste suspect. Sans s'arrêter à aucune vérification, plusieurs personnalités « de droite » vont immédiatement accorder un crédit entier à cet auteur et à ce journal. 53:278 Ces personnalités le font au moins autant par l'effet de l'intimidation et du terrorisme psychologique que par intime conviction. Une aussi spectaculaire défaillance entraîne mani­festement leur disqualification politique : il faut qu'elles le sachent ; et qu'on le sache ; et qu'on ne l'oublie pas. **I. -- L'article du Monde** (*Article d'Edwy Plenel\ dans* Le Monde *du 19 octobre.*) L'extrême droite n'apprécie pas qu'on l'étiquette. Racistes, fascistes ? M. Jean-Marie Le Pen en tête, et jusque dans les prétoires, elle s'em­presse de récuser ces sceaux d'infamie. Cataloguez-nous moins, écoutez-nous plus, dit-elle. Conseil suivi, dimanche 16 octobre, salle de la Mutualité à Paris, durant la journée d'amitié française, rassemblant -- une fois n'est pas coutume -- toutes les composantes militantes de l'extrême droite française. Énoncé depuis la tribune et sous les applau­dissements, on y entendit notamment ce qui suit. « *Quatre superpuissances colonisent la France* »*,* selon M. Arnaud de Lassus, dirigeant de l'Action familiale et scolaire. Ce sont « *le marxiste, le maçonnique, le juif, le protestant, que symbolisent les mi­nistres Fiterman, Hernu, Badinter et Rocard *»*.* Après avoir dressé la liste des « *ministres juifs du gouvernement Mauroy *»*,* parmi lesquels il classe M. Fabius « *parce qu'on ne prête qu'aux riches... *» (*applau­dissements*), l'orateur continue : « *C'est donc le judaïsme qui va ins­pirer tout ou partie de leur politique. Et selon quels précédents ? *» « *Souvenez-vous,* répond-il en substance, *que les juifs sont aux deux pôles de la société contemporaine : fondateurs du capital financier et détracteurs les plus véhéments. Il y aura donc,* conclut-il, *Robert Badin­ter, gendre du roi de la publicité, Bleustein-Blanchet, et Charles Fiter­man, ancien directeur de l'école des cadres du P.C. A Badinter corres­pond Fiterman* \[comme hier\] *Rothschild correspondait à Marx *»*.*Mais, souligne-t-il, pour démontrer l' « *avancement quantitatif brusque *» des juifs qui, aujourd'hui, « *peuplent les allées du pouvoir *»*,* ces deux-là « *n'ont jamais fait partie du même gouvernement *»* !* 54:278 Ces paroles ne furent pas prononcées dans un cénacle privé mais dans une salle comble, devant deux mille personnes, durant une réunion qui, selon ses organisateurs, en brassa sept à huit mille, en tout cas bien quatre mille, avec l'aval des principales organisations de l'extrême droite officielle représentées par des stands -- le Front national, le Parti des forces nouvelles, l'Union nationale inter-universitaire, l'Œuvre Française, Aspects de la France -- et, enfin, en la présence de per­sonnalités notables. Celle de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, fut annoncée juste après l'intervention de M. de Lassus, et on le vit faire la tournée des stands, serrer des mains. Il y avait aussi MM. Pierre Sergent, ancien responsable de l'O.A.S. et élu depuis peu au comité directeur du Centre national des indépen­dants et paysans (C.N.I.P.) de M. Philippe Malaud ; Yves Durand, recteur avant mai 1981 des académies de Rouen puis d'Aix-Marseille, proche, à l'époque, de Mme Alice Saunier-Seïté ; François Brigneau ; éditorialiste de l'hebdomadaire *Minute* et directeur de la rédaction du quotidien *Présent ;* et, évidemment l'organisateur de ces journées, M. Romain Marie, fondateur des comités « Chrétien Solidarité », par ailleurs président du C.N.I.P. de Haute-Garonne (*le Monde* du 7 octobre). M. de Lassus ne fut pas une exception. M. Jean Madiran, directeur politique de *Présent,* s'en prit à une émission télévisée récente ayant pour thème « Chrétiens et juifs en France avant 1789 ». Selon lui, elle prétendait que « *tous les torts étaient du côté des chrétiens et qu'aucun tort n'était du côté des juifs *»*.* « *Une thèse extrémiste *» résume-t-il. « *Si je l'entendais dans une émission sioniste de la télévision de Tel-Aviv, j'aurais pour elle de la compréhension. Mais je l'entends dans une émission catholique de la télévision nationale ! *» Il voudrait en dire plus, mais se contentera d'inviter la salle à « *y réfléchir *»*.* Car, explique-t-il, « *je ne peux pas en parler. La législation, la loi antiraciste de 1972, me l'interdisent *»*.* Une loi qui fait que « *la seule communauté en France qui ne soit pas défendue par la loi, c'est la communauté française *»*.* M. André Figuéras, auteur d'un ouvrage intitulé *Ce canaille de Drey­fus*, estime, lui, que « *nous sommes sous l'œil des barbares *»*,* que les immigrés « *se reproduisent comme des lapins *»*,* et que l'avènement d'un « *président musulman *» nous guette. 55:278 M. Brigneau fait rire en caricaturant le nouveau P.D.G. de TF 1, « *M. Mohamed el Bourges *»*,* provoque des huées contre « *la Belge *» Christine Ockrent, et prend M. Louis Mexandeau, ministre des P.T.T., comme tête de Turc : « *Quand on le voit, on fait meuh et on cherche le train.* » Cible de M. Roger Holeindre, grand reporter, l' « *avorteuse *»*,* autrement dit Mme Simone Veil. « *Si les Japonais sont debout et partent à la con­quête économique du monde,* dit-il par ailleurs, *c'est parce qu'ils ont une devise triple : travail, famille, patrie. *» « *Il ne faut pas une voix pour la dame avorteuse *»*,* clame aussi, à propos des élections européennes, M. Romain Marie, qu'inquiètent par-dessus tout les « *plans occultes *» des loges francs-maçonnes, cet « *élé­ment principal du génocide français *»*.* Un « *projet mondialiste *»*,* résume-t-il, qui est « *l'inconscient boueux, le surmoi, les parties troubles de la République *»*.* Autre orateur, M. Jacques Ploncard d'Assac rappel­lera d'ailleurs, sous les applaudissements, que « *en août 1940, le maré­chal a dissous les sociétés secrètes *». Un maréchal Pétain fort présent dans les stands, en affiches, cendriers, assiettes, et badges... On note, autour, la présence de l'association Légitime défense, de la Ligue contre le crime et pour l'application de la peine de mort, de Laissez-les-vivre, et de la Fédération pour l'unité des réfugiés et des rapatriés (FURR) de M. Jo Ortiz. Catholique, et refusant à ce titre la présence de la « *nouvelle droite athée *»*,* M. Romain Marie récuse le qualificatif d'antisémite. « *Est-ce que, finalement, on pourra s'entretenir du problème juif comme du problème basque *»*,* répond-il à notre question. « *Nous constatons sim­plement des phénomènes sociologiques. Il y a une puissance qui n'admet pas l'intégration en France* (*...*) *et pour laquelle les intérêts du judaïsme sont supérieurs à ceux de la société française. *» « *L'internationale de l'assassinat, l'internationale communiste,* ajoute-t-il, *était composée es­sentiellement de juifs.* (*...*). *Les juifs abusent en disant que l'extrême droite est antisémite, nous, on pourrait répliquer que le communisme est judaïque* ! » A la tribune, après cet entretien, il soulignera la présence à cette journée de son « ami » Georges Toutounji, de la mission chrétienne libanaise, « *qui est un sémite* »*.* « *Si nous avons un racisme, c'est celui que nous professons contre la race des journalistes malhonnêtes* »*,* lancera-t-il plus menaçant, à l'adresse des représentants des deux journaux présents, *Le Monde,* et *les Nouvelles.* 56:278 « *Vous allez lire* Le Monde *at­tentivement. Et s'il y a des déformations, vous allez prendre vos stylos, saisir vos téléphones, et nous avertissons dès maintenant, nous saisirons s'il le faut les tribunaux, nous organiserons des manifestations devant les sièges de ces journaux.* » C'était une journée d'amitié française... **II. -- Première réponse** L'extrême-droite existe\ *Le Monde* l'a rencontrée ? (*Article de Jean Madiran\ dans* Présent *du 20 octobre.*) A la quatrième fois, la quatrième année, *Le Monde* est enfin venu. A la IV^e^ Journée d'Amitié française, il a trouvé la confir­mation de ce qu'il affirmait sans avoir rien vu ni entendu : nous sommes des « fascistes », nous sommes des « racistes », nous sommes des « extrémistes ». C'est principalement Arnaud de Lassus qui a retenu l'attention du *Monde.* Attention sévère mais peu informée : l'érudit journal n'a pas reconnu la thèse pourtant célèbre de Charles Maurras sur les « quatre États confédérés » qui colonisent la France ; thèse simplement mise à jour en ce qui concerne le marxisme. Cette thèse ne soulève ni ne suppose aucune question *raciale,* mais une question de *politique nationale,* celle de plusieurs oligarchies qui ont constitué autant d'États dans l'État incrustés à l'intérieur de la République française. Maurras n'était ni « raciste » ni « fasciste ». Un minimum de culture politique française ne ferait pas trop de mal à un journal tel que *Le Monde.* 57:278 Nous comprenons pourtant sa surprise et son dépit. Il a vu à la Mutualité non pas « un cénacle privé, mais une salle comble ». Dans sa fébrilité inquiète, il a même cru y voir Pierre Sergent, « ancien responsable de l'OAS élu au comité directeur du CNIP », -- Pierre Sergent qui justement n'est pas venu. Pris alors de pani­que, *Le Monde* s'imagine, c'est le plus beau, avoir assisté aux assises de l'extrême-droite. Au sommaire de son numéro d'hier mercredi, il annonce en effet que l'on trouvera en page 11 le récit horrifiant d' «* un ras­semblement unitaire de l'extrême-droite *». L'article sur six colon­nes raconte que la IV^e^ Journée nationale d'Amitié française réu­nissait « *toutes les composantes militantes de l'extrême-droite *»*,* et il va même jusqu'à un mot de trop quand il assure que tout cela avait lieu « *avec l'aval des principales organisations de l'ex­trême-droite* OFFICIELLE »*.* Ce dernier mot en effet n'est plus inculture et ignorance, mais pur mensonge. Car justement : quoi qu'on puisse en penser par ailleurs, il n'existe pas en France d'extrême-droite *officielle.* La qualification d' « extrémisme » est appliquée à des hommes, des courants, des organisations qui pro­testent, comme Jean-Marie Le Pen, qu'ils ne sont extrémistes « ni par leurs idées, ni par leurs méthodes ». Ni le CENTRE CHARLIER, organisateur de la journée nationale d'Amitié française, ni le quotidien PRÉSENT ne sont un rassemble­ment d'extrémistes. *Le Monde* a bien rencontré quelque chose dimanche à la Mutualité. C'était un phénomène traditionnel, mais oublié, « Dieu premier servi » et « travail-famille-patrie », idées tout à fait classiques ; nullement extrémistes, *sinon par l'ostracisme artificiel qui frappe en France même la plus authentique tradition française.* C'était aussi un phénomène nouveau, s'inspirant de la pensée d'Henri et d'André Charlier, dont *Le Monde* ne sait rien et qu'il ne nomme même pas. Peut-être les prend-il eux aussi pour des « extrémistes » ? C'est que *Le Monde* retarde de plus en plus, par ses catégories mentales et ses étiquettes immuables, maintenues à contresens sur une réalité qui change. Et c'est pourquoi il perd peu à peu ses lecteurs. L'ancien « journal de référence » ne comprend pas ce qui se passe. Il n'est plus au courant. 58:278 **III. -- Le communiqué de l'UNI** (L'UNI est l' « Union nationale inter-univer­sitaire », qui participait à la IV^e^ Journée nationale d'Amitié française. Sa direction, affolée par l'article du Monde, s'empresse dès le 20 octobre de diffuser un commu­niqué qui ne sera publié dans *le Monde* que le 25 octobre.) A la suite de certains échos parus dans la presse sur la journée d'Amitié Française (dimanche 16 octobre), l'UNI tient à faire une mise au point très claire. Il est d'abord évident qu'aucun membre de l'UNI n'a tenu quelque propos antisémite que ce soit : il importe donc de dénoncer l'amalgame insidieux auquel se sont livrés certains journaux. Sur le fond, l'UNI condamne sans réserve l'antisémitisme, morale­ment dégradant et intellectuellement stupide. Elle déplore que les orga­nisateurs n'aient pas été en mesure d'empêcher de tels débordements et se voit obligée de ne plus participer à l'avenir à de telles journées, entachées par des propos à ce point irresponsables. **IV. -- Réponse au communiqué de l'UNI** *Des universitaires saisis par la panique* (*Article de Jean Madiran\ dans* Présent *du 22 octobre.*) A l'Union nationale inter-universitaire (UNI), comme en beau­coup d'autres organisations anti-communistes, les militants sont dynamiques et résolus, la direction nationale n'est pas à la hauteur de ses troupes. Cette direction marche au doigt et à l'œil. *Le Monde* ayant lancé une excommunication, elle a suivi dans les 24 heures. 59:278 Dans un communiqué, les dirigeants de l'UNI qualifient de manière injurieuse et violente des propos qu'ils n'ont pas entendus et dont ils ne savent rien de sérieux. J'affirme ici qu'aucun des auteurs du communiqué contre les propos tenus à la IV^e^ Journée d'Amitié française n'est venu y assister. Leur seule source d'information, ils le reconnaissent sans pudeur, c'est « certains échos parus dans la presse », entendez l'article tendancieux du *Monde,* dont nous avons parlé dans notre numéro de jeudi. Cette source suspecte et chétive leur suffit pour lancer à leur tour un anathème définitif contre ceux que *Le Monde* a frappés d'excommunication. La direction nationale de l'UNI annonce qu'elle ne participera plus jamais aux Journées d'Amitié française : c'est l'excommunication dite majeure, l'excommunié étant *vitandus,* c'est-à-dire que l'on doit éviter tout rapport avec lui. Selon le communiqué de la direction de l'UNI, nous aurions, à la Journée d'Amitié française, tenu des propos « moralement dégradants », « intellectuellement stupides », dans des « débor­dements irresponsables ». Ce sont non point des analphabètes mais des *universitaires* qui se prononcent ainsi, sans critique des sources ni vérification des faits. Ils ne peuvent pas ignorer qu'un témoignage unique, constitué par un article visiblement malveillant -- et publiquement contesté -- paru dans *Le Monde,* cela ne fait pas une documentation « fiable » ou « crédible », encore moins « scientifique ». Ils ne peuvent pas en avoir été décisivement convaincus, à moins d'as­thénie intellectuelle. Ce n'est donc pas la conviction qui les meut. C'est une prudence empressée, une hâte fébrile dans la précau­tion. Elle se distingue mal de la peur panique devant le terrorisme intellectuel du *Monde,* cette peur qui est le commencement de la faiblesse. 60:278 La direction de l'UNI s'en va. Adieu la direction de l'UNI. Des alliés d'une telle anémie intellectuelle et morale, on les supporte par complaisance. La débilité mentale est leur excuse. A condition pourtant qu'ils n'en abusent pas. Ils ont abusé. **V. -- La lettre au Monde de Pierre Sergent** (A Paris l'année dernière et encore cette année à Toulon, le capitaine Sergent a par­ticipé plusieurs fois aux Journées de l'Amitié française, dont il connaît de longue date les organisateurs et les idées. Néanmoins il a écrit au directeur du Monde la lettre que ce journal a publiée le 21 octobre.) « Je ne suis pas allé à la Mutualité le 16 octobre 1983, et je n'ai pas participé à la Journée d'amitié française. Vous avez publié une contre-vérité. En conséquence, je ne cautionne, ni de près ni de loin, les propos tenus à la tribune ce jour-là. Sur le fond, je désavoue totalement, à titre personnel, des prises de position antisémites ou racistes qui n'ont jamais été les miennes pour des raisons philosophiques. De plus, je ne peux pas davantage oublier les camarades juifs qui se sont battus à mes côtés contre les nazis que nos soldats vietnamiens et algériens tombés pour la France. Ce serait trahir leur mémoire que de tolérer dans mon environnement des argumentations aussi absurdes que primaires. Par ailleurs, au nom du comité directeur du Centre national des indépendants et paysans, et en celui de son président, Philippe Malaud, je suis en mesure de vous faire savoir que les faits relatés par votre rédacteur feront l'objet d'une étude au cours de sa prochaine réunion. Si certains propos s'avèrent exacts, des mesures seront prises pour que le CNIP soit dorénavant à l'abri de telles confusions. Ce parti critique assez le sectarisme de la gauche pour ne pas accepter dans ses rangs des hommes ou des femmes faisant preuve de pareille intolé­rance. » 61:278 **VI. -- Réponse à Pierre Sergent** L'accusation publique\ contre Edwy Plenel (*Article de Jean Madiran\ dans* Présent *du 22 octobre.*) Le capitaine Sergent s'est donc empressé lui aussi de venir accabler dans *Le Monde* les « propos » de la journée d'Amitié française qu'il n'a pas entendus. Il n'était pas là. Mais ces « pro­pos » dont il ne sait rien, il les qualifie et les injurie sur le seul témoignage de l'article du *Monde* qu'il accuse pourtant, d'autre part, de contre-vérité à son endroit. Dans ce que *Le Monde* prend ou feint de prendre pour du « racisme », Pierre Sergent lui non plus n'a pas su reconnaître la thèse classique, on peut même dire la thèse historique de Charles Maurras sur les « quatre États confédérés ». Il n'y voit que des « argumentations aussi absurdes que primaires ». Pourtant, Pierre Sergent est un ami d'Aspects *de la France,* il y écrit parfois, il participe aux réunions de l'Action française, s'il avait un peu mieux prêté l'oreille à ce qu'il entendait autour de lui cela lui aurait évité cette méprise cocasse, intempestive, pénible. Moins acceptable encore ce qu'il écrit au directeur du *Monde :* « *Au nom du comité directeur du Centre national des indépen­dants et paysans* (*CNIP*) *et en celui de son président Philippe Malaud, je suis en mesure de vous faire savoir que les faits relatés par votre rédacteur feront l'objet d'une étude au cours de sa pro­chaine réunion. *» Ainsi *Le Monde* est juge du degré d' « extrémisme » qui peut être ou n'être pas permis au CNIP, et le CNIP se croit obligé de hiérarchiquement *lui rendre compte* des mesures immédiatement prises à la suite de ses réquisitions ! 62:278 Pierre Sergent semble ignorer en outre que « le rédacteur » de l'article du *Monde* contre l'Amitié française est actuellement sous le coup d'une grave accusation publique à laquelle il n'a encore rien répondu. Selon *Magazine-Hebdo,* l'auteur de l'article, Edwy Plenel, a fait une carrière politico-policière extrêmement suspecte. C'est un trotskiste de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui se situe encore plus à gauche que le communisme stalinien. On voit combien il était qualifié pour dresser un réquisitoire contre l' « ex­trémisme » supposé du CENTRE CHARLIER ou du journal PRÉSENT. Mais ce n'est pas tout. Cet Edwy Plenel, qui a été pendant plus de deux ans le directeur de la publication *Barricades,* organe de la jeunesse communiste révolutionnaire, semble bien n'avoir pas réellement rompu avec la LCR quand il est entré au *Monde* en 1980. Et d'autre part, la LCR a des sympathies connues pour le terrorisme international. Elle a même des liaisons avec lui. Telle est l'accusation portée par *Magazine-Hebdo.* On ne se prononcera pas sur le cas suspect d'Edwy Plenel avant d'avoir entendu sa défense. Mais tant qu'il n'a rien répondu, il est pour le moins... prématuré de prendre au sérieux les accusations d'un tel témoin, comme l'ont fait imprudemment la direction nationale de l'UNI, le capitaine Sergent et, s'il faut l'en croire, le comité directeur du CNIP et le président Philippe Malaud. Il est temps que le président Philippe Malaud donne un coup d'arrêt à ce début de décomposition en chaîne provoquée par l'ar­ticle d'Edwy Plenel. La droite nationale ne peut supporter que *Le Monde* soit écouté et obéi dans ses rangs comme s'il était le juge souverain de sa composition, de sa conduite, de son « extrémis­me ». Ceux qui voudraient admettre cette ingérence et cette hégé­monie doivent être prévenus : ils y trouveraient surtout leur propre disqualification politique. 63:278 **VII. -- Léotard François et les autres** François Léotard est le secrétaire général du parti républi­cain giscardien. Le 22 octobre il a fait au *Monde,* parmi d'autres déclara­tions, la déclaration suivante : « Nous refusons une alliance sur le plan national avec l'extrême droite. J'ai lu dans vos colonnes le compte rendu de la Journée d'amitié française. Les propos qui s'y sont tenus sont scandaleux, authenti­quement antisémites. On n'avait pas entendu de tels propos depuis longtemps. S'il apparaît un mouvement de type fasciste en France, je serai son adversaire. Je le combattrai, quitte à m'allier à la gauche. » Cette déclaration comporte deux énormités : 1\. -- François Léotard ne met pas un instant en doute la véracité du « compte rendu » d'Edwy Plenel. Il qualifie de « scandaleux » et d' « authentiquement antisémites » des « propos » qu'il n'a ni entendus ni vérifiés, bien qu'il les ait lus dans un article visiblement malveillant. Il ajoute bêtement qu' « on n'avait pas entendu de tels propos depuis longtemps », lui qui justement n'a rien *entendu :* la journée annuelle d'Ami­tié française en était à sa quatrième édition ; quant à François Brigneau et Jean Madiran, cela fait une bonne trentaine d'an­nées qu'ils écrivent et qu'ils parlent. Jusqu'alors *Le Monde* n'en disait rien. François Léotard n'a pas plus d'information que d'esprit critique. Sa culture intellectuelle et politique se limite, semble-t-il, à la lecture du *Monde.* 2\. -- Ce Léotard est prêt à nous combattre et, pour cela, à *s'allier avec la gauche.* Or la gauche telle qu'elle est aujour­d'hui est marxiste ; l'une de ses composantes est communiste. Léotard est donc prêt à s'allier avec les marxistes, avec les staliniens. Le prétexte de combattre le « fascisme » est politi­quement nul. Car même si nous étions plus ou moins « fascis­tes », *ce ne serait pas une excuse* pour s'allier avec le commu­nisme. On savait déjà que François Léotard vient de la CFDT et qu'il est idéologiquement très marqué à gauche. Cependant ses électeurs de Fréjus et du Var s'y trompent, car il ne le leur montre guère. Sa promesse de s'allier avec « la gauche » mar­xiste et stalinienne leur sera un utile éclaircissement. \*\*\* 64:278 Ivan Levai, grand spécialiste de l'anti-racisme à Europe I, avait dès le 19 octobre lu des passages d'Arnaud de Lassus selon l'article du *Monde.* Mais *Le Monde* avait eu l'habileté de dire en substance : -- *Raciste, l'extrême-droite ? Elle s'en défend. Eh bien, écoutez ce qu'elle dit et jugez vous-mêmes.* Ivan Levai a voulu juger lui-même. Il a explicitement qua­lifié d'antisémites, de racistes, d'ignobles, etc., des phrases qu'il croyait être d'Arnaud de Lassus, et qui étaient en réalité des citations d'auteurs juifs, -- attribuées à Arnaud de Lassus par l'article du *Monde...* \*\*\* Le *Nouvel Observateur,* qui pourtant est dirigé avec dis­tinction et discernement par Jean Daniel, a imprudemment résumé en ces termes, le 21 octobre, ce qu'il avait cru com­prendre à la lecture du *Monde :* « C'est clair : à Paris, le 16 octobre dernier, l'extrême-droite, toutes composantes réunies, a fait applaudir par des milliers de personnes, à la Mutualité, des thèmes racistes, xénophobes, antisémites, pétainistes. » Ce qui est clair, c'est que le *Nouvel Observateur* lui aussi a pris pour des « thèmes racistes » des citations de textes juifs. \*\*\* Le bulletin de *l'Agence télégraphique juive* de Paris, dans son numéro du 20 octobre, recopie *Le Monde,* s'indigne des « propos » attribués à Arnaud de Lassus, et de celui-ci notam­ment, dont il dénonce l' « anti-sémitisme virulent » : « *Les juifs sont aux deux pôles de la société contemporaine. Ils ont été parmi les fondateurs du capitalisme industriel et financier et ils ont protesté avec la véhémence la plus extrême contre le capital. A Rothschild correspondent Marx et Las­sale. *» Or ce « propos » est un texte -- cité clairement comme tel par Arnaud de Lassus -- de l'historien juif Bernard Lazare. 65:278 Ainsi *l'Agence télégraphique juive* a été elle aussi victime de la provocation anti-juive montée par Edwy Plenel dans *Le Monde.* **VIII. -- La lettre de Romain Marie** (*Lettre de Romain Marie\ à André Laurens, directeur du* Monde*.*) *Monsieur,* *Mis en cause personnellement dans deux articles parus dans* LE MONDE *des 7 et 19 octobre, je tiens à utiliser mon droit de réponse pour vous préciser les points suivants.* *-- Sur l'article d'Alain Rollat :* 1°) *-- Celui-ci contient une grave inexactitude. Je n'ai en effet jamais appartenu à* « *Jeune Nation* » *et si je me définis volontiers comme un homme de la Droite Chrétienne et Nationale, je n'ac­cepte pas l'épithète d'extrême-droite.* 2°) *-- Le dessin de Plantu entouré par l'article me concernant me désigne tout particulièrement et me porte du préjudice. Il est tout à fait inadmissible. Je n'ai jamais porté un casque sinon pen­dant mon service militaire et encore moins, en aurais-je porté un, frappé d'un emblème qui n'est pas le mien.* *Je n'ai par ailleurs jamais exercé de violence à l'égard de qui que ce soit. J'ai eu par contre à en souffrir lorsque j'étais Secré­taire Général de la Fédération des Étudiants de Toulouse. J'ai notamment été matraqué en 1966 car j'apportais mon soutien à la cause israélienne.* *-- Sur l'article d'Edwy Plenel :* 66:278 *L'article déforme gravement et mes propos et ma pensée. Edwy Plenel sait que j'ai été indigné que l'on puisse me deman­der si j'étais antisémite et je lui ai dit combien je trouvais odieux que l'on puisse taxer les hommes de Droite d'antisémitisme.* *Je lui ai fait remarquer qu'avec ce genre de raisonnement, on pourrait accuser les Juifs de communisme sous le prétexte par exemple que nombre de Juifs Russes se sont engagés dans la Révo­lution Bolchevique dont ils formaient l'essentiel de l'encadrement ; ce qui est une vérité parfaitement indiscutable et parfaitement admise par tous les historiens.* *J'ai rappelé à M. Plenel que Boris Souvarine, toujours vivant, un des principaux artisans du Congrès de Tours en 1920, Français d'origine russe et juive, a écrit un monument de la pensée contem­poraine :* « *Staline* »*. La lecture de cet ouvrage apprendrait à M. Plenel que plus de 70 % des membres du Comité Central Bolchevique, au moment de la révolution d'octobre, étaient d'origine juive.* *Pour autant, si beaucoup de juifs étaient à cette époque et dans ce pays, membres du Parti Communiste, je n'en conclus évi­demment pas que tous les Juifs sont communistes en tous temps et en tous lieux !* *Quant aux hommes de Droite, ils ont été rarement antisémites et en tout cas bien moins que les prophètes socialistes du 19^e^ siè­cle !* *On trouvera sur ce sujet dans le récent livre d'Arthur Conte consacré à Marx toutes les abominations proférées sur ce sujet par Proudhon, Bakounine et, bien que juif, par Marx lui-même !* *M. Plenel n'a pas rapporté non plus mon rappel de ce que dans les années 1965, j'accueillais dans mon local du 11, rue des Gestes à Toulouse, les juifs d'Afrique du Nord, parmi lesquels je compte depuis de nombreux amis. Je discute effectivement avec eux très librement des problèmes juifs comme je discute des problèmes bas­ques avec mes amis basques.* *Ma pensée s'articule d'ailleurs dans les deux cas selon une doctrine décentralisatrice, régionaliste et communautaire.* 67:278 *Je me désole en effet avec mes amis juifs de ce que certains extrémistes de leur communauté* puissent *en venir à poser des affi­ches telles que celles qui fleurissent dans certains quartiers de Paris et qui portent notamment la phrase suivante :* « L'assimila­tion nous détruit ». *Cela dit, je crois par contre effectivement, que chaque communauté religieuse, ethnique ou régionale, devrait en France bénéficier de droits communautaires reconnus.* *Je tiens à vous préciser au passage que, sur ce sujet, mes posi­tions fédéralistes n'engagent que moi et en aucun cas le C.N.I.P. Je tiens enfin à rappeler que j'écrivais après l'attentat de la rue Copernic une* « *lettre à mes amis juifs* » ([^3]) *que ceux-ci firent cir­culer en grand nombre : j'invitais les juifs à ne pas tomber dans la provocation, à ne pas se tromper d'adversaires et à ne pas se laisser entraîner par* le *MRAP, courroie de transmission du Parti Communiste Français, dont on sait la sympathie pour les terroristes palestiniens.* *Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.* **IX. -- Seconde réponse au Monde** (*Article de Jean Madiran\ dans* Présent *du 27 octobre.*) Il y a maintenant huit jours que *Le Monde* a lancé sa falsifi­cation contre l'Amitié française. Pendant ces huit jours, *Le Monde* a publié les réactions paniquées de Pierre Sergent et du CNIP, de la direction de l'UNI, de François Léotard, celle-ci la plus belle, contre nous il menace de s'allier aux marxistes, on s'en souviendra. 68:278 Mais pendant ces huit jours, *Le Monde* n'a pas publié une seule ligne d'information sur les répliques et démentis auxquels son article trompeur avait immédiatement donné lieu. Comme s'il y avait eu, pendant huit jours, d'un côté les protestations de la vertu outragée, et de l'autre le silence accablé des coupables confon­dus. Cela aussi est une manière de mentir au public. L'autre manière, ce fut d'attribuer à Arnaud de Lassus des énoncés qui n'étaient pas de lui. Les phrases scandaleuses que *Le Monde* l'accuse d'avoir prononcées à la tribune de la IV^e^ journée nationale d'Amitié française étaient des citations de l'historien juif Bernard Lazare et du journal *La Tribune juive.* Ce sont donc des textes d'auteurs juifs, mais présentés par *Le Monde* comme étant des vaticinations personnelles d'Arnaud de Lassus, qui ont été déclarés « *moralement dégradants, intellectuel­lement stupides *» et surtout « *authentiquement antisémites *» par l'ambitieux prudent François Léotard, par le tacticien à l'envers Pierre Sergent au nom du CNIP, par la direction paniquée de l'UNI et par l'expert principal Ivan Levai. Nomenclature d'ailleurs incomplète, la liste s'allonge chaque jour des victimes du *Monde* qui, par manque d'esprit critique et de sérieux, sont tombées dans la même méprise. Quel coup énorme, à mi-chemin du canular et du piège infer­nal. On aurait pu soupçonner Arnaud de Lassus d'avoir lui-même machiné ce traquenard, s'il avait cité sans dire qu'il citait. Mais non, il avait bien précisé : début de la citation, fin de la citation, nom de l'auteur, référence exacte. Le piège a été fabriqué par *Le Monde* qui a supprimé les références et présenté comme d' « extrême droite » des textes d'auteurs juifs honorablement considérés. Le rédacteur du *Monde,* Edwy Plenel, est l'auteur de cette mani­pulation : et elle ressemble un peu beaucoup à une provocation antisémite. Mais justement : Edwy Plenel fait l'objet depuis la semaine dernière d'une accusation publique. Il vient de la Ligue commu­niste révolutionnaire : il est donc suspect de cette forme d'antisé­mitisme qui se nomme antisionisme. Son camarade Alain Rollat continue à dénoncer dans *Le Monde* les « infiltrations » du PFN chez Philippe Malaud et celles du Front national au RPR. Mais qu'il regarde donc autour de lui. Il semble bien qu'il y ait des infiltrations trotskistes à l'intérieur du *Monde.* On attend toujours un début de réponse d'Edwy Plenel -- ou de son directeur -- à l'accusation publique portée contre lui. 69:278 Cette accusation, telle qu'elle a paru dans *Magazine Hebdo,* évoque même des liens avec le terrorisme international. S'il se confirme que *Le Monde* est « infiltré », nous n'en serons pas démesurément étonnés. Mais en tout cas c'est bien cette infiltration-là qu'il faut maintenant tirer au clair. **X. -- Le Monde après huit jours** (*Article sans signature\ dans* Le Monde *du 28 octobre.*) Les propos tenus au cours de la quatrième journée nationale d'ami­tié française organisée le 16 octobre au Palais de la mutualité, à Paris, par le Centre Henri et André Charlier et les comités Chrétienté-Soli­darité (*Le Monde* du 19 octobre), ainsi que les réactions que ces propos ont provoquées, suscitent des remous au sein de l'extrême droite. Le quotidien *Présent,* dirigé par MM. Jean Madiran et François Brigneau, avait déjà critiqué, dans son numéro du 22 octobre, la prise de position du capitaine Pierre Sergent, ancien responsable de l'O.A.S.­ métropole, membre du comité directeur du Centre national des indé­pendants et paysans (CNIP), qui s'était désolidarisé des déclarations faites ce jour-là et avait laissé entendre que sa formation pourrait pren­dre « *des mesures pour que le CNIP soit dorénavant à l'abri de telles confusions* » (*le Monde* du 21 octobre). S'étonnant que M. Sergent ait réagi de cette façon alors qu'il avait « *participé plusieurs fois aux Journées d'amitié française, dont il connaît de longue date les organisateurs et les idées* »*, Présent* avait pris à partie *le Monde :* « *La droite nationale ne peut supporter que* le Monde *soit écouté et obéi dans ses rangs comme s'il était le juge souverain de sa composition, de sa conduite, de son* « *extrémisme* »*. Ceux qui voudraient admettre cette ingérence et cette hégémonie doivent être prévenus : ils y trouveraient surtout leur propre disqualification politique. *» 70:278 Dans ce même numéro, M. Madiran ironisait sur la réaction de l'Union nationale inter-universitaire (UNI), qui s'était, elle aussi, déso­lidarisée des propos tenus à cause de leur caractère antisémite, alors que le service d'ordre de ladite journée d'amitié avait été assuré par cer­tains de ses membres. Le directeur politique de *Présent* affirmait que, à l'UNI, « *la direction nationale n'est pas à la hauteur de ses troupes *» et il continuait : « *La direction de l'UNI s'en va. Adieu la direction de l'UNI ! Des alliés d'une telle anémie intellectuelle et morale, on les supporte par complaisance. La débilité mentale est leur excuse. A condi­tion pourtant qu'ils n'en abusent pas. Ils en ont abusé. *» Dans son numéro du 25 octobre, le quotidien d'extrême droite s'en prend aussi au secrétaire général du parti républicain, M. François Léotard, maire de Fréjus, reprochant à celui-ci d'avoir dénoncé, dans *le Monde* du 22 octobre, les propos « *scandaleux, authentiquement antisémites *» tenus le 16 octobre. « *Contre l'Amitié française, il* \[M. Léo­tard\] *est prêt à s'allier aux staliniens,* indique *Présent. On ne l'oubliera pas à Fréjus. *» Le quotidien ajoute que, à l'occasion d'une réunion à Lille, le 23 octobre, M. Madiran a « *analysé la décomposition en chaîne que l'article du* Monde \[du 19 octobre\] *a provoquée parmi les faux amis, les alliés douteux, les agents doubles de la politique *»*.* M. Romain Marie, principal dirigeant des comités Chrétienté-Solidarité -- par ail­leurs président du CNIP pour la région Midi-Pyrénées sous son vrai patronyme, Bernard Antony, -- a « *fait le point de la contre-offensive que les comités mettent sur pied pour dénoncer à l'opinion publique ceux qui changent de camp sur la simple injonction du* Monde ». Au CNIP, en revanche, on indique que pour l'instant les doubles activités de M. Bernard Antony ne font pas encore l'objet de l' « *étude *» annoncée par M. Sergent à propos des faits relatés. Le parti de M. Phi­lippe Malaud paraît pour le moins embarrassé de voir ainsi mises en cause les activités de l'un de ses nouveaux dirigeants les plus dynami­ques, qui écrit notamment, dans le numéro d'octobre du mensuel *Chré­tienté-Solidarité :* « *Au-delà des partis, notre volonté est plus que jamais de rassembler les hommes de patrie. Ni Veil, ni Chirac, ni Barre, ni Giscard. Voilà déjà la volonté commune de beaucoup de militants sin­cères du RPR ou du CNIP qui aspirent à ce qu'un homme véritable­ment de droite vienne un jour diriger leur combat. Le salut national ne passe pas, en effet, par les comités directeurs des partis ni par les direc­tions occultes.* » 71:278 **XI. -- Troisième réponse au Monde** Le Monde trois fois complice ou victime (*Article de Jean Madiran\ dans* Présent *du 29 octobre.*) Pendant huit jours *Le Monde* avait donc laissé croire que les coupables extrémistes de l'Amitié française demeuraient silencieu­sement accablés sous le poids des accusations qu'il nous avait assenées le 19 octobre avec Edwy Plenel. Désormais sans Edwy Plenel, *Le Monde* d'hier vendredi s'aper­çoit que PRÉSENT n'est pas resté sans voix. Il y a un progrès dans la circulation de l'information. Il avait fallu trois ans pour que *Le Monde* se rende compte que la journée annuelle de l'Amitié française faisait « salle comble ». Huit jours seulement, sur un sujet qui lui demande habituellement de si longues circonspections, c'est quasiment de l'improvisation hâtive. D'où trois occlusions, c'est la rançon du progrès. **1. -- **Toujours rien sur l'essentiel, sur l'énorme traquenard où sont tombés les Sergent, les Léotard, les Levaï : avoir attribué à Arnaud de Lassus des phrases qui n'étaient pas de lui, les faire condamner partout à la ronde comme « authentiquement antisé­mites », alors qu'il s'agissait de citations d'auteurs juifs et de publi­cations juives moralement insoupçonnables. Yvan Levaï, Pierre Sergent, François Léotard et la direction de l'UNI attendent sans doute, pour regretter leur méprise et présenter leurs excuses, que *Le Monde* en ait donné l'exemple. 72:278 Bon, c'est entendu, ce n'est pas aussi considérable que le rap­port Fechteler, illustre faux qu'un autre directeur du *Monde,* vic­time ou complice, avait publié en 1952. Mais on va bien voir si *Le Monde* mettra aujourd'hui, pour consentir une explicite mise au point sur la falsification Plenel, un aussi long délai que pour le faux Fechteler. **2. -- **Edwy Plenel lui-même a pour le moment disparu. Il n'a pas signé l'article d'hier. Il n'est plus sur l'affaire. Il est peut-être soudainement parti en vacances. Ou bien il souffre d'une indispo­sition diplomatique. Savait-on au *Monde,* quand il y est entré en 1980, d'où exactement il venait ? Depuis plus d'une semaine il laisse sans réplique ni démenti les accusations publiquement por­tées contre lui. Tout bien pesé, on peut craindre que ce ne soit point par inadvertance qu'il ait monté cette grosse provocation anti-juive constituée par son article falsificateur du 19 octobre, réus­sissant le tour de force de faire réprouver comme ignoblement antisémites les écrits de Juifs qui n'avaient nullement démérité. En tout cas lui-même et la direction du *Monde* doivent au public une explication sur ce point aussi. **3. -- **Nous sommes toujours désignés par *Le Monde* comme un quotidien « d'extrême droite ». C'est un *jugement.* Mais l'*in­formation* toujours omise par M. André Laurens, c'est que nous récusons cette qualification. Nous nions que « Dieu premier servi » et « travail-famille-patrie » soient des positions *extrémistes.* C'est le 20 novembre 1981, avant même notre parution, que *Le Monde* nous a, pour la première fois, dénoncés comme d'extrême droite. C'est dès le 22 novembre 1981, dans notre numéro zéro, que pour la première fois nous y avons opposé nos raisons. *Le Monde* a le droit, si ça lui fait plaisir, de maintenir son *jugement.* Il n'a pas le droit de retenir cette *information.* Mais l'information ne circule vraiment pas vite, dans l'embouteillage de la rue des Italiens. 73:278 **XII. -- La réponse d'André Laurens** Aux accusations portées contre le journaliste suspect Edwy Plenel, le directeur du *Monde* André Laurens répond par une lettre à *Magazine-Hebdo* que celui-ci publie le 4 novembre : « La direction du *Monde* sait parfaitement qui sont les rédacteurs de ce journal et ce qu'elle attend d'eux. Ils incarnent une assez riche diversité avec, toutefois, une carence certaine du côté de l'extrême droite. De tous nos journalistes nous exigeons qu'ils satisfassent aux règles simples de la profession. Ils doivent chercher l'information, en vérifier l'authenticité et la livrer aux lecteurs, si dérangeante qu'elle puisse être pour les pouvoirs en place ou moyens de pression. Quels qu'ils soient. Nous leur fixerions comme limites -- si c'était nécessaire -- de s'inter­dire le procès d'intention, l'amalgame ou, pis, la délation. Mais ce n'est pas nécessaire : ils jouent le jeu correctement. » Donc 1° le directeur du *Monde* ne conteste ni ne dément aucune des accusations portées contre Edwy Plenel (qui lui-même ne dit rien). Il s'agit bien d'un trotskiste venu de la Ligue communiste révolutionnaire. André Laurens sait, accepte, ap­prouve. 2° *Le Monde* se vante d'avoir des rédacteurs de toutes les tendances, à la seule et unique exception de l' « extrême droi­te ». Il accueille volontiers dans sa rédaction les extrémistes de la gauche la plus extrême. Cette dissymétrie fait une bonne définition de son objectivité. 3° La campagne d'automne contre l' « extrémisme » de la droite menée dans *Le Monde* par Alain Rollat et Edwy Plenel a été fondée sur le *procès d'intention,* sur l'*amalgame,* sur la *délation.* André Laurens le sait : il n'emploie pas ces mots au hasard. Lorsque Alain Rollat publie non seulement le métier, ce qui peut à la rigueur se comprendre, mais encore *l'adresse professionnelle* des militants politiques qu'il dénonce comme « extrémistes », c'est une DÉLATION caractérisée dont le résultat est de leur nuire dans leur vie professionnelle et privée. André Laurens entérine. Il a seulement bronché devant le mot *falsifi­cation.* Un oubli ? 74:278 Écrire le 4 novembre 1983 que les rédacteurs du *Monde* n'ont commis ni délation, ni amalgame, ni procès de tendance -- ni falsification ? -- cela revient à couvrir et légitimer les délations, falsifications et amalgames qui ont été commis. Mais spécifions. Ils ont été commis contre l' « extrême droite » (ou supposée telle). Dans ce cas, ils changent de nature. Ils ne sont plus condamnables. Ils sont recommandés. Ils sont la manière adéquate de « jouer le jeu correctement ». André Laurens a ainsi homologué les délations d'Alain Rol­lat ; il a ratifié la falsification d'Edwy Plenel. *Le Monde* est encore descendu d'un cran. 75:278 ### La conférence d'Arnaud de Lassus *Le corps du délit : la conférence prononcée par Arnaud de Lassus à la Mutualité, le 16 octobre 1983, lors de la IV^e^ Journée nationale d'Amitié française. Arnaud de Lassus est bien connu comme ayant été l'un des principaux dirigeants de la* « *Cité catholique* » *et de l'* « *Office international des œuvres de forma­tion civique et d'action doctrinale* (*puis culturelle*) *selon le droit naturel et chrétien* »*. Il est aujourd'hui l'un des animateurs de l'* « *Action familiale et scolaire* »*.* *Sa conférence du 16 octobre, il l'avait entièrement écrite. Il est donc aisé de savoir ce qu'il a dit* (*et ce qu'il n'a pas dit*)*. En voici la reproduction intégrale, conforme à l'enregistrement sonore.* L'objet de mon exposé est de donner quelques indications sur quatre super-puissances -- à la fois spirituelles et temporelles -- qui colonisent la France et dont il faudra bien nous libérer si nous voulons que survive notre patrie. Parmi ces super-puissances figure, évidemment, la franc-maçonnerie. Pour les analyser, je me conten­terai en général de rapporter ce qu'en dit la presse de gauche. Au départ, posons la question : qui gouverne la France ? 76:278 Réponse : le parti socialiste. Et encore ? n'y a-t-il pas derrière la structure d'origine récente du P.S. des forces mieux organisées, plus enracinées dans le passé, pouvant justifier d'une continuité d'action politique à travers plusieurs régimes... forces qui, sans se manifester de façon publicitaire, pourraient constituer, jusqu'à un certain point, l'âme profonde du nouveau régime ? Une inspiration marxiste En réponse à la question posée, on pense d'abord aux commu­nistes représentés dans le gouvernement Mauroy par les ministres Charles Fiterman, Marcel Rigout, Jack Ralite et par le secrétaire d'État Anicet le Pors. Mais les ministres communistes ne sont pas les seuls à véhiculer l'idéologie marxiste au sein du pouvoir. Dans sa présentation du « Programme de gouvernement du parti socia­liste », François Mitterrand n'avait-il pas déclaré en 1972 : « L'ap­port théorique principal qui inspire (le PS) est et reste marxiste » ? On connaît d'ailleurs le tour d'esprit marxiste du CERES auquel appartiennent l'ex-ministre d'État Jean-Pierre Chevènement et l'ac­tuel sous-secrétaire d'État à la défense nationale. N'insistons pas sur cette religion marxiste qui constitue l'une des grandes inspiratrices du pouvoir et attirons plutôt l'attention sur trois autres puissances idéologiques et religieuses dont l'emprise paraît aussi profonde et moins visible : la franc-maçonnerie, le judaïsme et le protestantisme. La présence maçonnique Dans un article intitulé « Franc-maçonnerie -- la République des loges », *L'Express* du 1^er^ juillet 1983 soulignait le retour en force des « frères » francs-maçons sur la scène politique : 77:278 « *Jamais, depuis 1958, ils n'ont été si nombreux dans les allées du pouvoir. Sept ministres, quarante-huit députés, treize sénateurs sont à la fois socialistes et francs-maçons. Viscéralement républi­cains, se situant majoritairement à gauche, les* « *frères *» *occupent depuis le 10 mai 1981 des postes clefs. *» Et *L'Express* de nommer les principaux d'entre eux : « *Au gouvernement* *: Charles Hernu, ministre de la Défense* *; André Labarrère, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement* *; Yvette Roudy, ministre délégué chargé des Droits de la femme* *; Henri Emmanuelli, secrétaire d'État au Budget* *; Geor­ges Lemoine, secrétaire d'État aux Départements et Territoires d'outre-mer* *; Joseph Franceschi, secrétaire d'État à la Sécurité pu­blique* *; Guy Lengagne, secrétaire d'État à la Mer* (*...*)*.* » *Le Monde* du 13 août 1981 avait déjà signalé le « *regain d'in­fluence* (*de la franc-maçonnerie*) » ; il notait que le parti socialiste était « *profondément imprégné d'esprit maçonnique *». Il expli­quait que cette imprégnation résultait « *d'une influence intellec­tuelle et morale qui a façonné les mentalités jusqu'à créer une sorte d'osmose, au point qu'on ne saurait dire aujourd'hui avec précision lequel, du parti socialiste ou du Grand-Orient de France, a investi l'autre *». Commentant cet article du *Monde,* Jacques Ploncard d'Assac montrait que le parti socialiste constituait ainsi « *la face visible d'un pouvoir occulte *» ([^4])*.* L'esprit d'un certain judaïsme A côté de l'inspiration marxiste, à côté de l'investissement maçonnique, une influence judaïque s'exerce incontestablement sur le pouvoir. De façon plus discrète sans doute. Pour l'apprécier à sa juste valeur, nous nous reportons à l'article « Des ministres juifs... » paru dans la *Tribune juive* du 8 juillet 1981. Voici d'après ce journal, le problème qui se pose à l'homme politique juif : 78:278 « *Comment allier la loyauté, l'imagination, le courage, l'effi­cacité au service de la patrie française, à la fidélité au peuple juif, ce petit peuple contestataire dont la vocation est précisément de remettre en question tous les pouvoirs et de lutter pour les Droits de l'Homme* *? Impossible* *?* *Ou plutôt difficile parce que c'est la tâche et la responsabilité* (*...*) *du Juif au pouvoir* (*...*)*.* *Les nouveaux ministres juifs de François Mitterrand, les nom­breux conseillers, chefs de cabinet et très hauts fonctionnaires juifs qui peuplent soudain les allées du pouvoir sont confrontés* (*...*) *à une expérience historique.* » Vous connaissez les ministres juifs du gouvernement Mauroy : -- Robert Badinter, ministre de la justice ; -- Charles Fiterman, ministre des transports ; -- Jacques Lang, ministre délégué à la culture ; On m'a dit qu'il fallait ajouter Laurent Fabius, ministre de l'industrie et de la recherche. Comme on ne prête qu'aux riches, cela doit être vrai. Voici quelques extraits des notices que donne la *Tribune juive* sur les trois premiers d'entre eux : Robert Badinter « (*...*) *Robert Badinter représente pour beaucoup certains des principes fondamentaux du judaïsme* *: la non-violence, l'humanis­me, l'amour du prochain. Son engagement juif est profond.* *Il est membre du Comité directeur du Fonds social juif uni­fié, et vice-président de la Fondation du judaïsme français* (*...*)*. Il appartient aussi à la Licra.* » Charles Fiterman « *Pour l'orphelin juif d'autrefois, dont le père est mort à Auschwitz et la mère a* « *fait des marchés* » *pour faire vivre sa famille, la carrière a commencé dès l'âge de 18 ans lorsqu'il a rejoint les rangs des jeunesses communistes. Fiterman, politique­ment ne variera plus d'un pouce* (*...*)*.* *A partir de 1962 il devient un* « *permanent* » (*du PC*). *Le secrétaire général du PC, Waldeck-Rochet, le nomme directeur du Centre idéologique et de l'École des cadres* (*...*)*. Il est considéré depuis 1978 comme le numéro deux du PC. *» 79:278 Quant à Jack Lang, la *Tribune juive* présente ainsi son rôle passé : « *Le style, le brio et l'esthétique du nouveau socialisme français, c'est Jack Lang qui les a imposés.* » Textes révélateurs. Les hommes politiques et hauts fonction­naires juifs étaient déjà nombreux sous le régime précédent. Sou­dain, « *ils peuplent les allées du pouvoir *». C'est un saut quanti­tatif brusque ! Le problème qui se pose à eux, d'après la *Tribune juive,* est d'allier le service de la patrie française « *à la fidélité au peuple juif *». C'est donc le judaïsme qui inspirera tout ou partie de leur politique. Conformément à quels précédents ? Dans son très beau livre *L'Antisémitisme,* l'historien juif Bernard Lazare expliquait qu'au siècle dernier « *les Juifs sont aux deux pôles de la société contem­poraine. Ils ont été parmi les fondateurs du capitalisme industriel et financier et ils ont protesté avec la véhémence la plus extrême contre ce capital. A Rothschild correspondent Marx et Lassa­le... *» ([^5])*.* Aujourd'hui, où nous voyons assis autour de la même table ministérielle Robert Badinter, gendre du « roi de la publicité » Bleustein-Blanchet, et Charles Fiterman, ancien directeur de l'école des cadres du PC, nous pourrions faire écho à Bernard Lazare en écrivant : à Badinter correspond Fiterman. Correspondance plus étonnante encore que celle de Rothschild et Marx au siècle der­nier, car ceux-ci n'appartinrent jamais à un même ministère ! Le « pouvoir protestant » A l'influence marxiste, à l'influence maçonnique, à l'influence juive dont nous venons de parler, il faut ajouter l'influence pro­testante. 80:278 L'importance politique du protestantisme en France a été remar­quablement mise en évidence hier par Charles Maurras, dans son livre *La Démocratie religieuse* (Nouvelles éditions latines), aujour­d'hui par Robert Beauvais, dans son livre *Nous serons tous des protestants* (Éditions Plon). Il faut lire Maurras et Beauvais si l'on veut comprendre la puissance actuelle du protestantisme sur le plan des idées et sur le plan politique. Voici quelques-uns des personnages appartenant à la société protestante et qui constituent ce que le *Matin-Magazine* appelle « *le pouvoir protestant* » ([^6]) *-- *Gaston Defferre, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation ; -- Michel Rocard, ministre de l'Agriculture ; -- Catherine Lalumière, secrétaire d'État à la Consommation ; -- Georgina Dufoix, secrétaire d'État à la famille, à la popu­lation et aux travailleurs immigrés ; -- Louis Mermaz, président de l'Assemblée nationale ; -- Lionel Jospin, premier secrétaire du parti au pouvoir, le P.S. Aujourd'hui plus encore qu'hier, l'influence protestante cons­titue l'une des composantes essentielles de la politique française. Dans un numéro consacré au « Pouvoir protestant » (6 mars 1983)*,* le *Matin-Magazine* affirmait ceci : « *Depuis longtemps implantés dans les grands corps de l'État* (*...*)*, les protestants ont investi, en douceur, les instances du nou­veau pouvoir.* » Ce n'est pas nous qui le disons Nous voici donc en présence de quatre « pouvoirs spirituels », de quatre groupes de pression, de quatre appareils : marxiste, maçonnique, juif, protestant, dont l'influence s'exerce sur l'État français et que peuvent symboliser les ministres Fiterman, Hernu, Badinter et Rocard. 81:278 Pour caractériser cette influence, nous retiendrons quatre phra­ses-clefs déjà reproduites ci-dessus et qui prennent tout leur poids quand on remarque la qualité de leurs auteurs. Ce n'est pas *nous* mais François Mitterrand qui a écrit : « *L'apport théorique principal qui inspire* (*le PS*) *est et reste mar­xiste.* » Ce n'est pas nous mais *Le Monde* qui affirme : « *On ne saurait dire aujourd'hui avec précision lequel du parti socialiste ou du Grand-Orient de France a investi l'autre. *» Ce n'est pas nous mais la *Tribune juive* qui signale « *les nou­veaux ministres juifs de François Mitterrand, les nombreux conseil­lers, chefs de cabinet et très hauts fonctionnaires juifs qui peu­plent soudain les allées du pouvoir... *» et qui écrit de l'un d'entre eux, Robert Badinter : « *il représente pour beaucoup certains des principes fondamentaux du judaïsme *». Ce n'est pas nous mais le *Matin-Magazine* qui explique que « *les protestants ont investi, en douceur, les instances du nouveau pouvoir* »*.* Ajoutons que ce n'est pas nous, mais Michel Déon dans son livre *Mes arches de Noé* qui considère les tenants du judaïsme et du protestantisme comme « *les deux factions les plus puissantes de la France *» ([^7])*.* Les quatre ou cinq États confédérés Un certain nombre d'entre vous doivent se dire : l'explication qui vient d'être donnée n'est pas autre chose que la thèse maur­rassienne des quatre États confédérés. C'est exactement cela. J'ai cherché à montrer comment l'obser­vation de l'actualité nous conduisait naturellement à un diagnostic très proche de celui que Charles Maurras posait en 1914*.* 82:278 Dans une brochure intitulée *Les quatre ou cinq États confé­dérés* ([^8])*,* Jean Madiran, il y a quatre ans, actualisa la théorie maurrassienne. C'est à cette brochure que je vous renvoie si vous voulez avoir sur le sujet des vues moins sommaires que celles que j'ai pu donner ici. Conclusion Nous avons donc affaire à quatre groupes de pression : le juif, le protestant libéral, le franc-maçon, le communiste qui exercent sur l'État français une influence décisive. Or, l'âme profonde de ces groupes n'est ni catholique ni française. Notre État est colonisé par des forces hostiles à ce qui constitue notre identité religieuse et nationale. C'est là que se situe l'un des principaux malheurs de la patrie. Et c'est par là que s'explique, en bonne partie, le génocide français contre lequel nous luttons. La question-clef qu'il faut poser autour de nous et sur laquelle il faut apporter un minimum d'explications, la voici : Tant que les principes fondamentaux du marxisme, de la franc-maçonnerie, du judaïsme et du protestantisme libéral guideront l'action de notre gouvernement, la France pourra-t-elle être fidèle aux promesses de son baptême ? Question à poser aux nombreux catholiques qui ont voté socia­liste, ne serait-ce que pour les amener à une meilleure appréciation de la réalité. Car c'est toujours de la réalité qu'il faut partir si l'on veut préparer des temps meilleurs. \[Fin de la reproduction intégrale de la confé­rence d'Arnaud de Lassus à la IV^e^ Journée nationale d'Amitié française, le 16 octobre 1883, salle de la Mutualité à Paris.\] 83:278 *Le 23 octobre 1983, prenant la parole à la Journée d'Amitié française de Lille, Arnaud de Lassus* *a analysé la falsification du* « *Monde *» *dont il avait été victime.* *Il a notamment déclaré :* Le journaliste du *Monde* Edwy Plenel a opéré une double fal­sification : 1\. En coupant aux ciseaux dans les textes d'auteurs juifs et leurs très brefs commentaires, en mélangeant le tout, il a donné une synthèse confuse de ce qui était exposé ; et la confusion s'aggrave du fait qu'étaient supprimés des éléments d'explication permettant de comprendre l'enchaînement des idées. 2\. Ignorant délibérément les sources juives que j'avais abon­damment citées ([^9]) (Bernard Lazare et la *Tribune juive*) Edwy Plenel m'a imputé leurs idées et la manière dont elles étaient for­mulées. Il est bien évident que de telles idées ne soulèvent aucun problème quand elles sont exprimées par des auteurs juifs ; mises au compte de non-juifs, elles prennent aussitôt un caractère « anti­sémite » et donc « raciste ». Pourquoi ? Parce que, dans le monde actuel, sont couramment considérés comme « antisémites » (et donc « racistes ») les non-juifs qui portent, sur l'existence et l'extension du pouvoir politique des juifs, le même jugement que les juifs eux-mêmes. Quand, sur cette question, un non-juif cite un auteur juif, il suffit donc, pour convaincre le premier de « racisme », de donner la citation en supprimant la référence. Ce procédé est odieux. Il constitue l'un des éléments du ter­rorisme intellectuel qui prévaut aujourd'hui et auquel sont sensibles un trop grand nombre de personnalités. Terrorisme efficace ; car il place ceux des Français qui ne sont pas juifs devant le dilemme suivant : 84:278 -- ou bien ils prennent en considération la force politique des juifs, élément très important de notre vie politique ([^10]) et ils en parlent : dans ce cas ils sont mis au ban de la société, -- ou bien ils font, sur cette force politique, le silence le plus total ; et dans ce cas ils sont condamnés à ne présenter que des analyses politiques incomplètes, donc manquant de sérieux. Si nous nous laissions enfermer sans protester dans cette alter­native inique, nous serions bientôt réduits à ne plus être, dans notre propre patrie, que des citoyens de seconde zone. \[Fin d'un extrait des déclarations faites par Arnaud de Lassus le 23 octobre 1983 à la Journée d'Amitié française de Lille.\] 85:278 ## CHRONIQUES 86:278 ### Être du côté des pauvres par Gustave Thibon JE PRÉVOIS de graves malentendus, en particulier dans ce qui concerne les problèmes économiques et sociaux. Jean-Paul II répétera-t-il, me dit un ami gauchisant, la phrase-clef d'un de ses discours du Brésil : « l'Église est du côté des pauvres » ? Je réponds qu'il faut ignorer totalement l'histoire du chris­tianisme pour trouver le moindre accent de nouveauté dans ces mots. Écoutons plutôt notre Bossuet résumant la tradition évangélique dans son fameux discours sur « l'éminente dignité des pauvres dans l'Église » : « Jésus-Christ ne voudrait voir dans son Église que ceux qui portent sa marque, que des pauvres, que des indigents, que des affligés, que des misérables. Mais s'il n'y a que des mal­heureux, qui soulagera les malheureux ? Que deviendront les pauvres dont il ressent tous les besoins ? 87:278 Venez donc, Ô riches ! dans son Église ; la porte enfin vous en est ouverte, mais elle vous est ouverte en faveur des pauvres et à condition de les servir. C'est pour l'amour de ses enfants qu'il permet l'entrée à ces étrangers. » Et plus loin : « Dieu donne des assignations aux nécessiteux sur le superflu des opulents ». Pas de plus vigoureux commentaire du « Bienheureux les pauvres » et du « Malheur aux riches » de l'Évangile... -- Votre Bossuet serait donc aujourd'hui du côté des révo­lutionnaires de l'Amérique latine qui luttent pour la libération des pauvres ? suggère mon interlocuteur. C'est précisément ici que germe l'équivoque qui risque de faire du discours chrétien, mal compris et déformé, l'allié objectif du discours révolutionnaire. Marquons les distances : Bossuet vivait à une époque où la question sociale ne se posait pas ; il ne contestait pas la légitimité de la richesse héritée ou acquise, il condamnait seulement son usage égoïste et, s'il prêchait aux riches le devoir absolu de donner, il se gardait bien d'enseigner aux pauvres le droit de prendre. Aucune politisation du débat : tout se passe à l'intérieur de la conscience chrétienne éclairée par la loi divine : le riche est tenu à l'aumône, soit directement, soit par le canal d'œuvres chari­tables, faute de quoi il met en péril son salut éternel. Le révolutionnaire au contraire ne croit à aucune sanction d'outre-tombe : il voit dans les mots d'aumônes et de charité les reliquats dérisoires d'un paternalisme périmé ; c'est de la justice seule qu'il attend le partage des biens matériels, et cette justice, les « nantis », dans leur ensemble, la refuseront tou­jours s'ils n'y sont contraints par la révolte armée d'abord et par la force des lois ensuite. D'où la nécessité de prendre le pouvoir politique par la violence afin d'effacer les injustices économiques. Ce qui pourrait se soutenir dans une perspective exclusive­ment temporelle si la révolution, malgré les désordres qui l'ac­compagnent et la tyrannie qui les suit, améliorait réellement le sort des pauvres. 88:278 Mais qu'en est-il en fait ? La révolution française de 1789 a supprimé quelques abus de l'ancien régime, mais elle a aussi contribué, en arrachant les travailleurs à leurs cadres organiques, à la création du pro­létariat industriel du XIX^e^ siècle, livré sans défense aux impé­ratifs d'une concurrence sauvage qui faisait du travail et de l'ouvrier une marchandise parmi les autres (un des éléments du prix de revient). La révolution russe de 1917, faite au nom de ce même prolétariat, a plongé les peuples dans la pénurie économique assortie d'une extinction de toutes les libertés, sans exemple dans l'histoire. Il en est de même pour la récente révolution portugaise qui a eu au moins l'avantage de se produire sans effusion de sang, mais qui s'est soldée par l'échec économique, en parti­culier dans sa politique de nationalisation et de redistribution des terres. Et de même encore pour le Chili sous le régime d'Allende... Pourquoi cette succession d'échecs ? Tout simplement parce que les révolutionnaires ne voient pas d'autre moyen de soula­ger les pauvres que de s'emparer du pouvoir politique. Ce qui implique un accroissement démesuré des pouvoirs de l'État, avec tout ce que cela comporte de bureaucratie improductive dont la pesanteur, l'anonymat et l'incohérence distendent ou brisent les ressorts normaux de l'économie et tarissent l'esprit d'entreprise et le sens des responsabilités. Résultat : l'appau­vrissement universel, sauf pour les privilégiés du régime, para­sites de la nation. L'exemple des pays de l'Est montre à tous les regards non voilés par la passion idéologique que le chemin de la révolution aboutit à la porte fatale où, suivant le vers célèbre de Dante, les pauvres doivent laisser toute espérance, non seulement de liberté mais de mieux être matériel. 89:278 Que faire alors ? La charité spontanée, individuelle ou sous forme d'œuvres de bienfaisance, a certes encore un rôle à jouer : elle seule permet de détecter et de secourir bien des misères cachées et d'opérer une sélection parmi les déshérités. Elle crée par surcroît un climat de chaleur humaine et de contact frater­nel qu'aucune assistance officielle ne peut remplacer. Mais elle ne saurait suffire à résorber l'ensemble des détresses économi­ques. A supposer qu'une redistribution égalitaire de la fortune de tous les magnats de l'Amérique latine soit possible, quel serait le sort de chaque misérable ? Il faut ajouter que Bossuet vivait dans une époque d'économie statique où la quantité des biens à partager ne variait guère d'une année à l'autre, où une mauvaise récolte suffisait à provoquer disette ou famine -- « Oui, Messieurs, on meurt de faim dans les rues et à la porte de vos châteaux », s'écriait-il devant le roi et sa cour -- et où par conséquent, tout ce que consommaient les riches était enlevé aux pauvres. Nous vivons maintenant sous le signe de l'économie dyna­mique où la multiplication des biens produits permet une plus large participation de tous au progrès matériel. Plus le volume du gâteau augmente, plus grandit la part, même si elle reste inégale, que chacun peut s'y tailler. On l'a bien vu dans les trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale, où le pouvoir d'achat des plus humbles est passé de 1 à 3. C'est pourquoi il importe d'abord de ne rien faire, même sous pré­texte de justice sociale, qui puisse entraver les mécanismes matériels et psychologiques de la productivité. Il reste -- et c'est le cas en Amérique latine -- que la redistribution des biens produits comporte parfois des inégali­tés scandaleuses. Et c'est ici que le pouvoir central peut et doit jouer un rôle essentiel, non en se substituant à l'entreprise pri­vée comme dans le socialisme, mais en imposant de justes règles à la compétition économique. Un rôle d'arbitre et non de joueur, qui se traduirait par l'instauration et l'application d'un code du marché imposant l'adaptation des salaires à la productivité et réprimant la concurrence déloyale issue des pays à bas salaires ou des monopoles. En bref, le politique contrôlant l'économi­que sans le résorber. 90:278 La meilleure image est celle du Code de la route. L'auto­mobiliste, à condition de respecter quelques règles de la circu­lation, va où il veut et sur la route qu'il préfère. Tandis que dans le totalitarisme d'État, c'est le pouvoir central qui tient le volant et fixe lui-même l'itinéraire et le but. Il n'est pas question de revenir au libéralisme sauvage du siècle dernier qui fut celui « du renard libre dans le poulailler libre ». L'amélioration du sort des pauvres dépend aujourd'hui du choix que feront les nations entre un libéralisme contrôlé qui, en multipliant les biens, harmonise les inégalités et la fail­lite économique où, sous le pavillon trompeur de l'égalité, conduit la révolution. Gustave Thibon. 91:278 ### La vie et la mort par Michel de Saint Pierre ENFANT, j'ai pris parfois des risques fous, mettant ma peau en gage parce qu'elle me semblait ce que j'avais de plus précieux à donner. Certes, j'ignorais encore la phrase du philosophe : « Ce que l'homme a de plus profond, c'est sa peau. » Mais j'étais conscient de la valeur de la mise, du prix de l'enjeu. Divers incidents ou même accidents sanctionnèrent ces imprudences, sans pour autant me mettre le frein. En par­ticulier, vers l'âge de quinze ou seize ans, je me suis nové -- il a fallu près de deux heures à un spécialiste du sauvetage pour me ramener à la vie -- et j'ai touché des deux mains la rive d'ombre. Une autre fois, je suis tombé d'un rocher. Je me suis battu durement, avec des gamins qui possédaient toute la férocité de l'enfance et toute la sauvagerie de la rue. J'en passe. Et tout cela, pour quoi ? Je pense, encore une fois, qu'il s'agissait de jeter sur le tapis vert de la vie la totalité de mes plaques. Mais je ne suis pas certain d'aller jusqu'au fond de mon propre secret -- car toute enfance, y compris la mienne, reste un mystère à mes yeux. 92:278 Plus tard, lors du 6 février 1934, j'avais dix-huit ans -- et je me suis lancé dans ce Paris frémissant que martelaient les pieds fiévreux de plusieurs millions d'hommes. Un spectacle dont les manifestations vues depuis lors ne peuvent donner qu'une bien faible idée. Pour la première fois, j'ai entendu les mitrailleuses en action, avec leur rire de tête de mort. Mais si la mort elle-même était au rendez-vous, du moins sut-elle res­ter relativement discrète. En tout état de cause, je pris contact ce jour-là -- et durant les journées qui suivirent -- avec un élément prodigieux et nouveau : la peur animant une foule. Et puis, ma jeunesse se poursuivit assez durement à l'usine comme ouvrier, à bord d'un croiseur comme matelot, et déjà nous entendions le bruit de marée que fait la guerre en appro­chant. Ce bruit, il faut le dire, nous glaçait les moelles. Je me souviens que souvent, mes camarades et moi, et certains de nos aînés, nous écoutions la voix inintelligible d'Adolphe Hitler (nous ne savions pas l'allemand) rugir ses menaces, puis s'ar­rêter soudain dans son égosillement, comme le cri d'un pendu à bout de corde. La menace, aucun homme ne l'a incarnée autant que lui. Il a étendu son ombre maléfique sur toute une jeunesse européenne -- et sur la nôtre. C'est alors que l'idée de la mort, qui ne m'avait jamais quitté depuis l'enfance, me devint vraiment familière. J'ai vécu pendant des années avec la certitude absolue que je mourrais jeune, très jeune, et que je ne verrais mûrir aucun des soleils de la vie. Triste jeunesse que celle-là ? Non pas. Ma jeunesse fut aussi éclatante que celle des autres, et comme les autres, j'attendais la guerre, divisé cruellement par des sentiments divers : attrait du danger, peur de ne pas vivre assez longtemps pour être comblé. Ce fut la guerre. J'eus la chance de me trouver à bord d'un superbe navire de combat, le croiseur Foch, qui fit du bon tra­vail en Méditerranée. Et je dois dire que la proximité de cette mort que j'attendais me rendait le moindre repas meilleur, le moindre plaisir plus âpre et plus vif, la moindre goulée d'air plus pure. Comme la flotte française ne remportait que des succès, la défaite nous surprit de plein fouet, telle une gifle que nous n'avions pas vue venir -- bien que nous eussions écouté une radio qui d'ailleurs nous mentit aussi longtemps qu'elle le put. Un être jeune est plus complexe qu'un autre -- et dans ces heures amères et graves, nous fûmes encore divisés contre nous-mêmes : étonnés d'être battus, stupéfaits d'être vivants -- tristes à mourir de rengainer l'épée, mais heureux de vivre à en éclater. 93:278 Les années passèrent -- les tribulations de la Résistance s'imposèrent à nous avec une violence, une possession de nous-mêmes que je n'avais pas imaginées. Les risques étaient toujours là, que nous refusions de mesurer à leur juste valeur, et nous opérions, j'ose le dire, dans une sorte de tension sereine : séré­nité parce que le jeu de mort nous amusait, tension parce que la France avait besoin du moindre d'entre nous. A ce degré, le compagnonnage avec la mort me devint plus léger, vraiment facile, jusqu'au point de rupture que j'ai frôlé sans doute, moi aussi. Ce que je sais, c'est que rendus à la vie normale -- ce « vide de la paix » dont parlait Napoléon -- plusieurs d'entre nous se sentirent brusquement frustrés. Il manquait assez mystérieusement quelque chose à notre vie. Or tandis que les années s'écoulaient, le succès littéraire me venait -- lentement, il est vrai, jusqu'au fracas des « Aristocrates ». Heureux dans ma famille, heureux dans mon travail malgré ses rigueurs, dispo­sant d'une bonne quantité de globules rouges, j'éprouvais cepen­dant un sentiment étrange, comme si je ne sais quelle amie m'eût quitté. Je ne savais pas de qui, de quoi il s'agissait, mais je ressentais en moi cette nostalgie bizarre que j'attribuais, sans pousser l'analyse, à mon quart de sang breton. Puis un jour, Jean Paulhan -- il devait devenir mon amical et sévère biogra­phe -- me vit, affirme-t-il, traverser en zig-zag la place de la Concorde au milieu des voitures, « prenant des risques insen­sés, idiots ! » Ainsi admonesté par ce rude censeur qu'est par­fois Paulhan, je voulus réfléchir une bonne fois pour toutes à mon cas -- et je sus enfin que l'amie qui me manquait, celle qui m'avait si longtemps tenu compagnie et dont je ne sentais plus le frôlement, dont je n'entendais plus le souffle, c'était la mort. \*\*\* A présent, je suis déjà de l'autre côté de la colline. Je des­cends avec lenteur, mais je descends. Et je le fais sans crainte, considérant d'en haut ce qui, en bas, m'attend. J'ai vu mourir bien des gens, et ce n'est pas la mort que je crains, de même qu'elle ne me manque plus, puisque je sais qu'elle m'attend. Je voulais mourir comblé. Quoi qu'il arrive désormais, ce sera fait. 94:278 Nous avons vu s'écrouler des pans d'empires entiers, de mauvais génies et de beaux rêves nous ont secoués, pêle-mêle ; notre jeunesse a été abreuvée de rigueurs ; notre maturité a été assaillie de joies -- puis la perte de l'Algérie française, la mort de personnes qui m'étaient chères, la découverte des faux amis, des jalousies, des cupidités et des bassesses, furent autant de trous où je tombais, d'où je ressortais ruisselant de colère et de peine. Mais à travers tout cela, les hautes joies d'un métier qui est un art, d'un art qui est un métier, les bonheurs familiaux dont je me suis rassasié, ont achevé de remplir ma vie. Comblé de joie, comblé de peine. Et ce n'est pas fini. J'ai l'intuition que mon rôle n'est pas achevé, que l'essentiel, peut-être, me reste encore à dire -- que la vie m'attend aussi avidement que la mort -- et ce n'est pas la mort que je choisis. \*\*\* D'ailleurs, je ne la choisirai jamais. Mais il reste que je crains la déchéance physique plus que tout en ce monde, et j'aimerais connaître une vieillesse sereine. Puisque, malgré les risques courus, j'ai encore la chance de vivre à soixante-sept ans, puisque j'ai finalement ramené dans mon cœur tout ce que j'aime à sa source qui est Dieu ; puisque j'aime le pain que je mange et l'air que je respire, je voudrais décidément que cela dure et je voudrais que mon art, mon œuvre, ma vie s'achèvent au milieu des miens, sans qu'un jour j'aie cessé de prier, sans qu'un jour j'aie cessé d'aimer, sans qu'un jour j'aie cessé de tenir la plume. Un théosophe anglais, cité avec faveur par Edgar Allan Poe, disait : « L'homme ne cède aux anges et ne se rend entiè­rement à la mort que par l'infirmité de sa propre volonté. » Pour un chrétien, la mort n'est qu'un commencement. Pour un vivant, elle reste une métamorphose impressionnante. Quant à moi, il n'est pas question de savoir si, avant de m'endormir, je vais céder aux anges et me rendre à la mort. Obscurément, je sens qu'il n'y a qu'une résignation qui vaille : celle de la Croix. Et si j'ai peur de souffrir, et si je n'ai pas peur de mourir, il me reste à vouloir au plus profond de moi-même qu'une autre Volonté soit faite. Michel de Saint Pierre. 95:278 ### Ruminations de couloirs *sur les affiches de "La Croix"* par Georges Laffly LE QUOTIDIEN *La Croix* a lancé en octobre une campagne de publicité qu'ont pu voir tous ceux qui ont l'habitude du métro à Paris. Elle était fondée sur trois affiches dont le slogan commun était : « *Le quotidien des valeurs en hausse *»*.* Ce langage boursier est un peu déroutant. Les VALEURS*,* au sens PHILOSOPHIQUE*,* peuvent-elles ainsi monter ou descen­dre, être exaltées ou dépréciées ? On l'admet souvent. Mon­therlant écrit (avec ironie) : « j'adore lorsqu'on me dit que je travaille sur des valeurs périmées ». Lévi-Strauss, faisant son éloge à l'Académie, sembla dire que c'était bien le cas. De les voir ainsi variables, cela ne valorise pas les valeurs, si j'ose dire. On les imaginait immuables, souveraines. De fait, elles ne peuvent monter ou descendre que dans l'opinion, et on connaît la qualité du jugement de l'opinion. 96:278 Ces valeurs en hausse, celles sur lesquelles s'appuie *La Croix* (ou qu'elle défend ?) sont l'amour, la liberté, la vérité, chacune étant illustrée sur son affiche par une photo symbo­lique. L'amour : photo de la mère Theresa, à Calcutta, embras­sant un bambin. La liberté : photo de Lech Walesa. La vérité curieusement, la photo montre une jeune femme qui court ; elle semble franchir une ligne d'arrivée. Cela doit signifier que la vérité va vite, l'erreur étant le fait des traînards, des arrié­rés, des dépassés. Voilà la vérité assimilée à la jeunesse, à la rapidité, à la victoire. Que la vérité doive finir par l'emporter sur l'erreur, on aime à le croire. Mais ce n'est pas cela qui est suggéré ici. L'image de la jeunesse incite à penser que la vérité n'est pas une chose très ancienne ; d'une sportive, que cette vérité n'est pas immobile ; d'une victorieuse, que la vérité, c'est ce qui gagne. Tout au contraire de la vérité qui finit par s'imposer, c'est ce qui s'impose qui est la vérité. Ces ruminations de couloir (à la Motte-Picquet en particu­lier, où ils sont longs) me menaient à penser à d'autres trilo­gies. Celle des vertus théologales, dont une seule semble retenue ici, l'amour (encore que « la charité ne soit pas l'amour » ainsi que le remarque un personnage de *Malatesta --* décidé­ment Montherlant ne me lâche pas). Celle de la devise de nos républiques : ici de même *La Croix* retient un des termes, liberté. On peut voir dans ces choix le souci de composer les références à des traditions bien différentes : un rappel des vertus théologales, un rappel de la devise républicaine. Pour la vérité, c'est autre chose. On n'a plus envie de plaisanter quand on pense que par son titre, ce journal se réfère à Celui qui a dit : « Je suis la Vérité, la Voie, la Vie », mais que ses affiches ne renvoient qu'à une vérité de catégorie bien infé­rieure, et peut-être même, on peut le soupçonner, à quelque notion qui n'a avec le vrai qu'un rapport hasardeux : la vérité de l'opinion, la vérité conforme au désir et au conformisme du moment, c'est-à-dire quelque chose de fugace, de fragile, et le plus souvent de menteur. 97:278 En quoi ces valeurs sont-elles en hausse ? Autre question. Cela veut-il dire qu'hier on n'estimait ni l'amour (charité), ni la vérité, ni la liberté -- ? Ce serait tout à fait dans la manière de notre temps, qui marche appuyé sur l'ignorance et la pré­somption. Hier, régnaient la haine, l'oppression et l'erreur, aujourd'hui, renversement, révolution, c'est le contraire. Vue historique digne des Bandar-Log (intéressante tribu de singes qu'on trouvera dans *Le livre de la jungle*)*.* A mon sens (je vais voler au secours de *La Croix*) ces valeurs sont en hausse parce qu'elles sont plus lointaines que jamais. Dans un milieu où la teneur en oxygène est normale, personne ne pense à ce gaz, nécessaire à notre vie. S'il com­mence à manquer, nous serons tout prêts à l'apprécier à sa juste valeur (et donc à le placer en hausse) avant de tomber dans l'asphyxie et la mort. Semblablement, aujourd'hui, on a besoin plus que jamais d'amour (et l'illustration l'éclaire : à Calcutta, c'est l'accoutumance, l'indifférence à la misère qui domine) et de liberté (là aussi : Walesa le sent encore mieux que nous). Et la vérité ? L'image de la jeune sportive n'expli­que rien. A moins que dans sa course, elle fuie le journal *La Croix.* \*\*\* On peut se demander quels sont les rapports entre sym­boles, allégories et affiches ou vignettes publicitaires, trois cas où une image est liée à un sens. L'image symbolique, en général simple (la croix, juste­ment, l'étoile, le triangle, le lys) exprime plusieurs significa­tions, et même des significations inépuisables. C'est qu'elle s'adresse, au-delà de la raison, a ce qu'il y a de plus intime dans l'homme, à cette zone où ses relations avec le monde ne sont pas définissables clairement, et ces images fondamentales sont chargées de sens et d'émotion. L'allégorie règne dans les siècles raisonnables. Là l'image se complique, justement parce qu'on est dans le domaine du rationnel, et que la communication veut être claire, univoque. Leur intérêt est faible, et ne peut grandir que lorsque le sens de l'allégorie est perdu. Alors l'image devient mystérieuse, attirante parce qu'on en a perdu la clé, à nouveau plate si on retrouve l'intention première qui a fait grouper dans la compo­sition des jeunes femmes aux attributs bizarres. 98:278 L'image publicitaire ne vise pas à être rationnelle. Mais au contraire du symbole, sa signification n'est pas inépuisable il faut qu'elle serve un produit (parti, homme, objet). Elle s'attache à mettre des significations symboliques au service de ce produit, à aiguiller du symbole au produit la capacité d'émo­tion du spectateur. Par exemple ici : une femme et un enfant, symbole de l'amour maternel. Mais ce n'est pas n'importe quelle mère (et même, elle ne l'est pas au sens biologique), c'est une religieuse catholique célèbre. Il est normal que *La Croix* s'en réclame. Walesa lui aussi est catholique, mais je ne sais pas dans quelle mesure il est honnête que *La Croix* se l'approprie. J'ai comme l'idée que Walesa, s'il lisait les jour­naux français, n'aurait pas une grande confiance dans celui-là. Quant à la jeune athlète, on voit bien qu'elle vise à insinuer que *La Croix,* c'est la jeunesse, et la jeunesse triomphante. Mais là le rapport, dès qu'il est rationalisé, devient fortement douteux. Il faut donc dire que nous avons l'exemple d'un point particulier où l'affiche n'est pas du même ordre que le sym­bole. C'est que, justement, elle peut l'utiliser, procéder à une captation de la force symbolique. Ici, l'image met au service d'un journal un lot de significations très heureuses, très appréciées, mais qui n'ont avec lui qu'un rapport arbitraire. L'affi­che essaie de créer une association d'idées entre le journal *La Croix* et le symbole de la jeunesse et de la victoire. Il n'y a aucune nécessité dans ce rapprochement. Georges Laffly. 99:278 ### Aspects de l'œuvre de Jean Biès par Jacques Vier JE NE ME RECONNAIS PAS le droit ni la compétence de faire le tour complet de l'œuvre considérable et variée de Jean Biès. Poète, métaphysicien, hindouiste, historien littéraire, les hauteurs qu'il a coutume de fréquenter raréfient le cortège d'amis à qui viendrait l'envie de le suivre. L'origine de notre rencontre tint, il y a une douzaine d'années, à une invitation que m'adressèrent mes collègues de l'Université de Toulouse-le Mirail, qui souhaitaient me voir participer au jury devant lequel il devait soutenir sa thèse de doctorat d'État : *Littérature française et pensée hindoue.* J'eus même l'honneur, au bénéfice de l'âge, de présider les débats. Cette thèse aurait pu avoir à l'égard des traditions qui régnaient et, peut-être, règnent encore dans l'Université le sens d'une provocation, fort étranger du reste au maître qu'il s'était choisi ([^11]), aujourd'hui disparu, ainsi qu'au jury. Certes, une thèse de doctorat n'est pas estimée au nombre de pages, mais l'on conviendra que sur un aussi vaste et complexe sujet que celui de Jean Biès, auquel personne, en France, n'avait donné pareille extension, il y avait de quoi effa­roucher les doctes du temps peu enclins aux larges synthèses. 100:278 Or le regretté André Lebois, non content d'approuver et d'en­courager le projet de son candidat, ne pouvait, par l'exemple de sa propre bibliographie, que lui insuffler le goût des prospec­tions littéraires les plus étendues. Je partageais cette curiosité-là et, me plongeant dans ce volume de près de sept cents pages, je fis dans l'Inde d'abord, sans quitter mon bureau, un premier et unique voyage, quitte à retrouver en France la familiarité d'espaces et d'époques mieux connus. A peine quadragénaire, Jean Biès ([^12]), qui avait ajouté à son premier recueil de vers ([^13]) un livre solide sur un écrivain contemporain, difficile entre tous, *René Daumal* ([^14])*,* puis le récit de son séjour au mont Athos ([^15]), sans oublier une biographie d'*Empédocle* ([^16])*,* assor­tie du commentaire des vers qui nous restent de lui et qui offrait tout un panorama de la philosophie présocratique, sortait évidemment par le haut du quotidien des soutenances de thèse. Or cela joua contre lui. J'ai quelque scrupule à le dire, l'Uni­versité, même celle qui refuse le chaos et qui garde les tradi­tions, ne souhaite pas que ses candidats au doctorat s'affran­chissent trop tôt du noviciat. La chaire d'enseignement supérieur que Jean Biès, au lendemain d'une soutenance où il fut proclamé docteur ès lettres avec la mention la plus élevée et les félicita­tions du jury, eût dû obtenir ne lui fut pas et ne lui est tou­jours pas accordée. Il prit noblement sa revanche en publiant de nouveaux recueils de poèmes ([^17]), et, il n'y a pas longtemps, ces *Passeports pour un monde nouveau* ([^18]) où il reprend l'un de ses sujets préférés, celui de la décomposition du monde occi­dental, d'abord due, selon lui, à la méconnaissance des plus hautes et des plus vénérables traditions de l'Inde et de l'Orient. Ce Pyrénéen a l'habitude des sommets. 101:278 Que dans son for intime, toujours discrètement exprimé, Jean Biès soit convaincu que la Grèce et Rome ont un peu trop prévalu dans la formation et la diffusion de notre humanisme, je n'en disconviendrais pas. Mais s'il admire et met à profit les grands hindouisants de notre temps, il a prouvé, par l'un de ses premiers ouvrages, qu'il savait l'emplacement des sources de la sagesse de l'Hellade. L'un de ses premiers livres fut, en effet, je l'ai dit, consacré à *Empédocle d'Agrigente* dont il traduisit les fragments qui subsistent du *Traité de la nature* et des *Purifications,* avec la précision, la densité et la profondeur que donnent seules la pra­tique du vers jointe à la puissance de la pensée. Visiblement, le personnage lui en impose et non pas seulement parce que l'on voyait en lui le thaumaturge, le médecin et le favori des Muses, mais aussi le contemplateur de l'éblouissement du mon­de, capable, par son verbe, -- il fut le maître de Gorgias, -- de communiquer et de faire partager sa vision. Sur le terrain facile et très souvent arpenté des erreurs de ces vénérables, Jean Biès nous épargne les poncifs et ne craint pas de faire entendre qu'à travers le sensible, où bien des choses, de nos jours, passent pour ne point exister, ils savaient s'élever jus­qu'aux symboles. L'âme humaine, Empédocle la pressent surtout dans une ascension dramatique vers l'Être, puisque l'Amour et la Haine y sont en perpétuel conflit. Vision équilibrée, d'origine pythagoricienne, de l'harmonie des choses avec tout ce qui avi­lit et rabaisse. Du corps, en passant par le principe psychique, il est possible d'atteindre jusqu'au principe spirituel. Bien entendu Jean Biès ne se fait pas faute de découvrir les princi­pes correspondants à travers le *Bhagavad-Gîtâ.* La multiplica­tion incessante de l'Un, l'unification incessante de la Multiplicité lui inspirent des visions poétiques de l'Espace et du Temps qui le font contemporain de l'époque où le désir de comprendre l'Âme du monde tourmentait les hauts esprits. D'Empédocle, Aristote tient la communication de la cause efficiente, du « mo­teur » qui n'est pas mû. Une conviction que l'on oserait appeler pré-manichéenne et qui a déjà pleine conscience du *Kali­yuga* ([^19]) maintient dans le monde d'Empédocle (*Sphaïros*) la continuelle effervescence de la métempsycose. Laquelle suscite en Jean Biès, en même temps qu'un profond commentateur, un authentique poète. Le Sage d'Agrigente, plus ou moins rattaché par Nietzsche à un romantisme de mauvais aloi, prêta même par sa mort au vaudeville, puisqu'il est admis que l'Etna, dans le cratère duquel il s'était précipité, lui joua le tour de rejeter l'une de ses sandales, ce qui empêcha de croire à un trépas digne d'un dieu. 102:278 Victoire de l'âme sur le corps, afin d'être délivrée de tout risque de réincarnation et parvenue au faîte de la félicité ? Les deux hypothèses, celle d'un ravissement céleste ou de la crémation volcanique ne sont pas forcément contra­dictoires. Mais allant plus loin, tenant compte du phénomène de l'insularité, la Sicile devenant un centre spirituel d'où surgit la montagne sacrée, Jean Biès peut parler de « rupture de plan » et de passage d'un mortel dans le monde des dieux. Bien des siècles après, sur son lit de mort, un grand chrétien comme Ernest Hello, disait qu'il remontait au Principe. Il fallait insister sur ce livre pour qu'apparût la solidité des assises de la pensée de Jean Biès avant tout soucieux de combattre la dissonance trop longtemps maintenue entre l'Europe et l'Asie. La philosophie présocratique, par l'exemple d'Empédocle, lui permit de rétablir l'accord. Il est vrai qu'avant son périple grec, il avait fait, en 1963, en gravissant les pentes de l'Athos un premier pèlerinage à d'autres sources, trop peu ou trop mal connues, celles de l'Orthodoxie. Dix-sept ans plus tard, en 1980, il compléta son premier récit au point d'en tirer un livre essentiel, celui d'une ascension où souffle l'Esprit, à travers les splendeurs d'une nature pourtant difficile à vaincre mais dont les secrets conquis irradient le spirituel jusque dans l'épuisement des corps. Le paysage déjà monacal, dans l'âpreté de ses abrupts ou le charme de ses ombrages, semble réserver l'illusion au jour et la vraie vie à la nuit, car les rêves des pèlerins endormis y sont saturés d'hymnes et de cantiques, ou, s'il leur arrive de coucher à la belle étoile, c'est dans l'ombre « auguste et solennelle » où Victor Hugo fait sommeiller Booz. Dès la préface, l'auteur nuance le sens d'une ferveur que les purs Latins, même s'ils en venaient à la discuter, le feraient de telle sorte que la controverse n'empêchât jamais l'hommage. « L'inspiration dépasse la canonicité, les limites visibles de l'institution ecclésiale ; l'Esprit Saint, dans son incontestable liberté, n'est lié à aucune structure, le Christ Lui-même n'a-t-Il pas enseigné qu'il en serait de sauvés venant d'Orient et d'Occident, sans qu'il soit précisé de restreindre ce salut au bassin méditerranéen. » La quête de Dieu nourrit les péripéties d'un voyage qui, à travers le vénérable éclat d'une liturgie surpre­nante pour un Occidental d'aujourd'hui, de plus en plus éloi­gné jusque dans ses propres sanctuaires de la Présence divine, se découvre dans le mystère du cérémonial. Lequel, à l'abri de l'iconostase, engendre tout ensemble le respect, l'adoration et l'amour. 103:278 L'abondance des reliquaires et des icônes semble déjà anticiper sur l'Église triomphante. Au fil de leur séjour, Jean Biès et son ami Toussaint vont obtenir la révélation progressive de la théologie orthodoxe. Ils apprendront qu'au mont Athos, l'homme-Jésus s'efface devant l'hypostase du Fils, selon l'ensei­gnement pictural. Des visages de la Vierge attribués à Luc, descendraient ceux d'aujourd'hui, représentations diverses de la Mère divine, compatissante ou redoutable ; ce dernier aspect inconnu du monde occidental, dit Jean Biès, encore qu'il n'ait pas été ignoré de Léon Bloy, contribue plus que la grâce des Madones à l'universalité cosmique de la *Théotokos.* Ce sont, en effet, de fort belles pages sur l'Icône qui condui­sent au cœur du livre, où, au cours de plusieurs entretiens, sera approfondie la théologie de l'orthodoxie. Selon l'esthétique de l'Icône, toutes les apparences sont calculées pour faire pressen­tir une nature sauvée, autrement dit l'entrée dans le monde intelligible où la paix intérieure efface tout mouvement, où l'or pénètre toutes choses, où le style hiératique provient de l'humi­lité de l'artiste ; ainsi la contemplation dispose-t-elle l'âme aux plus hautes nourritures spirituelles. Ces images visibles, vraies fenêtres qui ouvrent sur l'Absolu, annoncent à l'homme le visage qui était le sien avant la chute et anticipent sur l'élec­tion de la Jérusalem céleste. Par la transformation du spectacle en vision, elle sanctifie la vue de qui la regarde et elle exerce le double magistère de purification et d'illumination. Ignorant de ce qu'il a perdu, c'est-à-dire le sens de l'Incarnation, l'Occi­dent s'ébroue dans l'art abstrait et devient comme un enfer glacé où le Christ ne serait jamais descendu. Le grand archevêque de Thessalonique (1296-1359) Grégoire Palamas, inaugure l'enseignement doctrinal, reçu par les pèle­rins de l'Athos, de la bouche d'un jeune laïc, Eréontidis, étu­diant en théologie « fleur de grécité ». Auparavant, un vieux maître de musique, Pater Michaelis, leur avait révélé les secrets du chant orthodoxe, toujours « a capella » et sans le secours des instruments, Dieu ayant dit au prophète Amos qu'Il ne voulait pas du son des harpes. Sans trop s'attarder sur les rapports que l'orthodoxie peut nourrir avec l'Islam et avec la doctrine des hésychastes ([^20]), Jean Biès décrit comment se pré­parent les pèlerins à la cérémonie de la Transfiguration qui, dans les nocturnes suavités de la chapelle, les conduit à la révélation de l'Athos lui-même et au sens profond de la sainte montagne « source de sagesse, rassemblement de pierres vives, où la robe du Christ ne préfigurait rien d'autre que l'entrée de la matière dans le royaume de Dieu ». 104:278 Tandis que le monde d'aujourd'hui, dans sa bestialité irrémédiable, dilate ses pupil­les sans voir le jour, n'ouvre la bouche que pour éructer des blasphèmes, et ferme ses oreilles aux vibrations du subtil, en tout devenu semblable aux impotentes idoles de l'*In exitu Israel,* les spirituels de l'orthodoxie, le corps victorieux de l'al­titude, l'âme concentrée sur le divin, ruissellent de lumière paradisiaque. Une telle ascèse permet l'illumination de la conscience, et ses ondes se déroulent dans la joie du Ressuscité plus que dans la douleur du Crucifié. Tous les monastères de l'Athos préparent l'entrée du Roi du monde et, dans leur architecture sacrée, tous les chœurs d'église surnaturalisent la terre en forme de théâtre, où célébrants, prêtres et diacres veillent et surveil­lent dans la bienheureuse attente. Il fallait, en tout cas, faire provision de force et de joie pour affronter l'énergie et même la rudesse du Père Cyrille. Lequel ne cèlera rien des vrais responsables, selon lui, du schisme néfaste. Jean Biès reproduit la conversation avec une intrépide sincérité, et l'on aurait mauvaise grâce à lui repro­cher sa sympathie pour ses hôtes. J'estime avoir le droit de flétrir un schisme condamné par l'Église catholique, apostoli­que et romaine sans pour autant ne pas tomber d'accord avec le Père Cyrille et ses auditeurs sur l'abomination du *kali-yuga* auquel Jean Biès, je l'ai dit, consacre presque tout son dernier livre. C'est dire que nous n'épiloguerons pas sur le *Filioque,* ni sur l'éloge du patriarche Photios, encore moins sur les res­ponsabilités accumulées par « l'autocratie » du Saint-Siège. Jean Biès n'a pas à nous dire si le Père Cyrille l'a ou non converti ; nous avons mieux à faire, car, en dehors des divergences essen­tielles, nos rencontres sont loin d'être négligeables. Aux exi­gences d'adaptation de l'Église aux convenances du monde, -- et quel monde ! -- une seule réponse s'impose : celle d'un refus formel. L'œcuménisme tel qu'il est compris de nos jours, et le Père Cyrille n'y va pas de main morte, c'est la *panhérésie.* De toutes ses forces, il réprouve le *dialogue,* vocable que l'es­prit postconciliaire a fini par priver de sens, et pourquoi, en remplaçant un seul mot, capital, il est vrai, ne ferions-nous pas nôtre la profession de foi suivante : « L'Église *catholique* ([^21]) n'est pas un club de penseurs, de sociologues, de philologues, de faux prophètes éloquents et séducteurs. 105:278 Elle est l'Arche de la foi, battue sans relâche par les vents de l'apostasie. » Et elle traîne elle aussi toute une ménagerie de serpents à têtes de colombe, de crocodiles à plumes de paon ! Pour l'une comme pour l'autre Église l'ennemi a même identité et c'est l'Apoca­lypse qui leur fournit le nom de la Bête : l'arianisme. Que la sincérité et l'énergie de ce *Credo* nous fasse réfléchir sur le nôtre, j'en tombe d'accord avec Jean Biès, mais est-il défendu d'espérer surnaturellement dans le retour du fils prodigue, sur­tout quand les barbelés des pays de l'Est lui interdisent, de nos jours, de se soustraire au voisinage des porcs ? Moine hésychaste et gyrovague, Athanasios fait un moment route avec les pèlerins dans la descente de l'Athos. Il les conduit de l'histoire de l'Église à la plus dense spiritualité ; il leur enseigne à contenir en eux l'Eucharistie par la répétition constante, contrôlée du Nom divin, « véritable manducation morale » et aussi que le *cœur* est le trône de l'Intellect, le *noûs* ([^22]) notre être véritable. Dans un univers réduit par hypo­thèse à un *goulag* planétaire, la prière du cœur pourrait tenir lieu d'Église. En attendant, et dans les cathédrales qui subsis­tent, c'est surtout un Christ en majesté qui est supplié, adoré, glorifié à travers le mystère trinitaire. Le plus étonnant et le plus permanent miracle de cette terre des merveilles, n'hésite pas à dire Jean Biès, c'est la prière *monologistique.* Révélation nouvelle encore, quand nos pèlerins obtiennent de rencontrer l'ermite Nikon. Retranchés même de ceux qui se sont déjà séparés du monde, ces solitaires, hôtes des cavernes, sont à ce point reliés au monde qu'ils ont fui, qu'ils en sentent jusque dans leur chair venir la fin, grâce à la conquête de l'es­prit de révélation que l'isolement même leur a permis. Car l'érémitisme, instrument privilégié de la communion des hom­mes et de leur unité, fournit la réponse au plus insidieux des pièges sataniques qui consiste à faire basculer l'humanité dans l'autodivinisation alors que l'épanouissement en Dieu de la condition humaine remet à leur place, la dernière, les choses de la terre. Du fond de sa cellule, l'anachorète tranche d'un seul coup toutes les têtes de l'hydre au goût du jour, que l'en­fer, plus que jamais créateur de modes, nourrit pour la perte des hommes. C'est dans les monastères, les cavernes, les déserts pierreux de l'Athos que s'élabore le *Théandrisme.* L'interpré­tation de l'histoire des Sept dormants, les sept sages qui ne dormaient pas puisque leur cœur veillait, termine le livre. 106:278 Je n'ai pas à me prononcer sur les convergences des pentes de l'Athos et des rives du Gange que Jean Biès ne signale qu'avec la prudence d'une culture fort étendue, ni introduire ici la sévérité sourcilleuse du théologien attentif à toute appro­bation plus ou moins implicite du schisme. Une chose est cer­taine : la science de l'auteur et la profondeur de sa vie inté­rieure l'éloignent du fléau syncrétique et le qualifient pour demeurer, qu'on le rejoigne ou qu'on le conteste, ce qu'il sou­haite avant tout devenir : un éveilleur d'âmes. \*\*\* L'œuvre de Jean Biès, prose et vers, gravite autour d'un soleil central. Il ne s'est pas contenté de composer des poèmes, des récits de voyage, des essais philosophiques. Il a voulu exprimer sa fréquentation assidue, sa scrupuleuse connaissance de l'Inde colossale et complexe, telle que l'Occident et surtout la France l'ont comprise et s'en sont plus ou moins nourris. Il fallait reprendre de haut l'histoire de la pensée et de la lit­térature françaises et découvrir les liens inconnus, subtils, tantôt resserrés, tantôt relâchés, les actes de foi et les désillusions, en somme tout ce qui circule entre un pays prodigue de dons et un pays pointilleux quant à leur emploi. Non seulement le XX^e^ siècle n'a pas inventé l'Inde mais, affirme Jean Biès, et ceci nous étonne davantage, dès la fin du XVIII^e^*,* l'essentiel était dit. Pour ne pas remonter plus haut dans le Moyen Age, *Fabliaux* et *Ysopets* tirent quelquefois d'une origine hindoue leurs apologues ; Rabelais, au centre du quart livre de son *Pantagruel,* bâtit au Tibet le temple de la *Dive Bouteille ;* Montaigne s'interroge sur les gymnosophistes et La Fontaine qui, grâce à son ami Bernier, le voyageur célèbre, connaît bien Pilpay, tire des bords du Gange la substance de maintes *Fables ;* la première Perette dut porter le sâri. Voltaire pille l'Hindoustan par *Lettres édifiantes* interposées, perd le Canada avec allégresse mais s'indigne noblement en faveur de Lally-Tollendal. Pour mieux reprocher son fanatisme à l'Église romaine, il déblatère contre le mystère de la Sainte Trinité et explique que Brahma, Vishnou et Sib n'exigent pas de leurs dévots qu'ils se coupent la gorge. Il multiplie les contresens et les bourdes, ce qui est une façon d'administrer la preuve de son intérêt. En somme, l'Asie est juste assez grande pour assouvir sa soif de connaître et le munir d'arguments contre le pape. Dans l'*Encyclopédie,* Diderot semble avoir recruté quelques collaborateurs un peu plus compétents et un peu plus désin­téressés ([^23]). 107:278 Voltaire savait-il que sa vieillesse eût pu nourrir son inces­sante polémique des premiers grands travaux d'un savant, Anquetil-Duperron (1731-1805) auquel Jean Biès donne sa juste place ? Parti à la recherche du *Veda,* le jeune pionnier avait dès 1764 déposé à la Bibliothèque royale cent quatre-vingts manuscrits recueillis. En 1771*,* il avait traduit et annoté le *Zend-Avesta* et publié en 1778 son *Essai sur la législation orien­tale.* Suivirent en 1786*,* ses *Recherches historiques et géogra­phiques de l'Inde,* en 1787 la traduction française de quatre *Upanishad* ([^24]) et, de 1801 à 1804, il en donne l'édition latine, l'*Oupnekhat,* son « plus haut titre de gloire ». L'existence de l'Être suprême, ce refuge abstrait de prétentieux philosophes qui n'ont, en fait, pour religion que l'antichristianisme le plus virulent est confirmée par tous ces textes qui expliquent la créa­tion par un émanentisme originel, font prédominer le monde spirituel omniprésent et intervenir l'influence des astres sur les corps terrestres. Une évocation de la *Mâyâ* ([^25]) lui permet des réflexions personnelles sur la Divinité en tant que située au-dessus de l'être et du non-être ; il découvre la sublimité de l'état de pure contemplation sans action et, demeuré chrétien lui-même, il croit avant de Maistre et Lamennais à l'universalité de la Révélation et prône l'égalité entre l'Orient et l'Occident. Il est impossible de suivre Jean Biès dans l'exploration toute neuve du terreau romantique que lui permet la fécondation hindoue. L'on apprendra que Chateaubriand ne va pas plus loin que l'Extrême-Occident et que Nodier, conseillé par Nadar, se contente d'un hindouisme encore conventionnel et qui n'ou­trepasse guère l'inspiration de la *Veuve de Malabar* ([^26])*.* Mais au seuil du XIX^e^ siècle, providence de l'orientalisme littéraire, avec Anquetil-Duperron, se dresse aussi Fabre d'Olivet ([^27]). 108:278 Après les importants travaux du regretté professeur Léon Cel­lier, Jean Biès s'efforce de dégager l'extrême intérêt qui, jusque dans l'erreur des visions et des prévisions, s'attache à ce sourcier demeuré longtemps méconnu. Lequel n'était pas loin de voir dans l'Inde le foyer des religions et des arts et de lui réserver l'hommage que Chénier rend à l'universalisme grec. Son *Histoire philosophique du genre humain* (1822) révèle une connaissance approfondie de l'Asie et soulève, sans naturelle­ment toujours les résoudre, les problèmes mythologiques, politi­ques, linguistiques qui peuvent s'imposer à l'émerveillement ou au scandale de l'Occidental. De ses méditations sur l'empire de Ram et sur celui de Krishnen, Fabre d'Olivet, en termes volontairement -- et nécessairement -- obscurs, croit, afin de clore l'Age de fer (le *kali-yuga*) dans lequel l'univers est entré, à l'intronisation d'un Pontife suprême dont toute l'Europe reconnaisse l'autorité sacerdotale et qui introduirait le genre humain dans une paix inaltérable. C'est dire l'influence sur Ballanche, Édouard Schuré, Arthur de Gobineau et René Gué­non. Surtout, l'on sait que parallèlement à Fabre d'Olivet, mais avec infiniment plus de rigueur et dans une stricte orthodoxie catholique, Joseph de Maistre travaillait à la prévision de la *palingénésie.* Déjà la mémorable interprétation qu'il donnait de la Révolution française issue, on le sait, de tendances illuminis­tes corrigées ([^28]), préludait à l'idée de la Régénération que développeront les *Soirées de Saint-Pétersbourg* (1821)*.* Le troisième grand sourcier fut Eugène Burnouf ([^29]), le créateur de la science des religions, qui inaugura dans son *Introduction à l'histoire du bouddhisme indien* l'étude scientifi­que du *Mahâgâna,* ou grande voie du bouddhisme du Nord. Ce savant, qui vivait en ermite et mourut jeune, fut, de l'avis de Michelet et de Renan, salué comme un génie de l'orientalisme. De maints autres découvreurs dont Jean Biès esquisse la car­rière, la liste serait longue. Il suffit de savoir qu'elle conduit à l'élite des sanskritistes d'aujourd'hui, représentée au moins par les trois noms illustres de Masson-Oursel, Edmond Dumézil, Olivier Lacombe. Il était difficile de graduer les étapes moder­nes et contemporaines de la révélation de l'hindouisme, plus difficile et plus délicat encore d'ouïr et de restituer dans le concert des Muses romantiques, parnassiennes, symbolistes, les résonances de l'Asie. Un historien littéraire ne vit pas que de la confrontation des textes. Il doit savoir écouter aux âmes. 109:278 S'il est relativement facile à l'orientaliste de découvrir dans la *Chute d'un ange* de Lamartine le retentissement du brahma­nisme, une clef de Victor Hugo s'offre à un lecteur aussi sagace et compétent que Jean Biès, capable de soupçonner à quels créanciers de l'Inde le poète, éperdument religieux mais aussi éperdument hérétique peut être redevable de ses constants recours à l'*apophatisme* ([^30]) dans ses expressions du Divin. Nourri de la pensée hindoue, mais aussi interprète de sa propre inquiétude, Leconte de Lisle situe sur les bords du Gange son Eden qui regorge de variétés végétales. Si sa conception du *nirvana* demeure hétérodoxe parce qu'elle confond avec le néant l'affranchissement des limitations psychiques, il reste que Leconte de Lisle, sans avoir pénétré jusqu'à l'*âtman* ([^31])*,* res­pire l'air de l'Inde comme celui d'un climat natal. Son pessi­misme diffère de celui de Vigny, surtout par l'importance que celui-ci attache aux épreuves, mais tous deux, fort délicatement analysés, disent, chacun à sa manière, la chance que représente pour la poésie le renouvellement asiatique. Après Michelet qui, avec sa fougue -- ou sa déraison -- habituelle aime tout de l'Inde et trouve le moyen d'en extraire la notion du progrès continu, clef de la Révolution française ! et sans que Renan, tout à l'histoire des Sémites, semble même daigner s'apercevoir que l'Inde existe, la voix raisonnable de Fustel de Coulanges admet l'appartenance à une même race des Grecs, des Italiens et des Hindous. Leur séparation, les uns pour atteindre les bords du Gange, les autres le bassin méditerranéen n'empêche qu'ils aient conservé comme un legs antique le fonds de religion reçu au berceau de leur race. (*La Cité antique.* 1864*.*) Quelques-unes des pages les plus profondes et les plus neu­ves sont consacrées à Stéphane Mallarmé et au martyre qu'il s'imposa à la découverte des possibilités magiques du langage reliées à une genèse verbale telle que l'exposent notamment dans les recherches du *Tantrisme* ([^32]) les grammairiens et les poètes hindous. 110:278 Inversement Claudel et Gide devenus ennemis, comme l'on sait, auraient pu se réconcilier dans une commune antipathie à l'égard de l'Inde, tandis que Rimbaud nourrit un génie qui, tendant à multiplier les possibilités vitales, brise les limites de la condition humaine. Dans une perspective hindoue, l'être se réincarne pour épuiser son *Karma* ([^33]) et parvenir à la libération ; le maelström dans lequel s'engouffre le bateau ivre n'invite pas précisément à gravir les degrés du temple de la Sagesse. Et Rimbaud n'a rien d'un *yogin* ([^34])*.* Étonnantes et combien révélatrices d'une influence jusqu'ici passée sous silence les pages sur Péguy. Jean Biès établit une analogie curieuse entre les *Mystères ou Ève* et le *Rg-Veda* ([^35]) quant à la répétition des mêmes commencements de phrase. Une étroite correspondance s'établit entre le dépouillement du poème et le dépouillement du poète ; une fois l'attention endor­mie aux trop mouvantes choses d'ici-bas, les strophes subsistent maintenues au niveau d'une immuable présence, ce qui revient à un élan jaculatoire propre à concourir, comme dans l'Inde, à une véritable transfiguration spirituelle. Ainsi et sans que leurs formations personnelles respectives les eussent inclinés vers l'Asie, Mallarmé et Péguy, dont on ne s'était guère avisé jus­qu'ici de comparer les arts poétiques s'emploient à suggérer la Réalité cachée derrière les apparences et, chez l'un comme chez l'autre, la concentration spirituelle tend à l'unité. Dans l'Eden du premier, dans la Grâce du second, formes à coup sûr occi­dentales, Jean Biès pense qu'il n'est pas interdit de soupçonner un rapport avec la *Satya* ou Vérité suprême des Hindous. Comme le dit fort bien notre auteur, Jules Laforgue passe avec aisance, trop d'aisance peut-être, d'un bouddhisme tragique à un bouddhisme dilettante, et la lune, son astre familier, n'éclaire chez lui qu'un *nirvana* fantomatique, peuplé d'ombres larvaires, qui veut bien se résoudre au Néant, à condition d'y retrouver quelque trace du Pierrot interstellaire de Banville. 111:278 A la poésie de Victor Segalen, comme aux récits de voyage et aux romans d'Alexandra David-Neel, le Tibet semble avoir livré quelques secrets indicibles. Ce qu'ils en peuvent dire fait paraître enfantin l'orientalisme de Pierre Loti. Chez Segalen, la connaissance virile d'une civilisation qui garde intact un patri­moine de sagesse sacrée et d'élaboration aristocratique de l'âme le préserve de tout exotisme facile et surtout de la tendance un peu trop répandue d'annexion occidentale. Les romans abrupts, déconcertants, mais grandioses d'Élé­mir Bourges, à la fois épiques, lyriques, tragiques, inégalables dans l'art de mêler le bouffon, le sublime et le sacré, retrou­vent d'instinct les formes et les dimensions de la littérature indienne. Un livre de voyages, qui est en même temps l'œuvre d'un poète, ne peut apparaître à Jean Biès que comme l'un des meilleurs témoignages en faveur de la cause qu'il défend. Après avoir arpenté les sommets de l'Équateur et navigué à travers les rapides de l'Amazonie, Henri Michaux s'attaqua à l'In­de ([^36]) qui devait devenir pour lui une sorte de pays natal et tint à offrir l'image d'un converti. La découverte de ce Belge, bientôt naturalisé Français ne le délivra pas seulement de sa culture gréco-germanique et latine, elle l'aida à s'ouvrir à l'autre en renouvelant pour lui les trois notions fondamentales de l'amour, de la politique et de la sainteté. Elle le projeta surtout dans un univers de phantasmes que l'usage de la drogue devait enrichir. Ainsi se mêlent les rayons et les ombres. Et comme le nom d'Antonin Artaud vient aussitôt à l'esprit, Jean Biès suggère plutôt qu'il n'énonce que le repos du *nirvana* a pu être confondu par certains avec le sommeil, dont on ne s'éveille pas, sous le mancenillier. A vrai dire, le délire, surtout s'il est plus ou moins provo­qué, ne prépare pas l'esprit à comprendre l'Inde. André Malraux a pu imaginer comme fruit de la torpeur et de la mort un art dont il n'a su voir l'ardeur de vivre, l'élan vers le réel, la vita­lité des formes ; il sentait le besoin d'un trépied à ses effusions mystagogiques qui portassent à l'incandescence les contresens occidentaux. Bien d'autres occasions devaient s'offrir à ce rhé­teur pour qui l'expansion lyrique ne trouvait que dans l'inca­pacité à se maîtriser la substance de la pensée. Parmi les nombreux poètes, romanciers, dramaturges dont Jean Biès mesure l'originalité selon les rapports plus ou moins étroits qu'ils nourrirent avec l'Inde, ne pouvaient pas ne pas figu­rer Maeterlinck ni Édouard Schuré. 112:278 Le premier lui doit sa conception de l'univers, qui n'a jamais été et ne sera jamais qu'une suite ininterrompue d'expansions et de contractions, Fabre d'Olivet lui ayant appris que l'hindouisme substituait à l'idée de création *ex nihilo,* notion sémite, celle d'un principe spirituel, ce qui, du reste, réduit quelque peu la marge. Dans le prolongement de son principal ouvrage, *Les grands ini­tiés* ([^37])*,* où la part faite à l'ésotérisme hindou est prépondé­rante, Édouard Schuré composa des romans et des pièces de théâtre un peu trop oubliés aujourd'hui, un peu trop épris d'occultisme à bon marché mais que, dans le désert naturaliste et la contrainte dogmatique des cadres chrétiens, les symbolistes accueillirent comme une sorte d'art poétique transcendant. La part faite à Simone Weil qui tire de l'Inde la grande mais utopique espérance, du moins à vues humaines, de l'unité des religions, Jean Biès fixe à travers quatre grandes figures de la philosophie et des lettres, disparues vers le milieu du vingtième siècle, l'état présent des relations entre l'Inde et l'Occident. Il tient d'abord à désolidariser René Guénon de tous ceux qui, théosophes, occultistes, évolutionnistes, interprè­tent littéralement les théories « réincarnationnistes », falsifiant ainsi la doctrine hindoue des états multiples de l'être et de la transmigration au bénéfice d'une vulgaire métempsycose. Sur­tout il suit fidèlement Guénon dans son tableau pessimiste de l'humanité d'aujourd'hui, immergée en plein *Kali-Yuga* ([^38]) et offrant tous les signes possibles de la fin d'un monde. Il la voit avec effroi au creux d'une hallucination collective et tour­nant le dos à un christianisme du reste dégénéré. Car Guénon, déjà suspect aux catholiques de la Tradition, dans la mesure où son culte de l'Orient l'expose plus que quiconque au repro­che de gnosticisme, porte un jugement sans nuances et, du reste, mérité sur l'exploitation du Concile Vatican II à laquelle se livre le modernisme. Son ralliement à l'Islam devait achever de tout gâter. L'analyse de la controverse nuancée qui mit aux prises l'œuvre de Guénon avec l'*Essai sur le mystère de l'his­toire* ([^39]) du cardinal Daniélou permet à Jean Biès de nous confier son regret de voir les chrétiens pousser à l'extrême leur méfiance de l'ésotérisme, mais aussi de regretter que Guénon, surtout hostile au catholicisme romain et au protestantisme, soit demeuré insensible au christianisme oriental, celui-là même de la vitalité et de l'efficacité duquel le beau livre sur l'*Athos,* on l'a vu, se porte garant. 113:278 Un certain goût pour le cosmique, la passion des vastes compositions, la vérité aperçue dans une marche fluviale plu­tôt que découverte pas à pas par l'entendement caractérisent Romain Rolland, qui ne savait peut-être pas, au début de sa carrière que l'Inde qu'il cherchait aux antipodes était en lui. Les étroites relations nouées avec Rabindranâth Tagore tour­naient autour de vastes projets d'éditions européo-asiatiques, demeurées à l'état de rêves. Poète de la Révolution française, ayant donné à son *Jean-Christophe* ([^40]) le déchaînement d'un Jacobin de la musique, Romain Rolland, vivement frappé des conceptions politiques et de l'action de Gandhi, eût préféré, comme méthode plus sûre, afin d'interdire la tyrannie, que le dosage de la sagesse entrât dans l'emploi de la violence. C'était la quadrature du cercle, car l'horreur des cadres qui était la sienne, on le vit bien dans une circonstance mémorable, n'avait eu guère à choisir entre l'insularité et l'anarchie. Plus indulgent, Jean Biès reproche à Henri Massis d'avoir accusé Romain Rol­land d'établir une confusion grossière entre l'Inde et la Russie bolchevique ([^41]). Et certes, il y a un abîme entre Râmakzsna et Lénine, mais la cause de la défense de l'Occident, que Massis devait servir avec passion, l'empêchait de distinguer entre une Asie qu'il croyait bourrée de fausses mystiques et un marxisme soutenu par un gigantesque et trop terrestre armement. Très influencé dans une grande partie de son œuvre par les Écritures et par les Sages de l'Inde, Romain Rolland emprunte à Râmakzsna et à Vivekananda le goût de l'élévation mystique et du devenir social. L'étude est conduite magistralement par Jean Biès, qui, jusque dans le héros de l'*Ame enchaînée* ([^42]) découvre les aspirations politiques et religieuses de l'Hindoui­sant. De cette Mère, Romain Rolland devait pourtant se déta­cher de 1932 à 1935 et se résigner à ne voir qu'une étape en ce qu'il avait cru être un havre. Ce n'est certes pas parce que Lanza del Vasto m'éblouit et m'échappe que je ne conseillerais pas de lire les pages approfondies que Jean Biès lui consacre. Son portrait suffit déjà à empêcher de croire que le vingtième siècle finissant ait tout à fait congédié la figure et la fonction patriarcales : 114:278 « Lanza del Vasto apparaît doué de qualités largement diversifiées, mais toutes ensemble fondues : celles de la main, à la fois ouvrière et créatrice ; celles de l'intelligence tant pratique que spécula­tive ; celles du cœur, œil grand ouvert ; d'où, au creuset d'am­ples synthèses, les manifestations de la songerie poétique et de l'architecture de pierre, l'*itinérance* apostolique et l'immobilité monastique, les apports simultanés de la pensée aryenne (sta­tique, contemplative, étrangère aux phénomènes) et de la chré­tienne (dynamique et porteuse d'une persuasive efficacité). Il apparaît aussi comme une résurgence d'homme antique, pas­toral, patriarcal et « païen » (dans le sens où Péguy l'entendait d'Hugo) : biblique à tentations panthéistes ou gnostiques ; et aussi védique avec le Christ pour référence ; on pourrait pres­que parler d'un pré-chrétien chrétien »... De telles composantes ne vont pas, est-il besoin de le dire ? sans une extrême méfiance de ma part. Et je me garderai bien, ce que ne fait pas Jean Biès, de lui témoigner le respect dû au seul sacerdoce. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mes réticences sont d'ordre esthé­tique ou littéraire ; j'eusse en effet souhaité un Lanza del Vasto poète, romancier ou dramaturge, c'est-à-dire capable d'incar­ner en des personnages les nuances à la fois robustes et déli­cates d'une sagesse introuvable en notre Occident. Reste à Jean Biès le devoir, il est assez jeune et convaincu pour l'accomplir, de se faire le Platon de ce Socrate. Si sa vie eût été plus longue, René Daumal (1908-1944) entre tous les écrivains -- et ils sont nombreux -- passés au crible par Jean Biès, fût sans doute parvenu à obtenir du modèle hindou un art aussi complet et aussi personnel que Racine du modèle grec. Notre auteur le constate quand il affirme que l'Inde n'a pas été pour nos poètes comme un « en soi ». René Daumal avait déjà constitué pour Jean Biès un sujet de prédi­lection puisqu'il lui avait consacré un essai qui fut réédité. Il devient tout naturellement, après Romain Rolland et Lanza del Vasto, le troisième pèlerin du monde occidental dans la dernière partie de la thèse principale ([^43]). 115:278 Le poème allégorique de l'ascension du *Mont Analo­gue* ([^44]), principal ouvrage de René Daumal, décrit l'acquisi­tion d'états spirituels successifs tels que le symbolisent la conquête du Graal ou la montée du Carmel. La montagne qui occupe le centre du monde contient entre autres richesses la ville de Brahma ; l'ascension complète se fût développée en forme de spirale, selon le rite circumambulatoire pratiqué en Inde et le style n'apparaît clair, en vertu d'une sorte de secret alchimique, que pour mieux approfondir l'initiation. L'india­nité y circule comme la Grèce ou la Judée chez Racine, c'est-à-dire à la façon d'une Aréthuse qui ne trahit sa course souter­raine que par quelques éclairs de cristal. Ainsi René Daumal, après l'expérience du *Grand Jeu* qui coûta la vie à son fonda­teur Gilbert Lecomte et dont il sut se retirer à temps, une fois traversées les dangereuses steppes de Gurdjiefl, découvrit-il dans l'Inde, dont la langue n'avait pour lui aucun secret « la porte du monde où il faut frapper sans quoi notre situation serait sans espoir ». Traités et poèmes ne suffisant plus, il envi­sageait la création d'une chevalerie ou d'un ordre qui pronon­cerait des vœux et ne reculerait pas devant le martyre : « Pour faire place au vrai Soi, à Celui qui est, il faut travailler et mourir. » C'était, sous des formes renouvelées, reprendre la recherche de l'Absolu, qui renaît aux époques les moins faites pour l'entendre. De cette vaste synthèse, Jean Biès a voulu que l'on sortît instruit et raffermi. Également attentif à ceux qui comprennent l'Inde et à ceux qui ne la comprennent pas, il impose du moins la correction de deux erreurs fondamentales, le non-dualisme assimilé au panthéisme, le *nirvana* confondu avec le néant. D'autres ont soulevé entre l'Orient et l'Occident d'inébranla­bles antinomies : action et contemplation, temps linéaire et temps cyclique, vie unique et métempsycose, Christ et *ava-târa* ([^45])*.* C'est ici que les responsabilités se prennent et la pensée de Jean Biès me semble demeurer chrétienne, même si on peut le chicaner sur une nouvelle querelle non d'universaux mais d'universalismes, même si l'on n'est pas d'accord sur ce qu'il appelle « la discrétion décevante qu'observe le christia­nisme quand il s'agit de l'avenir de l'être humain ». Car enfin Aristote et saint Thomas élargissent et épanouissent la conscience, l'Évangile insiste sur les conditions mises à la conquête du Royaume ainsi que sur les risques de l'impénitence, pas plus qu'il n'est muet sur « la maîtrise de soi, la pacification intérieure, l'amour envers tous les êtres ». 116:278 Quant aux dangers mortels que fait courir le *Règne de la quantité,* -- Satan n'est-il pas légion ? -- quant à l'immersion dans le *kali-yuga* et à l'accélération de la chute, quant à la menace de désintégration d'un monde qui refuse de répondre aux appels de la Messagère des Cieux, le rapprochement des appréhensions entre l'Orient et l'Occident ne saurait passer pour illusoire. Et le simple fait de donner le choix entre « la chiquenaude hindoue qui stimule l'Occident » et « la mise en commun et l'unification des cul­tures d'est à ouest » montre bien que Jean Biès lui-même ne se fait aucune illusion sur l'improbabilité et le danger d'une syn­thèse planétaire. \*\*\* Par tout ce qui vient d'être dit, et même s'il nous est apparu épris d'ésotérisme et de gnose, Jean Biès ne saurait être soup­çonné d'hermétisme. Son plus récent ouvrage, *Passeports pour des temps nouveaux* ([^46]) en fournirait une nouvelle preuve. Trois parties en constituent l'armature, *Du bon usage des temps présents, Réforme mentale et fonction doctrinale, Quel­ques pratiques spirituelles.* Plein de sollicitude et d'amour pour le monde qui est le nôtre, en cette fin de siècle et de millénaire enfoncé dans le *kali-yuga,* il a une manière bien à lui, dont la discrétion nuance la certitude, de nous tirer par la manche au bord du gouffre. L'Orient, murmure-t-il aux oreilles des chrétiens, a peut-être le pouvoir de les reconvertir à leur propre religion. Commencé dans le crépuscule, sinon dans la nuit, le livre s'achève sur un début d'aurore. S'il ne possède pas la certitude d'Augustin composant sa *Cité de Dieu* aux torches d'Alaric, il attend tout d'une formation doctrinale, dans laquelle peut entrer un sain ésotérisme. Ce qui doit faire sursauter d'authentiques croyants, qui, du moins, peuvent convenir avec Jean Biès de l'asphyxie du monde moderne épuisé de despotismes déshono­rés. Qu'il s'agisse de l'aération d'âme que peuvent procurer les découvertes raisonnablement conduites en parapsychologie, l'ac­cueil au christianisme oriental, la mise en garde contre une gourmandise apocalyptique de bien mauvais aloi, Jean Biès donne à méditer aux esprits virils. Là où est le danger, là aussi ; est le salut. Trop de prophètes de rencontre nous arrachent à nous-mêmes et nous interdisent de regarder le monde. 117:278 Avec l'actuelle accélération de l'histoire, le chaos a peut-être moins de risques de durer. D'où un léger progrès d'optimisme sur les précédents ouvrages. L'extension des nouvelles Sodomes ne sau­rait être radicale au point de supprimer l'unique juste, éventuel survivant d'une humanité qui fut et reste bénéficiaire du rachat. Sans doute convient-il de ne pas errer en prenant les « ultimes soubresauts » pour des symptômes de redressement. Que j'aime cette expression, qui montre le vrai visage de la « perfectibi­lité » tel que l'avait voulu le siècle des « lumières ». Lesquelles ne se doutaient pas que l'agonie ne peut être prise pour un progrès que dans la mesure où la profondeur même de la chute implique nécessairement la remontée. Savons-nous si l'avilissante lâcheté de notre temps, conjuguée à un orgueil imbécile, n'a pas la valeur d'une inversion du *Plerôme.* L'auteur ne devrait pas recourir, à un aussi suspect vocable qui alourdit l'essor d'une belle pensée. Et nous voici rendus à un joachimisme orthodoxe dans la mise en garde qui nous est adressée, au cas où nous inclinerions à confondre les événements purificateurs préalables à la Parousie, avec la fin des temps elle-même. N'y aurait-il pas quelque vantardise bien cachée au fond des cœurs, à se croire témoins possibles des grands cataclysmes annoncés ? Que l'Apocalypse devienne le réceptacle où nous jetterons nos angoisses, attentifs à la triple mission de *découvrir,* de *sauve­garder,* de *transmettre !* Et Dieu qui n'est pas seulement l'im­pitoyable géomètre qui ravissait Platon en l'effrayant peut-être, se divertira à faire tourner à sa propre gloire et au salut du genre humain cette histoire de la terre où nous aurons accu­mulé tant de contresens. \*\*\* Il y aurait beaucoup à dire de Jean Biès poète. Je situerais volontiers son art à la rencontre de Mallarmé, Saint-John Perse et, bien entendu, le *Bhagavad-Gita.* Son essor partit de la cul­ture gréco-latine et ses premiers sujets développés naturellement en tragédies, retentissent de l'heur ou du malheur des héros et des dieux qui survivaient encore aux réformes de l'enseigne­ment. Très vite sa vision s'élargit. Lui-même ne cèle rien de ses emprunts aux traditions judéo-chrétiennes et coraniques, à l'ésotérisme chinois, tibétain et hindou. Poésie savante pour la joie de futurs scholiastes ? Certes, l'Asie littéraire reste à expliquer, mais les ondes s'élargissent aux dimensions du monde sans que les lyres modernes et contemporaines aient su faire vibrer toutes les cordes du cosmos. 118:278 Pourtant, la rectitude intel­lectuelle ne perdra rien de sa saveur occidentale et les chants interstellaires des cieux orientaux ne font pas fi du diapa­son ([^47]). Voilà pourquoi la grâce du seizième siècle, l'émotion romantique des testaments et des tombeaux n'est pas incompa­tible avec l'ambition mallarméenne. Car la fonction du poète est d'inscrire les noms d'éternité sur le satin du ciel tout en auscultant dans leur profondeur les mystères des cavernes de la nature et des âmes. Sa dette à l'égard de l'antique est brève mais significative ; il scrute le secret des sarcophages et attise dans le ventre du dieu le brasier prométhéen. La poésie, tra­vail de bureau par comparaison avec la voltige des doigts sur le clavier, exige pourtant des mains -- nacelles éblouies ([^48]). Elle déroule volontiers l'interminable cortège de l'unanimité humaine ([^49]), mais elle consacre la place d'honneur à l'Art d'aimer. Il adore le geste qui lui ouvrit le seuil de l'Ineffable, non sans trembler devant la Déesse ou la Prêtresse ouvrière de Théophanie ([^50]). Plus intime, le délicieux poème « Quand nous reverrons-nous » ? n'en soulève pas moins le doute sur la rencontre éternelle ou plutôt la crainte qu'elle ne survienne pas. Si poétiques qu'elles soient, dans leur immobilité et leur envol, les métamorphoses consolent-elles ? ([^51]) Du moins les conso­lations ne manquent pas. Celle du lys, par exemple qui sym­bolise l'unité matrimoniale ([^52]), tandis que d'autres poèmes célèbrent le sentiment de la vie universelle, la majesté de l'Homme dans la plénitude de la découverte de son corps, de son âme, de sa Foi, d'où la liturgie de l'amour étendu jusqu'à l'ennemi ([^53]). Parfois s'éveille un corybante qui fait appel aux cymbales pour que plus fort retentisse la voix de l'amour ([^54]), célèbre la nature dans ses puissances élémentaires ou se laisse éblouir par la cavalcade des chevaux du Soleil ([^55]). 119:278 L'universelle trans­mutation nourrit, bien loin d'affaiblir, la joie de vivre, mais le *kali-yuga* ne saurait être oublié. Il y a le supplice des justes et le triomphe des méchants ([^56]), le désarroi des foules devant la Tour sans cesse exhaussée et qui n'a d'autre fin que l'effilo­chement du Verbe ([^57]). Pourtant, si convaincu qu'il soit que ce siècle s'abolit lui-même ([^58]), Jean Biès doit à l'Inde une grande énergie de rebondissement. L'âme est en croissance continue et, de l'obscurité à l'extase, parcourt sept degrés ([^59]) ; la poésie la maintient à l'état de fête ([^60]) et lui dispense la force nécessaire à la montée. S'agit-il dans *Initiatiques* ([^61]) d'un souvenir du mont Analogue ? La réponse du maître au disciple qui lui demande comment atteindre le sommet : « Contemplant la Montagne, on en devient la cime »... aurait pu, en effet, venir de René Daumal. La vision gnostique se Souvient, semble-t-il un peu trop, d'un vers qui fut beaucoup reproché à Musset et la chorégraphie où séraphins et faunes échangent des entrechats n'empêche pas le poète de revenir à une vision orthodoxe de la chute des anges : « ...*Et sur l'Archange autrefois pur* *l'opacité définitive et le tombeau de la Révolte* ([^62]) châtiment du plus effronté des témoins aimés de l'azur. » Mais la pitié demeure même si l'on sait où les larmes conduisirent Éloa. Et puis la question n'est pas réglée pour autant si « Satan perdant l'impureté Lucifer au ciel redevient » ([^63])... Flottement de la pensée ou persistance de la gnose ? L'espoir demeure car le *kali-yuga* fait pressentir à sa manière l'aube de la résurrection et la poésie de Jean Biès, pas plus que sa prose, n'affranchit d'emblée l'homme de l'incarcération. 120:278 Un monde neuf est au bout du goulag dont l'Inde avait déjà une vision panoramique, qui a laissé l'Occident trop d'années indifférent ou sceptique. La Régénération passe par les *Avatâras* de Bou­ddha mais d'abord par le Christ ressuscité. Voilà donc un art poétique admirablement servi par une forte armature classi­que, mais d'une ingéniosité infinie à se glisser dans toutes les formes du symbolisme didactique, ce qui revient à réhabiliter le discours en vers où le concret et l'abstrait, selon des rapports souvent étonnants et inattendus, règlent la souveraine harmo­nie. Du grand large à la porte étroite et quel que soit le choix définitif, Jean Biès a voulu que le balancement demeurât paci­fique et mélodieux. Jacques Vier. 121:278 ### L'œuvre et le don par Bernard Bouts *La question que je me suis si souvent posée dans ma vie, de savoir si j'ai un don d'artiste, si j'ai* *compris quelque chose à l'art, à mon art, si j'ai bien suivi le chemin qu'il fallait et si enfin mes ouvrages ont vraiment la valeur que je leur attri­bue, n'a plus de raison d'être depuis que j'ai entrepris ces sept statues à fondre en bronze, si parentes de mes tableaux sans que je l'aie recherché. Il m'est devenu tout à fait indifférent d'attribuer une valeur quelconque en plus ou en moins, à ceux-ci et à celles-là, autant dans leur ensemble que prises une par une. Me voilà brusquement séparé, définitivement peut-être, de mon œuvre, et j'en arrive à prendre quelque considération pour cette désinvolture que j'ai tant critiquée chez les autres, autrefois.* *En un mot, s'il m'est arrivé de me poser des questions sur mon art, cela ne m'intéresse plus, submergé que je suis maintenant par l'élaboration et la finition des statues que je travaille dans leurs états successifs : avec l'argile, dans le moule, le plâtre, la cire et enfin le ciselage du bronze.* 122:278 *Ces premiers contacts avec l'argile* (*car je l'ai ignorée toute ma vie depuis le temps où, avec Charlier, nous taillions directement la pierre et le bois*) *ne sont pas cordiaux : nous nous entreregar­dons avec méfiance parce qu'elle est trop molle et moi trop dur. Aussi je me contente de formes générales, des cruches, auxquelles je rajoute une tête, tantôt tournée à droite, tantôt à gauche, ou vers le haut, ou en bas, et ce seront sept Sages, ou sept benêts, à volonté, que l'on pourra mettre face à face, de biais, dos à dos, selon l'hu­meur du moment.* *Valéry parle de* « *métier* » *poétique. Cela me convient tout à fait car la succession des opérations telles que je les pratique dans mes tableaux et telles qu'elles me sont imposées par ces sculptures cor­respondent aux* « *gênes exquises qui ralentissent l'élan spontané et anarchique de l'inspiration, permettant de contrôler lucidement l'élaboration du poème* »*. De l'œuvre. Les Chinois antiques ne fai­saient pas autrement, ce qui n'empêche la spontanéité, mais c'est là que réside, justement, la difficulté :* « *avoir tant de technique que c'est comme si on n'avait pas de technique* »*. L'effort du labeur ne doit pas apparaître, mais il est nécessaire qu'il y soit :* « *ce métier consiste à savoir discerner et utiliser les merveilles que* l'inspiration *nous accorde* de temps à autre *et à les compléter par des créations* volontaires et lucides *qui n'en soient pas indignes* »*.* *Charlier me disait, au sujet d'un de mes dessins :* « *Ce sont de ces choses qu'on réussit, comme ça, quand ça se trouve...* » *J'étais en effet trop inexpérimenté et impatient pour travailler autrement que sous le coup des* impulsions *dont Valéry conseille de se méfier. Il faut :* « *Essayer de retrouver avec volonté de conscience quel­ques résultats analogues aux résultats intéressants ou utilisables que nous livre* (*entre cent mille coups quelconques*) *le hasard men­tal.* » *Personnellement, c'est le mot* « *hasard* » *qui me fait tiquer, mais il faut convenir que toutes les apparences y sont.* Bernard Bouts. 123:278 Il y a trois siècles ### La bataille de Vienne, 12 septembre 1683 par Christiane Landgrebe *Le pape Jean-Paul II s'est rendu à Vienne du 10 au 13 septembre, afin de commémorer sur les lieux mêmes la victoire des armées catholiques d'Europe contre les Turcs le 12 septembre 1683. Qua­lifiant cet événement de* « *jalon mémorable *» *de l'histoire euro­péenne, le pape affirma que* « *la lutte armée est le cas échéant un mal inéluctable auquel les chrétiens pris dans un engrenage tra­gique ne sauraient se soustraire *»*. En conclusion de son discours, Jean-Paul II appela les Européens à s'unir pour la véritable croisade de l'action chrétienne et de la prière *». « *Comme jadis, lorsque Innocent XI lança un appel à l'union dans une sainte alliance aux peuples en danger, son successeur sur le siège apos­tolique lance un appel à vos consciences : la lutte spirituelle pour le service de la paix et la liberté demande le même engagement et héroïsme, la même abnégation et fermeté grâce auxquels nos pères ont sauvé Vienne et l'Europe. *» *Dix millions de Hongrois et de Tchécoslovaques entendirent ces paroles.* *Mais que s'est-il passé exactement le 12 septembre 1683 ? C'est ce que nous raconte ci-dessous une amie viennoise d'*Itinéraires*.* Y. D. 124:278 LA FÊTE du très saint nom de Marie a été instituée par le bienheureux pape Innocent XI en reconnaissance de la libération de Vienne du siège turc le 12 septembre 1683. En mémoire de cette victoire d'importance capitale pour l'Occident on a érigé à Rome l'église du Très Saint Nom de Marie et le bâton de maréchal du vizir turc Kara Mustapha y est gardé en signe que le pape rendait l'honneur de la victoire à la très sainte Vierge. L'expulsion des Turcs de l'Europe fut le grand but de la politique du pape Innocent, qu'il poursuivit jusqu'à son dernier soupir. Il ordonna que des prières publi­ques soient dites partout et lui-même passait des nuits entières en prière pour implorer de Dieu la levée de la menace turque. « Tout le monde est d'accord, même les ennemis de la reli­gion, que la levée du siège de Vienne est humainement parlant inexplicable, et nous autres chrétiens pouvons bien la considé­rer comme un miracle qui nous fut donné en réponse aux prières pressantes de la chrétienté » comme l'a très bien dit le grand auxiliaire et envoyé du pape, l'humble capucin de Padoue, le père Marco d'Aviano. Ce bon père fut un de ceux qui ont le plus contribué à cette victoire. On peut citer aussi parmi les grands héros de cette journée le pape, l'empereur, le duc Charles de Lorraine, chef des armées impériales, le commandant de la ville de Vienne, maréchal comte de Starhemberg, ou le roi polonais Sobieski, car les grands événements ne sont jamais l'œuvre d'un seul personnage. Mais la part de Marco d'Aviano fut énorme. Sans trêve ni repos il voyageait comme délégué apos­tolique pour exhorter et encourager les gens à la croisade. Sans cesse il faisait le médiateur entre le pape et l'empereur Léopold et il intervenait auprès des princes chrétiens et des chefs d'armée pour les secouer et les pousser à l'unité et à l'esprit du sacrifice au nom de la cause commune des chré­tiens. Comme tant de fois au cours de la menace presque millé­naire de l'Islam, le ciel a envoyé des hommes providentiels au secours des chrétiens dans leur lutte contre l'infidèle. Après des luttes séculaires le croissant avait réussi à embrasser la Méditerranée de l'Afrique à l'Asie et de l'Asie à l'Europe. Les papes sont les premiers qui se sont rendu compte du danger imminent pour le monde chrétien, et qui ont essayé de briser le pouvoir turc. 125:278 En 1453, avec la prise de Constantinople, les Turcs fai­saient leur entrée en Europe. Le pape Callixte III ordonna qu'on prie l'Angelus par toute la chrétienté et le légat du pape, saint Jean de Capistran, prêchait la croisade dans les cours princières et appelait au combat contre l'ennemi qui assassinait et incendiait pour imposer par la terreur la religion de Mahomet en Europe. En 1456 les chrétiens remportaient finalement une grande victoire, à Belgrade. La croix en main, saint Jean de Capistran, avec des troupes beaucoup moins nombreuses que les Turcs, contribuait au succès de façon déci­sive. Plus de cent ans plus tard l'ennemi attaque par mer pour prendre la Méditerranée et avancer jusqu'à Rome. Le pape saint Pie V ordonne que l'on récite partout le rosaire et s'adres­se avec énergie aux princes chrétiens pour qu'ils participent à la croisade. En 1571 les chrétiens remportent la glorieuse victoire de Lépante. A Lépante c'était seulement la puissance maritime des Turcs qui fut en grande partie brisée. Cent ans plus tard une nouvelle vague déferle sur l'occident. Les Turcs reprenaient Belgrade et après la défaite de Mohacs le péril était aux fron­tières du Saint Empire. La forteresse de Vienne, le bastion contre l'est, était la prochaine cible. C'est à cause de la succession à la couronne hongroise que la maison d'Autriche fut mêlée à la guerre avec les Ottomans. Ferdinand le frère de Charles Quint prétendait à la couronne du roi Ladislas mort à Mohacs. Le sultan Soliman se liait avec les Hongrois et en 1529 les Turcs arrivaient pour la première fois aux portes de Vienne. Des circonstances désavantageuses et l'arrivée d'une armée impériale forçaient Soliman à se reti­rer après trois semaines de siège. Mais si Vienne fut épargnée, les Turcs s'emparaient de toute la Hongrie. Des magnats pro­testants hongrois étaient mécontents de la maison impériale à cause de l'application énergique de la contre-réforme. Une conspiration fut découverte et les chefs furent exécutés. Le parti anti-habsbourgeois s'alliait avec les Turcs. En 1663 l'em­pereur Léopold remportait sa première victoire sur les Turcs. Contre 200 000 thalers les Turcs signèrent un armistice pour vingt ans. 126:278 Au XVII^e^ siècle le domaine Ottoman se trouvait dans une phase de décadence. A l'accès de Kara Mustapha au vizirat la politique ottomane reprenait l'offensive. Finalement Kara Mus­tapha décidait de faire « une guerre sainte » au Saint Empire sans vouloir attendre l'échéance de l'armistice. Son ambition passionnée et sans bornes le porterait bientôt à mettre le feu à la moitié de l'Europe. Les divisions de la Hongrie et de l'Europe l'aideraient à cette fin. Il espérait ce succès, refusé même à Soliman, afin de glorifier son nom pour tous les temps. La prise de Vienne lui paraissait chose facile puisque la situa­tion politique lui était en ce moment très favorable. A lui seul il n'aurait eu aucune chance contre l'Autriche, mais il put ras­sembler des troupes de toutes les parties de l'empire ottoman, même de l'Égypte et de la Mésopotamie, pour une immense expédition. La terreur qu'une si grande armée répandrait en Europe faisait partie de sa stratégie. Grâce à sa direction habi­le et à son sens de l'organisation, Vienne semblait devoir tom­ber entre ses mains. Mais son plan secret était de forcer la capitulation de la ville indemne pour s'emparer des trésors fabuleux qu'il espérait y trouver, au lieu de la prendre d'assaut au risque de la faire détruire et piller par ses troupes. Il pen­sait y installer un sultanat indépendant pour sa propre famille. C'était là son rêve et il ne souffrait pas qu'on le prévienne ou qu'on le contredise. L'ambassadeur autrichien auprès de la Sublime Porte se rendait compte qu'on préparait la guerre et il avertit Vienne. Pour l'empereur Léopold la guerre à l'est avec la Sublime Porte et la guerre à l'ouest avec la France signifiaient la « ruine certaine ». Il cherchait la paix par tous les moyens. Mais au palais de Topkapi la campagne fut décidée et la queue de cheval du Padisha fut plantée devant la Porte de la Béati­tude. Le 31 mars l'armée turque se mit en route vers l'ouest. Avec les alliés elle comptait 300 000 hommes. Ce même jour l'empereur Léopold I^er^ et le roi polonais Jean III Sobieski concluaient finalement une alliance défensive. Le pape avait espéré allier l'empereur, le roi polonais, le tzar russe et le roi de France en même temps. Mais après la paix de Nymwegen Louis XIV semblait grisé par ses propres vic­toires et ne voyait pas le danger. Après trois ans de pourpar­lers la diplomatie pontificale ne semblait pas avancer. Le roi de Pologne exigeait des conditions exorbitantes. Le pape qui avait mis en règle les finances pontificales et qui avait écono­misé jusque dans les moindres détails pour pouvoir aider à l'alliance venait en aide à l'empereur, dont la situation finan­cière fut toujours difficile. Il apporta des sommes considéra­bles et Lorenzo Bernini trouva motif de se plaindre que le pape ne se souciait pas assez de l'embellissement de la Rome baroque. 127:278 L'empereur Léopold, qui était assez mal conseillé par ses ministres, tarda à se rendre compte du sérieux des intentions agressives des Turcs. Seulement à la dernière minute il se laissa convaincre par Marco d'Aviano d'adhérer à l'alliance. On peut bien dire que c'est grâce à ses efforts et à son génie diplomati­que que finalement l'union fut rendue possible. La réputation de Marco d'Aviano comme prédicateur et thaumaturge s'était répandue à travers toute l'Italie et très vite aussi dans les pays voisins. Il traversait l'Europe pour exhorter le peuple qui accourait en foule et ne lui laissait plus de temps libre ni le jour ni la nuit. Le gouverneur du Tyrol, le duc Char­les de Lorraine et son épouse, une sœur de l'empereur Léo­pold I^er^, avaient adressé un pressant appel au pape et au supé­rieur des capucins pour le faire venir dans leur pays. Il fut reçu en triomphe, la population accourait de partout et les ducs se hâtaient à sa rencontre pour le saluer avec respect. Ils attri­buaient déjà la naissance de leur fils à la force de sa bénédiction et cette fois Charles demandait au père de lui obtenir la gué­rison de sa jambe. Le duc ne pouvait plus marcher qu'avec des béquilles et avec des grandes douleurs. Le père lui donna sa bénédiction et il fut guéri instantanément. Le duc le prit comme directeur spirituel et lui témoigna jusqu'à sa mort une profonde amitié. L'étape suivante fut Munich où il avait été appelé par le prince régent. Là aussi sa réception fut triomphale. Le prince faisait examiner 117 miracles parmi les plus spectaculaires par les autorités compétentes pour les publier ensuite. De même l'empereur Léopold avait fait appel à Rome pour qu'on lui envoie ce prédicateur célèbre. L'empereur s'était réfugié à Linz de la peste qui sévissait à Vienne et c'est là qu'eut lieu leur première rencontre. Là aussi ce fut le début d'une grande et profonde amitié qui ne se termina qu'en 1699 avec la mort du père Marco à Vienne où il fut enterré. Le règne de l'empe­reur Léopold fut une des périodes les plus difficiles pour l'em­pire habsbourgeois. Il était dépourvu de génie politique et de génie militaire. Cet homme très cultivé était plus doué pour la littérature et la musique que pour le gouvernement... Au com­bat il montrait néanmoins la ténacité de sa famille et le sang-froid légendaire des Habsbourg. 128:278 Dans ses nombreux entretiens avec le père Marco celui-ci l'exhortait instamment à pourvoir à la justice dans le pays et dans l'armée. L'empereur avait tendance « à laisser faire les gens et à laisser aller les choses » et n'aimait pas du tout cette sévérité qui est parfois nécessaire aux gouvernements. Dans les conflits entre la curie romaine et l'empereur, le père savait tou­jours trouver un compromis. De la chaire il exhortait le peuple avec force à se repentir du fond du cœur et à se convertir, car autrement l'Autriche aurait à souffrir plus que la peste, simple préliminaire à des châtiments encore plus terribles. Au mois d'avril 1683 Léopold notifiait au père que la guerre avec les Turcs était inévitable. A ce moment il pouvait compter, en principe, sur l'alliance avec la Pologne et l'aide financière du pape et il avait aussi un contrat avec la Bavière qui lui assu­rait des troupes. A cette coalition s'étaient joints Johann Georg von Sachsen et Wilhelm von Baden ainsi que les Franken et le Oberrheinische Kreis. Mais pour le moment il n'avait que ses propres forces. L'aide des Polonais et des princes allemands se ferait attendre jus­qu'à la fin de l'été. Il avait choisi le gouverneur du Tyrol, le duc Charles V de Lorraine pour commander son armée. A son arrivée à Vienne le duc apprit que depuis 300 ans on n'avait pas vu une armée turque aussi nombreuse se mettre en marche contre les chrétiens. Il se rendit compte que les mesures prises pour la défense étaient tout à fait insuffisantes. Au mois de mai on passa les troupes en revue : elles ne comptaient que 40 000 soldats. Au mois de juillet les Turcs étaient déjà à Raab. Dans la capitale, très longtemps on ne voulut pas croire à une menace imminente. La forteresse de Vienne comptait alors trois compagnies et 1200 hommes de garde civile. L'empereur lui-même apparemment n'avait pas voulu croire au danger. Mais face à la marée qui avançait et malgré les reproches de ses conseillers il voulait rester sur place pour ne pas inquiéter son peuple. Mais déjà des hordes tartares étaient vues aux environs de la capitale. C'est alors qu'un conseil des ministres décida à l'unanimité l'évacuation immédiate de la famille impé­riale et de la cour. A son avis les responsabilités et le carac­tère sacré de sa charge exigeaient le départ de l'empereur. Ce départ fut aloi précipité et fut accompagné par les insultes des Viennois qui se sentaient trahis. Avant son départ l'empe­reur donna le commandement de la ville au comte Starhem­berg. Le même jour le Palatin Paul Esterhazy arrivait avec quelques Hongrois restés fidèles en apportant avec lui la cou­ronne de saint Étienne. 129:278 Le départ de la cour donna lieu à une fuite générale, tandis que les pauvres gens des villages des alentours tâchaient de se réfugier derrière les remparts de la ville. C'est grâce à l'énergie du nouveau commandant de la ville et à ses heureuses initiati­ves qu'on réussit finalement à mettre la ville en état de défense. Mais malheureusement il ne put remédier à l'insuffisance des munitions, qui se fit sentir tout au long du siège. Le compagnon inséparable et l'aide le plus précieux du commandant de la ville était l'évêque de Wiener Neustadt, Kollonitz. Au moment où d'autres prenaient la fuite, lui au contraire se hâtait de venir au secours des Viennois. Il arriva avec une longue colonne de véhicules pleins de vivres et des choses utiles. Dans sa jeunesse il avait participé, comme cheva­lier de Malte, à la prise de Candie et cette expérience lui per­mettait de donner à tout le monde de bons conseils. C'est lui qui organisa les pompiers et qui surveillait les prix et la distri­bution des denrées. En sa qualité de président de la Chambre hongroise il pouvait légalement s'emparer du trésor de deux évêques hongrois qui l'avaient déposé à l'abri des Turcs, C'est ainsi qu'on paya la solde aux soldats, car les caisses municipa­les étaient vides. Il fallait en peu de jours mettre la ville en état de défense. Tous les Viennois se retroussaient les manches pour faire les travaux les plus pressants. Les toits de bardeaux furent ôtés et protégés avec du sable, des tonneaux remplis d'eau, les provisions de poudre installées dans des cryptes et sous les églises. On fit des efforts incroyables mais la situation de la ville demeurait bien précaire. Déjà on voyait des cava­liers turcs saccager la banlieue et mettre le feu aux toits des maisons. Comme au premier siège de Vienne on forma des milices avec les étudiants, les commerçants et tous les hommes en état de porter les armes. Mais avec la garnison cela ne fai­sait que 13 000 hommes pour défendre les 60 000 personnes qui s'étaient mises à l'abri dès remparts de la ville. Les Turcs comptaient entre 250 000 et 300 000 hommes. Le lieutenant de louveterie impériale formait avec ses gardes forestiers et chas­seurs un corps de tireurs d'élite qui se postaient sous les toits du château impérial et causaient des pertes considérables aux Turcs qui s'approchaient de la ville. Le gros de l'armée turque arriva le 14 juillet. Une déléga­tion de Kara Mustapha se présenta pour inviter la ville à capituler en donnant l'assurance de survie à tout le monde, Mais le comte Starhemberg n'accepta pas. 130:278 L'approche et la distri­bution du gros de l'armée dans les différentes positions autour de la ville dura plusieurs jours. Les Viennois pouvaient obser­ver les Ottomans arriver avec d'innombrables voitures, des chevaux, des chameaux, des bœufs et des troupeaux de brebis. Un grand canon était tiré par quarante buffles. Tout cela tour­nait autour de la ville et finalement Vienne fut tout à fait encerclée. La courbe du camp turc mesurait 18 km. Au milieu des 25 000 tentes qu'on avait dressées autour de la ville on avait placé celle de Kara Mustapha entourée d'un décor magni­fique. A son arrivée le roi Sobieski trouva le camp aussi grand que Varsovie. L'encerclement terminé les Turcs ouvrirent le feu de leur artillerie sur les fortifications de la ville pour ne plus l'interrompre. Les attaques en assaut des janissaires étaient toujours accompagnées de leur musique sauvage. On avait ouvert des tranchées couvertes qui menaient jusqu'aux rem­parts. Sur la ville on jetait des balles et des flèches brûlantes et des mineurs très habiles tâchaient de faire sauter les rem­parts. De nouveau et de nouveau les Turcs perforaient la contrescarpe et ne pouvaient être repoussés que par des corps à corps furieux. Dans la chaleur du mois d'août la ville assiégée commença à souffrir des inconvénients de tout siège. La dysenterie rouge sévissait. Églises et couvents étaient pleins des malades et des blessés. Le courageux maire était fiévreux et des centaines d'au­tres avec lui. Le commandant de la ville, le comte Starhemberg, fut blessé deux fois et avait la dysenterie. Cela ne l'empêchait pas de faire deux fois le jour et une fois la nuit le tour des remparts en chaise à porteurs afin de diriger partout la défense. Le reste du temps il observait du haut de la tour de la cathé­drale Saint-Étienne les mouvements des troupes ennemies. Il était assisté de deux pères jésuites, postés là avec des télescopes, qui dans son absence écrivaient des renseignements urgents sur des papiers qu'ils jetaient, alourdis par des cailloux, en bas sur la place du dôme, d'où des messagers les apportaient en hâte au commandant. La situation des assiégés devenait de plus en plus désespé­rée et les gens commençaient à perdre tout espoir. Au début de septembre la ville ne pouvait presque plus tenir. On était épuisé par l'effort et la tension. L'artillerie turque avait ouvert de grandes brèches dans les remparts. Les fortifications exté­rieures étaient en décombres. Par manque de munitions on ramassait les balles tombées dans les rues, pour s'en resservir. Un messager arrivait chez le duc de Lorraine pour lui transmettre l'au-secours désespéré des Viennois : « Plus de temps à perdre Monseigneur, plus de temps à perdre. » 131:278 Des lettres de l'empereur et du comte palatin de Neuburg furent expédiées au père Marco d'Aviano qui séjournait dans son couvent de Padoue pour l'avertir de la catastrophe immi­nente. En apprenant les nouvelles il perdit l'appétit et le som­meil, et tomba presque malade. Mais à ce moment il reçut l'ordre du pape de se rendre au plus vite à Vienne. A son arrivée il trouva la situation confuse et désespérée. La ville assiégée était à bout de forces. Les fortifications étaient sur le point de s'écrouler. De la tour de la cathédrale montaient cha­que nuit des fusées criant au désespoir. La situation était à un point tel que la résistance ne pouvait plus durer que quelques jours. C'est à la dernière minute, lorsque tout semblait perdu, que l'armée de secours s'approcha de la ville. Le duc de Lorraine avait finalement battu les insurgés hon­grois au cours de plusieurs rencontres. Puis il lui avait fallu retrouver les alliés. Seulement la Bavière avait déjà loyalement envoyé 11 000 hommes. Les Polonais et les Saxons étaient en retard. En plus Sobieski arrivait avec seulement 26 000 hom­mes au lieu des 40 000 convenus. Au début du mois de septembre les alliés se rassemblèrent finalement. Mais l'entreprise n'était toujours pas pour autant assurée. Il y avait des rivalités, des ambitions et des intérêts personnels qui risquaient de retarder et même d'empêcher la si urgente marche en avant de l'armée de secours pour empêcher une catastrophe qui semblait immi­nente. Les princes allemands refusaient de se soumettre au commandement supérieur du duc de Lorraine et Sobieski demandait lui aussi le commandement puisqu'il était le prince régnant de plus haut rang parmi les présents. Quand il enten­dit que l'empereur était sur le chemin pour gagner les troupes et prendre lui-même le commandement suprême il annonça son départ. Le cœur lourd, Léopold se décida alors à laisser le commandement à Sobieski, bien qu'on dît qu'il se contenta du titre et laissa en fait le commandement au duc de Lorraine. Mais cette réconciliation des chefs fut uniquement l'œuvre de Marco d'Aviano qui rendait ainsi possible la délivrance de Vienne. Il avait mis tout en jeu pour persuader l'empereur Léopold de rester loin des troupes. Si l'on considère la méfian­ce que Léopold I^er^ avait vis-à-vis de Sobieski, comme ancien allié de Louis XIV, on peut mesurer le sacrifice que le capucin lui demandait, et celui qu'il demandait à Charles de Lorraine était peut-être encore plus grand. 132:278 Sans la profonde vénération de l'empereur et plus encore de Charles de Lorraine pour le père Marco d'Aviano la délivrance de la ville aurait été impro­bable. Après cette réconciliation on se mit à franchir le Danube. En ce moment l'armée était fort vulnérable mais Kara Mustapha, obsédé par la prise, qu'il voyait si imminente, de la ville, laissa passer sa chance. De même le Khan tartare observait les manœuvres des troupes mais au lieu d'attaquer il resta immo­bile et se limita à faire un rapport détaillé pour le grand vizir sur le nombre relativement faible des troupes chrétiennes. Les troupes se rassemblèrent dans la plaine de Tulln. Sans s'épargner, Marco d'Aviano se donnait pleinement à sa tâche d'aumônier militaire pour mettre devant les yeux de tous l'idéal pour lequel il fallait se battre. « Votre guerre n'est pas une guerre quelconque mais une croisade ! » Il savait fortifier la confiance en Dieu et ses exhortations touchaient les cœurs et enflammaient tout le monde. Le 8 septembre, fête de la nais­sance de Notre-Dame, le père Marco célébrait la messe dans la tente splendide du roi Sobieski. Au-dessus de l'autel était un grand tableau de la Vierge richement orné de pierres précieu­ses, que le roi avait coutume d'emporter dans toutes ses cam­pagnes. Vis-à-vis de la tente du roi sept grandes tentes étaient dressées pour abriter les autres chefs des troupes, la fleur de la noblesse des pays alliés. Derrière les tentes toute l'armée chré­tienne était à genoux. Le roi Sobieski servait la messe. Après la messe le père Marco adressa une allocution ardente aux sol­dats réunis. Comme toujours il dit l'acte de contrition et la foule le répéta puis il donna la bénédiction apostolique avec l'indulgence plénière. Après cela il se mêla aux soldats et la croix en main il les encouragea un à un personnellement. Même les protestants étaient emportés d'enthousiasme. Ensuite l'ar­mée se mit en route vers Vienne. La journée décisive fut le dimanche 12 septembre. Après une période de mauvais temps il fit beau et on commença la journée par une messe dans les ruines de la chapelle sur le Leopoldsberg. Le nonce apostoli­que à la cour de Vienne, le cardinal Buonvisi, rapportait au cardinal secrétaire d'État : « On me dit qu'au-dessus de la chapelle de saint Léopold dans laquelle le père Marco disait la messe avant la bataille, une colombe blanche resta immobile en l'air et qu'après elle descendit avec les troupes vers Vienne. » Après la messe le père Marco leva la croix en disant : « Si vous avez confiance vous aurez la victoire ! » Alors commença cette bataille mémorable dont l'enjeu était si considérable. Des deux côtés le combat fut courageux et tenace. 133:278 C'est d'abord l'aile gauche de la cavalerie qui se lança à l'attaque. A 10 heures du matin le centre avançait en faisant reculer les Ottomans. L'aile droite avec la cavalerie polonaise n'était pas encore arrivée car elle avait à descendre une pente raide couverte de buissons. Ce retard obligea à modifier le plan d'origine. Charles de Lorraine donna l'ordre d'avancer. Son « mar­chons donc ! » fut le signal de la bataille et le début de la vic­toire. L'infanterie saxonne avait eu le temps de préparer le terrain à la cavalerie polonaise. C'est à cinq heures de l'après-midi qu'on entra dans le camp turc et c'est à ce moment que la cavalerie polonaise lança l'attaque décisive qui fit rouler l'armée turque. Le grand vizir et le pacha prirent la fuite et toute l'armée turque suivit en panique. Charles de Lorraine voulait les poursuivre tout de suite mais Sobieski voulut d'abord s'assurer du butin. Dans une lettre à sa femme qu'il lui écrivit le lendemain de la bataille il lui dépeint les merveilles trouvées dans les tentes de Kara Mustapha et lui promet son étrier en or. Pendant tout le combat le père Marco d'Aviano s'était montré infatigable et n'avait cessé d'encourager les soldats. A chaque nouvel assaut des Turcs il levait la croix en prononçant les mots bien connus de l'exorcisme : « Voyez la Croix du Seigneur, fuyez, puissances ennemies l... » La victoire fut com­plète et le désastre turc total. Dans les années suivantes on allait leur reprendre, et pour toujours, la Hongrie et la Croatie jusqu'à Belgrade. Quelque temps après la bataille trois commerçants turcs qui arrivaient à Venise pour leurs affaires demandèrent à voir Marco d'Aviano car des soldats turcs leur avaient raconté avoir vu lors de la bataille un moine d'une taille tout à fait extraor­dinaire qui s'avançait vers eux avec une croix à la main en les empêchant de se battre. Ces trois Turcs avaient envie d'en savoir davantage sur la magie qu'ils imaginaient que Marco d'Aviano avait dû employer. Celui-ci leur fit savoir qu'il n'avait bas d'autre magie que la puissance du Dieu vivant qui les avait punis pour avoir fait une guerre injuste. Christiane Landgrebe. 134:278 ### L'Église du Congo a cent ans par Alain Sanders BIEN QUE LES MEDIA n'aient pas jugé bon d'en faire beau­coup état, le Congo vient de fêter, dans l'allégresse, cent ans de présence catholique. Le mensuel *Afrique-Réalité* n'a, pour sa part, pas manqué l'événement : « Tout commence à Loango, le 3 juillet 1983. Ce jour-là, marché, plage et autres lieux de loisirs ou de détente de Pointe-Noire sont désertés au profit de la vieille mission des bords du Kouilu. L'arrière-pays du Kouilu-Niari s'est vidé de ses hom­mes et femmes, de ses vieillards et jeunes au profit de l'ancien siège du vicariat apostolique de Mgr Antoine Carrie. Ce jour-là, on fit une autre découverte au bord de l'Océan atlantique. Une découverte qui, pour la première fois, ne sentait ni le gaz, ni le pétrole, ni le sucre ni même le vin ou la bière, mais la joie et le bonheur d'être chrétien et d'appartenir à l'Église du Christ, mais l'ardeur des chants et de la prière, mais l'envie d'aimer son prochain dans le Christ, mais le désir de proclamer sa foi. Et ce fut cela quand Mgr Mpwati prit la parole pour inviter les chrétiens du Kouilu et du Congo à professer sans cesse leur foi et à vivre davantage le message de l'Évangile. » 135:278 C'est qu'au Congo le clergé ne compte guère de « tièdes » et rares sont ceux qui mettent leur soutane dans leur poche. Devant 20 000 pèlerins qui, dans la nuit africaine, brandis­saient 20 000 cierges, Mgr Barthélemy Batantu, archevêque de Brazzaville, proclama que « les chrétiens devaient s'armer d'une foi profonde, militante et aguerrie de tout compromis ». La mission de Linzolo, la plus ancienne du Congo, a été fondée par Mgr Augouard le 22 janvier 1884. L'autorisation d'acquérir des terres pour la mission avait été accordée aux missionnaires par deux chefs locaux : N'gandziomo et Mubi­munu Kahunga. Très vite, les chantiers vont se multiplier sur ce territoire ecclésiastique, avec notamment, le 9 mars 1885, le début de la construction d'une grande chapelle et des tentatives, plus ou moins réussies, de scolarisation. En 1890, le Père Augouard est nommé évêque de l'Ouban­gui. Il en profite pour expliquer que la venue de sœurs mis­sionnaires serait propre à donner à la mission de Linzolo tout le rayonnement souhaitable. Le 24 août 1892, les sœurs arrivent avec à leur tête la Révérende Mère Marie qui vient de passer 10 ans au Sénégal. Elle en passera 40 au Congo. Le 14 août 1911, Mgr Augouard confère la confirmation à 50 néophytes. Le 25 septembre de la même année, le Père Côme laffré vient rejoindre, à Linzolo, une petite équipe composée de trois Pères. Leur activité sera extraordinaire : dans les plus petits villages de brousse, ils partent former des catéchistes qui se révéleront être, par la suite, les plus fermes soutiens du catholicisme congolais. Mgr Augouard meurt en 1921. Pour lui succéder, il a dési­gné Mgr Firmin Guichard, un colosse barbu énergique et qui n'a peur de rien. *Afrique-Réalité* rappelle : « Dans la mémoire des vieux chrétiens de Linzolo, Mgr Firmin Guichard apparaît comme l'évêque des œuvres. Il va développer le Petit Séminaire de Brazzaville fondé en 1911 par Mgr Augouard, et surtout lancer l'internat des filles métisses chez les sœurs de Saint Joseph de Cluny... L'Église dont héri­tait Mgr Guichard compte en 1930 40 000 catholiques et 11 000 catéchumènes. Pas encore de prêtres africains, mais en revanche, 300 catéchistes qui doivent couvrir un pays évalué à 200 000 km ^2^ environ... » Le 1^er^ juillet 1934, le vicariat apostolique de Brazzaville compte 55 000 catholiques, 1 500 catéchumènes, 474 catéchis­tes, 2 grands séminaristes tonsurés. Dans le même temps appa­raissent des mouvements comme les Scouts et les Cœurs Vail­lants. 136:278 Le 2 février 1936, Mgr Paul Biéchy est nommé Vicaire apostolique. Il n'a pas la tâche facile, devant faire face à la montée grandissante d'un anti-cléricalisme encouragé par une métropole livrée aux francs-maçons. En 1946, il permet -- pour briser, justement, l'offensive anti-cléricale -- aux religieux étrangers et congolais de se pré­senter aux élections à l'Assemblée territoriale. Un abbé, le célèbre abbé Fulbert Youlou, illustrera cette conjonction particu­lière du spirituel et du temporel voulue, pour des raisons tactiques évidentes, par Mgr Biéchy. Le 11 février 1962, le stade Éboué de Brazzaville est archi­comble. Pas pour applaudir les exploits des footballeurs habi­tuels mais pour assister au sacre d'un « sportif de Dieu », Théophile M'Bemba, premier prélat congolais. Rappelé à Dieu en juin 1971, Mgr M'Bemba a pour suc­cesseur Mgr Émile Bianda Biayenda. Le nouvel archevêque de Brazzaville, ancien abbé de la chapelle de Saint-Jean Marie Vianney de Muleké, a connu les « joyeusetés » révolutionnaires quand, en 1963, Fulbert Youlou fut « invité » à démissionner de ses fonctions officielles. En 1965, Émile Bianda Biayenda fut même arrêté et torturé. Relâché en piteux état, le futur archevêque de Brazzaville se réfugiera d'ailleurs en France jusqu'en 1969, étudiant théologie et sociologie aux Facultés catholiques de Lyon. Le 7 mars 1969, il est nommé vicaire épiscopal et coadjuteur de Mgr Théophile M'Bemba. Deux ans après sa consécration épiscopale, Mgr Biayenda eut la joie insigne d'être nommé cardinal par Paul VI, nomi­nation qui, par-delà l'évêque, honorait l'Église du Congo tout entière. En 1973, interviouvé par la radio congolaise, Mgr Biayenda déclarait, au moment où le Congo traversait de nouveau une mauvaise passe : « L'unité vraie, c'est l'unité des cœurs, l'unité des esprits. L'essentiel pour l'unité, c'est de penser, de dire le bien sur les autres, reconnaître le bien que les autres sont capables de faire. Animées par cet esprit, nos manifestations œcuméniques seront alors de vrais pas vers l'unité des fils de ce pays. Le chrétien, en effet, doit être le champion de l'unité parmi les hommes, parce qu'il n'y a qu'un commandement, celui d'aimer l'autre. » 137:278 Son courage, son franc-parler, ses responsabilités toujours réaffirmées, allaient déchaîner la haine de ceux qui, dans un Congo livré aux délires du « socialisme scientifique de la Répu­blique populaire du Congo », avaient juré sa perte : le 22 mars 1977, des « inconnus » l'assassinaient en plein Brazzaville. C'était, en l'occurrence, l'Église catholique tout entière qui était frappée. Aujourd'hui, Mgr Barthélemy Batantu, le successeur de Mgr Biayenda, l'évêque martyr, est à l'origine des scholas populai­res. Dès 1957, Mgr Batantu réunit autour de lui des musiciens et des chanteurs et réussit à couvrir le pays de scholas qui ren­forcent, par leur puissance et leur foi, la prière des fidèles. Un des souvenirs que je garde précieusement est une messe de Noël congolaise, dans une église perdue dans la brousse et noyée au bout d'une piste rongée par la forêt primaire : Noël d'Afrique, Noël chrétien, Noël d'antan... Le 11 février 1979, Mgr Batantu (il avait succédé au car­dinal Biayenda le 15 novembre 1978) reçoit, à Rome, le sacre des mains de Mgr Simon Lourdusamy. Au mois de septembre dernier, Mgr Batantu allumait les cent bougies d'anniversaire de la vieille mission de Saint-Joseph de Linzolo. Presque au même moment, le 25 septembre, une cérémonie commémorative du centenaire avait lieu en l'église de la Maison des Pères du Saint-Esprit, rue Lhomond à Paris. Sans attirer, là non plus, les media... Alain Sanders. 138:278 ### Pour le 13^e^ centenaire du pape saint Léon II par Jean Crété NOUS CÉLÉBRONS cette année, ou mieux : l'an prochain, le treizième centenaire de la mort de saint Léon II. Le bréviaire romain dit, sans doute, qu'il mourut le 2 juil­let 683, dans le onzième mois de son pontificat. En réalité, son pontificat dura environ deux ans : élu pape en 682, il mourut en 684. D'origine sicilienne, Léon II était un prêtre pieux, très ins­truit, connaissant aussi bien le grec que le latin. Il était, en outre, musicien et améliora le chant d'Église, continuant l'œuvre de saint Grégoire le Grand. Mais son pontificat fut dominé par la très grave crise du monothélisme, hérésie qui ne reconnais­sait en Jésus-Christ qu'une seule volonté, niant ainsi l'intégrité de sa nature humaine. Un de ses prédécesseurs, Honorius, pape de 625 à 638, avait donné des gages à l'hérésie. Un autre, saint Martin l'élu pape en 649, fut exilé par l'empereur de Cons­tantinople, gagné au monothélisme et mourut en exil en 655. L'élection de saint Léon II marquait la volonté d'en finir avec cette hérésie qui infestait l'Église depuis plus de soixante ans. 139:278 Saint Léon II ne déçut pas ses électeurs. Il convoqua le sixième concile œcuménique qui se tint à Constantinople sous la présidence des légats du Saint-Siège, en présence de l'empe­reur Constantin IV dit Pogonat. Les patriarches de Constanti­nople et d'Antioche et cent soixante-dix évêques participèrent au concile. Le concile condamna définitivement le monothé­lisme en affirmant qu'il y avait en Jésus deux volontés : la volonté divine et la volonté humaine, et il condamna l'hérésie et nommément les hérésiarques qui étaient à l'origine du mono­thélisme : Cyrus, Sergius, Pyrrhus « *et aussi Honorius, naguère pontife romain* »*.* On a là le seul cas d'un pape condamné comme hérétique, quarante-cinq ans après sa mort. Les actes du concile furent approuvés par l'empereur et confirmés par le pape. Le monothélisme se trouvait définitive­ment terrassé. Saint Léon II combattit l'orgueil des évêques de Ravenne, qui se croyaient les égaux du pape, et décréta qu'à l'avenir l'élection de l'évêque de Ravenne devrait être confirmée par le pape. Il se montra aussi très charitable envers les pauvres. Aussi fut-il vénéré comme saint dès le lendemain de sa mort. On a en lui l'exemple d'un pontificat très fécond, malgré sa brièveté. La fête de saint Léon II fut célébrée le 3 juillet, puis le 28 juin. Benoît XV l'a replacée au 3 juillet. Vénérons ce saint peu connu, comme un grand défenseur de la foi. Jean Crété. *En 1960, la fête de saint Léon II a été supprimée dans le calendrier liturgique de Jean XXIII, sous le prétexte d'erreurs historiques pourtant faciles à corriger : son pontificat n'a pas duré onze mois mais deux ans, c'est entendu. En réalité, on a voulu effacer le souvenir gênant de ce saint pape : c'est lui qui a convoqué et confirmé le concile qui condamna comme hérétique le pape Honorius I^er^.* *La disparition de saint Léon II était programmée de longue date il n'est même pas nommé dans l'Histoire de l'Église de Daniel-Rops.* *J. M.* 140:278 ### Sainte Gertrude et les premiers Bénédictins CE QUE NOUS SAVONS des premiers Bénédictins offre un tableau à la fois familial et champêtre, que le cardinal Newman qualifiait de *virgilien :* le bonheur de lire et d'écouter ensemble de saintes lectures, de cultiver la terre qui est l'image de la bonté de Dieu, et d'en tirer un cantique de bénédiction ; vivre « en un repos laborieux », dans une sorte de grand village, dont l'architecture semble monter elle-même vers Dieu, nuit et jour, avec le chant des psaumes ; quelque chose qui rappelle le jardin d'Eden, où Dieu venait parler avec Adam le soir, à la brise du jour. Cela incline le moine à une délicieuse liberté d'esprit, où la grande méthode d'oraison consiste à vivre et à marcher en présence de Dieu. 141:278 Voici comment un chroniqueur, Siméon de Durham, parle d'Easterwine, premier abbé de Wearmouth, en Angleterre « Quand il reçut le nom d'abbé, il fut encore en esprit exac­tement ce qu'il était auparavant envers chacun, doux, affable et bon. Si l'on avait commis quelque faute, il la corrigeait sans doute, au nom de la règle, mais cependant gagnait si bien le coupable par sa manière instante, sincère, qu'il n'avait nul désir de jamais renouveler sa faute, ou d'assombrir l'éclat de ce très clair visage par le nuage de sa transgression. Et souvent, quand il allait ici ou là, en course pour le monastère, et trou­vait ses frères au travail, il y prenait part aussitôt, guidait la charrue, façonnait le fer, prenait le van, ou faisait d'autres choses semblables. Il était jeune et robuste, avec une voix dou­ce, un caractère joyeux, un cœur généreux, un beau visage. Il partageait la même nourriture que ses frères et sous le même toit. Il dormait dans le dortoir commun, comme avant d'être abbé. Il continua ainsi pendant les deux premiers jours de sa maladie, alors que la mort l'avait déjà saisi, comme il le savait bien. Mais pendant les cinq derniers jours, il se rendit dans un logis plus retiré. Alors, sortant au grand air, il s'assit, fit venir tous ses frères, comme sa nature affectueuse l'y portait, donna le baiser de paix à ses moines en larmes, et mourut la nuit, pendant qu'ils chantaient les laudes. » Quatre siècles plus tard, sous le gouvernement paternel de plusieurs saints moines qui se succéderont sur le siège abbatial de Cluny, l'abbaye connaîtra deux cent cinquante ans de pur esprit bénédictin ; les moines sont des lettrés et des laboureurs, en cela aucune antinomie : c'est avec la même simplicité qu'ils passent du travail des champs à la célébration de l'office. Ils distribuent du grain, réconcilient les seigneurs, accueillent les pèlerins, inventent une civilisation de la bonté. Bonté familière, presque sans effort tant elle est habituelle, née du commerce affectueux de la vie en communauté, faite de dévouement et de support mutuel que facilitent la gravité souriante de ces enfants de Dieu, leur candeur et leur confiance filiale. « On nous dit d'être comme de petits enfants, écrit New­man, et où trouverons-nous un exemple plus frappant que celui qui nous est offert ici de cette union de la candeur et du res­pect religieux, cette claire perception de l'invisible, et cepen­dant la reconnaissance du mystère, qui est la caractéristique des premières années de l'existence humaine ? 142:278 Pour le moine, le ciel était la maison voisine. Il ne formait pas de plans, il n'avait pas de soucis ; les corbeaux de son père Benoît étaient tou­jours à ses côtés. Il sortait, en sa jeunesse, « à son travail et à son labeur », jusqu'au soir de sa vie. S'il vivait un jour de plus, il faisait un jour de travail de plus. Qu'il vécût un grand nombre de jours ou très peu, il travaillait jusqu'à la fin. Il n'avait aucun désir de voir plus loin que l'endroit de son voyage où il devait faire sa prochaine étape. Il labourait et semait ; il priait, il méditait, il étudiait, il écrivait, il ensei­gnait, puis il mourait et allait au ciel. » Comment ne pas évoquer la mort de saint Bède le Vénéra­ble, ce délicieux bénédictin anglais, qui passe de la cellule au ciel en chantant l'antienne de l'Ascension : *Ô Roi de gloire.* « Ô Roi de gloire, Seigneur des anges, qui êtes aujourd'hui monté en triomphe au-dessus des cieux, ne nous laissez pas orphelins, mais envoyez-nous la promesse du Père, l'Esprit de vérité, alleluia ! Et quand il arriva aux paroles : *ne nous lais­sez pas orphelins,* il fondit en larmes et pleura beaucoup. Il dit aussi : « Dieu châtie chaque fils qu'il reçoit » ; et avec saint Ambroise : « je n'ai pas vécu de telle sorte que j'aie honte d'avoir été parmi vous, et je ne crains pas de mourir, parce que nous avons un bon Seigneur. » « Il nous semblait savoir très bien l'heure de son départ, et il passa cette nuit-là en action de grâces, sans dormir. Dès que le matin parut, c'est-à-dire le mercredi, il nous pressa de finir en hâte l'ouvrage que nous avions commencé, ce que nous fîmes jusqu'à neuf heures, au moment de la procession avec les reliques des saints, selon l'usage de ce jour. Mais l'un d'en­tre nous lui dit : « Maître très cher, il manque encore un cha­pitre ; pouvez-vous supporter que nous vous interrogions des­sus ? » Il répondit : « Oui ; prends ta plume, tiens-toi prêt et écris vite. » A trois heures il me dit : « Cours vite, appelle nos prêtres, que je puisse partager entre eux de petits présents que j'ai dans ma boîte. » Quand j'eus fait cela, dans une très vive agitation, il parla à chacun, les exhortant et les suppliant tous de se faire un devoir de dire des messes et des prières pour lui. Il passa ainsi la journée dans la joie jusqu'au soir ; quand le jeune homme nommé plus haut lui dit : 143:278 « Cher Maître, il y a encore une phrase qui n'est pas écrite. » Il répondit : « Écris vite. » Bientôt le jeune homme dit : « Maintenant elle est écrite. » Il répartit : « Bon, tu as dit la vérité ; *consummatum est ;* prends ma tête entre tes mains, car il m'est très doux de me tenir face à la place où j'ai si longtemps prié, et d'aller voir ainsi mon Père. » Et ainsi, sur le plancher de sa cellule il chan­ta : *Gloire au Père, au Fils, au Saint Esprit,* et dès qu'il eut dit : *Saint Esprit,* il rendit le dernier soupir, et s'en alla au royaume des cieux. » \*\*\* C'est sur cet humus de charité céleste, douce, familiale, des communautés monastiques, que germa une des plus belles fleurs de la mystique chrétienne : sainte Gertrude de Helfta. Au XIII^e^ siècle, dans un humble monastère de moniales, où le surnaturel constitue l'unique sphère vitale, Gertrude et sa compagne Mechtilde ont entendu battre le Cœur de Dieu. Elles sont entrées dans ce sanctuaire, se sont enivrées à cette coupe, et ce qu'elles y ont goûté, elles l'ont communiqué, sur l'ordre du Seigneur, dans des écrits sublimes qui ont consolé, stimulé, éclairé tant d'âmes assoiffées de prières et d'union. Sainte Gertrude naquit en 1256, et entra à l'âge de cinq ans au monastère bénédictin de Helfta, près d'Eisleben, en Saxe. Ce monastère était alors sous la conduite de l'abbesse Gertrude de Hackeborn, sœur de sainte Mechtilde, elle-même entrée au monastère à l'âge de sept ans. La petite Gertrude y fut instruite dans les sciences sacrées et profanes, que les moniales du Moyen Age cultivaient avec assiduité. Mais Dieu se réservait de l'initier aux secrets d'une science plus haute. Le 27 janvier 1281, il plut au Seigneur de se manifester à elle d'une manière sensible et d'ouvrir une série de communi­cations divines qui s'échelonnèrent jusqu'à son dernier souffle. Or, dans les desseins de la Providence, ces communications devaient dépasser l'enceinte du monastère : Dieu voulait faire connaître au monde la grandeur et la beauté d'une âme rache­tée par le sang de son Fils et manifester le grand mystère de son amour en prévision des derniers temps où la charité d'un grand nombre sera refroidie. 144:278 Ces révélations furent rassemblées dans un ouvrage intitulé « *le Héraut de l'Amour Divin *»*,* qui annonce et prépare le message de sainte Marguerite-Marie et celui de sainte Thérèse de Lisieux. Le mystère d'amour et de miséricorde enfermé dans le Cœur Divin y était manifesté par le Fils de Dieu lui-même, plusieurs siècles avant qu'il ne devînt, de la part de la sainte Église, l'objet d'un culte particulier. Au cours de ces révélations, tout contribue à ramener Gertrude vers le centre auguste de la divine charité ; le Seigneur lui-même l'y provoquait sans cesse, et plusieurs fois, en signe de l'union étroite qu'il voulait entretenir avec elle, il présenta à ses regards son Cœur sacré, daignant même dans une commu­nication ineffable, condescendre jusqu'à l'échanger avec celui de la sainte, qui réalisait ainsi à la lettre la maxime de saint Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi. » Tentée par un goût intempérant pour l'étude, Gertrude connut d'abord une période de tiédeur dont elle sortit à la suite d'une vision. Ces communications divines auront toutes un caractère de fraîcheur incroyable. Le Sauveur se montra à elle sous la figure et l'apparence d'un jeune homme de seize ans, lui demandant de « revenir enfin vers lui ». A partir de ce jour, Gertrude fut transformée. Elle eut de très vives lumières pour connaître ses imperfections, et elle sentit un désir ardent de s'en corriger et de croître dans toutes les vertus. En même temps, Dieu lui révéla qu'il se plaisait à faire son séjour en elle. Désormais sa vie ne fut plus qu'une suite ininterrompue de faits mystiques extraordinaires : « Comme elle repassait en son esprit plusieurs circonstances où elle avait éprouvé la fra­gilité et l'inconstance humaines elle se tourna vers le Seigneur et lui dit : « *M'attacher à vous seul, ô mon Bien Aimé, c'est là tout mon bien* ! » Le Seigneur, s'inclinant, la serra dans ses bras avec tendresse : « Et m'attacher à toi, ma bien-aimée, répondit-il, m'est extrêmement doux. » A peine eut-il prononcé ces mots, que tous les saints se levèrent devant le trône de Dieu et offrirent leurs mérites au Seigneur, afin que pour sa plus grande gloire, il daignât les communiquer à cette âme qui deviendrait ainsi une demeure digne du Très-Haut. 145:278 Elle vit alors avec quelle promptitude le Seigneur daigne s'incliner vers nous, et combien les saints désirent l'honneur de Dieu, puisqu'ils offrent leurs mérites pour suppléer à l'indigence des hommes. Aussi, comme elle s'écriait, dans toute l'ar­deur de son âme : « Moi, petite et vile créature, je vous salue, ô très aimé Seigneur », elle reçut cette ineffable réponse : « A mon tour je te salue, ô ma très aimée ! » (*Héraut de l'Amour Divin*, Livre III, ch. 29.) Jamais une langue humaine n'avait exprimé si hardiment le mystère de l'intimité de Dieu avec les âmes. Si le mot *naï­veté* s'impose malgré nous, il suffit de se rappeler que naïf vient du latin *natus.* Il s'agit là, en effet, d'une évocation de l'amour à l'état naissant, avant que les rides du dépérissement et de l'habitude ne viennent en ternir la beauté. Il s'agit de savoir s'il y a un amour qui résiste au temps, s'il existe un amour vainqueur du vieillissement et de la mort ; les mystiques montrent qu'un tel amour est possible : *c'est cela que le printemps inépuisable des Révélations cherche à exprimer.* Et si ces écrits pèchent par quelque endroit, ce n'est pas par excès, c'est par défaut : il y a infiniment plus de folie dans le mystère de l'Incarnation, que dans les communications et les épanchements de la grâce dans les âmes. Et cet amour infini, d'une tendresse et d'une générosité inlassables, engendre dans l'âme une confiance éperdue. Voici le chapitre X du premier livre des Révélations ; il s'intitule : « *Du don de confiance qui brilla en Gertrude. *» « Elle sentait à toute heure une telle sécurité dans sa conscience, que ni les tribulations, ni les blâmes, ni les obstacles, ni même ses propres fautes, ne pouvaient altérer cette ferme confiance dans la miséricorde infinie. S'il arrivait que Dieu la privât des faveurs auxquelles elle était accoutumée, elle ne s'en troublait pas, car ce lui était pour ainsi dire une même chose de jouir de la grâce ou d'en être privée. Lors même qu'elle se voyait sans plus de lumière qu'un charbon éteint, elle s'effor­çait encore de chercher le Seigneur, et, se ranimant bientôt sous l'action de Dieu, elle se trouvait prête à recevoir de nou­veaux traits de la ressemblance divine. L'homme qui, des ténè­bres, passe au plein midi, se trouve éclairé tout à coup ; de même elle se voyait illuminée par la splendeur de la divine présence, et recevait non seulement la lumière, mais aussi les ornements nécessaires à la reine, qui ne se présente devant le Roi immortel des siècles, que vêtue de la robe d'or enrichie de broderies. 146:278 C'est ainsi qu'elle se trouvait préparée à l'union divine. Elle avait pris l'habitude de se prosterner souvent aux pieds du Seigneur, pour obtenir le pardon de ces fautes légères qui sont inévitables ici-bas. Mais elle interrompait cette prati­que quand elle recevait, ainsi que nous l'avons dit, une effu­sion plus abondante de la miséricorde divine. Alors elle se livrait volontiers au bon plaisir de Dieu, devenait comme un instrument destiné à manifester les opérations de l'amour en elle et par elle, et n'hésitait pas à prendre avec le Dieu de l'univers une sorte de revanche de tendresse. » (*Héraut de l'Amour Divin,* Livre I, ch. 10.) Sainte Gertrude écrivit également des *Exercices Spirituels* pleins de saveur, d'une liberté d'expression où l'on n'aperçoit rien d'apprêté, rien de systématique. Mais l'esprit des mysti­ques bénédictins est saisissable peut-être plus encore, dans les textes de l'office divin. Voici les antiennes liturgiques des pre­mières vêpres de la fête de sainte Gertrude. 1\. C'est dans le cœur de Gertrude que vous me trouve­rez, dit le Seigneur : mon âme a mis en elle ses com­plaisances. 2\. La très sainte épouse du Christ demeurait sans cesse fixée en Lui, et n'était qu'un même esprit avec Lui. 3\. Que vous êtes belle, ô Gertrude, que vos charmes sont attrayants : en vous Dieu s'est préparé une demeure agréable. 4\. Je vis, mais ce n'est pas moi, c'est le Christ qui vit en moi ; car je porte dans mon cœur les stigmates du Seigneur Jésus. Les antiennes des deuxièmes vêpres sont empreintes de la même tendre et douce familiarité. 147:278 1\. La chaste colombe, ayant fait son nid dans la fente de la muraille, dans le côté sacré du Christ Jésus, y puisait le miel délicieux qui coule du rocher. 2\. Le Christ parlait à sa chère Gertrude, face à face, comme on parle à un ami. 3\. Les paroles de la bienheureuse Gertrude étaient autant de traits du divin amour : ses ardeurs étaient des ardeurs de feu et de flamme. 4\. Le Christ reçut dans ses bras l'âme de sa bien-aimée au sortir de la prison de son corps ; et plein d'amour il lui ouvrit son Cœur. Voici l'antienne du *Magnificat ;* elle décrit la précieuse mort de la sainte. Peut-on mettre tant d'enjouement et de dou­ceur dans l'évocation du terrible passage ? « On vit apparaître les esprits célestes qui descendaient du ciel sur la terre, invitant Gertrude à goûter les joies du paradis ; et ils chantaient : Venez, venez princesse, les délices du ciel vous attendent, alléluia, alléluia. » Ces textes liturgiques témoignent en faveur d'une spiritua­lité toute céleste, inspirée du *Cantique des Cantiques,* dont la fraîcheur et la liberté n'ont pas été assombries par les nuages de la Renaissance. On n'y trouvera pas d'analyse de la souf­france, ni de psychologie des nuits. La place est tout entière occupée par l'admiration et par le chant, seule réponse de nos moines à la « lumière qui divinise ». Ensuite viendront les méthodes d'oraison et les traités d'ascétique et mystique aux lourds développements. Mais il faudra toujours revenir à l'âge d'or des Bénédictins, qui fut un temps d'éclosion et de prin­temps pour l'Église, afin que les âmes, fidèles à l'ancienne manière, puissent à leur tour s'oublier elles-mêmes, entrer dans un univers de gratuité, et -- comme le demande la règle -- *courir, le cœur dilaté, dans la voie des commandements de Dieu, avec une inénarrable douceur d'amour.* (Prologue.) 148:278 Il n'y a pour nous qu'une seule Bonne Nouvelle, c'est que nous sommes infiniment aimés, et que cet amour est capable de nous transformer. C'est là le seul *renouveau* que nous ayons le droit de désirer. Car nous n'avons pas besoin de choses nou­velles, mais nous brûlons d'entendre des choses éternelles, qui nous guérissent du temps, et qui soient dites, non pas avec ennui, mais avec l'éclat et la splendeur de Celui-là seul qui rénove la face de la terre. Benedictus. 149:278 ## NOTES CRITIQUES ### A quoi sert l'obélisque Au centre de la place de la Concorde s'élève un obélisque qui vient de Louqsor. Il a été apporté là en 1833, et dressé sur le lieu du supplice de Louis XVI et de 1342 autres guillotinés de la Révolution. Ce souvenir atroce rend dérisoire le nom donné à la place. Un nom qui a beaucoup changé, de façon significative. La place Louis XV (son nom d'origine) devient place de la Révolu­tion en 1792. En 1795, le Directoire, coup de génie, la baptise place de la Concorde. En 1814, la Restauration revient au nom de Louis XV (faisons comme si rien ne s'était passé). En 1823, influence ultra, la place devient place Louis XVI. En 1830, Louis-Philippe règne, et l'on reprend le nom de place de la Concorde. Il est clair que ce nom vise à un détournement de souvenir. Il cherche à conjurer le fantôme du massacre, du sang royal et du sang républicain qui ont coulé ici, et se sont peut-être mêlés, entre les pavés (cette réunion donnant un sens mystérieux et ironique, le seul qu'on entrevoie, au nom de concorde). Si le nom même de la place est fait pour détourner l'attention de l'essentiel, l'érection de l'obélisque accomplit pleinement cette intention. Violemment étranger au décor de la place, l'obélisque impose l'attention : on ne voit plus que lui. Il invite au bavar­dage : il a trente-trois siècles de plus que la place, il est couvert de hiéroglyphes dorés, sa pointe s'émiette comme celle d'une glace qui fond. 150:278 L'ingénieur Lebas (Jean-Baptiste) contrôla sa mise en place, restant constamment sous la pierre tandis qu'on la dressait. Une erreur, et il était écrasé ; sa mort aurait sanctionné sa faute. On peut parler ainsi longtemps, ce qui évite de penser au roi décapité. C'est le contraire de *La lettre volée,* de Poe, et pour obtenir le même résultat. La lettre se fond dans le décor, se fait oublier à force d'être banalisée, conforme à ce qui l'entoure. Il n'y a pas de rupture, elle est un objet quelconque dans une suite d'objets quelconques. Invisible par mimétisme. L'obélisque au contraire surprend, marque violemment sa dif­férence. Il aimante les regards. Sa tâche est de faire oublier l'autre chose qu'on veut cacher, le crime. L'obélisque est visible pour que l'important soit invisible. Hugo l'avait compris. Il y a dans *Les rayons et les ombres* un poème qui porte pour titre : *En passant dans la place Louis XV un jour de fête publique.* On y lit ces vers : *Oui, c'est dans cette place où notre âge inquiet* *Mit une pierre afin de cacher une idée.* Toujours prudent, Hugo, dans « cet âge inquiet ». Il s'est rallié à la monarchie de juillet. Il n'est plus légitimiste. Il va donc dire ce qui est, ce qu'il voit, mais le dire en masquant la cruauté du réel, en escamotant ce qui est trop pénible. Car il ne s'agit pas de cacher *une idée,* mais *un crime,* un crime qui est sans doute l'acte capital de notre histoire. Il est plus rassurant, et meilleur pour réussir sa carrière, de cataloguer cela comme « idée ». Enfin, si timide que soit son expression, le poète a bien vu ce que signifiait *le coup de l'obélisque.* \*\*\* Il y a une place du 18 juin 40 à Montparnasse, et d'innombra­bles places du même nom à travers la France. Là aussi on peut parler du coup de l'obélisque. Car tous ces rappels du 18 juin ont pour but de faire oublier la date de l'armistice, le 22 juin 1940. Date si bien oubliée qu'il a fallu que je la vérifie, je ne savais plus très bien. (J'étais enfant, alors.) 151:278 Il s'agit de chasser un souvenir douloureux, pénible, par un souvenir glorieux, qui est antithétique, et qui en quelque sorte annule le premier. Malheureusement, d'un point de vue objectif, celui d'un étranger par exemple, le remplacement ne peut avoir lieu. L'appel au combat fait à Londres par un général de brigade n'est pas du même ordre que la signature d'un armistice par le gouvernement de la France (au sens strict, par le général Huntzi­ger, mais qui agit au nom du gouvernement français). Je n'ai évidemment aucune intention, en écrivant cela, de déprécier la valeur sentimentale, la signification symbolique, de l'appel du 18 juin. Mais l'événement qui compte, qui pèse, dans cette année 1940, et qui d'ailleurs entraîne alors l'accord de tous les Français à l'exception d'une poignée, c'est l'armistice. Le coup de l'obélis­que, c'est-à-dire la mise en valeur de l'appel du 18 juin, permet d'occulter un fait désagréable. Cette année, on a même renchéri. Le 17 juin, on a célébré l'an­niversaire du premier acte de résistance de Jean Moulin. Je pense qu'il ne fut pas le seul préfet à s'opposer fermement au vainqueur, mais Jean Moulin, par son rôle ultérieur, est devenu symbolique. La cérémonie à l'Arc de Triomphe, sa photo au pied du bas relief de Rude étaient un geste de piété, sans doute, mais aussi, nette­ment, une manière de reprendre l'avantage sur le 18 juin. Autre coup de l'obélisque : capter la gloire du 18 pour la détourner sur le 17. Mais encore une fois, qu'on en ait honte ou qu'on l'accepte simplement, la date qui compte est celle du 22. Le nier, c'est refuser de voir la réalité. Et sans doute les peuples ont besoin de légendes, mais pas au point de déclarer le réel nul et non avenu. Georges Laffly. 152:278 ### Quelques beaux livres d'enfants pour Noël Et pourquoi n'offririez-vous pas l'histoire de saint Martin pour Noël ? Les beaux livres pleins d'an­ges brillent par leur absence et les contes de Noël ne parais­sent plus. En revanche *Saint Martin l'évêque des païens,* œuvre de Ghéon existe toujours. Vous la trouverez réimprimée aux éditions Culture et Promo­tion populaire. Aux racines mêmes de la France nous trouvons saint Mar­tin. Pannonien d'origine et longtemps chrétien de désir, il allie dans son existence tout ce qui séduit en matière d'aventu­re. Il est soldat et il est brave. Il cherche le royaume de Dieu et sa justice et Dieu pour lui fait des miracles. Il est d'un temps barbare et il le christia­nise. Il est le saint des arbres aussi bien que celui des empe­reurs car partout où se trou­vent des idoles Martin les brise et place la croix sur leurs dé­combres. Il est aux quatre points cardinaux du pays et c'est à lui que nous devons tant de carrefours bénis par des reposoirs -- qui avant lui étaient dédiés à l'ennemi. Saint Martin est un labou­reur d'âmes à qui Henri Ghéon a su rendre l'hommage qu'il fallait. Le texte évoque cet hom­me magistral traversant son époque et la France à grands coups de tintouins miraculeux utiles à Dieu et à Sa Gloire. La France des villages, c'est lui : son nom leur est un des plus souvent donnés. La France des paroisses c'est encore lui c'est lui qui a créé le système. (Le triste record de notre épo­que aura été de détruire son œuvre.) Cette vie vécue il y a seize siècles a le tonus de la jeunesse et emballe à chaque fois son lecteur. La couverture est jolie. L'image classique du manteau coupé y figure pleine page et en couleurs. Cela donne du style à l'ensemble. Ce livre est tout juste ce qui convient aux garçons de 14-15 ans. Une autre vie, bien différen­te, séduira le lecteur un peu plus jeune. *Théophane celui qui embel­lissait tout.* Écrite par Christian Simonnet, éditée par la maison Fayard, elle est claire et aérée, rehaussée de beaucoup de photos en noir et blanc et dont cer­taines sont belles. 153:278 Théophane Vénard nous re­porte en 1829 dans la vie pai­sible des provinces françaises. Cet enfant-là n'a rien de plus qu'un autre, sinon qu'il est ai­mant, profondément aimant. Son histoire aurait pu être celle de beaucoup d'autres enfants de son temps *s'ils avaient bien voulu*. Il est studieux et sage, il aime sa famille et regarde vivre les adultes avec confiance. Il a le goût de l'étude. Un jour qu'il emmène la bique paître au champ paternel il prend avec lui une brochure : *Notice sur la vie et la mort de Jean-Char­les Cornay prêtre du diocèse de Poitiers, décapité pour la foi au Tong King le 20 septembre 1837*. Et voilà que Théophane découvre un autre aspect de notre foi : le martyre. Cela le touche profondément car ce martyr-là est d'une paroisse toute proche, dans le même diocèse que le sien : Poitiers. Théophane, l'affectueux, le sage écolier, suit les filières ha­bituelles des études à cette épo­que. Il y a *Rosa la rose* pour commencer et avec le curé de la paroisse s'il vous plaît ! Puis c'est le collège de Doué-la-Fon­taine, le séminaire de Montmo­rillon et enfin celui de Poitiers. La prêtrise ne suffit pas à cette âme d'élite qui brûle d'aller au Tong King comme le héros de la brochure. Il entre au sémi­naire des missions impossibles, celui des Missions étrangères, appelé aussi par le cardinal Touchet : « *l'école polytechni­que du martyre *»*.* Là il s'épanouit : « Le bonheur habite aux Missions étrangères (écrit-il à sa sœurs), l'air en est em­baumé. Nous formons une fa­mille parfaitement unie. » Ce­pendant le jeune séminariste n'est pas confit en dévotion et son esprit est ouvert et curieux de tout. Bref son histoire se déroule sans heurts et son âme monte doucement vers la sain­teté. Il avait un joli brin de plu­me. Les extraits de ses lettres donnent envie d'en connaître d'autres. Arrivé enfin au Tong King de ses rêves, l'histoire de Théo­phane Vénard et de ses confrè­res rejoint celle de ses devanciers. Tant que le vice-roi fer­me les yeux la vie des mission­naires est possible et dès qu'il les ouvre c'est la persécution. C'est aujourd'hui encore -- comme c'était hier, comme ce sera plus tard sans doute -- le même reproche : fauteurs de troubles politiques, criminels d'État ! Théophane Vénard finira dé­capité ayant écrit à son père : « Un léger coup de sabre sépa­rera ma tête, comme une fleur printanière que le maître du jardin cueille pour son plai­sir... » Ce livre joli, paisible, bien présenté, comporte cepen­dant par-ci par-là quelques ex­pressions familières ou argoti­ques qui rompent incongrûment le plaisir de la lecture. Pour les 10-12 ans (et même pour de plus jeunes, s'ils sont bien suivis dans leurs familles) il y a une histoire délicieuse mais dont le titre n'évoque pas tout le charme. 154:278 *La quête de Raphaël* écrite par Patricia Douglas-Viscomte est publiée par les éditions Fi­deliter et illustrée par Isabelle de la Tocnaye. C'est un livre fin et discret, qui dit beaucoup de choses à sa manière, laquelle est intérieure. Un jour l'enfant du livre voit passer un cheval blanc dans le parc. Pour voir la bête mysté­rieuse il faut le désirer, *même sourdement au fond de son cœur,* lui dit sa mère ; elle vient alors. Elle emmène ceux de la famille qui en sont dignes à la quête du saint Graal. Raphaël, une nuit, part. Il traverse comme le cheva­lier son ancêtre plusieurs épreu­ves chaque fois un peu plus dures : il a faim et il a froid, il est tenté par de trompeuses richesses ; il se sent seul et per­du dans la grande ville. Il s'épure sans le savoir... Le beau cheval *sait* quand il faut venir et quand il sera temps de ra­mener le petit maître à la mai­son. Là était la fin de la quête. Raphaël trouve le sang du Christ au cœur du ciboire et le ciboire au cœur de la vraie messe. Il est bouleversé. « Alors Raphaël considéra à nouveau l'autel. La messe était achevée et le prêtre s'en allait. En pas­sant devant l'enfant, il s'arrêta un instant et le regarda, et dans ce regard qui semblait venir d'un autre monde, la réponse fut donnée. Il sut ce qui lui était ordonné : se préparer pour continuer l'acte qui venait de s'accomplir pour lui et pour cette multitude des temps passés et des temps à venir, être prê­tre un jour. » C'est un livre exquis. Le style de l'auteur est pur et simple. La présentation de l'ouvrage est un peu désuète, la couverture n'est pas jolie. C'est dommage pour un aussi beau sujet mais le texte a un tel charme que cela passe. Cette lecture peut laisser un souve­nir profond dans une âme en­fantine et susciter les confiden­ces spirituelles. Elle convient aux lecteurs de 10 à 12 ans. La préface de Jean Borella s'adres­se aux parents et leur sera utile. C'est un ouvrage que toute famille chrétienne devrait possé­der dans sa bibliothèque ! J'en connais un autre qui devrait l'être aussi mais pour des raisons bien différentes. *Le Seigneur des hautes buttes* de Michel Aimé Baudouy est édité chez G.T. Rageot, édi­tions de l'Amitié. Celui-là est un livre dont le héros est un renard. Ce ne serait pas le premier renard qui ferait rêver son lec­teur me direz-vous. C'est vrai. Seulement ce renard-là a été non pas créé mais vu par un homme au talent bien français. Il y a dans sa façon quelques ressemblances avec celle de Maurice Genevoix. Son obser­vation de la nature est fine et il a l'art de créer un monde sauvage et secret à l'orée de celui des hommes. Et puis il y a cette *manière de vivre* au moulin qui elle aussi est bien française dans son expression. 155:278 Ce livre perpétue la tradition des œuvres simples, claires et bien écrites. Si les illustrations sont anodines la couverture en revanche est exactement ce qu'il fallait car la photo du renard, le sous-bois mordoré *collent* au texte. C'est par le talent de l'auteur qu'une simple guerre entre un *puant* des bois et des enfants qui défendent leurs poules, de­vient la chronique des sous-bois silencieux. C'est un beau ca­deau pour les lecteurs de 9 à 11 ans. *Grégoire petit paysan du Moyen Age* est une vraie beau­té écrite par Charles de la Roncière, Paul François, et illustrée par Bénédicte de la Roncière. Cette histoire est de la célèbre collection du Père Castor, im­primée chez Flammarion. Grégoire passe des jours pai­sibles dans son village de Champagne. Le seigneur est bon et la vie s'ouvre, riante. Les travaux des champs, la vie simple dans la chaumière fa­miliale suffisent au paysan sans souci. Et puis un jour arrivent des voleurs. L'enfant sauve le village et le livre se termine dans la joie. Dans ce livre-album l'image­rie est délicieuse. Les paysages sont pleins de fraîcheur et cha­que page vit, s'anime, pleine de mouvement. A petits coups de pinceaux en touches multicolo­res carillonnent les feuilles sur les prés en fleurs. Les filles parent leurs cheveux de guir­landes et les garçons en bliaud rient à blanches dents. Il y a aussi les pages en noir et blanc où l'inspiration de l'auteur crée tant de nuances, que ce noir finit par avoir autant d'intérêt qu'une couleur : sous-bois feuil­lu où gambade une blanche biquette, ou voleurs en silhouet­te passant un pont suspendu, tout est remarquable. Il y a un souffle dans ces illustrations. D'un seul jet ces jeux, ces pro­cessions, ces maisonnettes sont dessinées sur le papier. Les teintes sont franches. Il y a des roses, des jaunes, des bruns, des bleus tendres, plein de verts frais aussi. L'histoire, simple et facile à lire, est la coqueluche des enfants. Ma foi ils ont bien raison, même si la couverture date un peu. (7 à 10 ans.) Les petits seront gâtés si vous leur offrez trois amours de pe­tits albums dont le premier se nomme : *Dodo, l'enfant do, chante l'oiseau.* Ce petit livre d'images est dessiné par Gyo Fujikawa, imprimé chez Gau­tier-Languereau dans la collec­tion « Bambino ». Ici les nuits sont claires et criblées d'étoiles. Au bord de la mer dorment des enfants, ni­chés au creux de coquillages. Petit Pierre a tendu son hamac au plus secret des feuilles... Passent les elfes et volettent les fées... Au royaume de la beauté Gyo est reine. Elle crée un monde poétique où toutes les merveilles semblent possi­bles. Ses couleurs sont fines et ses personnages gentils. Voilà ce qui convient pour perpétuer le souvenir des cadeaux miri­fiques. Fait de carton glacé, léchable et torturable à merci cet album est ravissant (3 à 6 ans). 156:278 Le second de ces albums s'intitule : « *Le pays magi­que *»*.* Il est aussi créé par Gyo Fujikawa et dans la même col­lection « Bambino » chez Gautier-Languereau. Est-il plus joli que le précé­dent ? Ce n'est pas tout à fait le même thème. C'est le pays magique des comptines. C'est sautillant, guilleret et espiègle. Et pourquoi s'il vous plaît une vieille femme ne ferait pas mai­son d'une chaussure ? Et pour­quoi les chevaux du roi n'au­raient-ils pas mission de recol­ler un œuf ? Au pays des comp­tines c'est comme cela. Et quand c'est si joliment fait et si joyeusement dit, c'est ce qui convient aux bébés (3 à 6 ans). Ces deux albums forment le goût, éduquent les très petits à voir de bons dessins et de bel­les couleurs. Le suivant est tout exprès, d'ailleurs, créé pour cela. *Il était un petit cochon* est imaginé par Annie Butel et illustré par Lucile Butel. Cet album est édité par la maison Gautier-Langueresu dans la col­lection : « Fontanille ». Ce petit cochon-là a un beau parapluie *rouge* et sort sous un ciel *bleu* et cueille des boutons d'or d'un beau *jaune* et... Eh bien vous verrez vous-même... C'est d'une fraîcheur ! \*\*\* Petit cochon rose, c'est amu­sant de se promener avec toi sous la pluie et d'apprendre les couleurs de l'arc-en-ciel. Petit cochon rose, j'aimerais -- si j'étais petite -- te trouver au matin de Noël dans mes chaus­sures. Tu m'as tapé dans l'œil. France Beaucoudray. 157:278 ## DOCUMENTS ### Séminaires et communautés « *L'Œuvre Saint-Joseph pour les vocations *» *a été fondée en 1975. Tous renseignements à son adresse : 31 rue Thiers à Angers. Elle publie un bulletin trimestriel, le. Courrier Saint-Joseph dont le dernier numéro présente une recension des séminaires et communautés dont les notices ont été rédigées par les com­munautés et séminaires eux-mêmes. Quelques communautés, pour diverses raisons, ont demandé à n'être pas mentionnées.* *Cette nomenclature est la première du genre. Elle est appelée à rendre de grands services pratiques aux âmes qui cherchent. Le* « *Courrier Saint-Joseph *» *a bien voulu nous autoriser à reproduire cet ensemble de renseignements.* #### La Fraternité Sacerdotale Saint Pie X A. -- Son Fondateur Monseigneur Marcel Lefebvre est né à Tourcoing dans le diocèse de Lille le 29 novembre 1905. Ordonné prêtre le 21 septembre 1929, il entre au noviciat des Pères du Saint Esprit en 1931. 158:278 Envoyé au Gabon en 1932, il sera nommé Vicaire apostolique de Dakar et sacré évêque le 18 septembre 1947, puis intronisé archevêque de Dakar le 15 sep­tembre 1955. Devenu délégué apostolique pour toute l'Afrique franco­phone de 1948 à 1959, il est en 1962 nommé évêque de Tulle, puis, en cette même année, élu par ses confrères Supérieur Général de la Con­grégation des Pères du Saint Esprit, poste dont il démissionnera en 1968 après l'aggiornamento conciliaire. B. -- La Fraternité Elle est née, après le concile, sur la demande de séminaristes désireux d'être de vrais prêtres selon la Tradition de l'Église. Et c'est devant l'impossibilité de demeurer ces prêtres authentiques dans le milieu ecclésiastique diocésain, que l'idée d'une Fraternité s'est avérée la meilleure solution pour être agréé des évêques et protéger leur sacerdoce, tout en réalisant un ministère très semblable à celui des prêtres séculiers. La Fraternité fut reconnue alors officiellement par S.E. Mgr Char­rière, évêque de Fribourg en Suisse le 1^er^ novembre 1970, et les statuts furent approuvés chaleureusement par S.E. le cardinal Wright, Préfet de la S. Congrégation pour le Clergé. Mais la formation traditionnelle donnée au séminaire d'Écône gênait les évêques français, qui craignirent le retour en France de ces jeunes prêtres. De là les pressions exercées à Rome, qui aboutirent à la fer­meture illégale du séminaire et aux sanctions non moins illégales contre le Fondateur de la Fraternité. C. -- Organisation de la Fraternité La Fraternité s'est alors rapidement développée et compte maintenant plus de 300 *membres,* dont 105 prêtres et 172 séminaristes ayant fait leur engagement. Les prêtres sont répartis dans 4 séminaires et environ 70 maisons situées dans le monde, spécialement en Europe et en Amé­rique du Nord. La Fraternité est *une Société de vie commune* sans vœux, comme les Sulpiciens, les Pères Blancs etc. Les membres après un an de spiri­tualité expriment publiquement leur engagement le 8 décembre de chaque année et peuvent après 10 ans d'engagement temporaire demander à faire des engagements définitifs. 159:278 La Fraternité comprend essentiellement des prêtres, mais elle accueille aussi des *Frères auxiliaires,* qui sont des *religieux.* Ils accomplissent un an de postulat et un an de noviciat. Les Frères sont les auxiliaires des prêtres dans diverses fonctions, soit apostoliques comme les catéchismes, soit matérielles, afin de déchar­ger les prêtres de ce qui peut faire obstacle à leur apostolat. Ils récitent l'Office divin avec les prêtres. Les Frères sont au nombre de 30. La Fraternité s'est adjointe une *Société de Religieuses :* la Fraternité des Sœurs de saint Pie X, qui ont 6 mois de postulat et 2 ans de noviciat. Elles aident les prêtres dans de multiples tâches : écoles primaires, catéchismes, visites des malades, sacristie, entretien de la maison, surtout pour la lingerie, éventuellement la cuisine. Elles récitent aussi l'Office divin avec les prêtres et les Frères et ont une heure d'adoration dans le cours de la journée. Elles sont actuellement 35 professes et 20 novices et postulantes, et ont 7 maisons en plus du noviciat. La Société des religieuses a son autonomie canonique, mais travaille en étroite union avec la Fraternité sacerdotale. La Fraternité a aussi accueilli des *Sœurs Oblates,* qui sont souvent des religieuses qui ont refusé les réformes destructives de leurs sociétés. Ce sont aussi des personnes ayant plus de trente ans et désireuses de vivre dans l'ambiance spirituelle de la Fraternité. Les oblates font aussi un an de postulat et un an de noviciat, si elles ne sont pas religieuses. Celles-ci sont admises à l'Oblation après un an de séjour en commu­nauté. Elles aident également les Pères dans les prieurés et séminaires. Elles sont actuellement 25 dans diverses maisons. Enfin pour les personnes qui vivent dans le monde, la Fraternité admet des *Oblates séculières,* qui s'associent autant qu'elles le peuvent aux Oblates régulières. Et pour les personnes, qui désirent vivre dans l'ambiance spirituelle de la Fraternité tout en demeurant dans le monde, a été fondé un « *Tiers-Ordre *»*,* au sens large du mot, qui les aide à vivre chrétiennement pour leur sanctification personnelle, et l'édifica­tion spirituelle de leur entourage. D. -- Esprit de la Fraternité Continuer le sacerdoce et l'apostolat sacerdotal selon l'institution même de Notre-Seigneur et la Tradition bi-millénaire de l'Église. Or cette institution et cette Tradition nous enseignent que la raison d'être du prêtre est de perpétuer le sacrifice rédempteur de Notre-Seigneur et d'en dispenser les fruits à toutes les générations. Du Cœur transpercé de Notre-Seigneur découlent, et la naissance de son Épouse mystique : l'Église ; et tous les sacrements par lesquels Notre-Seigneur communique sa propre vie divine aux âmes et les lave de leurs péchés. 160:278 Ainsi le Sacrifice de la Messe apparaît comme la source intarissable de la vie de l'Église, le grand mystère de la foi, la synthèse de toutes les vérités révélées, la fontaine de toutes les grâces. Sacrifice et sacre­ment, la Messe nous apporte la présence réelle de Jésus parmi nous, et nous le communique en nourriture. C'est ce rôle sublime du prêtre que la Fraternité s'efforce de con­tinuer en prenant bien conscience que ce rôle est la source du Règne de Notre-Seigneur dans les âmes, dans les familles et dans la société. C'est à cette « Instauration de toutes choses dans le Christ » que s'adonne de tout son zèle la Fraternité, par ses séminaires, ses écoles universitaires, secondaires, primaires, par ses maisons où sont prêchées des retraites, et spécialement les exercices de saint Ignace, par ses prieurés qui sont autant de centres d'apostolat missionnaire. Pour entretenir sa ferveur, la Fraternité s'attache aux grandes dévo­tions de l'Église dans sa Liturgie, aux grands mystères de Notre-Seigneur, à Son Cœur Sacré, à la Vierge Marie et spécialement à Notre-Dame de Compassion, à saint Joseph, guide prudent et sage dans les œuvres spirituelles et matérielles, aux saints Anges, contre les influences diaboliques, à saint Pie X, pour nous garder dans la foi et la sainteté, contre les erreurs et les vices du monde moderne. ([^64]) *Renseignements pour la France auprès du Supérieur du District de France :* Monsieur l'abbé Paul Aulagnier, Maison Saint Pie X, 36, rue des Carrières, 92150 Suresnes -- Tél. (1) 506.10.68. #### Le Monastère Bénédictin Sainte Madeleine Le Monastère Sainte Madeleine, fondé en 1970, par un moine béné­dictin et un jeune postulant, compte aujourd'hui (printemps 1983) 42 sujets dont 9 prêtres. La moyenne d'âge de la communauté est de 25 ans. 161:278 Cette fondation est greffée sur le grand arbre bénédictin. Pour être plus précis, elle se rattache à l'œuvre de restauration monastique com­mencée par le Père Muard, à la Pierre-qui-Vire en 1850, et reprise par Dom Romain Banquet (premier Abbé de Saint-Benoit d'En-Calcat) et par Madame Marie Cronier (première Abbesse de Sainte-Scholastique de Dourgne), à la fin du XIX^e^ siècle. Le Père Jean-Baptiste Muard avait inspiré à sa communauté un grand amour pour le Sacré-Cœur, un goût prononcé pour la prière, la vie intérieure et les austérités. Exténué par les veilles, les jeûnes et les pénitences, il mourut à 45 ans laissant un monastère pauvre en ressour­ces mais riche par l'exemple de ses vertus héroïques au nombre des­quelles il faut mentionner son humilité, sa douceur inaltérable et son zèle brûlant pour le salut des âmes. Sa mort prématurée (en 1854), ne lui ayant pas laissé le temps de donner à sa fondation une structure harmonieuse et complète, cette tâche devait revenir à l'un de ses meilleurs fils, de la race des grands réformateurs bénédictins : Dom Romain Banquet. Formant désormais la Province française de la Congrégation Cassinaise de la Primitive Observance, les monastères issus de la Pierre-qui-Vire allaient connaître un développement rapide et durable. Les vigoureux principes de Dom Romain n'ont pas vieilli ; on s'en persuadera en lisant le petit livre dans lequel ils ont été réunis. (« La doctrine monastique de Dom Romain Banquet », réédité par le Monas­tère Sainte Madeleine, 30 F franco de port.) Horaire d'une journée au Monastère Sainte-Madeleine 3 h 25 : Matines ([^65]) 4 h 30 : « Lectio divina » en cellule 6 h 00 : Laudes, suivies de l'exercice d'oraison (ou des messes privées) 7 h 45 : Prime, Chapitre (où un bref passage de la Règle est lu et commenté par le R.P. Prieur) 9 h 30 : Tierce et Messe conventuelle (le dimanche et aux grandes fêtes l'office commence à 10 heures) 162:278 12 h 00 : Sexte, Déjeuner. 14 h 00 : None, suivie du travail manuel. 17 h 30 : Vêpres, suivies de l'exercice d'oraison et du dîner. 19 h 40 : Complies. Le monastère n'est pas encore érigé canoniquement ; il poursuit paisiblement le cours de son développement, en vue de fondations futures dans le sens que nous indiquera la Providence. Étude et travail manuel Les matinées de nos frères étudiants sont consacrées aux cours (théologie, philosophie, Écriture Sainte) et à l'étude en cellule. Les autres frères consacrent davantage de temps au travail manuel ; cepen­dant chaque matin, leur Père Maître les réunit pour leur exposer un point de doctrine, et un temps leur est réservé pour l'étude du latin, la lecture de la Règle, la traduction des psaumes. L'après-midi est pour tous consacrée au travail manuel. Certains frères, ayant passé leur permis de conduire poids lourds, assurent les transports de sable et de ciment assurant ainsi une contri­bution efficace au travail de construction du monastère. D'autres tra­vaillent aux plans, à la taille de la pierre ou à la surveillance du chantier. Certains ateliers travaillent à temps plein : imprimerie, menuiserie, mécanique, forge, boulangerie. Tous les lundis, une promenade réunit les frères dans un moment de détente depuis None jusqu'à Vêpres. Chaque premier vendredi du mois est marqué par un temps de recueillement et de solitude accrus. Ce jour-là, comme d'ailleurs chaque dimanche après Vêpres, la communauté écoute une conférence spirituelle du Père Prieur. Les retraites Comme l'a prédit saint Benoît (Règle, ch. 53) les hôtes « ne manquent jamais au monastère ». Bien que nous ne puissions leur proposer pour logement que des... caravanes, nous les accueillons avec beaucoup de joie : l'hospitalité tient une telle place dans la tradition bénédictine ! 163:278 Aussi, malgré les multiples travaux du chantier et notre peu de place, nous avons pu organiser quelques retraites pour des groupes de jeunes, et même une session de chant grégorien pour des séminaristes. D'autres suivront, s'il plaît à Dieu. Cet apostolat *intra muros* présente l'avantage d'éviter au moine de sortir de son monastère et permet aux retraitants de bénéficier des offices liturgiques qu'on y célèbre nuit et jour. La Vocation monastique C'est pendant le noviciat que les frères s'orientent vers une vie monastique contemplative avec ou sans le sacerdoce. Nous sommes heureux que le Seigneur nous envoie des vocations de moines prêtres et de moines non prêtres : ceux-ci constituent déjà un groupe solide de travailleurs silencieux et contemplatifs, assurant l'équilibre d'une communauté où la diversité concourt à l'harmonie de l'ensemble. L'union de la communauté se fait autour du principe formel de la vocation monastique : *chercher Dieu,* l'aimer, le chanter, le servir lui seul. Alors l'âme du moine s'épanouit dans une atmosphère familiale qui facilite l'observance de la Règle, et conduit sûrement à Dieu. Pères et Frères sont donc pleinement moines et ces derniers sont souvent *chefs d'emplois,* assumant d'importantes responsabilités au noviciat, aux cons­tructions, à l'hôtellerie. Saint Benoît n'était pas prêtre ; saint Joseph, le chef de la Sainte Famille, non plus, aussi est-il devenu le patron des *religieux convers.* C'est à sa protection que nous confions particuliè­rement la vocation de nos frères : ils trouveront en lui un modèle de vie cachée, humble et silencieux ; c'est l'esprit de notre plus pure tradition monastique, dont un grand pape a souligné avec bonheur le caractère d'universalité : « Ce qu'on a pu appeler la spiritualité du désert, déclare Pie XII, cette forme d'esprit contemplatif qui cherche Dieu dans le silence et le dénuement, est un mouvement profond de l'esprit qui ne cessera jamais, tant qu'il y aura des cœurs pour écouter sa voix. Ce n'est pas la peur, ni le repentir, ni la seule prudence qui peuplent les solitudes des monastères. C'est l'amour -- de Dieu. Qu'il y ait, au milieu des grandes cités modernes, dans les pays les plus riches, comme aussi dans les plaines du Gange ou les forêts d'Afrique, des âmes capables de se contenter toute leur vie de l'adoration et de la louange, qui se consacrent volontairement à l'action de grâces et à l'adoration, qui se constituent librement les garants de l'humanité auprès du Créateur, les protecteurs et les avocats de leurs frères auprès du Père des cieux ; quelle victoire du Tout-Puissant, quelle gloire pour le Seigneur ! Et le monachisme n'est pas autre chose dans son essence. » 164:278 A qui se poserait la question de savoir quels sont les critères essentiels de la vocation bénédictine, il faudrait répondre : le sens de la vie communautaire et de la prière liturgique certes, mais surtout une profonde insatisfaction des biens d'ici-bas, un vif désir de servir Dieu, une soif de vie contemplative qui incline le moine à faire de toute sa vie un commencement de Vie Éternelle. Dom Romain résume tout en une formule lapidaire : « Voici l'âme et le point le plus élevé de la vie monastique : le service, la fréquentation, et la jouissance de Dieu par la prière antique de l'Église. » Programme sublime, il est vrai, pour de jeunes moines inexpérimen­tés ; mais la Très Sainte Vierge Marie, qu'une ancienne tradition salue comme la Reine des cloîtres et la première contemplative, sourit à ces audacieux, et se porte garante de leur vocation. Monastère Sainte-Madeleine, B.P. 7, Le Barroux, 84330 CAROMB. #### Les Frères Mineurs Capucins de Saint François d'Assise Tout chrétien connaît saint François d'Assise (1181-1226), l'amant de Jésus crucifié. Le grand mouvement religieux franciscain s'est ré­pandu comme flamme sur poudre dans toute l'Europe et a conduit, aux 13^e^ et 14^e^ siècles, les fils de Dame Pauvreté aux Indes, en Chine, et jusqu'aux confins de la Sibérie pour conquérir le monde à l'amour de Jésus Christ. La séduction de saint François, le charme austère de sa pauvreté, sont puissants et contagieux. Quand somnole la ferveur chrétienne, l'Ordre franciscain se réveille, et souvent et partout, toujours de la même façon : par un double retour à la très haute Pauvreté et à la contemplation. Alors apparaissent des maîtres spirituels, des mission­naires, des saints... En Italie, dans la Marche d'Ancône, en 1525, naissent les Capucins. Cet Ordre connaît un très grand développement, il écrit dans l'histoire des pages glorieuses ; sous la loi de ses constitutions primitives, toujours inchangées, l'Ordre a vécu jusqu'à nos jours ; en quatre siècles et demi elles ont façonné des âmes sublimes et vigoureuses : saint Conrad le paysan bavarois, le Bx Léopold le Yougoslave mort en 1944, le Padre Pio (lequel avait demandé à Dieu la grâce de mourir avant la fin du Chapitre Spécial des Capucins en 1968... il en prévoyait sans doute l'issue désastreuse). 165:278 En effet, victime du trop célèbre « aggiornamento », l'Ordre des Capucins s'est suicidé par la violation flagrante du canon 593 et des décrets de Vatican II lui-même. Il a voté le rejet sacrilège de nos Constitutions, contrairement aux décisions du Saint-Siège (cf. « Revue des Religieux » Centre USMI cet. 1969 -- p. 496 ; voir aussi Guttierez « le Chapitre Spécial » Milan Ancora 1967 -- p. 84). En quelques pays, des Capucins ont opposé un NON vigoureux à cette apostasie. Mais ces groupes, pressés de se libérer de l'ex-Ordre des Capucins et de ses supérieurs, ont accepté de passer par la sécu­larisation ; unis à quelques autres franciscains ils se sont donné d'au­tres statuts, un autre habit. Ils sont fervents mais ne sont plus capucins. Un Père Capucin français, actuellement à Verjon, dans le départe­ment de l'Ain (France), a décidé de rester fidèle. Car notre monde, notre jeunesse spécialement, ont besoin de l'austérité joyeuse, de la spiritualité simple, de l'amour viril, qui sont des traits de l'âme capucine. « Je n'ai pas accepté de me pénaliser pour dispenser l'autorité de son devoir de justice à mon égard. Solidement justifié par le Droit Naturel, Divin et Ecclésiastique, contraint par le devoir de fidélité et le droit élémentaire d'exister quelque part, je suis venu à Verjon. Sont main­tenant avec moi, cinq jeunes dont un Canadien et quatre Français, tous profès ; et un Père canadien -- docteur en théologie. Le P. Bernard -- ayant passé deux ans et demi avec nous, nous a quittés en janvier 83 pour ouvrir un couvent en Argentine où plusieurs jeunes l'attendaient pour mener la vie capucine. Un bienfaiteur a mis à notre disposition les bâtiments nécessaires à notre établissement, mais nous avons le projet de construire un vrai couvent. » Quelle est notre volonté ? Nous aligner au maximum possible sur la volonté et l'esprit de notre Séraphique Père ! Notre-Seigneur a fixé Lui-même à saint François son genre de vie : « personne ne me montrait ce que je devais faire, mais le Très Haut Lui-même me révéla que je devais vivre selon la forme du Saint Évangile... » Jésus commença par allumer dans le cœur du Père Séraphique un amour ardent du Christ crucifié. Un sens très vif du mystère de l'Incarnation le pénétra profondément ; la présence du Verbe, Image du Père, a dès lors illuminé le Poverello jusqu'à la trans­parente, fixant définitivement son regard sur les mystères d'un Christ anéanti par amour, et sur ses états : la Crèche, la Croix, l'Eucharistie « Ô mes frères, voyez l'humilité de Dieu ! » 166:278 Son amour pour le Christ Jésus s'exprimait dans une contemplation très intense. L'Évangile pratiqué à la lettre a été la forme de sa vie. La Très haute Pauvreté et l'humilité imprimeront respectivement dans sa chair et dans son âme le portrait du cher Crucifié : ... dans le monde sans être du monde ! Sa parole est messagère de la Croix et de la pénitence... Tel est notre idéal, telle est notre volonté ! Quelle est notre vie ? Partagée entre la contemplation, l'Office divin de jour et de nuit, deux heures quotidiennes d'oraison mentale et le ministère spirituel de la prédication. Pendant les séjours au Couvent, entre deux prédications, le temps laissé par la prière est consacré à l'étude silencieuse : la lecture mati­nale d'Écriture Sainte, la contemplation théologique des mystères de notre foi, la préparation des sermons et des missions. Le premier réveil a lieu à minuit pour Matines et Laudes, le deu­xième réveil à 4 h 45 suivi de l'oraison. A 6 h Prime et Tierce, la Messe Conventuelle et la Messe d'Action de Grâce. Ensuite lecture d'Écriture Sainte suivie de l'étude ou du travail matériel pour nos frères laïcs. Après Sexte et None, coulpe et repas, récréation et grand silence, Vêpres et travail. En fin d'après midi la cloche rappelle la communauté au chœur pour Complies et la deuxième heure d'oraison mentale, réfection de l'âme avant celle du corps. A 20 h le grand pardon plonge le couvent dans le silence le plus strict. C'est bientôt l'heure du coucher. Le noviciat précédé d'un temps variable de postulat occupe une année ; suivent trois ans de philosophie scolastique et quatre ans de théologie, puis une année de formation au ministère de la parole. Notre année comporte trois carêmes et le jeûne du vendredi. L'amour pour Jésus Christ, une volonté décidée, une âme sereine, accordent facilement le cœur et le corps à cette discipline. Quel est notre ministère ? Saint François voulait chanter et faire aimer l'Amour... de Dieu, de Jésus Christ. Il voulait sauver tous les hommes : « Je veux vous envoyer tous en paradis ! » 167:278 A la Portioncule, les paroles de Jésus à ses apôtres avant leur départ en mission lui sont une lumière subite et un appel du Seigneur « allez, ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni besace, ni pain, ni argent, n'ayez pas deux tuniques... chemin faisant proclamez que le Royaume des Cieux est proche ». François découvre à la fois la Très Haute Pauvreté et la Prédication apostolique, deux à deux partout. « Voilà ce que je veux, voilà ce que je cherche, voilà ce que je désire de toute mon âme » s'écrie-t-il. Tel est notre ministère, à nous aussi Capucins : la prédication des missions paroissiales, deux à deux comme les apôtres du Seigneur, ou encore les retraites religieuses ; le service du confessionnal ! Ce ministère itinérant, sans charge d'œuvre ni d'administration, constitue l'achèvement de l'amour contemplatif et de la charité fra­ternelle. Quelles sont les conditions d'admission ? 1\. -- D'abord évidemment les conditions élémentaires énumérées par le Droit pour tout aspirant à la vie religieuse. 2\. -- Être âgé au moins de 16 ans et pas plus de 35 ans. 3\. -- Être catholique fidèle à l'Église et au pape. 4\. -- Avoir une bonne santé et un bon jugement. 5\. -- En outre être bien décidé à vivre l'Évangile sur le chemin de saint François. 6\. -- Être ami de la paix et de la concorde. Si ces quelques lignes ont éveillé en vous un écho favorable, si l'affreuse famine spirituelle de notre temps vous blesse le cœur, faites nous la seule aumône que nous désirons : une prière fervente et per­sévérante pour que la vocation capucine éclose dans les âmes de quel­ques jeunes gens ou de jeunes prêtres, avides d'entrer rapidement dans la moisson de Jésus, ne serait-ce que pour arroser, comme frères laïcs, le champ du Seigneur de leur prière et de leur pénitence. Merci ! Frère Eugène de Villeurbanne, Communauté capucine, Verjon, 01270 Coligny (France). 168:278 #### La Fraternité de la Transfiguration I -- Ce qu'est la Fraternité Notre Fraternité a choisi le nom de « Fraternité de la Transfigura­tion ». Dès l'abord nous trouvons ici un de nos buts : le mystère du Thabor -- vénéré tant par l'Orient que par l'Occident -- exprime notre souci d'être témoins et artisans d'unité, dans une parfaite fidélité à Rome, plus spécialement avec le monde orthodoxe. La Fraternité de la Transfiguration est une *Famille* dont les membres s'attachent, d'un commun accord, sous l'entière dépendance de la grâce divine et dans la fidélité totale à Rome, à la réalisation d'une œuvre commune, intérieure et extérieure : celle de l'unité chrétienne. Nous continuons en cela l'œuvre entreprise avant la seconde guerre mondiale par Mgr Wladimir Ghika : né orthodoxe en 1873 en Rou­manie, le Prince Ghika se convertit en 1902. Il fut ordonné prêtre en 1923, et le pape Pie XI lui accorda le privilège de pouvoir célébrer dans le rite latin et le rite oriental. En 1925, il acquit l'ancienne abbaye cistercienne d'Auberive (Aube) pour fonder la Fraternité Saint-Jean, famille disponible pour tout apostolat, et ayant pour premier objectif la charité et l'unité sous toutes ses formes. Malheureusement, en 1931, la communauté, accablée de difficultés financières, dut revendre Aube­rive et les membres se dispersèrent. Mgr Ghika mourut en 1954, ayant été emprisonné par les communistes, alors qu'il était revenu en Rou­manie. La Fraternité de la Transfiguration, consciemment et volontairement, ne se donne pas de programme préétabli d'apostolat, de façon à demeu­rer effectivement *disponible à tout besoin nécessité par la croissance du royaume de Dieu.* Cette disponibilité d'esprit sera elle-même la règle et le programme. La Fraternité est placée sous le patronage de saint Jean l'Évangéliste, « l'Apôtre que Jésus aimait ». Présent à la Transfiguration, saint Jean nous aidera à entreprendre au sein de la Fraternité, « l'ascension du Thabor ». Et par ses écrits sur le Cœur de Jésus et sur l'Eucharistie, sacrifice et présence réelle du Seigneur, saint Jean est aussi l'apôtre de l'unité chrétienne. 169:278 II -- Ses buts Ils se résument en une devise : ADORARE - UNIRE - SERVIRE 1\) Premier but : la sanctification personnelle : ADORARE Elle est le but premier de chacun, dans le souci constant de vivre pleinement le précepte évangélique de la charité. 2\) Deuxième but : la recherche de l'unité : UNIRE. Il ne s'agit pas d'ajouter une spiritualité nouvelle au trésor de l'Église. Mais au contraire, chaque membre peut puiser aux sources des spiri­tualités traditionnelles dans l'Église. Une attention spéciale est portée aux sources de spiritualité orientale, afin de mieux connaître les com­munautés séparées et ainsi de travailler à leur retour à l'unité romaine. Pour cela, chaque membre se fait oblat de l'unité, il offre sa vie, sa peine, son labeur pour hâter l'heure de cette unité. Il est pénétré d'une profonde vénération pour les saintes icônes et étudie la théo­logie de l'icône, expression incomparable du sens sacré en Orient. 3\) Troisième but : le labeur apostolique : SERVIRE. L'attitude d'esprit est la disponibilité. La Fraternité est prête à entre­prendre toutes les tâches qui lui seront confiées, pourvu qu'elles res­pectent sa vie de famille, son esprit et son unité. Au sein de la Fraternité existent deux sortes de membres : a\) les membres permanents b\) les membres vivant dans le monde l'esprit de la Fraternité, appelés « Familiers ». La Fraternité est dirigée par le Père commun, responsable de sa bonne marche et gardien de son esprit. Viennent ensuite les frères et sœurs « permanents », vivant dans des maisons appelées « ermitages ». Les « ermitages », distincts pour les frères et les sœurs, ne doivent pas dépasser douze membres, pour maintenir l'esprit de famille dans chacun d'eux. Viennent ensuite les membres Familiers. Une troisième catégo­rie de membres est celle des amis de la Fraternité, appelés sympathisants, qui aident les membres permanents par leur dévouement et leur esprit d'unité. III -- Des moyens pratiques pour atteindre les buts proposés A la base, il y a la pratique des vertus chrétiennes et des conseils évangéliques de pauvreté, chasteté et obéissance. 170:278 Tous les ans, les membres renouvellent leur engagement le jour de la Transfiguration (6 Août) après une retraite préparatoire dans leur ermitage d'élection. La journée du frère de la Transfiguration commence par la prière du lever, tirée de la tradition orientale, puis l'Office de Prime, en com­mun, la méditation puis la Sainte Messe, et les trois Angelus, l'après midi, le chapelet, la visite au Saint-Sacrement, l'Office de : Vêpres en privé, sauf le vendredi, où l'Heure Sainte rassemble tous les membres d'un ermitage ; enfin les Complies en commun. Ainsi chaque membre honore, et loue Dieu au cours de *la* journée *et* puise dans la prière les grâces nécessaires pour l'œuvre d'unité qui lui est demandée. En résumé, la Fraternité de la Transfiguration est disponible à tout service de l'Église, et veut œuvrer plus spécialement, par l'amour de Dieu et la charité envers le prochain, au retour à l'unité des communautés séparées dans la sainte Église Catholique, Apostolique et. Romaine. Cet état de vie semi-contemplative peut répondre à de nombreuses vocations avides de louer : Dieu et de se consacrer au salut des âmes. Les études profanes et théologiques sont données sur place pour permettre à tous les membres de vivre leur consécration sur des bases solides. M. l'abbé Lecareux, Mérigny. Le Bois, 36220 Tournon Saint Martin. #### Couvent de La Haye aux Bonshommes (Frères Dominicains) « On sait que notre Ordre, dès le début, a spécialement été institué pour la prédication et le salut des âmes. C'est pourquoi notre effort doit tendre principalement à nous rendre capables d'être utiles à l'âme du prochain. A cette fin propre sont intimement unis l'enseignement et la défense de la vérité de la foi catholique, tant par la parole, dans les cours, que par de nombreux écrits. Il faut donc que nous poursuivions cette fin en prêchant et en enseignant de l'abondance et de la plénitude de notre contemplation, à l'exemple de notre Père saint Dominique qui, pour gagner des âmes, ne parlait qu'avec Dieu ou que de Dieu. » (Constitutions de l'Ordre des Frères Prêcheurs.) 171:278 Saint Dominique (1170-1221) était chanoine régulier et âgé de 33 ans quand, au cours d'un voyage dans le Languedoc alors infesté par les hérétiques albigeois, il constate que l'hôte chez qui il va passer la nuit est hérétique. Aussitôt il entreprend de le convertir et après une nuit de discussion y réussit. Les historiens retiendront cet épisode comme l'une des grandes étapes de la vie de saint Dominique. Peu à peu la Providence conduira le saint à se vouer à la conversion des hérétiques et à fonder l'Ordre des Frères Prêcheurs institué dès sa naissance pour la prédication doctrinale contre l'hérésie. Un ordre essentiellement apostolique Retrouver l'idéal apostolique en plein XIII^e^ siècle, tel fut le trait de génie de saint Dominique, qui permit de relancer l'action missionnaire dans toute la chrétienté et au-delà. Mais quel est-il cet idéal apos­tolique ? « Pour saint Pierre le ministère consiste d'abord dans la prière, ensuite dans la prédication ; l'administration des sacrements ne vient ensuite que comme une chose secondaire, une partie pour ainsi dire matérielle, que bien souvent les apôtres laissaient aux diacres pour le baptême, ou aux prêtres pour le baptême et les autres sacrements. » (Père Emmanuel. *Traité du Ministère ecclésiastique,* ch. 2.) Telle est notre vie dominicaine. Prière « Quant à nous, nous serons tout entiers à la prière » Actes 6,4. Les Dominicains sont des contemplatifs. Dans leurs couvents règnent les observances monastiques faites de prière liturgique (Office solen­nellement récité au chœur chaque jour), d'oraison, de silence (sans oublier le chapitre des coulpes, où chaque frère s'accuse devant la communauté des fautes extérieures commises contre les Constitutions et la vie commune... ce qui stimule l'humilité et la ferveur de la communauté). Cette vie contemplative se déroule sous le regard de Notre-Dame : la méditation du Saint Rosaire (confié par Marie à l'Ordre Dominicain) éclaire toutes les actions de la journée. Prédication « Nous serons tout entiers à la prière et au ministère de la Parole » Actes 6,4. « contempler et transmettre aux autres ce qu'on a contemplé » (devise de l'Ordre Dominicain). 172:278 Notre vie contemplative doit déborder sur les âmes pour les con­duire à Dieu. Mais notre apostolat ne consiste pas uniquement dans notre vie de prière et de sacrifice, il s'extériorise par la prédication doctrinale : l'Ordre Dominicain a toujours eu mission dans l'Église de garder la vérité, d'illustrer et de défendre le dogme, d'exposer le mystère de la foi. Il faut enseigner la doctrine, mais il faut aussi la défendre contre les hérétiques... car notre amour de la vérité se montre par la haine que nous vouons à l'erreur, selon la formule de Tertullien. Les noms de saint Thomas d'Aquin et de saint Albert le Grand viennent de suite à l'esprit, et plus récemment celui du Père Garrigou-Lagrange. Mais il faudrait aussi mentionner une multitude d'apôtres dominicains comme le Bienheureux Alphonse Navarette et ses compagnons, martyrs au Japon ; le grand saint Vincent Ferrier ; l'illustre saint Pierre de Vérone, inquisiteur, martyr au XIII^e^ siècle... L'apostolat dominicain recouvre toutes les formes de prédication frères partant a pied, deux à deux en mendiant leur nourriture comme les apôtres, missions, pèlerinages, retraites, prédication du Rosaire sur la place publique, publications... l'œuvre est gigantesque quand on voit l'effondrement actuel de la chrétienté. Mais cette prédication, alimentée par une vie contemplative monas­tique, est aussi préparée par une intense vie d'étude. Contrairement aux Ordres monastiques, l'étude tient une place essentielle dans la vie dominicaine. Ce fut même la grande nouveauté de l'Ordre dominicain au XIII^e^ siècle : dans les couvents, l'étude remplaçait le travail manuel. La Vérité qu'étudie le prêcheur est la Vérité révélée, surnaturelle. La science du prêcheur est la théologie. Il l'étudie spécialement dans les écrits de saint Thomas d'Aquin, le plus illustre fils de saint Dominique, dont l'Église a fait son « Docteur Commun ». L'étude constitue chez lui une préparation directe à l'enseignement et au ministère de la Parole, mais aussi elle l'aide à la méditation de la Vérité divine. La science du contemplatif est la science de la foi embrasée de la charité, illuminée par les dons du Saint Esprit. C'est celle qui fait tout voir avec l'œil même de Dieu. Administration des sacrements « Le Christ ne m'a pas envoyé baptiser, mais évangéliser » 1 Cor, 1,17. Ce n'est que le couronnement de l'apostolat, sa conclusion. L'apos­tolat ne peut consister essentiellement dans l'administration des sacre­ments... il consiste surtout à *préparer* les âmes à recevoir les sacrements avec fruit. Cette préparation se fait par la prière et la prédication de l'apôtre. 173:278 La grâce divine tombera alors sur une terre préparée et non sur une terre stérile, et elle portera alors de nombreux fruits. En raison de cette vocation tout apostolique, les prêtres dominicains administrent surtout *les* sacrements d'Eucharistie et de Pénitence ; les autres sacre­ments exceptionnellement, contrairement au clergé séculier. La mission est autre. C'est là la richesse de l'Église. Conclusion : un ordre sacerdotal « Ton Père Dominique, mon fils bien aimé » dit Dieu à sainte Catherine de Sienne, « a voulu que ses frères n'eussent point d'autre pensée que mon honneur et le salut des âmes, par la lumière de la science. C'est cette lumière dont il a voulu faire l'objet principal de son Ordre... pour extirper les erreurs qui s'étaient élevées de son temps. *Son office fut celui du Verbe, mon Fils unique... *» La vie dominicaine réalise l'imitation la plus complète de la vie même que menait le Christ Jésus au temps de Son passage parmi nous : Le Dominicain est : -- PRÊTRE *:* car Notre-Seigneur Jésus Christ est le Souverain Prêtre. -- RELIGIEUX *: ...* pour être plus parfaitement prêtre, et pour ressem­bler davantage à Notre-Seigneur Jésus Christ pauvre, chaste, et obéissant. -- CONTEMPLATIF *:* pour se nourrir de Dieu connu par la foi... comme Notre-Seigneur se nourrissait de la contemplation de Son Père face à face. -- PRÉDICATEUR *:* pour poursuivre la mission du Verbe. Les principaux objets de la dévotion de l'Ordre sont : -- la Sainte Eucharistie -- la Bienheureuse Vierge Marie, priée spécialement par son Rosaire, qui résume tout l'Évangile et *la* doctrine chrétienne. -- la prière pour les âmes du Purgatoire. Les *frères convers* ont un rôle important dans l'Ordre : leur travail assure la bonne marche des services matériels nécessaires à la vie de la communauté : cuisine, sacristie, jardin, lingerie... Ils coopèrent, à leur place, à l'œuvre commune de l'apostolat, qu'ils soutiennent de toute leur vie d'oraison et de travail consacré à Dieu. Une communauté dominicaine vient de se fonder en France : elle veut vivre dans la fidélité à l'esprit de saint Dominique et aux tradi­tions de l'Ordre. 174:278 Les deux premiers prêtres de la communauté ont été ordonnés par Monseigneur Lefebvre le 29 juin 1982. Deux autres prêtres ont été ordonnés en 1983. Voici l'adresse du couvent : COUVENT DE LA HAYE AUX BONSHOMMES, 49240 AVRILLÉ (gare : Angers) (Frères Dominicains). Horaires : Semaine : 5 h 15 Matines -- Laudes -- Oraison 6 h 45 Messe de Communauté 7 h 40 Prime 10 h Tierce 12 h 15 Sexte 14 h 15 None 16 h Chapelet en commun 18 h Vêpres et Oraison 20 h Complies Pour le moment les cours ont lieu le matin. *Dimanches et fêtes :* 10 h Messe chantée 17 h Vêpres et Salut du TS Sacrement #### Monastère du Carmel du Sacré Cœur L'idéal proposé L'amour de Dieu appelle nécessairement l'amour du prochain, c'est pourquoi la fin du Carmel est double. *VIE D'UNION A DIEU* « Je plonge en l'Infini, c'est là mon héritage ». Sœur Élisabeth de la Trinité. 175:278 Dans son ouvrage « la Règle du Carmel et son esprit », le R.P. François de Sainte Marie note : « On entré au Carmel avant tout pour trouver Dieu et pour avoir avec lui ce contact personnel et vivant que procure la prière la plus intense : Appel à gravir le chemin de la perfection, « tout notre bien consiste dans la parfaite conformité de notre volonté avec la Volonté de Dieu », le Carmel est une vocation à la contemplation, une invitation à la vie d'Union à Dieu. « La Règle veut faire de nous des intimes du Seigneur ; et de l'amour, notre état d'âme. » C'est donc la soif de Dieu qui conduit l'âme au Carmel, Le désir de L'aimer de plus en plus, de consumer sa vie tout entière pour Lui seul comme une adoration incessante, de Lui rendre « Amour pour Amour ». *LE RAYONNEMENT APOSTOLIQUE* Notre père saint Jean de la Croix enseigne que « la compassion pour le prochain croît d'autant plus que l'âme se joint à Dieu par amour car plus elle aime et plus elle désire que ce même Dieu soit aimé et honoré de tous ». Quoi de plus naturel en effet pour l'âme vraiment éprise de Dieu que de travailler de toutes ses forces à communiquer son amour au monde entier ? Mais comment la carmélite, cachée et séparée du monde, peut-elle avoir sur celui-ci une influence réelle ? Il faut alors s'en rapporter à l'efficacité de la prière et de la communion des saints : « Une âme qui s'élève élève le monde. » C'est par la sanctification personnelle et la prière continuelle que la carmélite intercédera pour les âmes. N'est-ce pas Notre-Seigneur Lui-même qui nous apprend que (l'expression est de Dom Chautard) la prière est « l'âme de tout apostolat » ? L'apostolat carmélitain est surtout dirigé vers les prêtres et les défenseurs de la Sainte Église. Sainte Thérèse d'Avila écrivait : « Enfin, il me semblait qu'en nous occupant tout entières à prier, pour les défenseurs de l'Église, pour les prédicateurs et les savants qui com­battent pour Elle, nous viendrons, selon notre pouvoir, au secours de cet adorable Maître si indignement persécuté. » Enfin, en lui-même, le Carmel pourra être comme « un signe sensible, un sacrement transparent de la présence de Dieu dans le monde » (M. le Chanoine H. Peltier) ; sa seule existence est une source d'interro­gations pour le monde. « Le Carmel témoigne que Dieu est là. » 176:278 La vie quotidienne *LE DÉPOUILLEMENT* « Rien, rien, rien, disait saint Jean de la Croix. Le royaume des cieux est semblable à un marchand qui cherche de belles perles ; lorsqu'il a trouvé une perle précieuse, il a donné tous ses biens et il l'a achetée » (Antienne du Benedictus au commun des vierges). Pour s'approcher de Dieu, il va falloir laisser tout ce qui n'est pas Lui, abandonner le « monde » et se dépouiller de soi-même : « Si quelqu'un veut venir après Moi, qu'il se renonce lui-même » (Le IX, 23). *a*) *renoncement aux créatures* La solitude est un aspect essentiel du Carmel. Sainte Thérèse aimait à rappeler que nos premiers pères, ceux mêmes « dont nous cherchons à imiter la vie » étaient des ermites, et le Carmel garde ce goût du désert. La carmélite est donc séparée du monde par une clôture très stricte, mais à l'intérieur même du monastère, la moniale vit seule une partie de la journée retirée dans une cellule ou un ermitage pour le travail ou la lecture. « Je l'attirerai et la conduirai au désert et je lui parlerai au cœur » dit Dieu par le prophète Osée (Ch. II, 16). La pauvreté est maîtresse au Carmel. Pauvreté commune (nourriture, mobilier, vêtement...) et individuelle (ne rien posséder). Sainte Thérèse plaçait très haut cette vertu de pauvreté « bien qui renferme en soi tous les biens ». La prescription du travail, liée à la profession de pauvreté tient par ailleurs une place très importante au Carmel. Les carmélites seront donc couturières, brodeuses, jardinières... D'autres s'appliqueront à la peinture, à la reliure, à la confection des ornements liturgiques, sans oublier les travaux nécessaires à la vie de la communauté (lessive, cuisine, etc.) Les vœux de Chasteté et de Pauvreté expriment ce renoncement au monde. *b*) *renoncement à soi-même* L'attache la plus tenace est souvent celle de la volonté propre et l'orgueil est le plus redoutable obstacle à l'union à Dieu dit saint Thomas. Aussi la religieuse tâche d'apprendre la voie de l'humilité et de l'abnégation par une obéissance prompte et joyeuse aux ordres de ses supérieurs. Unies à celles du Christ, les moindres actions, faites par obéissance, pourront acquérir une très grande valeur rédemptrice. 177:278 A l'humilité se joindra la pauvreté d'esprit. C'est en pauvre que l'on doit se présenter devant le Seigneur pour être enrichi de ses dons. La mortification embrasse toute notre vie, car c'est le « vieil homme » tout entier qu'il s'agit de faire mourir. Mais « celui qui saura mourir à tout trouvera vie en tout » écrivait saint Jean de la Croix. La pénitence carmélitaine consistera avant tout dans le support patient et joyeux des incommodités quotidiennes, des « petites souffran­ces » qui pourront être autant d'occasions de « penser bien vite que c'est -- notre heure -- l'heure où nous allons prouver notre amour » (sœur Élisabeth). *LA PRIÈRE* « Chacun demeurera dans sa cellule ou près d'elle, méditant jour et nuit la loi du Seigneur (Ps. I, 2. Jos I, 8) et veillant dans la prière (1 P, IV, 7) à moins qu'il ne soit légitimement occupé à autre chose. » « Sans l'oraison le Carmel ne serait plus rien » disait Léon XIII. Deux heures sont consacrées à cet exercice, mais si le mot effraie parfois, il ne signifie pourtant rien de compliqué. Il s'agit de se tenir devant le Seigneur conscients de sa présence et de son amour. Par ailleurs, il faut remarquer que notre Règle nous recommande de tout faire au nom du Seigneur. Ainsi, c'est notre vie tout entière, quelle que soit l'œuvre extérieure qui devient une prière. *La Sainte Messe et l'office divin.* Le temps privilégié entre tous pour l'âme qui aspire à s'unir à Dieu sera bien sûr celui de la Sainte Communion quotidienne. S'offrant avec la Sainte Hostie pour accomplir toutes les volontés divines dans la journée qui commence, la carmélite puise au pied de la Croix toutes les grâces et forces dont elle a besoin, pour elle et tant d'âmes recommandées à ses prières. L'office divin, récité recto tono, nous fait participer à la prière de l'Église. Ordinairement dépouillées, les cérémonies du Chœur n'en sont pas moins très belles et solennelles aux jours de fêtes. En outre, notre Ordre fourmille de mille coutumes propres à nous faire vivre au plus près de la Liturgie. La lecture spirituelle quotidienne, la lecture au réfectoire, la confé­rence au moins hebdomadaire au parloir, la retraite prêchée annuelle fourniront l'aliment ordinaire de notre vie de prière. *LA CHARITÉ FRATERNELLE* La vie en communauté sera à la fois un puissant soutien matériel, moral et spirituel et aussi l'occasion de s'exercer à la pratique des ver­tus et de grandir dans l'amour de Dieu. 178:278 Toutes se réunissent pour les deux récréations de chaque jour (une heure chacune environ) et là, tout en travaillant à quelque ouvrage manuel, elles s'entretiennent mutuellement, échangeant lectures et ques­tions, commentant les événements de la vie du Carmes ou de l'Église. Aux grandes fêtes, « licence » sera donnée de parler même en dehors des récréations. En outre, certains travaux, jardin, lessive, grands nettoyages, pourront contraindre les sœurs à se réunir. Dans la maladie, la carmélite sera visitée par ses sœurs et soutenue de leurs prières ; de même à ses derniers moments toute la commu­nauté se réunira autour d'elle pour l'aider par une supplication instante... et alors même que son âme aura quitté l'exil, elle bénéficiera encore des suffrages fidèles de ses sœurs. Monastère du Carmel du Sacré Cœur, 16, rue des Wagnons, 7380 Quiévrain BELGIQUE. *Note :* devant l'affluence des vocations, le Carmel de Quiévrain a dû faire une fondation en France : MONASTÈRE du CŒUR IMMACULÉ DE MARIE, Ruffec le Château, 36300 LE BLANC. #### Monastère Notre-Dame de l'Annonciation Après d'humbles débuts à Montfavet, près d'Avignon, fin 1979, le Monastère Notre-Dame de l'Annonciation est installé depuis dix huit mois à Uzès, dans le Gard, dans un cadre bien isolé de la ville, tout en bénéficiant de sa proximité (3 km). Cette ancienne capitainerie de templiers donne au petit moûstier une fière allure de château fort, entouré de garrigues. Et ce sont bien des « soldats » qui y vivent, soldats du Christ qui combattent pour le règne de Dieu, avec « les très fortes et nobles armes de l'obéissance » (Prologue de la Règle de saint Benoît). La vie monastique se déroule au long des jours, rythmée par la cloche du cloître qui appelle les religieuses à l'Office. Comme l'a réglé saint Benoît, sept fois le jour et une fois la nuit (très tôt le matin en réalité, de sorte à ne pas couper le sommeil... nos vénérables anciens avaient de plus solides tempéraments !), c'est à la chapelle que les voix s'unissent pour la Louange. 179:278 L'Office divin avec la Sainte Messe, est au centre de la vie bénédictine ; c'est « l'Opus Dei », l'œuvre de Dieu, le chant de l'épouse pour son Époux, nous faisant anticiper la vie béatifique d'adoration et glorification du Verbe. Les moniales n'ont pas d'œuvre charitable autre que celle-ci : célébrer par la voix de l'Église Sainte et Immaculée, la Gloire de Jésus-Christ, sauveur et Roi du monde. Cet office choral est donc au cœur de notre vie religieuse. L'étude de la Règle de saint Benoît est également à l'honneur, puisque c'est sous l'habit bénédictin que nous voulons militer, en suivant « cette faible ébauche de règle » (chap. LXXIII) dont parle le grand patriarche des moines, mais qui est un véritable code de sainteté. Le noviciat pendant sa formation, suit des cours de latin, grégorien, Écriture Sainte, Histoire de l'Ordre, Psaumes, Théologie... et tout cet enseignement, destiné à mieux connaître et comprendre la Liturgie et la vie monastique, est assuré par les moines du monastère du Barroux, si dévoués pour les sœurs. Fidèles à la tradition qui veut que les Bénédictines s'implantent à proximité des Bénédictins, et bénéficient de leur aide, les moines nous prodiguent un soutien spirituel, moral, intellectuel et même matériel avec charité et dévouement. Si la Provi­dence ; en nous établissant à Uzès, à une heure et demie de voiture, du monastère Sainte Madeleine, a séparé momentanément les Frères et les Sœurs, le désir de se rapprocher est vif, et confié au puissant gardien des vierges, saint Joseph. « Ora et labora » dit la devise bénédictine Outre l'Office et la formation, le reste de la journée est consacré aux différents travaux d'une grande maison : cuisine, lingerie, ménage, couture pour les nouvelles novices à vêtir, jardinage etc. « Ils seront de vrais moines, dit saint Benoît, s'ils vivent du travail de leurs mains. » Cette exigence de notre Bienheureux Père n'est pas oubliée, mais la nécessaire formation des novices (... et il n'y a que des novices ou presque, à Uzès !), oblige le Monastère à vivre de la générosité de ses bienfaiteurs. Se confiant ainsi à la Providence, ne cherchant que Dieu et sa Sainte Volonté, les religieuses du Monastère Notre-Dame de l'Annonciation, s'offrent dans le silence, le retrait de la clôture, la stricte observance de la Règle, de sorte à accomplir le plus parfaitement possible le premier commandement : « ADORER DIEU ET L'AIMER DE TOUT SON CŒUR » Monastère de l'Annonciation, La Boissière Cedex, Route de Nîmes, 30700 UZÈS. 180:278 #### Monastère Notre-Dame de Toute Confiance Le monde actuel prône le changement et meurt d'insécurité. Il réclame toutes les libertés et devient esclave de ses revendications. Il se dit passionné et effrite l'amour à tout vent. Depuis deux mille ans, l'Église de Notre-Seigneur Jésus-Christ se fraye un chemin parmi ceux qui ne Le connaissent pas, pour témoigner de la pérennité du Dieu trois fois Saint, de sa Vérité qui est Fidélité, de son Amour qui est trop fou pour être compris des hommes. Les miradors de Dieu Aux avant-postes célestes, veillent encore les moines et les moniales, ces extravagants qui ne cessent d'ouvrir et de remplir leur cœur aux richesses du sacré, d'ancrer leur espérance à la stabilité du Dieu vivant et d'offrir leur liberté à Celui qui s'est fait attirant sur la Croix. Une « école du Service du Seigneur » vient d'être fondée : un monastère de Bénédictines contemplatives. Qu'est-ce ? Avant tout, une maison de prière et une vision de paix. Il ne s'agit pas d'innover, mais de se rattacher solidement au vaisseau de l'Église catholique, à la Tra­dition monastique que saint Benoît a toute concentrée dans sa Règle. A Notre-Dame de Toute Confiance, les paroles de ce Père des moines ont toujours vie et fraîcheur. Les deux primats de l'Opus Dei et de l'amour du Christ : « Ne rien préférer à l'Œuvre de Dieu... Ne rien préférer à l'amour du Christ », sur lesquels il insiste tant, se conjuguent dans la prescription de Notre-Seigneur qu'il fait entendre au Supérieur, comme aux disciples : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu ». S. Exc. Mgr Lefebvre, dans l'homélie prononcée le 28 avril 1981 au cours de la Sainte Messe qui précédait la première prise d'habit, expli­quait ainsi le but de la vie monastique : « *Saint Benoît demande à ceux qui veulent s'engager dans sa famille bénédictine : Pourquoi êtes-vous venus ? Et la deuxième question qu'il leur pose est : Si vraiment vous cherchez Dieu... alors, entrez. *» 181:278 Une tâche urgente Toutes les trois heures environ, la cloche appelle à chanter les louanges de Dieu. Et Dieu fait son « Œuvre » dans l'Église, dans les âmes, à l'autre bout du monde peut-être, parce que des religieuses prient. Il faut donc se hâter aujourd'hui d'apprendre à chanter les miséricordes du Seigneur pour pouvoir le faire au ciel, avec la mesure de l'éternité. Ces Heures canoniales, d'ailleurs, ne sont que la répercussion, l'écho du « Sacrifice de louange » de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même la Sainte Messe. Elle est au centre de la vie monastique. Chaque jour, le Christ s'immole sur l'autel et renouvelle son appel au plus grand amour : donner sa vie, se donner, se laisser saisir. La moniale ne vit que pour le Christ, son seul désir est que Jésus-Christ vive en elle, chante en elle, prie, souffre et ressuscite en elle. Elle en vient à « courir sur la voie des commandements de Dieu avec une ineffable douceur d'amour », comme le lui présage saint Benoît. Son Seigneur l'attire toujours plus loin : Duc in altum... Une arme percutante A la prière liturgique, première « mission » confiée aux moines et aux moniales, se joint la prière du cœur qui a noms : méditation, lec­ture divine, oraison, contemplation. Il y a des moments privilégiés de prière dans la journée d'une moniale, mais toute sa vie tend à devenir prière. Le moyen pour y parvenir est simple, mais difficile : « *Militer sous le vrai Roi, le Christ Jésus, avec les très fortes et glorieuses armes de l'obéissance.* » L'obéissance amoureuse à la Règle, qui est l'Évangile mis en prati­que, dépouille de la volonté propre, sans qu'on s'en aperçoive. Saint Benoît la veut sans retard ni tiédeur : il la nomme comme la fille très chère de l'humilité. « L'orgueil s'oppose à Dieu, disait encore Mgr Lefebvre, l'humilité est la voie de la connaissance de Dieu ». Tout au long du jour, c'est-à-dire, « à l'Œuvre de Dieu, à l'oratoire, dans le monastère, au jardin, aux champs, partout où il (elle) se trouve, qu'il (elle) soit assis, en marche ou debout, le moine (la moniale) a les yeux baissés, parce qu'il (elle) répète dans son cœur : je ne veux que m'humilier » : Dieu n'a-t-il pas regardé « l'humilité de sa servante » ? Ainsi accomplis dans l'obéissance, tous les actes de la moniale sont mus par la volonté de Dieu et sont grands à Ses yeux : une dimen­sion sacrée et salvatrice envahit toute sa vie et la relie à celle de Notre-Seigneur, qui « doux et humble de cœur », « s'est fait obéissant jusqu'à la mort de la Croix ». 182:278 Saint Benoît demande à son disciple de « considérer tous les objets du monastère comme les Vases sacrés de l'autel ». Ce regard surnaturel éclaire et allège tous les travaux qui lui sont assignés, car tous ramènent au grand Sacrifice de l'autel. S'il s'y trouve quelque rigueur ; la pénitence offerte s'enfonce en joie dans le cœur. In unum La vie d'une moniale, en bref, la voici : après six à douze mois de postulat, la prise d'habit marque l'entrée au noviciat qui dure deux ans. La novice fait alors profession pour trois ans, puis elle émet sa profes­sion perpétuelle, avec l'engagement de demeurer dans le monastère de sa profession (vœu de stabilité) et d'y travailler dans l'obéissance et humilité à se convertir, c'est-à-dire à vivre de plus en plus pour Dieu seul (vœu de conversion des mœurs). La vie en communauté permet de vivre de la charité que *se com­*muniquent les Trois Personnes divines, au sein même de la Trinité. La moniale expérimente le soutien et l'élan que lui apportent ses sœurs et elle « acquitte chastement la dette de l'amour fraternel ». C'est que nous sommes tous porteurs du Christ, et saint Benoit veut que la foi nous fasse saluer profondément le Christ, tant dans les Supérieurs que dans le prochain le plus près de nous et même dans l'hôte de passage. *Adresse :* Monastère N.-D. de Toute Confiance, Lamairé, 79600 AIRVAULT. #### Les Petites Sœurs de saint François d'Assise à Flavigny (Côte d'Or) Bref aperçu historique Cette Congrégation fondée à Angers en 1873 par Mère Joséphine Renault était à l'origine uniquement vouée au soin des malades riches ou pauvres, à domicile ou en cliniques. Mais, recyclée comme beaucoup d'autres instituts, elle s'orienta peu à peu vers le travail en usine, la vie en H.L.M., etc., méprisant la Règle et l'esprit de la fondatrice. 183:278 Pour sauver leur vie religieuse et garder fidèlement ce qu'elles avaient promis lors de leur Profession, deux religieuses ont alors fondé une branche de stricte observance, joignant au soin des malades et autres œuvres de religion ou de charité la vie contemplative de prière, de silence et de clôture papale mineure : c'est le Monastère Saint-François, à Flavigny sur Ozerain, village au style médiéval, un des hauts-lieux de la Bourgogne. Esprit de la Congrégation Les PETITES SŒURS DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE sont des reli­gieuses franciscaines du Tiers-Ordre Régulier de la Pénitence, semi-contem­platives ; leur vie se rapproche de celle des Clarisses capucines par la spiritualité de joie, de pauvreté et de pénitence, mais elle est moins austère quant à la mortification corporelle et moins stricte quant à la clôture. La spiritualité du Séraphique Père saint François d'Assise est faite de *pauvreté,* de *simplicité,* de *sainte liberté,* de *joie* et de *charité frater­nelle.* Elle est apostolique d'abord par l'oraison ; elle agit par amour de Dieu ; elle rayonne, elle épanouit tout en conservant le recueillement intérieur de l'âme. Activités Fidèles à l'enseignement de leur Séraphique Père, les PETITES SŒURS DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE travaillent pour gagner leur vie : -- travaux manuels divers, art religieux, accueil des hôtes et retrai­tants dans leurs Maisons, centre de soins au couvent, soins infir­miers à domicile... suivant les différentes aptitudes. Elles ont en outre des activités religieuses : -- préparation et chant des Offices liturgiques, fabrication de pains d'autel, catéchismes... Une part importante est réservée à la prière dans la journée d'une PETITE SŒUR : -- Office divin : Bréviaire romain en latin psalmodié (chanté les jours de fête). -- Oraison mentale : au moins une demi-heure matin et soir avec une heure de temps libre spirituel supplémentaire. 184:278 *-- *Adoration du saint Sacrement diurne et nocturne. -- Sainte Messe -- celle de toujours, la messe dite « de saint Pie V ». -- Chapelet quotidien. La joie, l'entente cordiale et fraternelle, l'esprit de famille sont parmi les principales caractéristiques de la Congrégation des PETITES SŒURS DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE, dont la devise est : « Un seul cœur et une seule âme ». Cette charité bien franciscaine se manifeste surtout dans les récréations communes (après chaque repas), où la gaîté, la spontanéité, savent s'allier à un maintien religieux. Noviciat Les jeunes filles sont volontiers accueillies au Monastère saint François pour examiner leur vocation sans aucun engagement ; elles peuvent, si elles le désirent assister à certains exercices dans la Communauté ou s'entretenir avec une Petite Sœur. Le postulat dure de 6 à 9 mois, après quoi a lieu la Prise d'Habit. La postulante quitte alors la parure blanche revêtue en ce jour pour recevoir la robe de bure noire, la corde brune et le voile blanc des PETITES SŒURS DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE. Pendant 2 ans, la novice va étudier la Règle, les Vœux et les Constitutions et approfondir sa for­mation spirituelle, puis ce sera la Profession temporaire à vœux simples de *Pauvreté, Chasteté* et *Obéissance.* Au cours de la cérémonie, la novice recevra la petite croix de bois suspendue sur la poitrine par un cordon de laine brune et le voile noir des religieuses professes. Les Vœux temporaires durent 5 ans : annuels pendant 3 ans, puis renouvelés pour 2 ans, avant la Profession perpé­tuelle. Formation LES PETITES SŒURS DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE reçoivent pendant leur noviciat, et même jusqu'aux Vœux perpétuels, une for­mation très poussée : théologie ascétique et mystique, Bible, Dogme, Histoire de l'Église, Spiritualité franciscaine, étude des Vœux et de la Règle... Quoique complètes, ces études sont cependant adaptées aux possibilités de chacune et ne constituent pas une fin en soi ; elles servent à ancrer solidement dans la fidélité à la doctrine, à la Vérité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 185:278 La communauté des PETITES SŒURS DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE, comptant 3 religieuses à son arrivée à Flavigny en 1971 comprenait en avril 1982 33 religieuses, toutes très jeunes (à l'exception des 4 aînées). Elle se recommande à vos prières pour que Dieu continue à la bénir et à l'accroître. Pour renseignements sur les Petites Sœurs de Saint François d'Assise (d'exacte observance) semi-contemplatives. Écrire à : Mère Thérèse Marie, Maison Lacordaire, Flavigny-sur-Ozerain -- 21150 Les Laumes. #### Le Cours Saint Dominique à Brignoles (Dominicaines enseignantes) École et sainteté (Extraits d'une conférence du R.P. Calmel O.P.) Servantes du Seigneur Par pure grâce le Seigneur vous a appelée à Lui appartenir exclusi­vement et l'Église vous a consacrée à Lui et à son Royaume comme son humble épouse. Il faut que vos forces affectives soient prises totale­ment par le Seigneur et par l'œuvre qu'il vous confie auprès des petites chrétiennes. Vous êtes une épouse du Seigneur qui n'avez pas seulement mission de prier ; l'Église vous donne encore mission pour enseigner les petites chrétiennes ; et, par suite, votre prière doit être accordée avec cette mission. La sanctification personnelle et le service du prochain par l'école La charité pour le prochain se tient avec la charité pour Dieu. Si, par religion, on s'est voué à faire la classe, on ne se sanctifiera pas en dehors. 186:278 Votre sanctification ne saurait donc négliger, ou tenir pour peu de chose, le service que vous vous engagez à rendre aux petites chrétiennes par l'œuvre d'enseignement et d'éducation. Être filles d'Église Ce qui est demandé à tous les chrétiens et ce qui est demandé plus spécialement à ceux et à celles qui ont un mandat d'Église explicite et défini, c'est de croire à la vie de l'Église, d'être persuadés que l'Église les fait vivre et de coopérer de toutes leurs forces à cette vie. C'est un péché de se retrancher. L'Église est grande, belle et sainte. Ne la laisserez-vous pas se manifester en vous dans sa grandeur, sa beauté et sa sainteté ? Accepterez-vous que le monde qui est dans les gens d'Église vous cache l'Église ? Accepterez-vous que le monde qui est en vous vous empêche de vivre au niveau de l'Église ? Croix de Jésus et mission enseignante Il ne vous est pas demandé d'aller à la rencontre de la Croix. Il vous est demandé d'aller à la rencontre de Jésus-Christ par la droiture de votre vie et la Croix viendra infailliblement à votre rencontre. Votre état vous expose aux manœuvres de ceux qui n'admettent pas l'influence de l'Église sur les œuvres temporelles, aux critiques, et aux intrigues de ceux qui veulent un accord impossible dans les œuvres temporelles entre l'esprit du monde et l'esprit de l'Évangile et de l'Église. Œuvre temporelle et consécration à Dieu J'entre en religion pour ma sanctification. Serait-ce que je me fais religieuse pour une fin égoïste ? Certes pas. Lorsque je dis : j'entre pour ma sanctification, cela ne signifie qu'une chose : j'entre pour Vous. Ma sanctification consiste en ce que je sois unie à Vous, Seigneur Jésus. Non pas que je refuse de m'occuper de mon prochain : mais je ne veux m'en occuper que pour Vous et en Vous. 187:278 Je ne suis pas venue dans n'importe quelle congrégation, mais bien dans une congrégation enseignante, parce que je crois avoir quelques talents dans l'ordre de l'enseignement et de l'éducation : si je ne pensais pas avoir un minimum de dons naturels, d'aptitudes et de dispositions dans ce domaine-là, je n'aurais pas choisi comme j'ai fait. Mais ces talents sont pour Vous. En religion, à condition que je sois fidèle, je suis sûre qu'ils seront tout à fait pour Vous, que ces dons, de la nature auront toutes chances d'être purifiés par la grâce, de servir à la Charité, de ne pas me divertir de Vous, de ne pas détourner de Vous mon prochain au service de qui j'aurai à les employer. Je ne dois pas être une sainte et ensuite une sainte enseignante. La sainteté ne se livre pas en pièces détachées. Je dois être une sainte religieuse enseignante, c'est-à-dire que je dois Vous aimer et Vous prier étant devant Vous telle que Vous m'avez voulue, me souvenant de ce que votre volonté me demande de faire. D'autre part je dois enseigner et former les enfants en prenant garde que ce soit pour Vous et en Vous, en faisant constamment retour au recueillement et à la Paix en Vous, en Vous permettant d'agir à travers moi dans cette œuvre modeste et sublime que Vous voulez me confier, en renouvelant maintes fois le propos d'éviter les fautes et les manquements dont je suis heureuse de prendre conscience. Servir le Christ dans l'âme des enfants C'est une vérité première de notre Foi que ce que nous faisons à notre prochain, nous le faisons à Jésus-Christ Lui-même. Les hommes appartiennent à Jésus-Christ à une profondeur que nous ne pouvons pas imaginer. Puissiez-vous être attentives à l'imploration que vous adresse Jésus-Christ dans vos enfants. Puissiez-vous avoir, non seulement assez d'affection et d'imagination, mais surtout assez de Foi pour comprendre ce qu'implorent de vous vos enfants, au nom de Jésus-Christ, dans une prière presque toujours silencieuse et qu'elles ne sauraient pas formuler. En vérité, vous ne pourrez servir Dieu dans leur âme que si vous enten­dez cette demande qui est sans bruit de parole, mais qui pourrait se traduire en ces termes : « Nous voulons savoir ce que nous sommes et pourquoi nous sommes créées ce qu'est le monde dans lequel nous vivons, et si nous devons le suivre ou nous opposer à lui et quel témoignage nous devons y rendre ; quelles luttes nous aurons demain à soutenir et être armées en conséquence ; si c'est vrai qu'il y a une mission de la femme, voulue par Dieu même, et s'il vaut la peine de nous sacrifier pour y répondre. Nous avons besoin d'un climat scolaire d'honnêteté, de joie et de fierté ; nous acceptons bien d'y mettre du nôtre pour le susciter, mais nous voudrions le voir apparaître à la fin. Nous ne refusons ni la discipline ni les sanctions, mais qu'elles pro­cèdent de cœurs qui nous devinent et qui nous aiment, de sorte qu'il nous soit plus facile de les accepter. 188:278 Donnez-nous ce qui nous est néces­saire en fait de culture et de doctrine pour accomplir honnêtement notre voyage parmi les hommes et dans cette vallée de larmes ; mais sachez nous le donner d'une certaine manière et vraiment comme des épouses du Seigneur. Formez-nous au gouvernement de nous-mêmes et à la vertu, mais que ce soit une vertu dans le Seigneur, aimante, souple et portée continuellement dans la prière. » Cours Saint Dominique, Saint-Pré-la-Celle, 83170 BRIGNOLES. N.D.L.R. Le Cours Saint Dominique est la maison mère de cette communauté qui a essaimé en Côte d'Or et dans le Pas-de-Calais : Cours Saint Dominique, 21320 Pouilly en Auxois. École N.-D. des Victoires, Riaumont, 62800 Liévin. #### Saint Dominique du Cammazou à Fanjeaux (Dominicaines enseignantes) Aux âmes qui ont soif de vérité, Dieu propose comme guide saint Dominique et les grandes lumières de son ordre : Une vocation d'Église... La Vérité aimée et enseignée a sa raison d'être et puise sa force dans la fidélité au Saint Sacrifice de la Messe et à la tradition catholi­que ; là est toute notre œuvre : au service de l'Église pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Auprès des âmes d'enfants Ce n'est pas nous qui sanctifions, c'est Jésus présent dans l'Eucharistie. C'est Lui qui conduira les âmes à Dieu et les gagnera à la Vérité. 189:278 Le service diligent de la divine Vérité conduira la Dominicaine en­seignante auprès de l'autel. La Sainte Communion est sa grande force elle donne Dieu Lui-même. Les sœurs trouveront dans la contemplation et dans leurs rapports avec Dieu la lumière, la sagesse, les inspirations dont elles auront besoin pour atteindre les esprits, les cœurs, les volontés des enfants qui leur seront confiés. Don de soi à l'Église et aux âmes d'enfants S'il a son lieu d'offrande au Saint Sacrifice de la Messe, il trouve également dans la prière liturgique et l'oraison ses bases les plus fermes. Le dévouement attentif et incessant auprès des jeunes prend aussi sa source dans la méditation des mystères du Rosaire de Marie. Prière contemplative à laquelle participent librement les élèves désireuses de rendre chaque jour un culte à la Mère de Dieu en pénétrant plus avant dans les mystères de son divin Fils. Les premières années de formation *A son entrée,* la postulante fait la classe et assure des services auprès des enfants, pour que l'on puisse juger de ses aptitudes à l'enseignement et à l'éducation. Cette période de probation s'achève par la prise d'habit et l'entrée au noviciat. *Pendant la première année,* comme le demande le droit Canon, la novice reçoit une formation religieuse sous la direction d'une Mère Maîtresse qui l'initie à la lumière des Constitutions à sa mission future. Par la lecture de l'Écriture Sainte, l'étude doctrinale et le contact avec les meilleurs auteurs, sa spiritualité s'approfondit dans une note toute dominicaine. Une initiation à la liturgie et au chant grégorien lui permet de s'unir plus vitalement aux Mystères célébrés chaque jour. Les services ménagers auxquels elle est appliquée exclusivement la prépa­rent à ceux qu'elle continuera à assumer comme éducatrice auprès des enfants. *Au cours de la seconde année de noviciat,* la sœur reprend la classe tout en continuant sa formation. Elle peut ensuite être admise à faire sa profession temporaire renouvelable annuellement jusqu'à ses vœux perpétuels au bout de cinq ans. Pendant les deux premières années, aidée et guidée dans son travail par la Mère Maîtresse des sœurs étudiantes, elle bénéficie d'une forma­tion religieuse et profane à la lumière des grands principes thomistes. 190:278 Ayant goûté et compris l'importance pour elle-même et pour sa mission de cette Vérité connue et aimée, elle aura le désir de l'approfondir toute sa vie durant. « *Laissez venir à moi les petits enfants, car c'est à leurs sem­blables qu'appartient le royaume de Dieu.* » A une époque de misère spirituelle éclatante et d'indigence intellec­tuelle peut-être pire encore bien que non reconnue, les sœurs se consacrent à remédier à la détresse du siècle par l'école chrétienne en apportant aux âmes des enfants « la miséricorde de la Vérité ». Éduquer la foi en même temps que la raison. Telle est notre fierté et l'honneur chrétien : « c'est de vouloir avant tout la place de l'Amour, de la Vérité et des sacrements dans la vie de nos enfants » R.P. de Chivré OP. Tous les jours, les enfants peuvent, si elles le désirent, assister à la Messe et au chapelet. Dans toutes les classes, des plus petites aux plus grandes, trois heures sont réservées à l'étude de la doctrine. Les enfants y apprennent le caté­chisme, sont initiées à la lecture de l'Écriture Sainte, à l'examen des mystères de notre foi, à la pratique des sacrements. Les grandes fêtes sont également préparées ensemble avant d'être célébrées à la chapelle tandis que les temps liturgiques rythment le cours de l'année. Que signi­fierait en effet un enseignement théorique de la doctrine qui ne cher­cherait pas à passer dans la vie ? Et considérer la culture à la lumière du Christ Transmettre un savoir n'est pas tout, encore faut-il éduquer en ensei­gnant, et donner des critères solides de discernement. C'est pourquoi l'option prise est délibérément littéraire. Les sections classiques, en effet, offrent aux jeunes filles que nous recevons une formation beaucoup plus profonde et les préparent mieux à leur future mission de femmes chrétiennes et de mères de famille. Éduquer des libertés *...* sous peine d'en faire le misérable conditionnement au mal auquel nous assistons trop souvent. 191:278 -- nous préférons adapter une discipline de vie qui tienne compte des circonstances et des âmes. -- et surtout de la relation personnelle de chacune avec le Seigneur. Éduquer des femmes « Qui peut trouver une femme forte, son prix l'emporte de loin sur celui des perles » ; (Prov. 31,10). L'œuvre d'éducation ne s'arrête pas à la porte de la classe. Dans un climat familial, nous demandons de participer avec nous aux travaux ménagers et d'acquérir ainsi des talents de femme d'intérieur. L'aména­gement d'un dortoir, la décoration d'une classe, offrent aussi l'occasion de former le goût de nos élèves dans le sens d'une beauté simple et pauvre. La perversion des mœurs passant par celle de la femme, nous voulons maintenir les valeurs féminines permanentes et demandons une fidélité à la nature qu'expriment : -- une tenue modeste et réservée -- jointe au développement du bon sens de l'enfant droitement dirigé. *et surtout nous essayons de façonner nos filles\ sur le modèle de celle qui demeure l'éternelle grandeur de la Femme :\ MARIE.* SAINT DOMINIQUE du CAMMAZOU, 11270 FANJEAUX N.D.L.R. La maison mère de cette communauté est à Fanjeaux. Deux autres maisons ont été ouvertes en France, près de Saint-Étienne et près de Bordeaux : Cours Sainte Catherine de Sienne, 31, rue Holtzer, 42240 Unieux. École N.-D. du Rosaire, R. des Cordeliers, 33490 Saint Macaire. #### L'Abbaye Saint Michel Religieuses de la Fraternité Saint Pie X *Les Sœurs de la Fraternité Saint Pie X, comme toutes les religieuses, sont des personnes consacrées à Dieu. De ce fait même elles ont pour but la prière et la connaissance de Dieu. Les premiers bénéficiaires de leurs prières sont les prêtres de la Fraternité. Dans leur apostolat elles sont également leurs auxiliaires.* 192:278 Spiritualité Toute congrégation religieuse a une spiritualité propre, un aspect de l'Église qu'elle prend et développe plus particulièrement : les Do­minicains, l'étude de la vérité ; les Bénédictins, la prière liturgique ; les Franciscains, la mise en pratique du vœu de pauvreté, etc. Combien de fois Monseigneur Lefebvre n'a-t-il pas dit que la Fra­ternité Sacerdotale n'a pas de spiritualité propre, qu'elle a l'esprit de l'Église elle-même. Pourquoi cela et comment ? Entendons par là que la vie de l'Église dans son essence devient notre vie propre, que les habitudes de l'Église deviennent nos habitudes, que sa manière de considérer les choses devient aussi la nôtre, que son attitude bienveillante à toute forme de pensée catholique, nous la fai­sons nôtre. Il importe de préciser cependant que notre spiritualité prend sa source au pied de la Croix -- puisque c'est par sa mort sur la Croix que Notre-Seigneur fonde son Église. C'est encore là que nous trouvons Marie, Notre-Dame de Compassion s'offrant en union avec son Divin Fils, pour le salut du monde. Notre-Dame de Compassion est la Patronne principale des Sœurs de la Fraternité. Par son exemple elle leur donne une orientation qui les rattache très fortement à la Croix et au Saint Sacrifice de la Messe. Tous les jours elles ont une heure d'adoration en union avec la Mère des Douleurs pour prier à diverses intentions : les prêtres, les évêques, le Pape, les personnes consacrées à Dieu, et en réparation des outrages faits au Saint Sacrement. C'est en effet la contemplation du Christ en Croix qui fait le vrai chrétien, qui donne toute sa valeur et sa grandeur à la vie religieuse. Notre amour de l'Église ne se développe pas n'importe comment. Ici aussi certaines, règles doivent être respectées. Nous voulons dire que notre amour et notre attachement à l'Église seraient inexistants sans notre attachement au Rocher. Dans cette société surnaturelle, comme ailleurs l'humain a sa part. Un discernement est donc nécessaire et « quand on s'est rendu capable de ce discernement (...) on est « ro­main »... « pour toujours ». Si être romain aujourd'hui est, aux yeux de certains, « une faute » précisons que notre « romanité est une disposition non pas certes aveugle, mais au contraire éclairée, lucide, affinée, de conformité aux vues, aux pensées, aux intentions permanentes et authentiques » de l'Église. 193:278 Vie religieuse Au bout de six mois de postulat, le noviciat de deux ans commence par la prise d'habit. Ce n'est qu'après ce temps de probation que les Sœurs font la profession de vivre selon les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance qu'elles promettent d'observer. La Fraternité des Sœurs a été fondée en 1973. Le 2 octobre de cette année arrivait d'Australie la première postulante. Cependant l'œuvre ne commença réellement que l'année suivante par l'arrivée de quatre autres jeunes filles. C'est la maison d'Albano qui a connu ses premiers développements. Pendant trois années les Sœurs ont profité de ces lieux. Elles montrè­rent aux abbés leur reconnaissance par l'entretien, la réfection, le net­toyage de la propriété qui avait été achetée à l'intention des sémina­ristes. En septembre 1977, elles quittèrent cette proximité de Rome si importante pour leur formation et dont elles avaient tant profité. Elles se rendaient alors à Saint-Michel en Brenne qui devenait ainsi leur nouveau siège. Cette installation était, cette fois, définitive. Le temps de ces deux années et demie de formation est employé à la prière bien sûr, mais ce n'est pas tout. Des cours sur des sujets tels que l'Église, son histoire, l'Écriture Sainte etc. des conférences spiri­tuelles leur sont donnés. Les travaux matériels ont également leur part tout comme le jardinage, l'entretien de la propriété, et les quelques animaux de basse-cour ou le petit troupeau de moutons qui aident la maison à vivre. Après leur profession, les Sœurs sont envoyées dans les différentes maisons de la Fraternité. Là, elles s'occupent de diverses œuvres par lesquelles elles aident et complètent l'apostolat sacerdotal : catéchisme, visites aux malades, sacristie. Les connaissances acquises au noviciat peuvent les aider à rendre d'autres services : fabrication des hosties ; confection et réparation d'ornements d'église, harmonium, chant, jardinage, (jardin potager) etc. sans compter les travaux quotidiens de cuisine, du ménage, de *la* lessive etc. Fin 1982, la communauté comptait 36 professes, 13 novices, 8 pos­tulantes. Les sœurs se dévouaient à Genève, saint Étienne, N.-D. du Pointet, Dijon, Oberreit (Suisse), Bruxelles et au Kansas (États-Unis). Le nombre de maisons où les sœurs se dévouent augmente régulièrement. ABBAYE SAINT MICHEL, Saint-Michel en Brenne, 36290 Mézières en Brenne. \[Fin de la reproduction du numéro spécial du *Courrier Saint-Joseph* diffusé en souvenir du R.P. Barrielle et donnant la nomenclature des communautés et séminaires traditionnels.\] ============== fin du numéro 278. [^1]:  -- (1). Émile Buré (1876-1952), directeur de *L'Ordre.* A l'origine socialiste, puis convaincu par Clemenceau. Dreyfusard et anti-allemand. [^2]:  -- (2). 12 avril 37. [^3]:  -- (1). Romain Marie : *Lettre à mes amis juifs,* dans ITINÉRAIRES, numéro 248 de décembre 1980. [^4]:  -- (1). Jacques Ploncard d'Assac, *Lettres politiques, octobre* 1981*.* [^5]:  -- (2). Bernard Lazare, *L'Antisémitisme, son histoire, ses causes,* édit. Jean Crès, t. II, p. 201. Voir aussi édition de la différence (1982) pp. 168-169. [^6]:  -- (3). *Le Matin-Magazine,* journal socialiste, 6 nov. 1982. La liste qui suit a été relevée dans ce journal. [^7]:  -- (4). Michel Déon : *Mes arches de Noé,* La Table ronde 1978, p. 88. Cité et commenté par Jean Madiran, *Les quatre ou cinq États confédérés,* pp. 7 à 9 et pp. 12-13. [^8]:  -- (5). Jean Madiran : *Les quatre ou cinq États confédérés : face à la démocratie religieuse, la question de l'homme pratique,* un opuscule de 28 pages (1979), diffusion DMM (Dominique Martin Marin, éditeurs à Bouère, 53290 Grez). [^9]:  -- (1). J'avais pris chaque fois la précaution de dire : je cite... fin de citation. [^10]:  -- (2). Rappelons ce passage de la *Tribune juive* du 8 juillet 1981 où il est question « *des nouveaux ministres juifs de François Mitterrand, des nombreux conseillers, chefs de cabinet et très hauts fonctionnaires juifs qui peuplent soudain les allées du pouvoir *». [^11]:  -- (1). Le professeur André Lebois. [^12]:  -- (2). Né en 1933. [^13]:  -- (3). *Connaissance de l'amour,* 1970. [^14]:  -- (4). 2^e^ édition 1973. [^15]:  -- (5). 1963. En 1980 Jean Biès devait publier un second ouvrage sur le même sujet. cf. *infra.* [^16]:  -- (6). 1969. [^17]:  -- (7). *Extases buissonnières,* 1975 -- *Premières saveurs,* 1978 -- *Les Pourpres de l'esprit,* 1980. [^18]:  -- (8). 1982. [^19]:  -- (9). Le dernier des quatre *yuga,* l'âge des conflits et des ténèbres, « l'âge de fer », celui où nous nous trouvons. [^20]:  -- (10). Adeptes d'une sorte de quiétisme. [^21]:  -- (11). Le Père Cyrille dit naturellement *orthodoxe.* [^22]:  -- (12). L'Esprit. [^23]:  -- (13). Montesquieu prend l'Orient plus au sérieux dans l'*Esprit des lois* que dans les *Lettres persanes.* C'est l'Inde morale et juridique qui le préoccupe. [^24]:  -- (14). L'une des parties de la *Çruti* ou Révélation originelle. [^25]:  -- (15). L'Illusion cosmique. [^26]:  -- (16). Le titre est celui d'une tragédie de Lemierre (1770) ; le thème, maintes fois ressassé, est celui de la crémation de l'épouse sur la dépouille mortelle de l'époux. [^27]: **16 bis** -- (16 bis) 1768-1825. [^28]:  -- (17). Les *Considérations sur la France*. 1796. [^29]:  -- (18). 1801-1852. [^30]:  -- (19). Théologie négative selon laquelle on ne peut pas dire ce que Dieu est mais ce qu'Il n'est pas. [^31]:  -- (20). Le Soi personnel et permanent par opposition à *mâyâ*. [^32]:  -- (21). Sous le nom de tantra, il faut entendre les règles des connais­sances terrestres pour l'actuelle période cyclique, qui fait partie des Écritures sacrées. [^33]:  -- (22). « Acte » et suite des effets des actes accomplis dans les vies antérieures en tant que déterminant le destin de leur auteur. [^34]:  -- (23). Quiconque pratique le *yoga,* mais aucune des six méthodes exigées pour parvenir à l'expérience spirituelle ne paraît convenir au tempérament ni au génie de Rimbaud. [^35]:  -- (24). *Rg-Veda -- *le premier des *Veda -- *recueil d'hymnes. [^36]:  -- (25). Cf. *Un Barbare en Asie -- *1933*.* [^37]:  -- (26). 1889. [^38]:  -- (27). Cf. notamment *La Crise du monde moderne,* 1927, *Le Sym­bolisme de la Croix,* 1931, *Le Règne de la quantité et les Signes des Temps,* 1945. [^39]:  -- (28). 1953. [^40]:  -- (29). 1904-1912. [^41]:  -- (30). In *Défense de l'Occident,* 1927. [^42]:  -- (31). 1922-1934. [^43]: **31 bis** -- (31 bis). Laquelle porte en effet le titre de *Trois pèlerins du monde occidental* [^44]:  -- (32). *Le Mont Analogue,* 1952*.* [^45]:  -- (33). « Descente ». Incarnation d'un dieu, principalement celle de Visnu. [^46]:  -- (34). 1982. [^47]:  -- (35). *Connaissance de l'amour. Installation.* [^48]:  -- (36). *Premières saveurs. A un pianiste.* L'expression sent un peu l'Apollinaire. [^49]:  -- (37). *Extases buissonnières. X. Bardo.* [^50]:  -- (38). *Connaissance de l'amour. Aveux d'amour.* [^51]:  -- (39). *Connaissance de l'amour. Métamorphoses.* [^52]:  -- (40). *Connaissance de l'amour. Unité.* [^53]:  -- (41). *Connaissance de l'amour. Bénédiction.* [^54]:  -- (42). *Connaissance de l'amour. Aux Cymbales.* [^55]:  -- (43). *Extases buissonnières. Les Chevaux du Soleil.* [^56]:  -- (44). *Connaissance de l'amour. Fin des Temps.* [^57]:  -- (45). *Extases. Fin des Temps.* [^58]:  -- (46). *Premières saveurs. Vingtième siècle.* [^59]:  -- (47). *Premières saveurs. Graduel.* [^60]:  -- (48). *Premières saveurs. Musique.* [^61]:  -- (49). *Extases buissonnières.* [^62]:  -- (50). *Extases... Lucifer.* [^63]:  -- (51). *Premières saveurs. Dieu dans l'enfer.* [^64]:  -- (1). Cette notice a été rédigée par Mgr Marcel Lefèbvre. [^65]:  -- (1). Les jeunes religieux sont initiés progressivement à la difficile, mais si précieuse observance du *lever de nuit.* Dom Romain dit que la nuit favorise les mystérieux rapports de l'âme avec Dieu : « Ses ténèbres, son silence, un charme pur et secret qui vient d'En Haut, invitent l'âme, et l'entraînent aux ascensions intérieures, lumineuses et sanctifiantes. Parmi les observances qui caractérisent l'état monastique, l'Office de nuit est de toute manière la plus digne, la plus auguste et la plus importante. Après la Messe, c'est la partie de l'Office la plus solennelle et la plus sacrée. »