# Quelques textes politiques de la thèse lubacienne ## Présentation synthétique des conséquences temporelles de la thèse lubacienne, proposées par B. Lucien « Conséquence essentielle : l'idée d'une morale purement naturelle ne trouve pratiquement pas de place dans cette synthèse lubacienne (pp 50-51 de J. Milbank, *Le milieu suspendu*) ».[^1] [^1]: Lucien Bernard, *Radica l orthodoxy, Henri de Lubac et le surnaturel*, Sedes Sapientiæ n°107 p 69. « Lubac s'en prend à l'idée (à la simple possibilité réelle) d'une fin purement naturelle pour l'homme. (pp 52-53 de J. Milbank, *Le milieu suspendu*) ».[^2] [^2]: Lucien Bernard, *Radica l orthodoxy, Henri de Lubac et le surnaturel*, Sedes Sapientiæ n°107 p 69. ## Textes de la thèse lubacienne dans ses conséquences politiques H. de LUBAC « **N'était-ce pas une concession déjà trop large faite à l'adversaire, que d'admettre l'hypothèse d'un état — et par conséquent de reconnaître en nous toute une zone d'activité — où règnent non pas les principes de la charité souveraine et de la soumission inconditionnée, mais ceux de la justice commutative ?** » [^3] [^3]: de Lubac Henri, *SURNATUREL - études historiques*, éd Aubier 1946. « Le surnaturel n'étant pas séparé de la nature, le spirituel étant partout mêlé au temporel, **l'Église a, en un sens éminent, - et toujours dans la stricte mesure où le spirituel s'y trouve mêlé -, autorité sur tout**, sans avoir à sortir de son rôle. Sinon, il faudrait avouer qu'elle n'a, en pratique, autorité sur rien, ne pouvant jamais parler que dans l'abstrait. Elle ne peut donc se borner à tracer, dans l'absolu, des principes, à proclamer, « au-dessus de la mêlée », la doctrine et le droit ; mais elle doit pouvoir, lorsque la situation l'impose, décider, c'est-à-dire approuver ou condamner, *hic et nunc*, les activités concrètes où cette doctrine et ce droit sont engagés. »[^4] [^4]: De Lubac Henri, *L'autorité de l'Eglise en matière temporelle*, article de 1932 (repris dans *Théologie d'occasion*, éd DDB, 1894, p 215-254), p. 232. Et de citer Léon XIII dans l'encyclique *Immortale Dei* : « Dans les affaires humaines, tout ce qui est sacré à quelque titre, tout ce qui appartient au salut des âmes et au culte de Dieu, soit par sa nature, soit qu'il doive être considéré comme tel par son rapport au spirituel, tout cela ressortit à la puissance et au jugement de l'Église. » (note de D. Sureau). Cité in Sureau Denis, *Pour une nouvelle théologie politique*, éd Parole et silence 2008, p 40. G. DEVILLERS « L'élévation de l'homme à l'ordre surnaturel n'a pas modifié la nature mais l'a subordonnée à une fin plus haute, la vie éternelle, dont le ministère a été confié à l'Église. Or ceci entraîne une double conséquence quant au pouvoir politique. Premièrement **sa fin n'est plus le bonheur temporel**, mais la vie éternelle, qui nous a été acquise par le sang très précieux de Jésus-Christ. » [^5] [^5]: Devillers Guillaume, *Politique chrétienne - A l'école de saint Thomas d'Aquin*, éd Le Sel 21/11/2009, p 142. « C'est pourquoi nous parait inacceptable cette affirmation du R.P. Santiago Ramirez : « Il y a deux sortes de sociétés parfaites : l'une politique, d'ordre naturel, et l'autre ecclésiastique, d'ordre surnaturel. L'homme a besoin des deux pour atteindre sa fin ultime. De la société politique pour atteindre sa fin ultime naturelle ; de la société ecclésiastique pour atteindre sa fin ultime surnaturelle. » (R.P. Santiago RAMIREZ op, *Doctrina Politica de Santo Tomas,* Publicaciones del Instituto Social Léon XIII, p. 26). Il n'y a pas deux fins ultimes, il n'y en a qu'une et elle est surnaturelle. »[^6] [^6]: Devillers Guillaume, *Politique chrétienne - A l'école de saint Thomas d'Aquin*, éd Le Sel 21/11/2009, p 143. « La fin principale de toute société, depuis le plus humble club de chasseurs jusqu'à la société politique, et bien sûr l'Église, ne peut pas être autre chose que Dieu même. [...] Si donc les sociétés humaines sont insuffisantes pour atteindre la fin véritable de l'homme, qui est éternelle et surnaturelle, cela montre seulement qu'elles doivent se soumettre et s'ordonner à Dieu, de qui découlent tous ces biens, et à l'Église... »[^7] [^7]: Devillers Guillaume, *Politique chrétienne - A l'école de saint Thomas d'Aquin*, éd Le Sel du 21/11/2009, p 57. S. HAUERWAS « *Je conteste l'idée même que l'éthique sociale chrétienne soit principalement une tentative pour rendre le monde plus paisible ou plus juste. En clair, la première tâche de l'Eglise en éthique sociale, c'est d'être l'Eglise (...), la manifestation fidèle du Royaume de paix dans le monde. En tant que telle, l'Eglise n'a pas d'éthique sociale ; l'Eglise est une éthique sociale.* »[^8] [^8]: Hauerwas Stanley, *Le royaume de paix*, éd Bayard 2006. Cité par Sureau Denis, *Pour une nouvelle théologie politique - Autour de Radical Orthodoxy*, éd Parole et silence 2008, p 95. S. Hauerwas fut le professeur de W. Cavanaugh. W. T. CAVANAUGH « On voit donc que l'urgence aujourd'hui n'est pas de se ménager un moyen pour influencer le pouvoir laïc par le biais de la société civile, mais plutôt de **restaurer une pratique liturgique capable de redonner aux chrétiens la conscience de la dimension politique de la foi**, et par là de produire des hommes de pouvoir dont le langage sera un langage de paix et de vérité »[^9] [^9]: *Cavanaugh William T., Eucharistie et Mondialisation. La Liturgie comme acte Politique,* éd Ad solem, p. 80. [381] « La liturgie fait plus que générer des motivations intérieures pour être de meilleurs citoyens. La liturgie génère un corps, **le Corps du Christ** - l'Eucharistie fait l'Église selon les termes d'Henri de LUBAC **- qui est par lui-même, un corps social** *sui generis,* une présence publique irréductible à une association de volontaires de la société civile. (...) **Pour AUGUSTIN, ce n'est pas l'imperium (l'Empire) mais l'Église qui est la véritable res publica (République),** la « chose publique » ; *l'imperium* a été dépossédé de la moindre revendication à être véritablement public à cause de son refus de faire la justice, en refusant de donner à Dieu ce qui lui est dû. »48[^10][^11] [^10]: 48 saint AUGUSTIN, *La Cité de Dieu,* XIX, 21-22. [^11]: *Cavanaugh William T*., La théologie publique est-elle vraiment publique ? Quelques problèmes avec la société civile, www.catho-theo.net Version originale : "Is public Theology really public ? : Some problems with Civil Society", *The Annual of the Society of Christian Ethics* 21 (2001), 105-123. Hautebert Joël, *La tentation américaine*, Catholica n°97 [27] « **La distinction entre le spirituel et le temporel disparaît. L'ouvrage du théologien catholique William Cavanaugh, Eucharistie et mondialisation (- La liturgie comme acte politique)49, atteste de cette dérive. Pour cet ancien élève de Stanley Hauerwas, la liturgie est en elle-même un acte politique.** Il ressort de l'ouvrage qu'aucun acte authentiquement politique n'existe en dehors des sacrements. L'auteur condamne d'ailleurs l'État en lui-même, et non seulement l'État moderne. » D. SUREAU « Pour saint Thomas, le bien commun ultime de la cité est surnaturel, théologal - la "fruition de Dieu" - **ce qui relativise fortement la fin du "vivre ensemble"** envisagée sous l'angle purement naturel, vivre selon la vertu. » [^12] [^12]: Sureau Denis, *Communautarisme catho et théologie politique*, Présent du 04/08/2007. [15] ... **L'Église n'a pas une éthique sociale, elle est une éthique sociale (Hauerwas). La politique chrétienne est la politique de la communauté chrétienne**.[^13] [^13]: Sureau Denis, *Pour une nouvelle théologie politique*, éd Parole et silence 2008, p 15. **« L'Église doit aussi incarner une autre politique, différente de celle du pouvoir athée, et qui transcende les frontières.** ...**Elle doit se constituer comme un espace social alternatif en multipliant les lieux où l'apprentissage des vertus est possible, où une autorité authentique s'exerce. C'est ce que préconisaient en leur temps les papes Léon XIII et Pie XI en demandant la création d'associations professionnelles (corporations), religieuses et culturelles complètement indépendantes de l'État, sous les auspices de l'Eglise. »[^14]** [^14]: Sureau Denis, *Communautarisme catho et théologie politique*, Présent du 04/08/2007. ## Critique politique de la thèse lubacienne *B. DUMONT* « Cette « contre-politique eucharistique » ne vise donc pas un affrontement par en haut, et la liturgie n'est donc pas mise à contribution comme constitutif d'un discours de prise de pouvoir révolutionnaire de type moderne. Elle a des visées à l'échelle du monde quant aux finalités ultimes puisqu'elle prétend édifier, en s'appuyant sur la force spirituelle et la structure de l'Église, une société parallèle concurrente de celle qu'institue l'Etat mondial ; mais **ces visées sont aussi très modestes quant aux moyens mis en œuvre, dans une sorte d'immédiatisme** s'appuyant sur les structures ecclésiales.[^15] [^15]: 12\. **L'exigence d'immédiateté qui caractérise le spontanéisme connait un regain, au-delà de tout clivage idéologique, en ces temps de « fin du politique ». Elle se caractérise par un même abandon des projets de révolution par le haut.** « A des gens qui exigent un logement pour tous, par exemple, l'avant-garde révolutionnaire rétorquera : "Attendez que nous fassions la révolution"'. [...] Concevoir la politique en terme d'*action restreinte* signifie, à l'inverse, que cette exigence doit être satisfaite ici et maintenant. [...] L'action restreinte se situe souvent au seuil de l'illégalité, ce qui ne signifie pas pour autant que l'illégalité soit la condition d'existence d'une action politique. Ce type d'action devient alors l'expression d'un autre monde possible ». (Miguel Benasayag et Dardo Scavino. *Pour une nouvelle radicalité*, La Découverte, coll. Armillaire. 1997, p 37). Quand il s'agit de conclure positivement, l'essai s'avère donc court. Il a paradoxalement tendance à laisser le terrain politique aux mains de l'État et de ses nouveaux succédanés, pour ne s'intéresser qu'a la récupération du potentiel d'intervention sociale de l'Église. **Sa critique des concepts politiques modernes se double, en fait, d'une perte de vue du problème politique, qui ne peut évidemment pas être réglé par le seul mépris.** » **[^16]** [^16]: Dumont Bernard, Rompre la cage de fer, Catholica n° 71. R. RENO « Formés à l'Université de Cambridge, dans les vestiges des gloires passées d'une culture politique, esthétique et intellectuelle chrétienne, les promoteurs de Radical Orthodoxy y rencontrent des traces de l'immensité de l'ambition augustinienne. Mais les monuments ne sont pas des institutions vivantes, et les constructions gothiques ne peuvent remplacer des pratiques pérennes. Radical Orthodoxy ne peut inventer la chair et le sang d'une culture chrétienne et **doit ainsi se satisfaire de décrire sa construction théorétique** [^17] sur un mode postmoderne, entre ce qui a été et ce qui devrait être. » [^18] [^17]: Théorétique : *Adj.* [Chez Aristote] Qui a pour objet la connaissance, qui vise à la connaissance. *Dans la classification aristotélicienne des sciences (...), la mathématique, la physique, la théologie sont des sciences* théorétiques *par opposition aux sciences* poétiques *et* pratiques (Lal. 1968). [^18]: Reno Russel R., Le programme de Radical Orthodoxy, Catholica n°70.