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Juin 1969 : Michel de Saint Pierre\
« interviouve » Jean Madiran
\[Voir 317-II.jpg\]
En juin 1969, nous sommes trois ans après l'échec de l' « Appel aux évêques ». L'entretien porte sur les falsifications de l'Écriture sainte contenues dans les premiers catéchismes nouveaux conformes au *Fonds obligatoire* imposé par l'Assemblée plénière de l'épiscopat français. Depuis plus d'une année, la revue *Itinéraires* dénonçait (en vain) ces falsifications.
L'interview de Jean Madiran par Michel de Saint Pierre parut dans le numéro de juillet 1969 de *Monde et Vie,* le magazine mensuel de grande diffusion dirigé par André Giovanni, sous le titre : « Jean Madiran : J'accuse les évêques falsificateurs de l'Évangile. »
L'épiscopat ne répondit rien mais s'obstina, la « conformité » aux falsifications du *Fonds obligatoire* demeura imposée aux auteurs de manuels. Et une dizaine d'années plus tard, nouvelle étape, ce furent le « texte de référence », et *Pierres vivantes,* et les « parcours »...
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## Michel de Saint Pierre
### Notre appel aux évêques
par Jean Madiran
LE DERNIER MOT de Michel de Saint Pierre qui ait été imprimé de son vivant, je crois bien que c'est DIEU, à la fin de son entretien avec Rémi Fontaine dans le numéro d'ITINÉRAIRES paru le mois de sa mort. Cette coïncidence, il l'avait bien méritée.
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Je le connaissais depuis ses *Nouveaux Prêtres,* un roman de mœurs contemporaines qui avait donné lieu contre lui à une fameuse chasse à l'homme un véritable lynchage médiatique devant lequel, avant d'en être indigné et meurtri, il était resté pantois. Il ne savait pas encore. On dirait d'ailleurs que personne ne sait jamais avant d'en avoir été soi-même la victime. Je connaissais bien cette musique-là, dix ans plus tôt elle m'avait été jouée, la même exactement, en 1955, quand j'avais publié *Ils ne savent pas ce qu'ils font,* un mince volume sur la non-résistance au communisme d'une grande partie de la presse catholique : pour ce livre qui ne mettait en cause ni les évêques ni *La Croix,* je fus marqué au fer rouge d'anathèmes définitifs par *La Croix* et par les évêques. Un et même deux d'entre eux s'étaient prononcés en faveur de mon ouvrage : on les fit promptement se dédire et rentrer dans le rang. Depuis lors -- cela fait maintenant trente-deux ans -- tout le monde catholique officiel de France a maintenu contre moi un *apartheid* sans fissures. Cela ne faisait encore que dix ans d'*apartheid* au moment des *Nouveaux Prêtres.*
De l'*apartheid* écumant qui se mettait en place contre lui, Michel de Saint Pierre était bouleversé, épouvanté, mais plus encore surpris : c'était son premier contact personnel avec le monde clos du mensonge, dressé devant lui, toutes ses bouches crachant l'injure et la calomnie, par feux de salve tirés comme au commandement. Alors il écrivit, le premier jour de février 1965, cette lettre « A nos évêques, à nos prêtres », qu'il fit tenir personnellement à chaque évêque de France, et qui est profondément émouvante par son étonnement et sa bonne volonté.
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Il y invoque le concile, il cite Jean XXIII et Paul VI, il ne sait pas encore qu'il n'est qu'au début de ses découvertes et de son chemin de croix :
« L'infiltration marxiste, écrit-il, nous nous heurtons à elle, aujourd'hui, à chaque pas de notre vie chrétienne. »
Il constate qu'en faire la remarque attire sur celui qui la fait une convergence stridente d'injures et de calomnies dans une presse catholique quasiment unanime, disqualifiant et déshonorant auprès des fidèles le téméraire qui a élevé la voix. Cette anomalie lui paraît le résultat d'une incroyable méprise ; il réclame que de toute urgence il y soit porté remède, car c'est un véritable assassinat moral. Et au milieu de cette lettre un peu confuse, un peu embrouillée, un peu trop volubile, il lance soudain « Nous invoquons pour notre honneur et notre fidélité la protection de la hiérarchie catholique. » L'exacte justesse, la grande noblesse d'un appel aux évêques ainsi formulé m'avaient conquis. C'était l'évidence du bon droit. C'était le rétablissement de l'ordre. Il revenait en effet à la hiérarchie de faire cesser l'assassinat moral dans l'Église de France.
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L'épiscopat français ne donna point sa protection. Il était tenu en main par un noyau dirigeant qui était l'instigateur et le complice de l'assassinat.
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La lettre de Michel de Saint Pierre fut la première des « cinq phases constitutives » de l'*Appel aux évêques.* On en retrouvera les textes, les détails divers, les péripéties successives dans la revue ITINÉRAIRES de l'année 1965 et du premier semestre 1966. Le 9 février et le 28 avril 1965, je tenais avec Michel de Saint Pierre deux réunions publiques à Paris sur le thème de l'Appel. Puis, dans le numéro de *Permanences* du mois de juin, Jean Ousset nous apportait son renfort en écrivant lui aussi :
« Il importe de lancer un appel aux évêques. Appel qu'ont lancé Michel de Saint Pierre et Jean Madiran. Appel qu'à notre tour nous devons lancer avec eux et comme eux. »
Les points principaux de ce qui fut en ce temps-là notre appel aux évêques sont aujourd'hui aussi actuels qu'en 1965 et 1966.
Leur portée s'est augmentée d'un poids énorme les vingt-deux années de refus épiscopal.
Depuis vingt-deux ans, l'épiscopat refuse en effet de répondre positivement à nos requêtes, il refuse d'en débattre avec nous, il refuse de les prendre en considération, et ce sont pourtant des requêtes objectivement nécessaires, objectivement décisives, je les reproduis dans leur formulation de 1965 qui n'a besoin d'aucune modification :
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1\. -- « Il y a une sorte de guerre à l'intérieur de l'Église. Ce n'est pas une guerre que nous faisons, c'est la guerre que l'on nous fait : la guerre que l'on fait à une partie des prêtres et des laïcs, qualifiés d'*intégristes ;* la guerre que l'on fait selon le cri de guerre du R.P. Liégé qui a proclamé : *Les intégristes sont les pires ennemis de l'Église, plus dangereux que les communistes.* »
2\. -- « Il s'agit de rendre droit de cité, d'un bout à l'autre de la communauté chrétienne, aux catégories entières de prêtres et de fidèles qui sont exclues de la vie sociale et institutionnelle catholique sous l'accusation d'*intégrisme,* d'*anticommunisme,* de *dévotion mariale* et autres prétextes analogues. »
3\. -- « Il faut choisir entre les deux dialogues. D'une part, le dialogue avec le parti communiste, qui aboutit à l'unité d'action des communistes et d'une partie des catholiques pour combattre et détruire l'autre partie des catholiques. D'autre part le dialogue entre catholiques pour rétablir l'unité et la charité dans le catholicisme français et faire face au péril du communisme. »
De telles requêtes ne disaient et ne disent pas tout. Elles constituaient, elles constituent toujours, me semble-t-il, la première base d'une reprise de la conversation avec l'épiscopat.
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Il y a plus de vingt ans que cette conversation est interrompue.
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Le silence de l'épiscopat et de la presse catholique demeura compact. Au bout d'une année de ce mutisme, nous décidâmes, Michel de Saint Pierre, Jean Ousset et moi-même, de réitérer l'Appel aux évêques d'une manière solennelle. Ce fut notre réunion du 27 avril 1966 à la Mutualité. La grande salle était comble. Elle avait été remplie sans réclame et sans tapage, sans affiches et sans publicité, sans un mot dans les journaux : ce qui fit grande impression. L'épiscopat eut le sentiment qu'il ne pouvait plus demeurer inerte et muet. Il le pouvait d'autant moins que cette fois je m'étais adressé à l'ensemble des évêques au nom de l'Évangile explicitement invoqué : « Lequel d'entre vous, si son fils demande du pain, lui donnera une pierre... »
Pour qu'il soit bien clair que l'épiscopat ne nous tenait pas pour ses fils, il nous donna effectivement une pierre : sa réponse fut, sans préavis ni avertissement préalable, de condamner la revue ITINÉRAIRES (juin 1966).
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Donc, la hiérarchie française, au lieu de nous protéger contre la persécution organisée à l'intérieur de l'Église, y prêtait la main et la renforçait. Nous avons alors pensé nous adresser au souverain pontife. Il avait paru prononcer, à notre intention, une parole favorable. Le 22 novembre 1965, il avait déclaré aux évêques de langue française :
« Il faut qu'aucune âme de bonne volonté et foncièrement attachée à l'Église ne puisse légitimement se plaindre d'être tenue à l'écart, de n'être pas entendue, comprise et aimée par ses pasteurs. »
Cette parole du souverain pontife, je l'inscrivis comme la cinquième des « cinq phases constitutives » de l'Appel aux évêques.
Mais elle ne les ébranla point.
Elle ne fut pas le sésame qu'elle aurait dû être. Elle fut considérée par l'épiscopat comme n'étant, dans l'esprit du pape qui l'avait prononcée, qu'une clause de style sans portée pratique. Elle n'eut en fait aucune suite. Et Paul VI lui-même n'y insista pas ; il ne la réitéra point ; au contraire...
Il fallait, pensions-nous à l'époque, arriver à lui parler directement ; sans intermédiaire. André Giovanni, le directeur de *Monde et vie* qui était alors un magazine mensuel de grande diffusion, était venu se joindre à nos délibérations : le conseil délibératif que nous formions ainsi, nous l'avions appelé le SMOG ; de nos quatre initiales. Il nous parut que celui de nous quatre qui devait être auprès du souverain pontife le porte-parole des catholiques français victimes d'*apartheid* et d'assassinat moral était évidemment Michel de Saint Pierre.
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Nous imaginions sa rencontre avec Paul VI, l'usage dynamique qu'il ferait de sa faconde naturelle, le déploiement de sa bousculante puissance de conviction qui bouleverserait son auguste mais sentimental interlocuteur. D'autre part ses relations familiales et mondaines avec toutes sortes de personnalités dans l'aristocratie européenne donneraient du poids à sa demande d'audience...
L'audience pontificale fut effectivement demandée.
Elle fut effectivement accordée.
Mais à une condition : le consentement préalable de l'épiscopat français.
Cette réponse, c'est l'archevêque de Paris qui fut chargé de la transmettre, délicate attention qui lui donnait l'occasion de notifier que la condition n'était pas remplie et qu'il veillerait à ce qu'elle ne le soit point.
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Depuis une quarantaine d'années la quasi-totalité de la presse officiellement catholique milite politiquement pour la gauche avec une partialité, une agressivité, un sectarisme jamais en défaut. S'il en est ainsi, c'est parce que l'épiscopat lui-même est passionnément de gauche.
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Cet épiscopat et cette presse enragent de constater qu'après quarante années de leur prédication, la majorité du peuple chrétien demeure à droite : et, toutes les enquêtes sociologiques l'attestent, d'autant plus à droite qu'il est davantage chrétien, davantage pratiquant, davantage dévot. Cette règle générale comporte bien sûr des exceptions ; et d'ailleurs elle ne va pas sans une grande confusion, parce que ce peuple chrétien ne trouve pas souvent, parmi ceux qui sollicitent ses suffrages, une droite qui lui paraisse vraiment catholique et vraiment digne de confiance : *du moins vote-t-il, comme il peut, contre la gauche.* Une sorte d'instinct lui donne une perception obscure de ce que nos docteurs ordinaires et extraordinaires n'aperçoivent plus du tout : à savoir que l'âme de la gauche politique en France, c'est l'anti-dogmatisme, donc l'anti-catholicisme, donc l'anti-christianisme ([^1]). Cette résistance obstinée du peuple chrétien à leur politique, nos évêques ne la constatent pas sans une profonde déception et une intense animosité à l'égard des « catholiques de droite » qui apportent un soutien militant et une nourriture doctrinale à cette résistance.
Bien entendu, une telle dérive politique de l'épiscopat a des causes religieuses. Michel de Saint Pierre ne les avait encore qu'à peine explorées au moment de l'Appel aux évêques. L' « écrivain témoin de son temps », comme il entendait l'être, n'était alors qu'au début de son exploration en ce domaine.
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A sa mémoire, j'ai voulu rappeler ce moment critique où notre histoire prit décisivement un cours dont elle n'est pas encore sortie, -- ce moment où Michel de Saint Pierre se porta en avant pour lancer en notre nom à tous la parole irréprochable :
« Nous invoquons pour notre honneur et notre fidélité la protection de la hiérarchie catholique »,
... et où il fit ainsi la preuve que de cette hiérarchie devenue partiale, partisane et persécutrice, il n'y avait plus à attendre de protection pour le bon droit bafoué.
Jean Madiran.
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### Les faits ont arbitré
par Guy Rouvrais
RENDANT COMPTE des *Nouveaux prêtres*, le Père Xavier de Chalendar prophétisait, dans la *Semaine religieuse* du diocèse de Paris, que d'ici à deux ans, on ne parlerait plus du livre de Michel de Saint Pierre. C'était en 1964. Un journaliste, Patrick de Ruffray, dans un ouvrage qui se voulait une réponse à celui de Michel de Saint Pierre, *Les Nouveaux infidèles,* s'essayait, lui aussi, à la prospective littéraire : « Tout le monde en parle, dit-on autour de moi au jour même où je prends la plume (22 décembre 1964). Oui, mais toute cette actualité passera comme l'herbe des champs, et dans quelques mois peut-être personne ne parlera plus de ce livre au tirage aujourd'hui fabuleux, dont il ne restera plus alors que les blessures qu'il aura causées. » (p. 15)
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Plus de vingt ans après on parle toujours des *Nouveaux prêtres.* Sur ce point-là au moins, ses détracteurs devraient reconnaître leur erreur. Mais cette erreur sur la pérennité du roman de Michel de Saint Pierre est indissociable d'une autre qui en est la source : pour les adversaires de notre ami disparu, les faits par lui rapportés étaient abusivement montés en épingle, indûment généralisés quand ils n'étaient pas controuvés ; la marée du renouveau conciliaire allait donc les emporter avec elle et les dissoudre au feu de la « nouvelle Pentecôte », toujours promise et toujours différée.
Oui, on en parle toujours, on en parle encore. D'abord, parce que la crise décrite par Michel de Saint Pierre, loin de se résorber, s'est aggravée. Ensuite, parce que ce livre a agi à la façon d'un catalyseur sur le catholicisme français. Il marque une date dans l'histoire de l'Église qui est en France, une date que nul n'a le pouvoir de gommer. On a voulu le renvoyer à l'impertinence de l'anecdote et il était révélateur de l'essentiel.
La controverse engendrée par la publication des *Nouveaux prêtres* a donc été tranchée par l'actualité qui, vingt ans après, a la consistance de l'Histoire. Ce que décrivait Michel de Saint Pierre ce n'était pas la sarabande futile de quelques prêtres marginaux mais les symptômes cliniques d'un mal qui, depuis, n'a cessé de ronger l'Église jusque dans son cœur.
Ceux qui le dénonçaient se sont trompés. Nous écrivons cela sans joie ni « triomphalisme ». Amère serait la « victoire » qui se bâtirait sur la défaite, même momentanée, de l'Église pérégrinante. Nous aurions préféré voir notre Mère, la Sainte Église, sans rides ni taches et reconnaître notre tort de nous être alarmés trop vite. Et, n'en doutons pas, Michel de Saint Pierre aussi. Sa loyauté, son honnêteté, son courage l'eussent conduit à confesser son erreur et à se réjouir, avec ses frères, de pouvoir à nouveau se réchauffer au grand soleil de Dieu dans la barque de Pierre, après ce qui eût été une brève éclipse.
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Que l'histoire immédiate de l'Église ait justifié le pathétique cri de douleur qu'est l'ouvrage de Michel de Saint Pierre il nous faut le rappeler. Pas pour piétiner les médiocres commis à sa dénonciation. Non, pas pour eux. Pour notre ami. Pour la mémoire de Michel de Saint Pierre. Car la publication de son roman ne fut pas l'occasion d'une aimable conversation académique entre critiques littéraires. Ce ne fut pas un débat, mais un combat. Contre l'écrivain solitaire, la cohorte haineuse des nouveaux bien-pensants se déchaîna. Il fut insulté, calomnié, méprisé ; on s'en est pris à son honneur d'homme, d'écrivain, de chrétien. Nul n'a songé à se soumettre au devoir de réparation. Certains s'en sont allés sur une autre rive où l'on rencontre, pour la joie indicible ou le malheur irrémédiable, un autre Juge. D'autres continuent leur carrière et distribuent toujours l'éloge ou le blâme ; *Les Nouveaux prêtres *? Michel de Saint Pierre ? Ils ont oublié. Une vieille histoire, un moment dans leur déshonneur, un instant dans leur ascension ecclésiastico-mondaine, et tout cela est désormais enseveli dans le double linceul du silence et de l'oubli. Nous ne les insulterons pas, nous. Mais confessons que nous avons fait pire : nous les avons relus.
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Ce qui frappe, aujourd'hui, c'est l'extrême modération des *Nouveaux prêtres.* Le récit est circonscrit à une paroisse de la banlieue rouge de la région parisienne, Villedieu-les-Poêles. Elle est à dominante ouvrière, la municipalité y est à direction communiste. Il s'agit donc d'une situation spécifique.
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Michel de Saint Pierre n'a pas voulu montrer une paroisse-type qui serait significative de la situation française. Quant aux prêtres qui y sont décrits et mis en scène, ce ne sont pas tous des progressistes. Ils sont cinq : Paul Delance, Camille Florian (le Curé), Christophe Le Virioux, Jules Barré, Joseph Reismann. Les trois premiers sont des prêtres traditionnels ; les deux derniers seulement sont marxisés. Si Jules Barré, premier vicaire, est considéré sans indulgence par l'auteur, son second, et son disciple, Joseph Reismann, est traité avec une secrète tendresse et une commisération qui éclate à la fin du récit.
On le voit, on ne trouve pas là la dénonciation globale et systématique du nouveau clergé dont Michel de Saint Pierre fut accusé. Il est pour le moins injuste d'écrire, comme Gilbert Cesbron : « ...chaque page de ce livre est une gifle. » « Alors, ils lui crachèrent au visage et lui donnèrent des soufflets. » (*Le Figaro* du 1^er^ décembre 1964.) Mgr Garrone, alors archevêque de Toulouse, et vice-président du conseil permanent de l'épiscopat, avait cru pouvoir affirmer : « *On souffre du déshonneur qui en* \[du livre\] *rejaillit sur tant de gens* » (Déclaration du 13 décembre 1984). De son côté, le cardinal Feltin évoquait « une série de mensonges, de calomnies, de jugements téméraires émis par des gens qui se donnent un mandat de défenseurs de l'orthodoxie, alors qu'ils n'en ont pas » (janvier 1965). L'ineffable Henri Fesquet s'insurgeait : « *Les Nouveaux prêtres,* n'hésitons pas à le dire, est un roman qui frise la mauvaise action, le coup bas » (*Témoignage chrétien,* du 22.10.1964).
Bien sûr, le propos de Michel de Saint Pierre dépassait le cadre de Villedieu-les-Poêles, mais l'extension du mal à toute l'Église était d'abord perçue comme *un risque,* possible, probable peut-être, et non comme *une réalité ici et maintenant.*
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C'était le réflexe de l'homme qui crie « au feu ! » avant que les flammes n'embrasent toute la maison. C'est pourquoi l'auteur a dans cette logique, prolongé son ouvrage d'un « appel aux évêques », en février 1965, puis d'une adresse au pape, en août 1966. Le succès du livre a été, pour Michel de Saint Pierre lui-même, un révélateur. Il ne s'attendait pas à ce que ses *Nouveaux prêtres* connaissent une telle audience. Les inquiétudes du peuple chrétien ont fait écho aux siennes. L'influence du néo-modernisme était donc plus profonde qu'il ne le soupçonnait. Toutefois, la progression de cette gangrène n'était pas inéluctable. Loin d'être un acte de révolte contre l'Église, ce roman constituait un geste de confiance et d'amour filial à son égard : « Ce roman, je l'ai écrit dans l'anxiété et dans la joie, écrivait Michel de Saint Pierre à Gilbert Cesbron. Je l'ai écrit avec amour, parce que j'y mettais en cause la plus haute forme de la vie sur terre : celle du prêtre. Mon profond respect de l'état sacerdotal, je l'ai professé de la première à la dernière page du livre. -- Je voulais, d'autre part lancer un appel au secours contre l'infiltration marxiste dans la France chrétienne. » (*Le Figaro* du 8 décembre 1964.)
Cet appel n'a pas été entendu. Les évêques et cardinaux français se sont rangés aux côtés des détracteurs de Michel de Saint Pierre, avec certes force nuances, circonlocutions et onctueux balancements pour les uns, et une sèche brutalité pour les autres. Il eût été possible à ce moment-là d'enrayer la progression du mal, et avec l'aide de Rome, de l'extirper : Les évêques ne l'ont pas voulu. Ils en recueillent aujourd'hui les fruits amers.
Qu'on me permette ici un témoignage personnel.
Lorsque j'ai lu *Les Nouveaux prêtres* pour la première fois, je n'étais pas catholique. J'étais en marche vers l'Église mais je ne l'avais pas encore rejointe. J'étais luthérien. Les maux que dénonçait Michel de Saint Pierre affectaient gravement le protestantisme aussi, c'étaient les mêmes : marxisation, primat du social sur le spirituel, apostolat sélectif, etc.
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Néanmoins, lorsque je lus le récit de Michel de Saint Pierre, je ne fus point découragé de demander à être reçu dans la communion de l'Église, au contraire, dirais-je. Pourquoi ? Parce que je m'attendais à trouver, à la faveur de cette crise, la vérification expérimentale de la conclusion historico-théologique à laquelle j'étais parvenu : en l'absence d'une autorité apostolique transmise de façon ininterrompue, le protestantisme était impuissant à juguler les tendances centrifuges et les hérésies qui se développent périodiquement en son sein. « La situation dénoncée par Michel de Saint Pierre, me disais-je à part moi, ne va pas durer longtemps : les évêques, successeurs des Apôtres, vont parler, tempêter, condamner, la cause sera entendue et tout ce joli monde rentrera dans le rang. » J'attends encore. Le lecteur, curieux, se demande peut-être, en cet instant, pourquoi j'en suis toujours. Cela est une autre histoire ; je dirai simplement que l'Esprit Saint nous attire dans son Église pour des raisons particulières et nous y fait rester pour d'autres...
Pourquoi les évêques de France n'ont-ils pas réagi en défenseurs de la foi catholique ? Laissons de côté ceux qui, modernistes eux-mêmes, ne pouvaient évidemment fustiger leur postérité. Mais les autres ? Ils n'ont pas défendu la foi de toujours parce qu'ils n'ont pas cru qu'elle était menacée. Ils ont pensé -- ou feint de penser ? -- que ce qui était en cause n'était point doctrinal, mais pastoral. Le propos de Mgr Garrone est à cet égard significatif. Évoquant les traditionalistes, il écrivait : « L'Esprit Saint demandera aux uns le sacrifice de quelques attitudes et de quelques gestes qui sont le débordement de leur zèle. » (Déclaration du 13 décembre 1964.) Autrement dit, ce que défendait Michel de Saint Pierre, ce n'était pas la foi, mais des formes de piété contingentes.
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Les prêtres progressistes conservaient donc la foi catholique et, pour mieux la transmettre à « ceux qui sont loin », ils la dépouillaient de ses expressions jugées dépassées. C'est ce que disait Gilbert Cesbron : « Ne pouvez-vous, mes frères bourgeois, au-delà des paroles déroutantes et des comportements abusifs de certains prêtres, comprendre cette hantise des âmes perdues, et cette angoisse de faire connaître le Christ à tout un peuple païen ? » (*Le Figaro* du 1^er^ décembre 1964.)
Ah ! s'il ne s'était agi que de cela, nous aurions pu aisément dissiper le malentendu et nous mettre d'accord. Il n'est que de relire ce texte, vingt ans après, pour s'apercevoir que, déjà, ce n'était pas seulement cela qui était en cause. La « hantise des âmes perdues » ? Le mot « âme », aujourd'hui, est banni du vocabulaire ecclésiastique et absent des pseudo catéchismes. « Perdues » ? Qu'ils se lèvent les paroissiens des églises conciliaires et qu'ils nous disent quand, pour la dernière fois, ils ont entendu un sermon sur l'enfer et la damnation éternelle ! « Faire connaître le Christ ? » Noble dessein, mais quel Christ ? Le Messie vrai Dieu et vrai homme, consubstantiel au Père, comme le dit le Symbole de Nicée-Constantinople, ou le Christ agitateur social que l'on célèbre dans des chansonnettes qui tiennent lieu de Credo dans les paroisses ordinaires ?
Oui, répétons-le, les faits ont arbitré en faveur de Michel de Saint Pierre. Il ne défendait pas la piété de quelques-uns mais la foi de toujours et de toute l'Église. Ce n'était pas un conflit de pastorales. La pastorale n'était que le prétexte à une liquidation doctrinale. Il ne s'agissait pas de savoir si les prêtres devaient accorder davantage de temps à l'évangélisation, au détriment des pratiquants « bourgeois », mais de bouter ceux-ci hors de l'Église. Pour y faire entrer les autres « qui sont loin » ? Même pas ! Mais de dire à ces derniers qu'ils n'avaient pas besoin de devenir chrétiens puisqu'ils vivaient déjà les « vraies » valeurs du christianisme dans leur combat social.
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Dans un communiqué solennel, publié le 26 juin 1966, le conseil permanent de l'épiscopat, dans sa mise en garde contre des publications catholiques -- dont ITINÉRAIRES -- dressait la liste des affirmations que les catholiques de France se devaient de refuser :
« *Ils affirment que l'enseignement religieux est en crise ; l'école chrétienne en péril, l'autorité personnelle de chaque évêque, minée par les organismes collectifs de l'épiscopat ; la primauté du saint-père, compromise par la collégialité ; la doctrine sociale de l'Église, faussée par le progressisme ; la foi de nombreux clercs, pervertie par des erreurs doctrinales graves. Ils contestent l'application qui est faite de la Constitution liturgique. Ils critiquent les mouvements apostoliques et leurs méthodes.* »
Qui peut dire, aujourd'hui, que ce qui était dénoncé hier par l'épiscopat français comme autant de calomnies n'est pas la réalité actuelle de l'Église qui est en France ?
Qui peut nier que cette Église est, de fait, sous la coupe d'un noyau dirigeant et de commissions qui dépouillent l'évêque -- consentant -- de son autorité diocésaine ?
Qui peut nier que la Constitution sur la Liturgie n'est pas appliquée ?
Qui peut nier que l'enseignement religieux soit en crise à cause de la disparition totale des catéchismes catholiques ?
Qui peut nier que les mouvements apostoliques, comme la JOC, l'ACO, la JEC, soient critiquables d'être devenus des appendices du parti communiste, au point que certains ne sont plus, comme en 1966, mandatés par la hiérarchie ?
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Qui peut nier que, dans le domaine de la morale, entre autres, les exhortations, mises en garde, avertissements du saint-père ne soient pas reçus par des épiscopats entiers, dont l'épiscopat français ? Qu'on se souvienne, pour ne mentionner que cela, de la note épiscopale sur *Humanae Vitae.*
Qui peut nier que « la foi doctrinale de nombreux clercs » soit « pervertie par des erreurs doctrinales et morales graves » ? Il n'est que de lire n'importe quel hebdomadaire soi-disant catholique ou d'écouter tel ou tel sermon.
Qui peut nier que la doctrine sociale de l'Église, après avoir été abandonnée en pratique, est aujourd'hui récusée dans son principe même ?
Mais il y a tout de même une différence : les critiques qui, hier, étaient l'apanage des traditionalistes, sont partiellement reprises au plus haut niveau de l'Église. Qu'on lise, pour s'en convaincre, les textes sévères du cardinal Ratzinger. Que ses actes ne soient pas à la hauteur de la pertinence de ses propos est une autre question et, peut-être, un autre mystère qui est au cœur de la persistance de la crise.
Sur tous ces sujets, on peut dire, on doit dire, que *Les Nouveaux prêtres* était un livre prophétique, pour employer un adjectif qu'affectionne l'Église conciliaire. Mais ce sont ses détracteurs que l'on loue et lui que l'on continue d'accabler. La lucidité et le courage n'étaient point du côté de l'épiscopat français, des journalistes de cour et des théologiens opportunistes.
Devant les églises qui se vident, les séminaires que l'on ferme, les prêtres qui s'en vont, les fidèles déchirés, la liturgie massacrée, les catéchismes bannis, les évêques qui pétitionnent avec Georges Marchais, les vérités de foi niées du haut de la chaire, le Credo amputé, la messe du concile persécutée, qu'ils viennent nous redire, les yeux dans les yeux, les censeurs de Michel de Saint Pierre, qu'il exagérait, qu'il généralisait indûment, qu'il calomniait, qu'il insultait, qu'il mentait.
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Oui, qu'ils viennent, s'ils osent, nous les attendons...Mais nous sommes tranquilles, hélas ! on ne se bousculera pas à notre porte.
Guy Rouvrais.
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### Sous le soleil de Dieu
par Michel Fromentoux
ROMANCIER, conférencier, polémiste, poète, combattant de la foi : en tous domaines, Michel de Saint Pierre a révélé, outre son talent, ses inestimables qualités de cœur et d'âme. Traditionaliste, il ne fuyait pas son temps ; au contraire celui-ci semblait le fasciner, il le comprenait à fond, et il a su mettre en relief bien des drames engendrés par une société déliquescente, sur lesquels on jette trop souvent le manteau de Noé. Jamais neutre devant la bêtise et le matérialisme contemporains, affranchi de tous les conformismes à la mode, il savait fustiger ce qui est vil autant que communiquer son admiration pour ce qui est grand.
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C'est, bien sûr, en tant que catholique qu'il a donné le meilleur de lui-même. *Sous le regard de Dieu,* a-t-il intitulé l'un de ses plus beaux livres ; ç'aurait pu être aussi la devise de toute sa vie, de toute son œuvre, réellement mûries sous le « soleil de Dieu », ce soleil dont les rayons pénétraient l'âme de ses lecteurs.
Dans cet ouvrage paru en 1984, Michel de Saint Pierre exprime -- avec quelle ferveur, quelle gravité ! -- tout ce qu'il pense, tout ce qu'il aime, tout ce qu'il croit. Ce sont les réflexions d'un homme « qui redescend la colline » et qui, après avoir connu dans ce siècle difficile tant de joies et tant de peines, vient nous expliquer avec simplicité et émotion que « tout est grâce ».
Gustave Thibon a mille fois raison de dire que ce n'est pas la lumière qui manque à notre regard, mais notre regard qui manque à la lumière. Michel de Saint Pierre savait bien que notre époque inondée par les ténèbres, la laideur, l'apostasie et la peur, est celle où « le Ciel s'est manifesté à la terre avec une étonnante insistance » ; il suffit de savoir regarder.
Des sources de lumière, il faut en déceler dans notre patrimoine musical, reflet des « divines exactitudes ». Il y a aussi les sublimes exemples d'héroïsme chrétien, tel celui de Jacques d'Arnoux dont la « force explosive », dit Michel de Saint Pierre, peut « soulever au-dessus d'eux-mêmes les adultes les plus aplatis ».
N'oublions surtout pas les grands mystiques qui ont honoré notre temps : « Dieu, çà et là, se choisit des âmes qui consentent à s'immoler pour nous -- des êtres d'exception à travers qui le message passe avec des clartés et des évidences aveuglantes ; les transparents du Christ. » Et Michel de Saint Pierre d'évoquer alors Thérèse Neumann morte en 1962 après avoir vécu sept cents fois la Passion du Christ ; -- le Padre Pio de Pietrelcina mort en 1968, dont la messe, admirable de sainteté, était un vivant acte de foi en la Présence réelle, et qui fut l'objet de tant de cabales infâmes ;
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-- Marthe Robin morte en 1981, qui, trente années durant, vécut sans le moindre aliment et souffrit chaque vendredi les tourments du Christ. Comment ne pas croire, espérer et aimer, quand « les stigmatisés nous tendent leurs mains trouées par les clous de la Croix » ?
Notre ami était également sensible à la voix virile et sans détours d'Alexandre Soljénitsyne qui, tel un prophète, dénonçait en 1978 les deux phénomènes qui se développent dans le monde : « le rationalisme (il règne aussi bien sur l'univers communiste que sur l'empire souterrain des Loges et des Sectes) et l'humanitarisme hypertrophié (il nous vient de la Renaissance, de la Réforme et de l'encyclopédie) dont l'explosion finale est ce culte insensé que l'homme moderne se rend à lui-même ». Cette clameur, le monde « cuirassé d'égoïsme individuel et collectif » n'y a guère fait écho...
Michel de Saint Pierre ajoute qu'un tel discours, « il y avait vingt ans que nous l'attendions d'un pape. Nous ne recevions plus de Rome qu'une série de vues fragmentaires sur une infinité de questions religieuses, sociales et politiques, qui éparpillaient et morcelaient le seul grand problème ». C'était alors la fin du règne de Paul VI « L'Église s'était tellement ouverte au monde que sa substance même était en train de s'écouler. Or, nous avions besoin d'une Église ferme et forte -- et du Dogme. »
La crise de l'Église fut une réelle souffrance pour Michel de Saint Pierre, qui avait tiré la sonnette d'alarme dès 1964. Lié à Mgr Lefebvre par une amitié de plus de trente ans, il ne cessa de mener un combat énergique contre le libéralisme et la philosophie subjectiviste, ennemie essentielle de la Vérité de toujours. Mais sa conviction fut toujours que le Ciel n'a point abandonné la terre. A La Salette, à Fatima, à Lourdes, il sentait « l'éclatante présence de Marie ».
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Il aimait et savait faire aimer le Vatican, qui sera toujours le centre de la chrétienté, mais où, hélas, depuis Vatican II, le pape a bien du mal à s'imposer à une curie divisée contre elle-même, qui trie le courrier et qui fait échec à toute initiative en faveur de la Tradition : « J'imagine, errant dans le désert glacé des appartements pontificaux, perdu au fond d'une solitude morale qui se fait chaque jour plus aride, le pape, le successeur, timonier de la Barque sainte. Car l'unité de l'Église, la seule unité possible, c'est lui -- et la charité du monde, c'est encore lui, qui se donne inépuisablement. Dans ce Vatican que j'aime et qu'il n'aime pas, nous sentons sa présence. Pierre est là, portant la croix sur ses épaules. Et cela se suffit. »
Michel de Saint Pierre, chevalier de la France catholique, savait réconforter le lecteur. Son œuvre poétique, connue ces toutes dernières années, avec *La source et la mer,* est de la même veine : on y découvre une poésie -- en vers et en prose -- qui, au plus profond du tragique, n'échappe jamais à l'espérance ; elle est toute baignée de lumière, dominée par la grande figure de saint François d'Assise : « On ne sait plus ce qu'est le respect maintenant. On se permet de railler l'azur. Les poètes eux-mêmes, trop préoccupés de l'homme, ont perdu le sentiment de véritable déférence pour le monde créé. » C'est mettre le doigt sur le drame contemporain du culte de l'homme qui empêche d'admirer la Création, et par là même de louer Dieu.
Toute sa vie, Michel de Saint Pierre aura montré qu'aucun drame humain ne peut être résolu en dehors de la foi, de l'espérance et de la charité. Cette réflexion sur la mort est à méditer : « Obscurément je sens qu'il n'y a qu'une résignation qui vaille : celle de la Croix. Et si j'ai peur de souffrir, et si je n'ai pas peur de mourir, il me reste à vouloir au plus profond de moi-même qu'une autre Volonté soit faite. »
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Puisse cette expérience servir à réorienter les hommes d'aujourd'hui, qui ont tant besoin de savoir que le « soleil de Dieu » brille toujours, même -- et surtout -- sur leurs chemins de Croix.
Michel Fromentoux.
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### « Ce monde ancien ! »
*Tout Michel de Saint Pierre\
y était déjà*
par Alain Sanders
QUAND les critiques en cour daignèrent parler de Michel de Saint Pierre, ils s'accordèrent -- pour certains -- à signaler que son essai paru en 1961*, La nouvelle race,* préfigurait, par le menu, ce qu'on allait appeler, par la suite, « les événements de 68 »*.*
Michel de Saint Pierre écrivait notamment : « *Que fait une jeunesse comme celle d'aujourd'hui, dont il ne faut jamais oublier qu'elle est issue d'une étrange guerre -- une jeunesse qui se sent à la fois seule, privée d'appuis et fille de vaincus ? Elle se tourne d'abord vers le nihilisme qui est l'affirmation d'elle-même parce qu'il affirme son désespoir -- et cela lui donne l'amère jouissance de nier pêle-mêle toutes les valeurs morales.* »
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Bien évidemment, *la nouvelle race,* qui annonçait tant de choses et qui aurait dû interpeller quelque part -- comme on dit aujourd'hui -- les sociologues, passa quelque peu inaperçue.
De la même façon je crains que le succès des *Aristocrates,* des *Nouveaux prêtres* ou de *Sainte colère* n'ait contribué à faire oublier le premier roman de Michel de Saint Pierre, *Ce monde ancien !* publié en 1948.
Quand paraît *Ce monde ancien !* Michel de Saint Pierre a 32 ans. Il arrive à la littérature après avoir tâté du travail en usine, de la marine, de la Résistance et même du journalisme. Il sait écrire, certes, mais il n'est pas encore romancier. Il écrit donc -- mais il ne le sait peut-être pas -- un livre « en creux ». C'est-à-dire quelque chose qui lui ressemble et ne lui ressemble pas ; une histoire qu'il a vécue et qu'il a rêvée tout à la fois ; une révolte qui le déchire et qui l'apaise en même temps...
En exergue, une citation d'Apollinaire : « Tu es las de ce monde ancien. » En tête de chacune des parties -- il y en a quatre -- qui composent le roman, une autre citation. D'André Gide, d'abord : « Aujourd'hui la beauté n'agit plus. L'action ne s'inquiète plus d'être belle. Et la sagesse opère à part... » Puis, tiré de l'Évangile : « Comment pourrait-on trouver ici, dans un désert, assez de pain pour les rassasier ? » De saint Paul, ensuite : « Que personne ne te méprise à cause de ta jeunesse. » D'André Breton, enfin : « Moi qui cherche encore quelque chose au monde. »
Cinq citations pour un auteur et, à travers ce choix, l'aveu d'une angoisse et d'une quête. *Ce monde ancien !* correspond assez exactement à ce qu'on appelait autrefois -- *L'Éducation sentimentale* en étant un excellent exemple -- un « roman d'initiation ».
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C'est aussi, c'est peut-être surtout, un roman de chevalerie où l'on voit un gamin de dix-huit ans secouer le confort du nid familial pour aller chercher le saint Graal. Parce que, comme le dit son copain le Gros Dédé, employé à la Halle aux vins, « c'est un petit gars qui veut voir du pays ».
On connaît l'argument du livre : Gilles de Lointrain -- et ce prénom de « Gilles », emprunté à Drieu La Rochelle, n'est pas fortuit -- étouffe dans le monde conventionnel qui est le sien. Comme il a un joli brin de plume, un joli nom, une jolie petite gueule et de jolies petites manières, il a du succès dans les salons où l'on fait et défait certaines réputations littéraires.
Le « hasard » -- appelons-le comme ça faute de mieux -- poussera Gilles à faire une expérience aux chantiers de Saint-Nazaire. Une expérience qui le marquera au point qu'il choisira de revenir aux chantiers et de s'y jeter comme on entre en religion.
C'est, à quelques détails près, l'itinéraire inverse de celui suivi par Michel de Saint Pierre qui, après avoir vécu, selon sa propre expression, « six années pleines de prolétariat », s'installera dans la carrière littéraire. Se remettra-t-il jamais de ce choix ? Ce n'est pas sûr. D'où cette situation un peu particulière dans les lettres françaises et, il faut bien le dire, quelques romans qui, à la différence de *La mer à boire, Les murmures de Satan, Les Aristocrates* ou *Les Écrivains,* n'emportèrent pas forcément l'adhésion des plus fidèles admirateurs de son œuvre.
Au début de *Ce monde ancien !,* Gilles de Lointrain, qui s'est engagé auprès de ses camarades à intervenir pendant le cours de M. Mothe, professeur d'Histoire en col cassé, à fanons et barbiche tremblotante, se dit en lui-même :
-- Pourvu que je ne me dégonfle pas !
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Gilles ne se dégonfle pas, bien sûr, et quand, levant les yeux de son cahier qui sentait le cadavre, il les porte sur l'air attristé de M. Mothe, il lance :
-- Je voudrais savoir pourquoi vous abîmez l'Histoire.
Toute sa vie, Michel de Saint Pierre fut cet empêcheur de ronronner en rond qui, au moment le plus inattendu, a interpellé les puissants du jour -- grands de la terre, grands de l'armée, grands de l'Église -- pour leur demander, avec la voix futée et un tantinet arrogante de Gilles :
-- Je voudrais savoir pourquoi vous abîmez l'Histoire de notre pays.
Dans la chambre de Gilles, accroché au mur et émergeant du désordre ambiant, un papier avec, écrit à l'encre rouge, ce mot d'ordre : « Se compromettre ».
Les Saint Pierre, s'ils n'avaient eu déjà une belle devise, auraient pu s'emparer de celle-là.
Se compromettre. Et se battre. Ne pas céder. Au risque de prendre des coups. Quand Gilles affronte, dans une salle de gymnastique le Gros Dédé -- qui « avait été conçu du temps que les dieux étaient courts et trapus avec de grosses têtes » -- il se fait battre à plate couture. Mais il ne recule pas d'un pouce et, à peine remis d'une sévère raclée, se relève avec une seule idée en tête : « Il faut que je batte ce gros porc ! »
Dans le même temps qu'il se prépare pour son match revanche contre le Gros Dédé, qu'il repousse les avances de Mme Albertini, qu'il se refuse à Irène la tentatrice, Gilles note dans son journal intime :
« Pourquoi mentir ? Je me suis baigné dans les eaux de ma jeunesse, et le courant m'emporte avec toutes les fraîcheurs du matin. Je ne consens à mourir que noyé dans ce fleuve de vie. J'ai les arbres des rives qui portent une ombre avec eux et le prestige du mystère.
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J'ai des fleurs éclatantes nourries de soleil, et des fruits que je n'ai pas cueillis. J'ai la solitude qui m'étreint le cœur et me fait de la peine, mais qui seule peut me livrer tout entier à moi-même. L'âme que je me connais est à l'aise dans mon corps, et je roule sur les eaux du fleuve entre la nuit que font les arbres et le jour que font les fleurs. Plein du sentiment de richesse que me donnent au bord de l'eau tous les fruits que je ne cueille pas. Seul, peut-être, mais en face de moi-même. Ai-je vraiment besoin d'autres dieux ? »
Un peu pompier, Gilles de Lointrain ? Bien sûr. Mais on aurait tort de se moquer de ce galimatias du cœur. D'abord parce que nous en avons fait d'autres quand nous avions dix-huit ans. Ensuite parce qu'il y a déjà beaucoup de fermeté dans cette jeune âme. Si l'on veut bien se souvenir que Chamfort a écrit qu'à trente ans le cœur de l'homme se brise ou se bronze, Gilles est en avance pour son âge.
Il a aussi, ce jeune homme qui traîne un dandysme blessé -- mais est-il d'autres dandysmes ? -- une tentation jociste (« Seul l'ouvrier catholique peut convertir au Christ la masse du prolétariat ») accentuée par une rencontre avec l'abbé Meillard, vicaire à Saint-Denis « Quand une classe est brimée, l'Église doit intervenir car cette classe est vouée au blasphème. » Et encore, alors que Gilles vient d'objecter que l'amélioration de la condition matérielle devait passer dans les soucis de l'Église après le rayonnement spirituel : « Assez de ces histoires ! »
Dans la foulée, Gilles s'entiche de surréalisme et d'André Breton -- « Chère révolte, parfaite et vraie ! Il y a longtemps que je pense que Rembrandt ne suffit plus » -- et trouve ses parents et les amis de ses parents farouchement « classiques de goût et réactionnaires de nature ».
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Il y a quelques années -- en 1979, me semble-t-il -- j'avais interrogé Michel de Saint Pierre pour essayer de démêler quoi tenait de lui dans ce Gilles qui, par certains côtés, pouvait lui ressembler. Il m'avait répondu :
-- *Il y avait beaucoup de moi dans ce personnage, sans aucun doute. Mais je le regardais, on le sent à divers traits, avec une certaine condescendance. Aujourd'hui, je ne suis pas loin de penser comme le faisait alors M. de Lointrain père : Gilles est un petit péteux, il est déclamatoire, pompier et, dans ses colères contre la Société, il parle comme une vieille pucelle déshydratée... Malgré cela, je n'ai jamais pu me déprendre d'une réelle affection pour lui. Il fut mon* « *fils* ». *Je le juge maintenant comme le ferait un paternel... Ça reste finalement en famille...*
Gilles chassant de bonne race, il ne se trompe pas longtemps sur le surréalisme et son papa de pacotille. Dans son carnet intime, il note : « Le surréalisme est sans aucun doute la manifestation d'un grand effort, dont il restera quelque chose. Mais après le rataplan glorieux des prophètes de l'art nouveau, quel bilan dérisoire ! Je suis né trop tard ou trop tôt... Donc, on ne remplace pas Rembrandt -- et cela me désespère. Brûlé le livre d'André Breton. »
Michel de Saint Pierre m'avait encore expliqué :
-- Pierre de Galande, qui est un peu le confident de Gilles qui est, il faut le rappeler, un gamin de dix-huit ans, ne prend pas au sérieux les « tout ou rien » -- Dieu ou le néant, la pureté ou la débauche, Rembrandt ou Breton -- lancés aux quatre vents, avec une rage de jeune chien...
J'avais alors été frappé de voir combien Michel de Saint Pierre se souvenait de son roman. Au point de reconstituer, presque intégralement, les paroles de Galande à l'égard de Gilles : « *Attention : si tu continues à japper, à frétiller, à te mordiller la queue, pendant quelques années encore on pourra s'amuser de toi, disant : C'est un jeune chien.*
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*Mais le jour viendra -- et très brusquement -- où l'on détournera la tête en disant : C'est un petit chien... Tu ne trouveras plus refuge, alors, que dans les cirques ou les expositions, dans le boudoir des jeunes filles ou le manchon des vieilles dames.* »
On se souvient que, par la suite, Gilles prolonge sa révolte, traite Péguy de « crétin », monte, sans « consommer » chez une dame qui fait commerce de lit et, après un entretien avec le Père de Vigneux, S.J., choisit de devenir manœuvre aux chantiers de Carmoët à Saint-Nazaire. Commentaire du Père de Vigneux « Vous vous trouverez bien de votre nouvelle vie. Vous serez mal payé. Mal nourri peut-être, si vous poussez l'expérience jusqu'au bout. Vous verrez alors que vos peines et vos déceptions d'aujourd'hui ne sont rien en face de certains besoins élémentaires, lesquels dégonflent terriblement ce qu'il y a de romantique dans nos souffrances. »
J'avais encore demandé à Michel de Saint Pierre :
-- Que devient Gilles, ouvrier aux chantiers navals ? Pouvait-on imaginer une suite ?
-- Ce que devient Gilles, je ne le sais pas. Une suite ? Il ne valait mieux pas. Je crois que Gilles n'aurait pas tenu longtemps dans son ouvriérisme fiévreux et qu'il aurait quitté le chantier pour faire quelque chose de pire. Devenir écrivain, peut-être...
Dans le *Dictionnaire des littératures de langue française* on note à propos de Michel de Saint Pierre : « Jamais la dichotomie \[de cet écrivain\] n'apparut mieux que dans cette analyse de l' « âme russe » qu'est le *Drame des Romanov* (1971), miroir de ses propres contradictions : « Son besoin effréné de réformes (...) et sa résistance à toute réforme d'où qu'elle vienne et quelle qu'elle soit. »
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Nous avons choisi de ne parler que de Gilles, personnage central de *Ce monde ancien !* Mais il en est un autre qui quitte les chantiers de Saint-Nazaire au moment où Gilles s'y engage : René Le Steyr dressé, quant à lui, contre le parti et le syndicat. Rebelle. Têtu. Opiniâtrement accroché à la justice. Quoi qu'il en coûte. Mobilisé.
Mais qui a jamais prétendu, d'ailleurs, que le porte-parole de Michel de Saint Pierre dans ce premier roman était Gilles ?
Car Dieu a créé les lions. Et les lions relèvent de sa justice.
Alain Sanders.
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### Un poète de chrétienté
«* étrangement français *»
par André Giovanni
*Cher Jean Madiran,*
*Nous devions, Michel et moi, nous rencontrer vers la mi juin. Ce rendez-vous avait été plusieurs fois remis. L'état de santé de notre ami était aussi incertain que son activité était débordante.*
*Nous voulions réfléchir sur l'état présent de la poésie pour imaginer quelque action en faveur de son renouveau... Un prix ? Peut-être une académie ?*
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*Bref, un projet un peu fou, mais très tonique. Hélas ! l'avenir n'appartient pas à l'homme...*
*J'avais, à l'intention de Michel, composé quelques vers,* « *Sous le porche des rois* »*, dont je voulais lui faire la surprise.*
*Ils ne m'appartiennent plus puisqu'ils lui étaient dédiés.*
*Je me permets de les joindre à mon article. Peut-être, si vous les en jugez dignes, pourraient-ils figurer dans cet hommage à notre ami ?*
*Avec mon amitié fidèle.*
A. G.
« Les hommes n'invoquent plus la charité poétique. Et pourtant jamais comme aujourd'hui ils n'ont eu autant besoin d'être transfigurés, rachetés, soulevés par la poésie. »
Giovanni Papini, *Lettre aux hommes du Pape Célestin VI.*
« Ils regardent ce que je regarde, disait Chateaubriand devant la mer, ils ne voient pas ce que je vois. » Ce regard différent qui traverse l'opacité quotidienne et, gagnant la transparence, s'illumine à la source mystérieuse de toute harmonie, c'est celui du Poète.
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Un an avant de toucher au point extrême de sa vie de gentilhomme des lettres et de lutteur infatigable, Michel de Saint Pierre publie son premier recueil de vers : *La source et la mer* ([^2])*.* L'ensemble de ces pages « *où, dit-il, la jeunesse rejoint mes cheveux gris* » est dédié à ses enfants « *pour le bonheur qu'ils m'ont donné* »*.*
Ces chants de ferveur et de tendresse révèlent le regard du voyant. Un don poétique que nous avions tant de fois perçu dans ses romans où les phrases s'éclairent soudain comme des paysages qu'un ange visiterait.
Le titre de ce recueil a l'évidence des beaux destins. Tout le sillage de l'homme y est tracé, à l'image d'un fleuve en son décours s'enrichissant des apports que la vie ne cesse de prodiguer, se grossissant d'orages, remué de « saintes colères », pour finalement aller, d'un flot large, intérieurement pacifié, jusqu'à la mer dont la rumeur se faisait entendre depuis la source. Toute âme est témoin de la plénitude dont elle procède et qui la reprendra.
C'est au cours de longues semaines d'hospitalisation, au milieu de tourments physiques endurés avec une vaillance indomptable, que l'écrivain imagina et composa mentalement ce recueil. De retour chez lui, dans la lumière bleue et pommelée de sa campagne normande, il se mit au travail. Des vers de jeunesse, des poèmes en prose qui sommeillaient, furent repris, triés, caressés de nouveau, jusqu'à leur point de perfection. S'ajoutèrent des œuvres plus récentes, riches de leur maturité et de l'ardente jeunesse de leur classicisme.
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Ainsi, *La source et la mer* est une offrande préparée avec amour par un homme de la terre et du ciel qui, pour notre plaisir, revient les bras chargés des trésors de son fruitier. Fruits juteux et croquants comme pommes dont le vert acide et le rouge sang aiguisent les dents et parfument la bouche.
\*\*\*
Homme généreux, fraternel avec ses amis qu'il contraignait, par ses paumes ouvertes, à la confiance absolue, il avait une vigueur allante, communicative et, pour tous les présents de la vie, une voracité de bon géant.
« Quelle fleur préférez-vous ? » lui demandait-on. Il répondait : « Toutes ! » « Et quelle couleur ? » « Le vert normand ! » Son formidable appétit était réputé. Jeune matelot sur le croiseur La Marseillaise, il avait eu droit à une double ration quotidienne, prescrite par le médecin du bord. Sa soif était celle d'un viking que « *la mer à boire* » ne saurait apaiser. Mais, surtout, il était avide de beauté avec, pour la débusquer, une curiosité de tous les diables. Il confessait ainsi sa passion de lecteur : « *Il y a en moi comme en tout écrivain, le lecteur et l'auteur : deux personnages bien distincts qui cherchent à vivre en harmonie... Le lecteur est une sorte d'affamé perpétuel en quête de nourritures variées, fines ou truculentes, classiques ou bizarres. Or, cette boulimie d'un caractère singulier le rend à la fois insatiable et difficile.* »
Cette sensualité charnelle pour les mots, goûtés pour leur saveur originelle, leur couleur, leur énergie propre, leur résonance, leur sens de la famille et du bon voisinage, et aussi leur graphisme, dont Claudel s'évertuait à déchiffrer le corps mystique, c'est la prédisposition nécessaire, si ce n'est suffisante, pour « entrer en poésie ».
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Paul Valéry disait, à propos de Mallarmé : « *La Poésie est toute païenne : elle exige impérieusement qu'il n'y ait point d'âme sans corps, point de sens, point d'idée qui ne soit l'acte de quelque figure remarquable construite de timbres, de durées et d'intentions.* » ([^3]) Et dans une formule d'une simplification excessive mais frappante : « *En vérité, un poème est une sorte de machine à produire l'état poétique au moyen de mots.* » Cette vertu qui unifie les sens et les sacralise dans le verbe, Michel de Saint Pierre en était copieusement pourvu. Il l'exerçait avec prodigalité et bonheur. Dans ses livres, le romancier laissait passer le poète, pour qu'il éclaire la scène de cette lumière intérieure qui ne trompe pas et révèle les êtres mieux que ne sauraient le faire les descriptions trop objectives du naturalisme.
Ainsi, dans les *Murmures de Satan,* cette page citée avec admiration par Jean Paulhac ([^4]) : « *L'air sentait la terre et les feuilles -- et quelque part dans les hauteurs d'un hêtre, un écureuil grignotait avec une précipitation délirante. Jean, fatigué, laissait couler en lui ces fraîcheurs. Il était comblé par la magie du vert qui régnait -- vert encore saturé de nuit dans le clair-obscur des branches basses, vif comme une crête au sommet des arbres, liquide et profond sur les pelouses, brûlant doucement en feu intérieur à travers les fougères et les feuilles de hêtres. Il resta sous les allées, dans une sorte de silence que les oiseaux ne parvenaient pas à troubler. Là s'étendait une paix de sanctuaire, ombreuse et presque froide, mais trouée de soleil.* »
Dans *Les cavaliers du veld,* les proteas d'Afrique du Sud exaltent son imagination : « *Elles s'ouvrent comme des matins, comme des astres pleins d'incandescence, comme des lunes vertes à demi voilées, comme des brasiers d'or.* (*...*) *L'une d'elles, unique peut-être en son genre, blanche et rose jusqu'à la provocation, n'était qu'une aube intérieure.* »
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Pierre Chaunu, dans une belle préface, rappelle ce paradoxe qui ne l'est qu'en apparence : « Pour être un bon chrétien il faut être d'abord un bon païen. » Faut-il l'être également pour devenir un bon poète ? A la question : « Peut-on dire que votre poésie est d'inspiration chrétienne ? » Michel répondit sans complexe : « *Non. Elle est pagano-chrétienne. J'ai une véritable gourmandise de la vie et, en même temps, je possède le goût franciscain de l'amitié de Dieu. Je ne suis jamais parvenu totalement à résoudre ces contradictions. Mais je cherche toujours sans relâche le chemin où elles se résoudront.* » Ainsi guidé, le lecteur de *La source et la mer* s'émerveillera de voir la grâce, la pureté de l'azur et les pesanteurs charnelles jouer ensemble et se mêler dans une lumière diaprée.
Le livre s'ouvre sur des poèmes en prose regroupés sous le titre *La danse du feu.* Le premier d'entre eux nous prend par la main et nous conduit, de la façon la plus naturelle, jusqu'à *L'approche de Dieu.*
« *Le chemin que suivait l'enfant des hommes était bordé de haies où se gonflaient des fruits et des pétales. Il y avait, au tournant du sentier, des paysages étrangement français et le sentier s'enfonçait au cœur des saisons, s'évadait du printemps, courait à travers les forges retentissantes de Pété, s'alourdissait aux feuilles d'automne, droit comme une flèche traversait la cible blanche de l'hiver. L'enfant des hommes fit une grande moisson de lumière.* » (...)
Ce texte, où il est question, d'étoiles et de parfums, a le charme puissant d'un rêve prémonitoire et monte comme une oraison.
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Homme paradoxal, doué tout autant pour la volupté que pour le combat des justes, Michel de Saint Pierre avait une belle lucidité. Comme un ouvrier, le front en sueur au bord de la route, il fit cette réflexion : « *La vie est une bien altérante besogne.* »
C'est lui, tout entier, tel que nous l'avons connu, d'années en années, s'évertuant au milieu de ses labours et de ses moissons d'écrivain, ne cessant jamais de nous guider vers l'unique source dont il était assoiffé. Laissons-le parler : « *Inquiet de sa propre misère, il continuait de chercher la source en approchant du Dieu lointain. Si d'aventure vous le rencontrez et qu'il vous semble désormais sûr de son pas et de sa route, n'en soyez pas surpris. Avant que tombe le soir, il a trouvé la source et la mer.* »
Voici quelques traits et flammèches tirés de cette « Danse du feu » pour donner envie de se réchauffer le cœur à ce brasier de poèmes :
« (...) *l'écho de la mer au loin qui roule et roule le silence comme un galet* »*.*
« (...) *les jardins et la terre bombée de chaleur* »*.*
« *Tu divinises la flaque d'eau et c'est par toi que la nuit se penche comme une vigne sous des grappes d'étoiles.* »
Plus loin un merveilleux vers blanc : « *danse haletante et morne au sourire jaloux* »*.*
Certains esprits chagrins rechignent devant les poèmes en prose. Ils reprochent à cette forme poétique de n'en être pas une et d'avoir abandonné les guides de la prosodie classique et les cadences régulières du trot de Pégase. Pourtant ce genre, illustré par Baudelaire, suppose le recours à une auto-discipline d'autant plus nécessaire qu'elle est subjective et reste secrète. Nulle loi, nulle règle, nul corset ne soutiennent ici l'inspiration. Tout est affaire de goût, de mesure et d'accords subtils. Les phrases bien modulées de Michel de Saint Pierre prouvent que son oreille, sous le halètement des mots, entendait frissonner le silence.
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Peu d'écrivains ont cette finesse de l'ouïe. Un art, aussi discrètement rythmé et assonancé, devrait servir d'exemple à ceux qui, dédaigneux de tout effort, s'imaginent qu'il suffit d'écrire n'importe quel texte en prose en lignes inégales, coupées au hasard, pour que jaillisse un poème. Ce relâchement s'est malheureusement généralisé, encouragé par les nouveaux esthètes, doctrinaires aussi ennuyeux que pédants. Ce qui explique l'indifférence et même le dédain narquois du public à l'égard de la poésie moderne.
\*\*\*
Je relisais une conférence récente de Michel de Saint Pierre sur « la Poésie menacée ». Il nous faisait partager ses enthousiasmes, ses coups de cœur, mais fustigeait les cuistres. Écoutons-le :
« *Épris de Villon, de Ronsard, de Saint-Amant, de La Fontaine, de Musset, de Nerval, de Cocteau, d'Apollinaire, et cherchant d'autres musiques chez nos contemporains, j'achetai récemment une anthologie de la Poésie nouvelle. Je n'en dirai pas le titre exact car ma déception fut violente, immense, définitive. Et c'était dommage puisque j'en avais abordé la lecture avec une sympathie avide. Hélas ! Dès l'introduction, nous trouvions le ton :* « *visions de lèvres murées d'ordures ménagères. Le monde éjacule dans les narines des décharges publiques.* » *Un peu plus loin nous étions invités à* « *badigeonner le sordide de foutre solaire* ». *Eh bien, badigeonnons. Mais je n'arrive pas à m'exalter sur ce badigeon.* »
On a reconnu la férocité joviale de Michel de Saint Pierre, son humour goguenard, sa verve, qui laissèrent tant d'adversaires sur le carreau. Il pousse plus avant ses piques :
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« *Il faut aller au fond des choses. Et je subis, tout au long de près de six cents pages, des élucubrations, le plus souvent, dépourvues de sens, de musique et de ponctuation. Je cite :*
« Kadychou Molhair Brosse à dans
« Bandit After-chas Jusdith
« Holoferme Scabryeux
« Atomiseur-Tac.
*Devant cet Atomiseur-Tac, je ne crois pas être le seul à m'interroger. En tout état de cause, j'ai fermé le gros livre gonflé de vide. Puis enfin, pour mon apaisement, j'ai entendu murmurer les forêts -- et l'art poétique de Verlaine est revenu me hanter :*
« Que ton vers soit la bonne aventure
« Épars au vent crispé du matin
« Qui va fleurant la menthe et le thym.
« Et tout le reste est littérature ! »
\*\*\*
Je ne cacherai pas ma préférence pour la prosodie classique. Michel y excelle et nous réserve, dans la seconde partie intitulée *De la vigne au pressoir,* des grappes de vers, des quatrains légers, clairs, bouquetés ou capiteux, et de rudes eaux-de-vie faites pour incendier le palais.
C'est à haute voix qu'il faut lire « Le gibet » dont les cadences obsédantes tournent autour de cette ombre difforme :
*Gibet ! Verger fleuri de langues violettes*
*Où les pendus d'hier étreignent les squelettes,*
*Où l'insolent baron près du manant retors,*
*Se tord.*
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Vraiment, il faudrait être sourd, ou de bien mauvaise foi, pour ne pas être troublé par les sortilèges de la rime dont la magie, quoi qu'on dise, n'est pas épuisée. Vienne un authentique poète « à la belle parole » et la vieille lyre, sous ses doigts rythmés, retentit comme en ses premiers jours.
Louis Massignon expliquait que chez les sémites et les musulmans, où les consonnes et les voyelles ont des fonctions symboliques différentes, la rime est une *chose violente.* C'est la coupure, le silence, « *un arrêt qui permet à la pensée de digérer, de ruminer la parole* » ([^5])*.* N'allons pas chercher si loin nos références. Je suis d'une île où la tradition orale -- c'est-à-dire non écrite -- reste toujours vivante. Pour combien de temps encore ? La mémoire, chez les gens les plus humbles de nos montagnes corses, hors de tout apprentissage scolaire ou universitaire, est d'une souplesse et d'une puissance étonnantes. Tout l'héritage séculaire s'est transmis chez nous par la parole retenue dans les vagues des belles cadences poétiques, avec les grands balancements du rythme et les oppositions d'images majestueuses ou profanes, à la façon de la Bible. Selon des schémas traditionnels, les improvisateurs lançaient leurs strophes, rivalisant entre eux devant une assistance capable de retenir par cœur ce qu'elle avait entendu une seule fois.
La rime, toujours présente -- même dans les proverbes -- est le point espéré où la courbe tendue s'infléchit et repart vers son origine, dans l'harmonie d'un monde ordonné selon l'Analogie. Toute l'attention du poète -- et de l'auditeur -- s'y porte et s'y pose pour rebondir, d'une aile vive, dans l'espace imaginaire que le Verbe fait naître et grandir à la dimension de l'âme.
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Oui, il faut que le poète -- c'est sa mission -- sache bien « *ruminer la parole* » pour faire *manger le livre* afin que son verbe devienne chair et sang. Nourriture pour les hommes. Il s'agit là de l'irremplaçable tradition méditerranéenne, celle des « *grands rythmeurs universels* » dont Marcel Jousse a su décrypter le rituel millénaire. Un rituel que Jésus pratiquait comme tous les hommes de son temps, selon un usage immémorial, dont l'expression la plus souveraine, la plus sacrée, est le Notre Père.
Cette tradition, dont tant de poètes se détournent ou qu'ils ignorent, est comme une vigne inépuisable que nous avons encore à peine vendangée et qu'il nous faudra marcotter sans répit.
\*\*\*
La poésie serait-elle la plus haute expression de l'art d'écrire ? Certains l'affirment et je ne les contredirai pas. Mais ces compétitions sont assez vaines. Parce que la poésie s'élève d'abord comme un chant, elle est musique. Paul Valéry, toujours lui, la comparait à la danse « *qui ne va nulle part* » puisqu'elle poursuit « *un ravissement, un fantôme de fleur, un extrême de vie, un sourire* »*...* Et précisant sa pensée il ajoutait : « (...) *la valeur d'un poème réside dans l'indissolubilité du son et du sens.* »
Revenons à Michel de Saint Pierre pour goûter sa musique :
*La vague avait dans l'ombre un geste de dormeur*
*Qui sur son calme lit se retourne et soupire,*
*Mais le songe éclairait de vertes profondeurs*
*Pleines de nymphes d'or et de glauques satyres.*
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*Je voyais en leur champ les astres se hâter*
*Quand vers le soir d'amour je levais mon visage.*
*Mes yeux, qui s'égaraient sur cette immense page,*
*Peuplaient la chaste nuit de corps et de péchés.*
De *Novembre* que j'aimerais reproduire ici en entier tant le sens et le son, l'image et la pensée, sont indissolublement liés, je ne citerai que ces quatre vers derrière lesquels on croit entendre les plaintes de l'orchestre de Berlioz ou les accords d'Ernest Chausson dans le *Poème de l'Amour et de la Mer :*
*Sur les forêts, on a traîné des doigts sanglants.*
*Le vent des bois saisit ma pauvre âme, et l'emporte.*
*Et j'aperçois, gonflés sous les feuillages lents,*
*Des bleus pourris et des rouges de viande morte.*
Tout est dit ; poésie et vérité se confondent. Quels épigones du surréalisme seraient capables, aujourd'hui, de nous donner autant d'émotion avec des moyens aussi simples ?
En vérité, il ne s'agit pas de sensibilités différentes, mais d'un partage plus profond entre deux mondes dont la nature s'oppose.
André Breton, en 1925, à l'occasion d'une enquête sur *l'Orient et l'Occident,* lançait cette déclaration de guerre :
« *Je souhaite le triomphe prochain et définitif d'une poésie on ne peut plus contraire à la raison latine, d'une poésie qui ne tire son pouvoir sur les hommes que de sa seule vertu de subversion ; je préconise en outre ces formes contemplatives du désir -- et qu'on veille à cette merveilleuse flamme : l'ennui -- qu'on remette l'art à sa place qui est celle de l'expression barbare que nous saurons donner, une fois pour toutes, à nos douleurs !* »
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Heureusement, Michel de Saint Pierre ne distille pas l'ennui ! Et, pour les poètes de chrétienté, les cadavres ne furent jamais exquis. Plutôt que de tourner leurs regards vers la face obscure du monde et du péché et se repaître de sanies et de ténèbres jusqu'à la mort de l'âme, les enfants de Dieu se portent vers la lumière. Ils aiment les couleurs de la vie, les cieux de toutes les saisons. Et, de leurs souffrances ils tirent leurs chants les plus beaux. Dans le silence du cœur écoutons Michel de Saint Pierre nous dire d'une voix grave, douloureuse, et cependant retenue, ces stances : *Après la mort d'un enfant.*
*Mon cœur, vous n'avez pas choisi d'être blessé.*
*Vous n'avez pas choisi d'être riche de peines,*
*Vous n'avez pas choisi le sang noir de mes veines*
*Ni cet orgueil amer d'être un jouet cassé.*
*Vous savez aujourd'hui ce qu'est une heure à vivre,*
*Mon cœur, vous savez bien qu'il faut battre tout bas,*
*Vous savez que l'espoir est un morceau de givre*
*Et vous savez ce qu'est la gloire, n'est-ce pas ?*
*Pauvre cœur ! Il est vrai, vous entendiez les plaintes*
*Autour de vous montant, et les sanglots profonds.*
*Vous connaissiez le lac des pleurs, les yeux sans fond,*
*La cendre des amours et les lampes éteintes.*
*Mais vous ne saviez pas qu'un jour ce serait vous,*
*Votre ardeur, votre chair qui porteraient l'épine,*
*Et que pourtant ce jour à d'autres serait doux,*
*Qu'à d'autres s'étendrait la sagesse divine,*
*Que vous battriez seul comme un tambour de fou,*
*Seul au milieu du noir, seul au milieu du monde,*
*Rythmant une douleur si rude et si profonde*
*Que notre dernier soir, mon cœur, nous sera doux.*
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Pour rendre hommage à Michel de Saint Pierre, au poète, à l'ami fraternel des bons combats, à l'amoureux des « *paysages étrangement français* »*,* je citerai cette belle devise des temps de Haute-Chrétienté, qui lui va si bien : « Sur féodalité fleurit chevalerie/Comme la fleur d'avril aux branches du pommier. »
André Giovanni.
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### Sous le porche des rois
par André Giovanni
A Michel de Saint Pierre
*Ô combien j'ai de peine à voir languir ma France,*
*Paysage si doux sous des soleils si bleus,*
*Où les nuages vont tissant le lin des cieux*
*Au fil des belles eaux d'où les iris s'élancent !*
*Comme j'ai de chagrin que soient fauchées les lances*
*Qui se levaient aux poings de nos chevaliers preux*
*Dont l'image n'est plus que dans les livres vieux*
*Aux fermoirs entrouverts sur l'or de nos enfances !*
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*Oh ! douleur de t'aimer quand tu ne t'aimes plus,*
*Quand les fleurs et les fruits sont jetés aux talus,*
*Quand le vin que tu bois n'est plus de tes vendanges.*
*Tu ne sais plus ton nom. Tu cries :* « *Ce n'est pas moi !*
*Pourtant, dans le jour gris, j'ai vu sourire un ange.*
*A Reims, il t'attendait, sous le porche des rois.*
André Giovanni.
*le 28 mai 1987,*\
*jour de l'Ascension*
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### Ouvrages de Michel de Saint Pierre
*Vagabondages,* Aubanel.
*Contes pour les sceptiques,* Henri Lefebvre.
*Ce Monde ancien !* roman, Calmann-Lévy.
*La Mer à boire,* roman, Calmann-Lévy (Grand Prix de la Société des Gens de Lettres).
*Montherlant, bourreau de soi-même,* essai, Gallimard.
*Bernadette et Lourdes,* La Table Ronde.
*Les Aristocrates,* roman, La Table Ronde (Prix des Libraires de France. Grand Prix du Roman de l'Académie française).
*Dieu vous garde des femmes,* Denoël (Grand Prix de la Nouvelle).
*Les Écrivains,* roman, Calmann-Lévy.
*Les Murmures de Satan,* roman, Calmann-Lévy.
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*Trésors de la Turquie,* récit de voyage, Arthaud.
*La Vie prodigieuse du curé d'Ars,* Gallimard.
*Les Nouveaux Aristocrates,* roman, Calmann-Lévy.
*La Nouvelle Race,* La Table Ronde.
*L'École de la violence,* La Table Ronde.
*La Côte normande,* La Table Ronde.
*Plaidoyer pour l'amnistie,* L'Esprit Nouveau.
*Les Nouveaux Prêtres,* roman, La Table Ronde.
*Sainte Colère,* La Table Ronde.
*Ces Prêtres qui souffrent,* La Table Ronde.
*J'étais à Fatima,* La Table Ronde.
*Le Drame des Romanov,* tome I : *L'Ascension ;* tome II : *La Chute,* Robert Laffont.
*La Jeunesse et l'Amour,* Plon.
*Le Milliardaire,* roman, Grasset.
*Églises en ruines, Église en péril,* Plon.
*L'Accusée,* roman, Grasset.
*Je reviendrai sur les ailes de l'Aigle,* roman, La Table Ronde.
*Monsieur de Charette, chevalier du Roi,* La Table Ronde (Prix du Nouveau Cercle. Prix Saint-Louis).
*Les Fumées de Satan* (avec André Mignot), La Table Ronde.
*La Passion de l'abbé Delance,* roman, La Table Ronde.
*Le Ver est dans le fruit* (avec André Mignot), La Table Ronde.
*Laurent,* roman, Grasset.
*Docteur Erikson,* roman, Grasset.
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*Lettre ouverte aux assassins de l'école libre,* Albin Michel.
*Le Double Crime de l'impasse Salomon,* roman, Plon.
*Sous le soleil de Dieu, Plon.*
*La Source et la Mer,* poèmes, La Table Ronde (Grand Prix Alfred de Vigny).
*Les Cavaliers du Veld,* roman, Albin Michel.
THÉÂTRE :
*Les Écrivains,* comédie en 3 actes créée au théâtre des Mathurins (en collaboration avec Pierre de Calan), Éditions Bernard Grasset.
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Articles de Michel de Saint Pierre dans « Itinéraires »
\[Voir Table.doc\]
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## TEXTES DE MICHEL DE SAINT PIERRE
### Le serment anti-moderniste
*NOTE. -- Cet article de Michel de Saint Pierre -- écrit à la suite d'une concertation avec Jean Ousset et avec moi-même -- parut en novembre 1966 dans le numéro 107 d'* « *Itinéraires* »*. Il eut un grand retentissement dans l'opinion catholique et dans l'Église : il soulevait une énorme difficulté de principe en faisant apparaître le parjure qui s'était généralisé dans le clergé, notamment parmi les docteurs et maîtres en théologie, et dans le corps épiscopal.*
*C'est à la suite de cet article que Paul VI trancha la difficulté : il supprima le serment anti-moderniste. -- J. M.*
\[Voir It. 107, p. 184\]
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Le rock agent satanique
\[Voir It. 290, p. 74\]
68:317
Notre bataille hier et aujourd'hui
\[Voir « La bataille continue », It. 300, p. 49\]
70:317
Lettre à Jean Madiran sur la question juive dans l'Église
\[Voir It. 302, p. 151\]
80:317
L'ANNÉE LITURGIQUE
\[...\]
============== fin du numéro 317.
[^1]: -- (1). Voir là-dessus notre opuscule : *La droite et la gauche* (Nouvelles Éditions latines 1977).
[^2]: -- (1). Pour ceux des poèmes qui avaient déjà été publiés, Michel de Saint Pierre avait reçu le Grand Prix de Poésie Alfred de Vigny, décerné par la Ville de Paris, et qui lui fut remis par M. Jacques Chirac, au mois de janvier 1984.
[^3]: -- (2). Paul Valéry : *Théorie poétique et esthétique*.
[^4]: -- (3). Jean Paulhan : *Michel de Saint Pierre témoin de son temps*. La Table Ronde.
[^5]: -- (4). Louis Massignon : *L'involution sémantique du symbole*. Études carmélitaines. Desclée de Brouwer. 1960.